Chomsky et Zunes contre Meyssan et Golinger ?
Les polémiques dans les milieux résistants font partie du paysage depuis longtemps. Cela fait partie du jeu démocratique. Je trouve par exemple une critique amusante de l'évolution de José Bové et Clémentine Autain sur le site de la section du PCF du 15ème arrondissement de Paris (située à l'aile gauche de ce parti) sur http://vivelepcf.over-blog.fr/article-22284430.html, et un échange vif et instructif entre cette même section et le collectif trotskiste du PCF "La Riposte" sur http://www.lariposte.com/La-demarche-et-les-objectifs-de-La-Riposte-Reponse-1064.html. Je ne suis pas membre du PCF mais il est intéressant de connaître les débats qui traversent ce parti, dont une fraction au moins constitue une composante importante et utile du mouvement anti-impérialiste en Europe.
Plus ésotérique pour les Français, mais instructif aussi, peut apparaître le papier que Thierry Meyssan vient de signer contre une pétition signée par Chomsky, qui défend l’Albert Einstein Institution. Meyssan se place aux côtés de Golinger - associant d'une façon inattendue radicalisme et bolivarisme - contre cette pétition dont hélas Meyssan ne donne pas le lien.
J'ai déjà sur ce blog dit un mot d'Eva Golinger (http://delorca.over-blog.com/article-21339393.html) et j'avais signalé il y a plus d'un an la publicité faite par Chavez aux thèses de Meyssan sur l’Albert Einstein Institution (http://delorca.over-blog.com/article-6764817.html). Je ne m'attendais pas à voir Chomsky dans un camp différent de celui de Golinger dans cette affaire. Meyssan en profite pour ressortir les articles de Blankfort (bien connus dans la mouvance anti-impérialiste) sur le "sionisme" de Chomsky.
Mondialisation.ca, le site de Chossudovsky (dont on connaît les nombreux textes, depuis la guerre de Yougoslavie) reproduit l'article de Meyssan.
La position de l’Albert Einstein Institution sur Meyssan est disponible sur http://www.aeinstein.org/organizations_attack_responses.html. Je trouve particulièrement utile l'échange entre George Ciccariello-Maher et Stephen Zunes dans les pages du magazine marxiste américain Monthly Review (http://mrzine.monthlyreview.org/cmg050808.html). L'impression qu'on retire de toutes ces lectures est que, peut-être, Meyssan force le trait une fois de plus. Quant à cette polémique sur l'attitude de l’Albert Einstein Institution à l'égard de l'opposition à Chavez, elle pose la question, de nouveau, de la place d'une certaine gauche "alternative" anti-autoritaire, dans un conflit entre une puissance impérialiste et un gouvernement encerclé qui résiste. Un problème que j'avais connu de près pendant la guerre de Yougoslavie (j'en parle dans mon livre à paraître "10 ans sur la planète résistante"). Ce n'est pas une question facile.
A part ça, je vous signale que j'ai signé la pétition en faveur du journaliste de RFI Richard Labévière (http://www.ipetitions.com/petition/Labeviere2008?e), qui m'avait interviewé en 2006 lors de la publication de l'Atlas alternatif. Le licenciement de Labévière n'est guère une surprise sachant comment fonctionnent nos médias, mais il est souhaitable en effet de manifester notre désaccord devant la réduction du pluralisme dans le service public. Le bloggueur Bernard Fischer consacre au dossier Labévière plusieurs pages sur http://fischer02003.over-blog.com/, y compris au début d'une controverse (si j'ai bien compris) sur ses propos tenus récemment au Liban... en présence de Meyssan...
