Un bon article dans "Libé" sur la Serbie
Un bon article dans les pages "Rebonds" de Libé du 29 mars qui ne mâche pas ses mots. Les derniers sondages ne donnent qu'une très légère avance au candidat pro-européen Tadic (que l'Europe n'a aucunement aidé par ses choix désastreux). On a le sentiment que la machine à exclure la Serbie du concert européen et à la transformer en mouton noir fonctionne à plein rendement malgré les énormes efforts fournis par les Serbes depuis 8 ans pour satisfaire les attentes occidentales. Cette machine, qui repose entièrement sur la stupidité de nos gouvernants, risque, en prime, de déstabiliser tous les Balkans, l'ex-URSS, et renforcer les logiques de guerre.
Citoyens français quand cesserez vous de voter bêtement Sarkozy, Royal, et Carla Bruni ? quand commencerez-vous à agir pour changer la politique étrangère de votre pays ?
F. Delorca
ps : un lecteur du blog de l'Atlas, hier, me faisait remarquer que ce n'est pas si grave. Si la Serbie échappe aux griffes de l'UE pour se rapprocher de la Russie ce n'est pas si mal, me disait-il. Comme je le raconte dans un bouquin que j'espère arriver à publier cette année, les militants anti-OTAN raisonnait de la même manière en mars 2000, en plein ambargo, quand il n'y avait plus un litre de lait dans les magasins de Belgrade. Ces militants oublient que la population civile, si les pro-Russes l'emportent, paiera un prix très lourd, comme elle le faisait pendant l'embargo. Même si politiquement cela affaiblit l'Empire, je dois aussi penser aux prix que paieront les populations. Un prix qui devrait aussi intéresser les "activistes" chaudement installés dans une situation professionnelle stable en Occident.
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Par bêtise, par lâcheté, l’Europe a programmé une crise imminente. Avec sa bénédiction, les Albanais du Kosovo s’apprêtent à proclamer leur indépendance. Leur décision est annoncée. Ils n’attendent plus que les jours, les semaines au plus, qui suivront l’élection présidentielle serbe de dimanche car ils savent - c’est dit - que l’Europe et les Etats-Unis reconnaîtront leur Etat.
Cela semblera normal aux opinions occidentales. Elles se féliciteront que les Kosovars puissent exaucer leur vœu de se séparer de la Serbie, mais un précédent va se créer, formidablement inquiétant et dangereux. Il le sera d’abord pour les Balkans, car, lorsque les puissances occidentales auront avalisé cette modification des frontières d’un Etat membre de l’ONU, c’est toutes celles de la région qui seront menacées.
Si les Kosovars peuvent faire approuver la sécession de leur province parce qu’ils la souhaitent et qu’ils sont à 90 % albanais et non pas serbes, pourquoi les Serbes et les Croates de Bosnie-Herzégovine ne pourraient-ils pas se prévaloir, demain, du même droit et souhaiter se rattacher, les uns à la Serbie, les autres à la Croatie ?
Pourquoi les Albanais de Macédoine ne se sentiraient-ils pas encouragés à reprendre les armes pour sortir de ce pays où ils sont trop minoritaires à leur goût ? Et pourquoi la minorité serbe du Kosovo n’invoquerait-elle pas, à son tour, son «droit à l’autodétermination» ? Les Occidentaux jouent avec le feu.
L’Europe risque de susciter là de nouveaux conflits qu’elle aurait à résoudre puisque les Balkans ont vocation à l’intégrer. Non seulement l’Union se tire dans le pied, mais elle se contredit elle-même, dans la plus totale incohérence.
Elle s’était attachée, durant toutes les guerres de Yougoslavie, à faire respecter les anciennes frontières intérieures de la Fédération, devenues frontières internationales. Elle s’était battue pour que soit maintenu le pluralisme ethnique des Etats nés de l’éclatement yougoslave. Elle en avait fait un absolu, une exigence morale si essentielle que c’est au nom de cet idéal qu’elle avait prolongé le conflit bosniaque par son refus d’une Grande Serbie et aujourd’hui… les Etats-nations ?
La cohésion ethnique ? C’est alors par là qu’il aurait fallu commencer. Ce n’eût pas été si scandaleux, absolument pas, mais il y a, en revanche, une stupéfiante légèreté dans ce tête-à-queue si porteur d’une renaissance des tensions, dans ce manquement, aussi, à la parole donnée puisque les Occidentaux s’étaient engagés à Dayton à ne pas rouvrir la question kosovare.
