Cuba, desde el Sur

Depuis plusieurs mois, je compare Cuba et le Vénézuéla. Mon passage à l'ambassade de Cuba l'an dernier m'avait déjà inspiré quelques réflexions là dessus qui figurent sur ce blog. Bien sûr une individualité ne peut résumer un peuple, mais je trouvais chez cette théoricienne un mélange de modestie, de sérieux et de bonne volonté dont je ne pouvais m'empêcher de songer qu'il a quelque chose à voir avec le profil actuel de son pays, quelque chose de très différent de ce que je ressens quand je passe à l'ambassade du Vénézuéla. Il y a une sorte de profondeur cubaine qui est réellement très attachante.
Pasdaran

Cette mobilisation des soldats iraniens restera comme une page importante de l'histoire des religions. Et il n'est pas étonnant qu'aujourd'hui les Pasdaran à la retraite soient le pilier du patriotisme iranien.
On peut se demander d'ailleurs si toute guerre n'est pas au fond une expérience sinon mystique (y compris éventuellement d'un mysticisme laïque) du moins existentielle, dans un sens très profond, parce que tous les paramètres vitaux sont remis en cause, et tout le raport à autrui bouleversé (à commencer par le "tu ne tueras point"). D'où le difficile retour à la vie civile après ça (voir le film "Le capitaine Conan" par exemple). Le rôle des anciens combattants, sur cette base, devient ensuite, comme celui du clergé séculier, problématique, à la fois en dedans et en dehors, gardiens d'un souvenir dont les gens de "l'arrière" et encore plus les nouvelles générations n'ont pas eu l'expérience directe, et dont ils ne comprennent pas le sens. Sans qu'on sache vraiment qui, au fond, de l'ancien combattant ou du civil, détient la vérité sur le destin collectif de la société, qui est le mieux à même de dire quelque chose de pertinent sur son avenir.
Fragiles alternatives

Un petit parfum du micro-fascisme qui fait le quotidien exitentiel dans le monde capitaliste d'aujourd'hui. La nana a un moment s'est exclamé : "En plus je dois former des Marocains pour qu'ils appliquent nos procédures. Pendant 5 jours. Après ils rentrent au Maroc. S'ils n'ont pas compris au bout de 5 jours, j'irai les former sur place. Peut-être que quand ils seront formés l'activité sera délocalisée et je serai virée par ceux que j'aurai instruits. Ce serait marrant. Bon remarque sur le coup je ne me marrerai sûrement pas". Etrange tous ces gens qui travaillent avec l'épée de Damoclès de la disparition pure et simple de leur activité de l'horizon français.
Bien sûr tout le monde sait que ce système ne fonctionne pas. Qu'il broie les ressources de la planète, les vies humaines, tout ça pour pouvoir gaspiller toujours plus, s'abrutir toujours plus, et terminer sous Prozac ou Lexomil.
Mais personne en Europe n'a la force de rechercher autre chose, et sans doute personne ne l'aura sans grande catastrophe (tant que l'Etat providence amortira les effets les plus immédiatement douloureux du capitalisme).

Sur un autre continent, je lisais hier un bon texte de Znet sur l'avenir de la révolution bolivarienne. Très bon article éloigné des apologies creuses (je pense à une militante d'un cercle bolivarien qui, l'an dernier, me disait détester les intellectuels à cause de leur propension à la réflexion critique !). Znet n'est pas accessible ce soir, mais je crois que l'article était sur www.zmag.org/znet/viewArticle/18238. Il soulevait quelques problèmes réels : sur le risque qu'Obama séduise une partie des Latinos (alors que Bush était un utile repoussoir), sur les problèmes que le Pérou et la Colombie posent au bolivarisme, sur l'autonomie croissante de Correa face à son allié vénézuélien.
Les alternatives sont fragiles.
Népal

215 abonnés ont reçu l'article. Voyons s'ils le lisent.
Au passage j'ai découvert toutes les haines que s'attire le Parti communiste indien depuis qu'il s'est retiré de la coalition gouvernementale de centre-gauche à cause de la coopération nucléaire avec les Etats-Unis. Il passe pour le parti de l'étranger en Inde, et même pour un parti "chinois" parce qu'en plus il s'oppose aux ingérences occidentales au Tibet. Sa résistance à la logique des peurs en Asie, si bien entretenue par M. Bush, est admirable.
Je passe la soirée à relire une partie des épreuves de mon livre pour Thélès... A force de relire des centaines de pages dans tous les sens, on finit par détester son ouvrage, et c'est juste à ce moment là qu'on vous demande d'être prêt à le défendre...
Sahara occidental