Géorgie : Je l'ai vu comme si j'y étais
Comme prévu, non seulement les intellectuels médiatiques français ne se bousculent pas pour dénoncer les massacres massifs commis par l'armée géorgienne dans la nuit du 7 au 8 août 2008 (2000 personnes en une nuit sur une population de 98 000, on voit ce que cela aurait donné sur une semaine si la Russie n'était pas intervenue...), mais en plus ils versent comme d'habitude dans le n'importe quoi pour discréditer l'adversaire russe. A preuve cette enquête sur les propos d'un intellectuel connu publiée par Rue89 :
"www.rue89.com
Contrairement à ce qu’il a écrit dans Le Monde, le philosophe n’a pu se rendre dans la ville de Gori. Ce n’est pas la seule affabulation.
Qu’on l’apprécie ou non, il faut reconnaître que Bernard-Henri Lévy, qui s’est rendu la semaine dernière en Géorgie, ne manque ni de courage, ni de convictions. Mais BHL n’est pas un journaliste, et le récit qu’il a rapporté pour Le Monde <http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/08/19/choses-vues-dans-la-georgie-en-guerre-par-bernard-henri-levy_1085547_3214_1.html> , titré « Choses vues dans la Géorgie en guerre », est à prendre avec des pincettes. Ainsi, lorsque BHL déclare qu’il est arrivé à Gori mercredi 13 août et qu’il a vu une ville « brûlée », il affabule. Il n’a pas réussi à entrer dans la ville.
Rue89 a entrepris de faire ce que les confrères anglo-saxons appellent un « fact-checking », une vérification des informations livrées par un reporter. Ce que BHL n’est pas : il est présenté dans le quotidien comme « philosophe et essayiste » et son récit a été prudemment rangé sous l’étiquette de « témoignage ». Il n’en reste pas moins que ce récit occupe deux pages au centre d’un journal jouissant d’une autorité certaine en matière d’information internationale.
Deux jours et demi de balade, dans la confusion de la guerre
Commençons par ce que ne raconte pas le « témoignage » de BHL : les conditions de la balade. Mercredi 13 août, rendez-vous est pris à l’aéroport du Bourget devant l’aérogare de Darta, une compagnie d’aviation privée. Le philosophe a loué un jet pour rallier Tbilissi, qui n’est plus desservie.
Il est accompagné par son vieux complice, l’éditeur Gilles Hertzog, le documentariste Raphaël Glucksmann et un journaliste de France Culture, Omar Ouamane. Plus un garde du corps. Le jet se pose vers midi en Géorgie, « juste pour le déjeuner », précise Raphaël Glucksmann. Prévenue par son ambassadeur à Paris, la présidence géorgienne a dépêché l’un de ses traducteurs pour accompagner BHL durant tout son séjour.
Celui-ci sera court, puisque Bernard-Henri Lévy repartira samedi matin, à 8 heures, de Tbilissi. Il aura donc passé deux jours et demi en Géorgie. L’équipage descend au Marriot Tbilissi, un hôtel cinq étoiles fréquenté par les journalistes et les diplomates.
Plusieurs journalistes français, surpris par sa présence, interrogent dès son arrivée l’intellectuel qui ne cache pas les motifs de son voyage : défendre la liberté en Géorgie contre l’ogre russe. Plusieurs radios, comme France Inter, France Info ou RFI, diffuseront des extraits de ces interviews.
La multiplication des chars
Dans un minibus blanc climatisé, direction Gori, l’une des villes occupées par les troupes russes. Première « chose vue », sur la route :
« Le fait est que la première présence militaire significative à laquelle nous nous heurtons est un long convoi russe, cent véhicules au moins, venu tranquillement faire de l’essence en direction de Tbilissi. »
L’envoyé spécial du Nouvel Observateur, Christophe Boltanski, qui emprunte la même route, le même jour, a compté les véhicules de cette colonne. Il en a recensé trente: six camions de troupes, six camions citernes, sept blindés APC, trois camions essence, six chars, deux ambulances.
