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Le blog de Frédéric Delorca

Les palombes de la Saint-Luc

18 Octobre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Béarn, #Divers histoire, #Souvenirs d'enfance et de jeunesse

"Saint Luc lou gran truc" disait-on autrefois dans les Landes, mais aussi en Béarn. Le 18 octobre, c'est le jour du pic de passage des palombes.

Le Mémorial des Pyrénées du 25 octobre 1895 en parlait :

"La campagne se poursuit pour nos chasseurs, comme toujours, avec des chances diverses, mais un écart considérable existe pour tous entre les prises actuellement faites et celles de période correspondante de l’an dernier. Cependant, le passage semble devoir bientôt prendre fin ; les froids sont arrivés. les grues ont commencé leur migration et les meilleures chasses n’ont pas encore la moitié de leur contingent habituel de palombes. La semaine dernière la majeure partie des vols sont passés avec les vents du nord, à perte de vue et en rangs serrés. Jeudi et vendredi jour de la Saint-Luc, ils se sont succédé sans interruption, mais sauf pour quelques chasses exceptionnellement situées, ces palombes passaient sans paraître voir les appeaux.

« Mauvaise campagne ; les palombes ne veulent pas poser » ; tel est le langage que tiennent tous les chasseurs de la contrée. Est-ce l’abondance des glands qui rend la chasse difficile? Il est certain que la faim est un des éléments qui manquent cette année au succès de la chasse au filet. D’un autre côté, la plupart des chasseurs ont débuté sans avoir pu remplacer les appeaux que la maladie leur avait enlevés, et c’est là, croyons-nous, la cause la plus commune de l’insuccès relatif de la campagne.

Le roi palombe, à l’occasion du grand truc, est, dit-on, passé hier sur nos chasses, au milieu de ses bataillons; mais il n’a certainement pas entraîné à sa suite toute son armée; espérons que la réserve, une réserve sérieuse, reste encore à venir, et qu’en dépit d’un mauvais début, il y aura des palombes pour tous."

Même constat 17 ans plus tard, le 28 octobre 1912 : " Les petits oiseaux ont terminé leur passage le long de I’Adour : les alouettes leur ont succédé. Il y a eu d'assez bonnes prises. Quant aux palombes, on les voit passer, c’est tout : elles dédaignent ou négligent de s’arrêter. "

"La palombe vaut la peine qu'on la tire, lisait-on dans L'Avenir d'Arcachon 1906, c'est un mets succulent que certains amateurs mangent comme la bécasse avec une rôtie au rhum. En la préparant, on trouve parfois des glands dans son gésier, comme on rencontre des grains de genièvre dans les grives de l'Aveyron ; et le gland est un fruit salutaire puisqu'on en fait un certain café. "

Pour ma part je la dégustais dans une sauce au vin au restaurant dans mon enfance, avec des cèpes à la persillade.

Il y avait autrefois des foire de la Saint-Luc de Brionne en Normandie jusqu'à Lourdes en Bigorre. On y mangeait peut-être aussi des palombes. C'était du temps où elles n'envahissaient pas nos jardins urbains...

A propos de chasse au pigeon ramier, je tombe sur cet amusant article du Mémorial des Pyrénées du 14 février 1845, compte-rendu d'un procès aux Assises de Pau :

" Si la chasse a ses douceurs', elle à bien aussi ses dangers, surtout depuis cette malencontreuse loi du 12 mai 1844, qui est destinée à éterniser la querelle des braconniers et des gendarmes. Le dimanche, 20 octobre dernier, était jour de loisir pour les gens de Làas, canton de Navarrenx , et le beau bois de Làas devait foisonner de palombes ce jour-là. Une partie de chasse était convenue entre Larrieu père, Larrieu fils, Jean Bartholou fils, François Crampe! et François Hounloun ; et dès l'aube du jour ces cinq paysans de Làas étaient postés à la palombière, sorte de cabane aérienne, au- dessus de' laquelle s’agite une palombe-appeau, qui attire, les palombes voyageuses. Nos chasseurs attendaient les palombes; ce furent; les gendarmes qui arrivèrent. Roussel, l’un d’eux, demanda aux délinquans le permis de chasse ; ils répondirent qu’ils n’en avaient pas. Ceci était croyable. Roussel demanda leur nom ; ils répondirent qu'ils n’en avaient pas. Ceci paraissait peu vraisemblable. Et comme les chasseurs étaient perchés sur l’arbre de la palombière, Roussel grimpe au haut de l’arbre. Ils se dispersent comme des oiseaux et disparaissent dans les branches ; l’un d’eux , cependant, Larrieu père, plus intrépide que ses compagnons, s’élance comme un écureuil , saisit le gendarme à la jambe, disant : « Veux-in tomber sur les pieds ou sur la tête ? — Ce serait « une lâcheté indigne de vous, » répondit le gendarme avec sang-froid et sans s’effrayer du terrible dilemme.— Ce mot presqu’héroïque  désarma Larrieu père. Le gendarme , descend ; tous les chasseurs le suivent; une fois au bas de l’arbre, les gendarmes somment les délinquans de dire leur nom ou de se rendre devant le maire de leur commune. Les chasseurs s’y refusent. Une mêlée s’engage , et le gendarme Roussel reçoit à la tête plusieurs blessures qui l'ont retenu au lit 17 jours. Ces faits n’ont pas paru au  jury réunir les caractères du crime de rébellion. Les cinq accusés ont été acquittés."

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