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Le blog de Frédéric Delorca

Un point sur l'Ukraine et sur la Géorgie

30 Mai 2024 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Peuples d'Europe et UE, #Colonialisme-impérialisme, #Abkhazie, #Le monde autour de nous

Caroline Galacteros s'inquiète de voir les Ukrainiens s'attaquer à un des dix radars essentiels au dispositif  nucléaire russe, près de la ville d'Orsk à 1 800 km du front. Sur la chaîne "The Duran", Sur la chaîne "The Duran", l'ancien avocat britannique Alexander Mercouris analyse cet événement d'une manière qui me paraît plus fine en rappelant que la doctrine nucléaire russe prévoit que Moscou peut enclencher une riposte atomique si sa force de dissuasion est attaquée. C'est la raison pour laquelle la Russie a préféré ne pas parler de cette attaque qui d'après sa propre doctrine  implique une riposte de ce type (la Russie, rappelle Mercouris, tient toujours ses promesses en bien comme en mal à la différence de l'agitation des Occidentaux, ce qui l'oblige à un certain sérieux).

La question est de savoir, souligne Mercouris, si Kiev a agi de son propre chef ou a "testé" Moscou sur ordre des Occidentaux. Il semble en tout cas que le dommage sur les installations ait été assez faible.

Mercouris fait une étude assez sérieuse de la question des "lignes rouges". D'après lui jusqu'ici toutes les "lignes rouges" que les membres du lobby conservateur américain (des gens comme Victoria Nuland naguère, ou Eliot A. Cohen co-auteur d'un horrible article dans Foreign Affairs il y a peu) identifie comme ayant été franchies n'ont jamais été identifiées comme telles par les autorités russes.

Par contre l'autorisation que Macron, Scholtz et Biden (mais pas l'Italie) veulent donner à l'usage des missiles sur Belgorod (en territoire Russe) pourrait effectivement violer un tabou.

J'ai écouté avec attention les justifications qu'un colonel donnait sur une chaîne du service public à la proposition de notre cher président à ce sujet : l'intensité de l'attaque depuis le territoire russe justifierait cette innovation. Voilà un argument ad hoc assez fragile. Cela rappelle un peu le temps où Washington se sentait autorisé à attaquer le Nord Vietnam et le Cambodge au nom de la lutte contre le Vietcong au Sud. C'est aussi comme les droits de poursuites bizarres qu'Israël se reconnaît contre l'Iran et contre un peu tous ses ennemis à travers le monde. Sauf qu'ici on s'en prend à une grande puissance nucléaire. Il y a un fort parfum de folie dans toute cela; Folie peut-être encore un peu calibrée par des rouages que nous connaissons mal (y compris du côté des sociétés secrètes internationales), mais folie quand même.

Sur le front, on croit comprendre que la Russie conquiert des villages su côté de Kharkov. Zelensky arrive à y envoyer encore 20 000 hommes. Ce n'est pas encore l'épuisement total de l'armée ukrainienne que certains stratèges "non mainstream" nous annoncent depuis 6 mois. Ceux-ci assurent qu'ils s'en prennent, pour le coup, à des dispositifs ukrainiens de défense "essentiels" et que, par ailleurs ils poursuivent une "guerre d'attrition" très intelligente. Pour ma part je vois surtout une guerre d'usure très consommatrice de vies. Voilà le tragique de l'affaire. Mais la thèse de l'effondrement ukrainien imminent me laisse sceptique.

Zelensky en théorie n'est plus président de l'Ukraine depuis le 21 mai. La constitution lui impose de transmettre ses pouvoirs à la Rada (le parlement monocaméral). Mais il s’assoit dessus en tirant prétexte de la guerre. Et Macron l'invite sur les plages du Débarquement (comme si le nationalisme bandériste pro-SS dont Zelensky dépend était pour quelque chose dans la libération de l'Europe). Je n'ai toujours pas vu quelle disposition de la constitution ukrainienne permet ce maintien au pouvoir de l'ancien comédien (ont-ils un article 11 ?).

Intéressant aussi pour nous (pas seulement parce que je m'intéresse à l'Abkhazie), cette interview de Girogi Lasha Kasradze, sur Neutrality Studies, qui remet certaines pendules à l'heure par rapport aux caricatures de nos médias de services publics sur le thème "le gouvernement géorgien est pro-russe, parce qu'entre les mains d'un oligarque" alors que la population géorgienne est pro-européenne. Kasradze rappelle que la Géorgie n'a pas de relation diplomatique avec la Russie (ce qui n'est pas n'est pas spécialement un signe de bonne entente), que la loi de déclaration des ONG financées à plus de 20 pour cent par l'étranger a son équivalent aux USA (mais on comprend que cela gêne l'Europe car cela va révéler son niveau d'ingérence dans les affaires de Tbilissi), que tout est complexe en Géorgie : Saakachvili le sanguinaire anti-russe (auquel Raphaël Glucksmann fut lié de très près, on oublie de le dire) avait pour ministre des finances un oligarque lié à Moscou, que l'actuelle présidente sans pouvoir la française Zourabichvili ex-alliée de Saakachvili contre lequel elle s'était retournée fut élue avec les voix du parti Rêve Géorgien qu'elle combat aujourd'hui. Tout cela sur le dos de la population en grande partie contrainte à émigrer.

On a l'impression que Rêve Géorgien est comme le Parti des Régions ukrainiens en 2013 : plutôt pro-occidental, mais pas assez aligné sur les néo-conservateurs et leurs projets guerriers qui, du coup, le taxent de pro-russe. Kasradze plaide pour un sud-Caucase neutre ou en tout cas aligné ni sur Moscou ni sur Washington-Bruxelles, un peu comme l'Azerbaïdjan, avec une Géorgie confédérée à l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud. Mercouris lui voyait comme avenir à l'Ukraine une réunification sans le "cancer" du bandérisme, dans la mouvance BRICS.

En ce qui me concerne je ne sais pas trop si une "BRICSisation" de ces pays serait une si bonne chose. Je vois en tout cas les malheurs que le bellicisme occidental leur inflige. Mais je doute que ce bellicisme ait dit son dernier mot. La rivalité atlantico-eurasiatique me semble avoir hélas encore de beaux jours devant elle.

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