Comme je regardais une carte du Maroc dans sa boutique tandis que nous sirotions une bière, j'eus envie de lui faire parler du Sahara occidental, mais prudemment (car je me doutais que ces questions de frontières et d'identité nationales sont difficiles à appréhender, dans les pays issus de la colonisation, comme dans les Balkans), en commençant simplement par lui demander s'il s'y était déjà rendu. De fil en aiguille, il finit par me dire le fond de sa pensée à ce sujet. Selon lui, le Sahara occidental a vocation à faire partie du Maroc qui a dépensé beaucoup d'argent pour cette région : "Comme vous pour la Corse, on a beaucoup investi pour qu'ils nous aiment". Pour lui il n'y avait pas de raison que le Sahara occidental ne fasse pas partie du Maroc qui est un Etat multiethnique et tolérant
Il ajoutait d'ailleurs que de toute façon dans le Maghreb, il n'y avait que le Maroc et la Tunisie qui soient de vrais Etats, tout le reste - le Sahara occidental, l'Algérie - , n'étaient des créations de colonisateurs : des Turcs, des Français, des Espagnols. "J'en parlais il y a quelques jours à un Algérien. Je lui ai dit : l'Algérie ça n'existe pas dans l'histoire. Cite moi le dernier nom du roi d'Algérie". "Mais tout de même, lui dis-je, les Saharaouis n'ont pas envie d'être Marocains. Ils sont exilés en Algérie dans des camps".
"La majorité en ont envie, me dit-il, mais les Algériens les empêchent de retourner au Maroc."
J'ai fait part de ces réflexions à un mien ami français qui m'écrit ce matin :

Le problème est que les Saharouis ne veulent pas vivre sous le roi, même s'ils dépensent beaucoup d'argent "pour eux". Et les émeutes qui ont eu lieu récemment à El Aiun et dans les foyers étudiants saharaouis de Casa, le prouvent puisqu'il ne s'agit là plus seulement des réfugiés en Algérie, mais de ceux qui n'ont pas fui l'armée marocaine.
Je sais que les Marocains de gauche, à l'exception d'un groupuscule ultra gauchiste, refusent comme le roi l'idée même d'un référendum au Sahara. Le nationalisme marocain est fortement ancré . C'est un fait indéniable. Le rapprochement maroco-algérien sera difficile tant la culture politique des deux peuples diffère depuis la colonisation française qui fut radicalement différente dans les deux pays et surtout sa fin, avec une révolution d'un côté et une déférence envers le Roi de l'autre. Au Maroc, le rêve de tous, y compris des marxistes, est de pouvoir "manger à la table du roi". En Algérie, y compris les gens du système, aiment montrer qu'ils sont des rebelles, même envers le président qu'ils cooptent. Et les Saharaouis, n'ayant pas connu le système du Makhzen, mais la colonisation espagnole, la répression franquiste, sont évidemment plus proches de la culture algérienne.
Tu auras peut-être remarqué qu'il y a quelques mois, quand, finalement, les émeutes de la faim on atteint le Maroc, comme par hasard, elles ont commencé et se prolongent jusqu'à aujourd'hui dans une petite ville de la côté sud, qui est reconnue par tous comme Marocaine, y compris donc par le Polisario et l'Algérie, Ifni. Mais Ifni fut jusque dans les années 1970, une enclave espagnole entourée par le Maroc et rétrocédée au Maroc par Franco bien avant le départ du Sahara occidental. "Comme par hasard", cette petite ville est plus rebelle que les autres (grandes) villes du Maroc. On voit bien là, ce qu'est la culture politique "au-dessus" de la culture ethno-linguistique. Et cela vient de l'histoire politico-administrative d'un territoire, même microscopique.
On peut dès lors comprendre la réalité du Polisario, même si on peut regretter que cette situation prenne la forme de la revendication d'un n-ème Etat arabe et africain."
Un truc vraiment idiot au Liban

Voilà qui semble trop absurde pour être vrai. En sont-ils vraiment réduits à des méthodes marketing aussi idiotes qui ne feront que mobiliser les gens CONTRE eux ?
Nous aussi nous devrions faire quelque chose comme ça : appeler les gens aux heures des repas et leur dire : "Nicolas Sarkozy vous demande de soutenir l'Union européenne et le rapprochement avec les Etats-unis", nul doute qu'avec ça le taux d'hostilité à Sarkozy monterait en flêche.
Quart d'heure vénézuélien
La deuxième vidéo, je l'ai découverte par hasard sur You Tube, c'est une interview d'Eva Golinger. Miss Golinger fait partie des gens qui ont construit leur existence sociale autour de la révolution bolivarienne. Le journaliste belge Michel Collon lui a fait une grosse publicité il y a quelques années en préfaçant son bouquin sur les plans de la CIA contre Chavez. Je ne suis pas convaincu que le personnage ait une réelle envergure, mais il est toujours bon de mettre des visages sur des noms de temps en temps. Tendez l'oreille, elle a un petit accent étatsunien quand elle parle espagnol.
Conférence sur Union pour la Méditerranée le 8 juillet dernier
Le groupe anti-impérialiste marseillais COMAGUER (http://comaguermarseille.free.fr/) ayant émis le souhait de connaître le contenu de la conférence "Projet d'Union pour la Méditerranée : quels enjeux, quels dangers, quel avenir après le rejet du traité de Lisbonne ?" avec le Dissident & Pierre Lévy qui a eu lieu le 8 juillet 2008 au Centre culturel syrien de Paris, j'ai assisté à cette conférence dont voici les 56 premières minutes (il manque la dernière demi-heure, la coupure à la fin est un petit peu abrupte, j'en suis désolé).
FD
La CPI contre le Soudan

