Bonnes actions et méfaits de l'Erythrée
L'Erythrée fait partie aujourd'hui des rares pays courageux qui ont voté à l'ONU contre la résolution antiserbe qui labellisait Srebrenica comme un génocide (vote au cours duquel beaucoup de pays se sont abstenus, une victoire pour Belgrade)
C'est l'occasion de s'interroger sur ce que devient ce pays dans lequel j'ai failli me rendre (mais seulement failli) quand je travaillais pour le journal Bastille-République-Nations.
Il y a neuf mois ils ont sorti la vidéo de propagande ci-dessous pour contrer les accusations d'exactions pendant la guerre du Tigré, mais dans un pays si militarisé ce genre de vidéo ne peut refléter qu'une vérité très partielle (je ne dis pas partiale, mais partielle, car il est aussi vrai que ce pays a beaucoup de vertus et d'ailleurs il a la meilleure espérance de vie de la région) ...
J'ai regardé quelques itinéraires de réfugiés érythréens dans les bases de données françaises espérant toucher une autre forme de réalité. Je cite quelques cas ici.
Il y a M. MH, 54 ans, entré en France en 2018, Installé ici en 1991, pendant plusieurs années, il ne s'était pas présenté aux convocations qu'il avait reçues dans le cadre de la conscription obligatoire. En 1995, il avait été arrêté au cours d'une rafle et envoyé le lendemain au camp de Sawa pour y effectuer sa conscription. En 1996, après avoir accompli les dix-huit mois de service militaire, il avait été autorisé à rentrer chez lui. En 1997, il avait été rappelé pour participer au développement du pays dans le cadre de travaux agricoles à Adi Wiheisha, entre Asmara et Dekernharé. Entre 1998 et 2001, il avait été mobilisé, dans le cadre de la première guerre contre l'Ethiopie. Entre 2001 et 2011, il avait participé à divers chantiers d'agriculture et de construction pour l'Etat érythréen. Au cours de cette période, il avait été arrêté à plusieurs reprises pour désertion, en raison de délais de permissions non respectés. En décembre 2011, il avait été affecté sur un chantier dans la région de Mendefera.
Cette année là il s'enfuit au Soudan. En 2012, il s'était rendu en Libye, où il avait été emprisonné par des passeurs, pendant une période de deux mois, avant de pouvoir prendre une embarcation à destination de l'Italie. Le 8 mai 2014, il avait été intercepté par des garde-côtes italiens, à la manœuvre d'un bateau qui transportait des migrants. Il avait alors été arrêté et condamné à une peine de quatre ans de prison, pour avoir favorisé l'immigration illégale d'étrangers. Après avoir été détenu pendant une période de trois ans et demi, il s'était rendu en Allemagne, aux Pays-Bas, avant de rejoindre la France le 15 juillet 2018. Le statut de réfugié lui a été refusé en 2023 à cause de sa participation à des opérations d'immigrations illégale et à un crime de droit commun en Italie. Sa famille est en Ethiopie. Ses fils enlevés en Libye selon ses dires.
Il y a Mme T., née en 1967, avec son fils né en 1998. Dès 1984 elle a fui l'enrôlement dans la guérilla indépendantiste. Elle a vécu 35 ans au Soudan où elle a eu 2 enfants. Son mari est mort en 2013, un de ses fils a disparu en 2014. Arrivés en Italie, ils sont passés en France en 2021, renvoyés en Italie en 2024.
M. O, né en 1979, membre de la communauté tigré, né et résident à Teseney. Militaire de 1996 à 2006, il a invoqué l'obligation qui lui a été faite par l’Etat de combattre les « moudjahidines », Refusant de combattre, il a déserté puis quitté illégalement l’Erythrée en 2006 à destination du Soudan où il est resté cinq ans, puis de la Libye, deux ans. Arrivé ensuite en Italie, il s'est rendu, après un an, en Allemagne où il est resté huit ans avant de venir en France le 30 mars 2023.
M. Y, né le 21 décembre 1998 est d'ethnie tigrina et de religion pentecôtiste. Il est né à Assab en Erythrée dans la région de Mer Rouge du Sud et a quitté son pays à l'âge de sept ans (2006), après la mort de son père au cours d'une action de police lors d'une cérémonie pentecôtiste, religion interdite et réprimée en Erythrée. Il s’est alors installé avec sa mère en Ethiopie, à Gondar dans la région d’Amhara. En septembre 2020, il a été ciblé par les autorités avec sa mère à cause de son ethnie tigréenne d’Erythrée et de sa nationalité. Il a été détenu avec sa mère pendant une semaine avant d’être libérés grâce à l’intervention d’un proche démontrant sa nationalité érythréenne. Craignant pour leur sécurité, ils ont quitté l'Ethiopie pour Khartoum au Soudan. En février 2022, M. Y a appris que sa mère avait été arrêtée par la police soudanaise. Il s'est alors rendu en Libye où il a vécu à Koufra et Tripoli jusqu'en mars 2023. Le 21 avril 2023, il est entré en France.