Et ce n’est pas tout, car au nom de quoi, deuxièmement, l’Europe condamnerait-elle maintenant un sécessionnisme flamand, lombard ou catalan ? Sur quelles bases les Occidentaux refuseraient-ils, demain, d’approuver l’indépendance de Taiwan ou de toutes ces régions qui ont d’excellentes raisons d’aspirer, sur tous les continents, à voguer seules ?
En favorisant la multiplication de micro-Etats, c’est sa stabilité et celle du monde que l’Europe ébranle, et du même coup, de surcroît, elle offre à la Russie le plus grand pays des Balkans : la Serbie.
Elle est si consciente de ce danger supplémentaire qu’elle a convaincu les Kosovars de ne pas proclamer leur indépendance avant que les Serbes n’aient voté. Elle a tenté de préserver les chances du président sortant et proeuropéen, Boris Tadic, de ne pas rendre inévitable le triomphe de son adversaire nationaliste et prorusse, Tomislav Nikolic, mais la Serbie est tellement humiliée par l’Union que c’est aux investissements russes qu’elle s’est d’ores et déjà ouverte.
Quel que soit le résultat de dimanche, la Russie s’est acquis une tête de pont à Belgrade, dans une région où l’Europe a tant accru les défis qui l’attendent, et pourquoi l’Union lui a-t-elle tant prêté la main ?
Parce que l’Amérique considérait que l’indépendance du Kosovo était inéluctable, qu’elle l’encourageait, et que les Européens - au lieu de clairement dire qu’ils auraient toutes les raisons de ne pas la reconnaître - ont cru habile d’agiter ce spectre pour amener la Serbie à proposer aux Kosovars une autonomie si large qu’ils ne puissent pas la refuser. Inquiets, les Européens croyaient favoriser une négociation, mais ils n’ont réussi qu’à la rendre impossible car, dès lors que le Kosovo avait la certitude qu’il n’avait qu’à rejeter tout compromis avec Belgrade pour réaliser son rêve, sa route était tracée. Les Kosovars ont repoussé tout maintien d’un lien avec la Serbie. Ils ont tenu bon, gagné, et l’Europe a perdu - par bêtise et lâcheté.
Les Occidentalistes
Test : Si vous supportez d'écouter cela pendant plus de deux minutes, c'est que vous n'avez peut-être pas tout compris au monde dans lequel nous vivons.
Il y a un siècle, au Congo...
On se donna énormément de peine pour garder secret le meurtre systématique, dont usait le royal capitaliste pour obtenir des bénéfices."
Bertand Russell, Histoire des idées au XIX ème siècle, Gallimard, Paris, 6 ème édition 1951 p. 347-350
N'oublions pas que le pillage des ressources du Congo au profit du système de consommation occidental continue de nos jours. La guerre encouragée par les Etats-Unis dans l'Est de ce pays depuis 1998 a fait plus de 4 millions de morts. Chiffre qui - comme les 1 millions de morts en Irak depuis 2003 - laisse de marbre les bonnes âmes prêtes à toutes les croisades contre les ennemis de l'Occident (au Darfour ou ailleurs).
Nanobrevets et tiers-monde
Encore un exemple
On a le sentiment que, alors qu'Alain Soral mise sur le Front national, le Comité Valmy parie sur les gaullistes.
Point commun entre les deux : un égal ressentiment à l'encontre de l' "altermondialisme" plus ou moins identifié au trotskisme.
Là encore, je suspends mon jugement.
Ron Paul gagne en Transdniestrie
Izquierda
Voilà ce que disent ces gens. Dans le triptyque socialisme-libéralisme-conservatisme que dessine Wallerstein, ils gomment le socialisme, qui ne serait plus qu'une vue abstraite. Une certaine atonie des mouvements de gauche, en Europe, mais aussi dans le Tiers-Monde (en Afrique, au Proche-Orient) leurs donnent raison. Pourtant d'autres régions (l'Amérique latine, le sous-continent indien) invalident leurs thèses.
J'entends ces discours, et, pour le moment, me garde d'émettre le moindre jugement sur leur compte.
A propos de l'optimisme historique
Bertand Russell, Histoire des idées au XIX ème siècle, Gallimard, Paris, 6 ème édition 1951, p. 175