La capitale du Haut-Karabakh assiégée
11 Janvier 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous, #Proche-Orient
Depuis le 12 décembre le corridor (de Latchine) qui relie la capitale du Haut-Karabakh Stepanaker à l'Arménie est bloqué par des militants soi-disant écologistes azéris, qui disent protester contre l'extraction minière dans l'enclave arménienne. Les Arméniens accusent cette ONG d'être en fait payée par le gouvernement de Bakou (car en Azerbaïdjan, grand exportateur de pétrole, il n'y a pas de mouvement écologiste structuré), et un article ici montre que la plupart des cadres de cette ONG sont liés à des notables d'Azerbaïdjan.
Selon l'ex-diplomate Sossi Tatikyan, en juillet 2022, l'Azerbaïdjan aurait vendu deux mines dans la région de Martakert au Haut-Karabakh à une société britannique appelée Anglo-Asian Mining PLC, qui prétend être le premier producteur d'or et de cuivre en Azerbaïdjan. Par conséquent, l'objectif tactique à court terme de la fermeture du corridor est d'établir un contrôle sur les mines et de priver les Arméniens locaux de leur principale source de revenus et donc de moyens de subsistance. Du coup la capitale du Haut-Karabakh est plongée dans une pénurie relative (atténuée par quelques approvisionnements locaux), tandis que le président azerbaïdjanais Aliev s'enferme dans le déni en affirmant que ce sont des véhicules russes qui bloquent le corridor. L'Azerbaïdjan souligne aussi que ce corridor est utilisé pour du trafic d'armes.
En tout cas la situation actuelle aboutit à une forte dégradation des rapports entre Poutine et les Arméniens. Ceux-ci estiment que la Russie qui sécurise le corridor et a besoin de Bakou pour revendre son gaz (outre son alliance stratégique avec la Turquie d'Erdogan) a donné son feu vert pour cette opération de blocus. Du coup, le premier-ministre arménien Nikol Pachinayan émet le voeu poli (pour ne pas trop froisser Moscou) de voir le conseil de sécurité de l'ONU envoyer des casques bleus en lieu et place de la force d'interposition de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC). A Gyumri dans l'Ouest de l'Arménie des dizaines de manifestants qui protestaient le 8 janvier devant une base militaire russe, à l'initiative du parti d'extrême-droite Sasna Tsrer, contre l'inaction des soldats de Moscou face aux Azéris ont été arrêtés. Le sentiment anti-russe est exacerbé dans cette zone où les soldats russes ont commis des assassinats restés impunis. Pachinayan a par la même occasion démenti l'information russe selon laquelle l'OTSC organiserait des exercices militaires en Arménie en 2023.
Les demandes arméniennes de levée du blocus commencent à recevoir le soutien de diplomates américains (rappelons que Biden avait reconnu le génocide arménien et que Nancy Pelosi avant de perdre son poste de speaker de la chambre basse s'était rendue à Erevan). Mais la voix d'Erevan reste étouffée au niveau international. Selon l'ambassadeur d'Azerbaïdjan à Bruxelles, le 31 décembre la France a échoué a échoué à faire passer au conseil de sécurité de l'ONU une résolution condamnant le blocus de Stepanaker. L'Albanie, la Russie, les Emirats arabes unis et le Royaume-Uni s'y sont opposés.
L'Iran (où vivent 20 millions d'Azéris, 4 fois plus qu'en Azerbaïdjan), et qui s'oppose à la création d'une autre corridor, vers son enclave du Naxcivan, celui-ci, a aussi été sollicité par la voix du primat du catholicossat arménien de Cilicie basé près de Beyrouth, qui a demandé le 10 janvier à l'ambassadeur d'Iran au Liban que Téhéran intervienne pour faire lever le blocus du Karabakh. Cela peut renforcer l'accusation azerbaïdjanaise de collusion arméno-iranienne, et conforter en outre le rapprochement israélo-azéri depuis qu'un gouvernement très nationaliste s'est formé à Tel-Aviv. Ce dernier pourrait profiter des tensions autour de Stepanaker pour renforcer l'alliance avec Bakou et mener une opération militaire contre le régime des mollahs via l'Azerbaïdjan iranien (en contrant ainsi les efforts de normalisation américano-iraniens menés par Biden). C'est du moins ce que laisse entendre le membre de l'académie des sciences arménienne Edmond Y. Azadian, qui note que le leader en exil Mahmudali Chehregani s'est vu ouvrir les canaux des médias d'Azerbaïdjan en novembre dernier pour y appeler au sécessionnisme de l'Azerbaïdjan iranien...
Un effet collatéral de la nouvelle dépendance de la Russie à l'égard du monde turcophone depuis l'engagement de la guerre en Ukraine...
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