Mme G. née le 1er février 1996 née de l'union d'une mère éthiopienne et d'un père érythréen de la communauté tigréenne d'Assab, elle a appris que ce dernier avait disparu en 1999 alors qu'elle était âgée de trois ans, à la suite de son refus d'être enrôlé de force dans l'armée érythréenne. La famille de son père a alors chassé sa mère du domicile familial. Sa mère a fait l'objet de graves sévices de la part d'individus non identifiés au moment de la guerre ayant précédé son départ du pays. Cette dernière a rencontré des Ethiopiens qui lui ont conseillé de partir vers le Soudan. Craignant pour sa sécurité, elle a ainsi quitté l'Erythrée avec sa mère en 2000 pour s'établir à Khartoum, au Soudan. Elle a été employée par une ressortissante égyptienne avec sa mère, pour laquelle elles ont accompli des tâches ménagères. Son employeuse lui ayant demandé de lui fournir une pièce d'identité érythréenne, elle a quitté le Soudan fin 2021. Elle a transité par la Libye, puis par l'Italie durant deux semaines, avant d’arriver en France le 25 janvier 2023.
Mme Z née le 1er janvier 1969, soutient être exposée, en cas de retour dans son pays d’origine, à des persécutions ou à une atteinte grave de la part des autorités en raison des opinions politiques qui pourraient lui être imputées du fait de son départ illégal. En 2009, elle a quitté une première fois l’Erythrée à destination du Soudan où elle a été reconnue réfugiée avant de tenter de se rendre en Israël, via l’Egypte. Arrêtée par les autorités égyptiennes, elle a été expulsée vers l’Erythrée où elle a été détenue à la prison de Adi Abeito. Elle a été libérée deux semaines plus tard en raison de son état de grossesse. En 2015, elle a quitté une seconde fois l’Erythrée avec sa fille cadette pour le Soudan, où sa protection internationale lui a été renouvelée. Rapatriée en Italie par le biais du Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR), elle a obtenu un titre de séjour en 2019 dans ce pays via le statut de réfugié. Elle a obtenu la même année le statut de réfugiée dans ce pays. Elle y a été contrainte de dormir dans des habitations informelles, et de ne pas avoir été en mesure de subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant, en particulier quant à l’accès à des soins Le 19 mars 2022, elle est entrée en France avec sa fille.
M. A. est né le 24 septembre 1984 à Asmara. En 2001, il a débuté son service militaire par une formation de six mois dans le camp de Sawa avant d'être affecté dans une unité située à Betgergesh, près d'Asmara, comme surveillant. En 2011, il a été incarcéré pour rébellion après avoir demandé à suivre un cursus universitaire en parallèle à son service militaire (mais ce point de ses affirmations n'a pas convaincu les autorités françaises en 2024). Libéré six mois plus tard, il a déserté en septembre 2011 et il s'est réfugié chez une tante maternelle résidant à Asmara. Craignant pour sa sécurité, il a quitté l'Erythrée quatre jours plus tard grâce aux services d'un passeur et à l'aide financière d'un de ses oncles résidant en Israël. Il a été appréhendé par des militaires éthiopiens après avoir franchi la frontière puis il a été transféré au camp de réfugiés d'Adi Harush, dans le Tigray. En 2012, il a épousé une employée du HCR éthiopienne travaillant dans ce camp, avec qui il a eu un enfant. En 2013, il a décidé de quitter l'Ethiopie en raison de l'insécurité qu’il y ressentait, l'armée érythréenne effectuant régulièrement des raids dans le camp d'Adi Harush pour enlever des ressortissants érythréens, tandis que son épouse et son enfant se sont réfugiés à Addis-Abeba. Il a transité par le Soudan, où il a travaillé pendant seize ou dix-sept mois, puis par la Libye et l'Italie. Il a ensuite séjourné en Suisse en 2015, où sa demande d'asile a été rejetée, puis en Allemagne entre 2015 et 2022. Après le rejet de sa demande d'asile en Allemagne, il est entré en France le 2 octobre 2022.
Il ressort des sources d’information publiques disponibles, telles que le rapport publié en septembre 2019 par le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), intitulé « Eritrea, national service and illegal exit » et le chapitre consacré à l’Érythrée dans le rapport annuel 2017/2018 de l’organisation non gouvernementale Amnesty International, que le gouvernement érythréen considère le départ irrégulier du pays comme un acte de trahison et de déloyauté passible d’une peine d’emprisonnement. Par ailleurs, selon le rapport du rapporteur spécial des Nations unies du 11 mai 2020, aucune mesure n’a été initiée afin d’abolir la durée indéterminée du service national. La désertion ou les insoumissions au service militaire érythréen peuvent être considérées par les autorités comme l’expression d’une opposition politique ou une trahison à l’égard de l’Etat. Pour ce motif, les déserteurs et objecteurs de conscience sont emprisonnés s’ils sont arrêtés sur le territoire national avant d’avoir la possibilité de partir ou à l’aéroport après leur retour au pays.
Difficile de ne pas voir dans l'Erythrée une sorte de "Corée du Nord africaine" comme le disent les médias mainstream, ou en tout cas de Sparte. Mais son régime lui permet de maintenir sur beaucoup de sujets de relations internationales une position honnête (en Afrique elle seule avec le Mali, Sao Tome, les Comores et l'ex-Swaziland ont voté contre la résolution sur Srebrenica).
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