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Le blog de Frédéric Delorca

Promenade littéraire

29 Mai 2022 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XIXe siècle - Auteurs et personnalités, #Lectures

Dans ses Profil perdus Soupault rappelle que Baudelaire était obsédé par Théophile Gautier dont il ne s'affranchit  que tardivement. Et Théophie Gautier était obsédé par Victor Hugo... Ainsi va la vie des artistes

Je parcours les souvenirs de Bergerat sur ses conversations avec Gautier.

"J'ai usé ma vie à poursuivre, pour le dépeindre, le Beau sous toutes ses formes de Protée et je ne l'ai trouvé que dans le nature et dans les arts. L'homme est laid, partout et toujours, et il me gâte la création" lui dit le grand homme ( p. 128)

Une tirade que n'eut pas reniée Flaubert que Gautier appelle "ce vaisseau du désert avec ses yeux bleus bordés de longs cils blonds" et dont il admire l'érudition.

Gautier parcourt des thèmes de son époque. La presse, qu'il déteste autant que Balzac : "Je n'ai jamais connu à personne une pareille épouvante de la presse, écrit sur lui Bergerat... cette police secrète de la littérature qui ne respecte aucune intimité, aucun abandon, aucune douleur même, qui viole les portes et les serrures". (C'était avant que la presse ne fût plus qu'une machine à recopier les communiqués des ministères et des firmes multinationales).

Il cite l'exemple de Mirecourt, journaliste qui avait d'ailleurs aussi bien abimé le socialiste Leroux et quelques autres.

Gautier parle des cafés qui "flattent le goût de l'avilissement", qui éloignent les gens de leur vie de famille et fomentent les révolutions; Il regrette les estaminets "comme lieu de rendez vous pour la paresse, la littérature et l'envie" ""Je plains celui qui a goûté par curiosité au verre d'absinthe de son ami, et l'imprudent qui a touché à la carte grasse ou  à la queue de billard que dans un café lui a tendus son frère. Celui là a déjà perdu sa liberté , l'amour du travail et la fierté".

Quelques remarques délicieuses sur les femmes dont le commerce "par sa douceur même, excite à l'improduction" (p. 179). Gautier estime que le roman a poussé la femme qui, autrefois n'aimait pas, à trop aimer, d'où la fuite des hommes dans les cafés. Propos inintelligibles pour le XXIe sièce qui a inventé cet OVNI la femme en baskets, inculte, non-genrée, admiratrice d'Alice Coffin, mais moi qui, il y a vingt cinq ans, ait connu des filles vraiment féminines qui ne juraient que par la littérature, je soupçonne Gautier de viser juste sur cette invention de la femme amoureuse par le roman. Je ne sais pas ce que l'humanité a gagné de la voir apparaître au XIXe siècle, et disparaître au XXIe.

J'apprends avec plaisir qu'après avoir enthousiasmé ses lecteurs avec un livre "Spirite", Gautier sur ses derniers jours avait abjuré cette pratique qu'il qualifiait de religion parmi d'autres.

Incontinent j'ouvre un autre livre : "Quatre ans de captivité" de Bloy, Tome 2

On y découvre là encore une époque plus intelligente que la nôtre. Cela se voit dans le fait que le pape ordonne la tenue de messes de minuit pour accueillir le XXe siècle... le 31 décembre 1900 et pas 1899, car en ce temps  là, on savait qu'un siècle commençait en son année 1 et pas en son année zéro, à la différence des crétins qui nous firent célébrer l'entrée dans le nouveau siècle et le nouveau millénaire fin 1999, au lieu de fin 2000...

Je ne suis pas l'auteur dans ses crises de mélancolie et de peur qu'on pourrait juger démoniaques, mais je le rejoins quand il écrit à un certain Randon en février 1900 que le nom de Marie-Madeleine le fait "frissonner", ou quand il observe quelques jours plus tôt : " Certaines guérisons de Lourdes ressemblent à des manœuvres diaboliques. Les pèlerins sont des chrétiens (!) préoccupés surtout de leur viande, qui ne sont guéris que pour être mis en état de se damner mieux. A l'incendie du Bazar de Charité, il a dû y avoir des miraculées. En réalité, ce qui brûlait là c'était le triple extrait, la quintessence de la superfine canaille du Monde." J'ai eu souvent cette impression aussi. Récemment un plumitif a expliqué que Lourdes était devenu un grand sanctuaire hindouiste, notamment grâce aux Tamouls de la région parisienne. L'approche de la fin des temps oblige peut-être ce lieu à révéler son vrai visage...

Enfin Bloy m'amuse quand il s'exclame à la mort de la reine d'Angleterre et impératrice de Indes : "Crevaison de l'antique salope Victoria". Pas très catholique comme franc-parler mais certains saints étaient faits de ce bois-là... Je sais, on me dira que le plaisant Pierrecourt dit de lui que c'est un possédé. Mais il y a des saints possédés comme Marie de Vallées...

 

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