Je classe sans hésiter sous cette rubrique l'initiative étrange de Luis Moreno-Ocampo, procureur de la Cour pénal internationale, d'inculper le président soudanais Omar Al-Bachir pour génocide. L'affaire intervient alors qu'en Afrique de l'Est les appétits euro-américains (et même le lobby évangéliste) s'étaient légèrement calmés (surtout depuis que certains avaient découvert que les alliés du Soudan étaient en mesure de renverser le château de cartes tchadien).
Les soi-disant juridictions internationales ont parfois des poussées d'adrénaline de la sorte (cela fut le cas aussi du TPI pour l'ex-Yougoslavie qui gâcha ainsi de nombreux efforts de normalisation avec la Serbie). Ils y trouvent étrangement une justification de leur fonction, quitte à ajouter au désordre mondial.
L'embarras provoqué par le procureur de la CPI est tel aujourd'hui que même le très atlantiste journal Le Monde se sent obligé de donner a parole à un prof de Harvard, Jens Meierhenrich, lequel avoue d'emblée : "Les déclarations publiques de Luis Moreno-Ocampo ne fournissent que très peu de preuves d'un génocide au Darfour." "Si Luis Moreno-Ocampo se révélait incapable de prouver ses déclarations hyperboliques du 5 juin [devant les Nations unies, à New York], et du 14 juillet [à La Haye], sa démarche pourrait se révéler désastreuse. Cela pourrait en effet démontrer que ce dernier avait des motivations essentiellement politiques, et non fondées en droit. " poursit-il.
Jens Meierhenrich, est pourtant un penseur très mainstream, puisqu'il pense lui-même qu'il y a eu des génocides au Soudan pepétrés par les Janjawids. Mais il nuance beaucoup son propos "Le conflit au Darfour est extrêmement compliqué, et ce serait réducteur de le qualifier uniquement de génocide".
Son explication sur la définition technique du génocide par la CPI est intéressante : "La structure légale du crime de génocide, établie avec la Convention sur le génocide de 1948, permet d'inculper des individus, responsables d'actes très spécifiques. C'est donc toujours très problématique de définir un conflit dans son intégralité comme génocide. Par ailleurs, pour pouvoir inculper quelqu'un pour génocide, il faut prouver deux choses. Il faut non seulement prouver que l'individu a commis des crimes mais également qu'il les a commis avec l'intention malveillante de détruire un groupe national, ethnique ou religieux : c'est ce qu'on appelle le mens rea. Les actes ne suffisent pas à suggérer qu'un génocide a été commis, et c'est souvent là que les activistes et militants des droits de l'homme se trompent (...) Dans le cas du Rwanda, des listes de morts, qui incluaient les noms des victimes tutsies, étaient dressées. Elles ont permis de prouver l'intention génocidaire. Dans le cas de l'Holocauste, les nazis gardaient de nombreux dossiers qui ont permis de conclure au génocide. Mais même dans ces cas-là, le problème de l'authentification des documents s'est posé. Par ailleurs, il y a un problème supplémentaire au Soudan "
Mais je crois que ce qui donne le plus à penser tient dans cette phrase : "Les chercheurs et les hommes et femmes de terrain sont très divisés sur cette question. Cependant, il est clair qu'une majorité d'observateurs concluent au génocide au Darfour. Personnellement, je suis convaincu que des actes génocidaires y ont été commis".
Je dois dire que j'aime beaucoup cette phrase parce qu'elle révèle toute l'imposture intellectuelle du système dans lequel notre époque est enlisée. On fait "comme si" dans le monde se trouvaient 50 ou 100 chercheurs, indépendants, libres, courageux, intelligents, et l'on se dit donc qu'on peut faire confiance à l'avis de la "majorité" d'entre eux sur un sujet comme le Darfour.
Le problème, quand on connaît le fonctionnement des structures universitaires, c'est que ça ne se passe pas du tout ainsi. En 1999-2000, une majorité d'universitaires français et étrangers était prête à penser que plus de 10 000 Albanais étaient morts au Kosovo (même Mme Samary l'écrivait dans ses textes). Et aucun n'allait publiquement contester les chiffres gonflés des victimes de la guerre de Bosnie. Ces gens, à supposer même qu'il aient eu une lueur de lucidité et d'indépendance de jugement, devaient aller dans le sens du vent pour ne pas mettre en difficulté personnelle ou ternir l'image de leur labo. Par conséquent presque rien ne les inclinait à mener une recherche indépendante sur les Balkans. Sur la question du Darfour c'est la même chose. Quand le gouvernement américain et les lobbys évangélistes financent des instituts pour qu'ils disent qu'il y a eu un génocide au Darfour, cela mathématiquement produira une majorité de "chercheurs" qui défendent la thèse du génocide parce qu'ils en vivent. Si bien qu'avant de lire leurs textes nous sommes obligés à chaque fois de demander "qui finance leur structure ? dans quelle mouvance intellectuelle évoluent-ils ?". Et nous devons d'ailleurs nous demander la même chose en ce qui concerne ce Jens Meierhenrich et le juge Luis Moreno-Ocampo.
Politique bureaucratique
FD
La forme "livre"
De même j'avais des réserves à l'égard de la quatrième de couverture.

