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Le blog de Frédéric Delorca

Des nouvelles des femmes yezidies

25 Septembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Aide aux femmes yezidies, #Proche-Orient

Je viens de créer une rubrique consacrée aux femmes yézidies sur ce blog. Cette semaine, mon amie Nareen Shammo accompagnait au Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève Nadia Mourad, la jeune yezidie de 22 ans qui a été enfermée, battue et violée collectivement par des cinglés d'Etat islamique/Daech pendant trois mois.

Nareen avait déjà accompagné cette femme à l'ONU en novembre dernier. Elle raconte sur Facebook les conditions concrètes de leur arrivée en Suisse le 16 septembre. Le samedi 17 elles rencontraient Ban Ki Moon.

Le 21, elles avaient un entretien avec l'ambassadeur d'Allemagne à l'ONU - ce pays a recueilli 1 100 exilées yézidis avec leurs enfants et certains survivants de leurs familles. Elles exposaient leurs revendications : la protection des femmes réfugiées en Allemagne qui sont encore menacées par Daech, l'exemption du système d'enregistrement des empreintes digitales prévu par la convention de Dublin, plus d'aide pour les filles qui vivent dans les camps en Irak, la reconnaissance du génocide yézidi, la reconnaissance de la nationalité yézidie dans le système de traitement des demandeurs d'asile. 3 200 femmes yézidies sont toujours prisonnières de Daesh.

Le dernier jour de leur séjour suisse, coachées par Amnesty International, elles ont donné une conférence à la fac de sciences politiques de Zurich, puis ont eu des rencontres au siège d'Amnesty. Elles ont fait une déclaration sur la Syrie et en Irak, dans laquelle Nareen Shammo a aussi évoqué les souffrances des chrétiens, des chabaks, des chiites, des turkmènes et des mandéens.

Il existe aussi des initiatives pour les Yezidis en France. La page Facebook des Yézidis de France mentionne par exemple le cas relaté par le journal "Ouest France" du 7 septembre dernier de deux familles yézidies de Bashiqa au nord-est de Mossoul, accueillies à Rennes en provenance de Forbach (Lorraine). Un collectif catholique a acheté un presbytère pour les héberger et suit leur insertion dans la société française. Il n'est pas possible de savoir combien de Yezidis vivent en France, leur communauté n'étant pas en mesure de compter ses membres, ce qui fait que, par exemple, ils n'étaient pas au nombre des cultes reçus par le gouvernement français le 27 juillet dernier après l'assassinat du père Hamel, alors que même les bouddhistes étaient présents.

Cette page Facebook évoque aussi les enjeux politiques autour de la situation des Yézidis. Il y a notamment la question de la reconnaissance du génocide qui pose problème à l'égard d'autres peuples qui invoquent l'existence d'un génocide comme les Arméniens (40 000 Yézidis vivaient en Arménie en 2011 et y bénéficient d'une reconnaissance comme groupe ethno-religieux depuis 2012, la moitié auraient émigré depuis lors). Cette semaine, à Erevan le député conservateur du parti « Arménie Prospère » Gurgen Arsenyan a déclaré "il y a 3.000 Yézidis qui ont été tués, cela en fait-il un génocide ? Le terme de génocide peut être utilisé seulement quand le nombre de victime dépasse le seuil de 1 million. Même si la population des Yézidis a radicalement diminué dans le pays, on ne peut pas appeler cela un génocide ". Au printemps 2015, le Parlement arménien avait déjà rejeté un projet de loi pour « la reconnaissance et la condamnation du génocide des Grecs pontiques, les Assyriens, les Yézidis et les autres minorités de l’Empire ottoman en 1915 » . Certains Yézidis le vivent comme une trahison alors que leur communauté avait combattu le régime ottoman aux côtés des Arméniens pendant la première guerre mondiale. Le vote du projet de loi de la député Naira Zohrabyan, qui est du même parti que M. Arsenyan, tendant à la qualification des actes de Daech contre les Yézidis est reporté à la demande de la commission des lois.

On trouve aussi sur cette page une polémique intéressante contre un film intitulé "Le vent obscur" (The Dark Wind/ Resheba) qui serait financé par le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) de Barzani et le Qatar, réalisé par le producteur kurde Hussein Hassan et qui, selon certains yézidis, aurait pour but "de salir l’image des Yézidis dans le monde". Le film raconte l’histoire d’une jeune femme yézidie qui était sur le point de se marier mais devient esclave lors de l’attaque de l’Etat islamique sur Shengal. Elle parvient tout de même à s’échapper et à rejoindre son fiancé. Cependant le père du fiancé la considère comme étant « souillée » et veut la tuer.

Selon les organisations yézidies, ce film déforme la position des institutions religieuses de leur communauté quine prône pas le rejet des femmes violées, et présente les Peshmergas kurdes comme des héros alors que leur fuite serait la cause du génocide yézidi. Une des scènes les moins appréciées montre une vieille femme priant une divinité yézidie au moment où elle réalise un avortement sur Pero, l'héroïne du film. Les scènes sur la vente des femmes esclaves sont aussi décriées. Un groupe de juristes yézidis irakiens prévoyait de lancer des poursuites judiciaires contre le réalisateur du film dont la diffusion était programmée au festival du film de Duhok (un festival annuel organisé par le GRK au nord du Kurdistan) le 16 septembre dernier.

A titre personnel je ne prends pas position sur les enjeux de la reconnaissance des yézidis comme groupe ethno-religieux, ni sur leurs croyances ou leurs symboles auxquels je n'adhère pas même sur un plan philosophique. Les hasards de mes prises de contact en 2015 m'ont fait connaître Nareen Shammo. J'ai pu voir que le système d'aide aux femmes de sa communauté victimes de Daech réfugiées dans les camps fonctionne, et que le besoin de soutien de ces femmes est énorme. C'est pourquoi j'encourage les lecteurs de ce blog à apporter leur soutien (n'hésitez pas à me contacter), qui, bien sûr, n'est pas exclusif de l'aide que nous devons apporter aux autres communautés persécutées par Daech au Proche-Orient ni de l'aide que nous devons à toute l'humanité. Je mentionne ici le contexte des débats politiques et culturels simplement à titre d'information parce que l'entraide ne doit pas ignorer aussi les terrains sur lesquels elle marche.

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