Je suis très serein par rapport à l'avenir de ce livre. Je sais qu'il ne se vendra pas et n'intéressera pas grand monde. Je ferai juste ce que le service de presse me demandera, en leur conseillant quatre ou cinq journalistes. J'irai chez les médias qui me sollicitent, mais je ne consacrerai pas à la promotion de ce livre l'énergie investie, en pure perte, dans celle de l'Atlas alternatif. L'âge rend raisonnable. Je ne me fais plus d'illusion.
Pendant un temps j'ai cru que je cesserais d'écrire des livres après ces Dix ans sur la planète résistante, que ce serait mon testament. Mais je pense que tel ne sera pas le cas. Il y aura sans doute un tome 2, tout comme je continuerai à écrire des livres dans d'autres registres. La "forme livre" est nécessaire. Il y a 10 ans, on pensait qu'Internet abolirai le livre. Mais ça ne peut fonctionner ainsi. Je peux poster sur un blog des billets d'humeur. Sur un autre site des textes plus longs. Mais jamais des choses assez longues pour avoir la richesse et la cohérence d'un livre. D'ailleurs je trouve que la forme livre est elle-même parfois trop courte pour traiter certains sujets, notamment pour le bilan de mes dix ans de militantisme. Il faut s'y résigner : on ne peut éviter de continuer à écrire des livres. Même si tout le monde le fait, et même si ça ne touche presque personne. Si on atteint trois lecteurs, si on leur parle vraiment en profondeur par ce biais, cela fait déjà trois bonnes raisons de continuer.
Je pense que mes "Dix ans", qui ne seront lus que par vingt habitués des combats anti-impérialistes à Paris, passeront pour un livre assez égotique dans le milieu de ces lecteurs. On dira peut-être que je ne mets pas assez en valeur le "nous". Les gens qui ont relu livre ne me l'ont pas dit, mais c'est parce qu'ils sont très gentils. Le risque est là. En même temps on voit bien que le "je" a séduit l'évaluatrice et la directrice de Thélès, et séduira sans doute un ou deux autres esprits littéraires. Un éditeur d'extrême gauche a refusé de me publier en disant "ce livre est trop personnel" - alors pourtant que j'ai beaucoup "raboté" les spécificités de mon ego dans cet ouvrage -. Il a eu tort. Le "je" est une bonne porte d'entrée dans les combats politiques de nos jours. Je crois d'ailleurs que c'est un aspect qu'Edgar du blog La lettre volée a souligné sur son site, et aussi dans les colonnes du présent blog. Le "je" ne doit pas jouer contre le "nous", mais parfois l'honnêteté elle-même commande de rester à la première du singulier, afin d'éviter l'imposture du "on" ou de la fausse représentation collective du "au nom de...".
FD
Votre autodéfense nous insupporte (suite)

Notez bien l'absurdité de cette affaire (qui est celle de notre monde colonialiste) : le Ministre français convoque un ambassadeur chinois pour le sermoner, lui signifier que lui, ministre des affaires étrangères français, a tous les droits de soutenir les séparatismes qui menacent la Chine, et qualifie de "pressions" le souci légitime dudit ambassadeur de défendre en retour l'intégrité territoriale de son pays.
Aux amateurs de publications

Puppet on the string
Je me suis mis à lire Beigbeder et relire Houellebecq (ses deux auteurs fétiches) pour mieux comprendre son univers mental.
"Iran : nouvelle provocation"