Encore quelques kilomètres et l’équipage retrouve un groupe de journalistes, bloqués à un barrage tenu par la police géorgienne. Les journalistes ont suivi Alexandre Lomaia, le conseiller géorgien pour la sécurité nationale, qui avait décidé courageusement de se rendre à Gori, accompagné de l’ambassadeur d’Estonie. Le convoi est bloqué à quelques kilomètres au sud de la ville. BHL descend alors de sa camionnette blanche.
Vincent Hugeux, grand reporter à L’Express <http://www.lexpress.fr/actualite/monde/gori-ville-fantome-et-cite-interdite_550120.html> , s’étonne :
« J’ai reconnu sa silhouette. Il était accompagné de Gilles Hertzog et Raphaël Glucksmann. BHL a même lancé à un journaliste français : ‘Ah, mais nous sommes confrères !’ »
Ne pas voir Gori, mais en parler quand même
BHL franchit le barrage, dans des conditions sur lesquelles nous reviendrons, et racontera dans Le Monde la scène suivante :
« Nous arrivons à Gori. Nous ne sommes pas au centre-ville. Mais, du point où Lomaia nous a laissés avant de repartir, seul, dans l’Audi, récupérer ses blessés, de ce carrefour que contrôle un char énorme et haut comme un bunker roulant, nous pouvons constater les incendies à perte de vue. Les fusées éclairantes qui, à intervalles réguliers, illuminent le ciel et sont suivies de détonations brèves. Le vide encore. L’odeur, légère, de putréfaction et de mort.
« Et puis, surtout, le bourdonnement incessant des véhicules blindés et, une fois sur deux à peu près, des voitures banalisées remplies de miliciens reconnaissables à leurs brassards blancs et à leurs cheveux retenus par des bandanas.
« Gori n’appartient pas à cette Ossétie que les Russes prétendent être venus « libérer ». C’est une ville géorgienne. Or ils l’ont brûlée. Pillée. Réduite à l’état de ville fantôme. Vidée. »
Problème : BHL n’est jamais « arrivé à Gori », et les Russes n’ont pas « brûlé » la ville.
Que s’est-il passé ? Avec son équipe, il s’est débrouillé pour passer ce premier barrage en compagnie d’Alexander Lomaia et de quelques autres personnes (l’ambassadeur estonien, la députée européenne Marie-Anne Isler-Béguin et la journaliste du Washington Post Tara Bahrampour).
Deux heures plus tard, vers 22h30, dans la nuit noire, BHL est de retour au premier barrage où attend la presse. Il sort du véhicule, le visage grave, et avec sa voix de Malraux, il témoigne devant les journalistes:
« La ville est nettoyée, Gori est une ville fantôme, il y a des flammes partout ; apparemment pas âme qui vive, Gori a été vidée de sa population. C’est ce que les Russes appellent la pacification. »
L’eurodéputée Marie-Anne Isler-Béguin intervient alors pour démentir : « mais non, on n’était pas à Gori », dit-elle aux journalistes, « on a été bloqués à un barrage à 1,5 kilomètre de la ville ». Elle connaît cette région depuis huit ans. Seuls les champs brûlaient, ajoute-t-elle. Les armées brûlent parfois les champs pour éviter le risque des snipers embusqués.
Plusieurs témoins confirment : BHL n’était pas à Gori
Déléguée du Parlement européen pour le Caucase Sud, Marie-Anne Isler-Béguin revient sur l’épisode pour Rue89:
« Je viens de découvrir son témoignage. Je suis un peu surprise qu’il n’ait pas tout à fait dit comment ça c’était réellement passé. Mais il a peut-être oublié… J’ai vu Bernard-Henri Lévy pour la première fois lors de ce voyage au check-point où étaient bloqué tous les journalistes, à cinq kilomètres de Gori.
« Si Bernard-Henri Lévy est monté avec Lomaia et moi, c’est parce que j’ai intercédé en sa faveur. C’est lui qui m’a demandé : « Madame la députée, je voudrais me joindre à la délégation. » Et c’est moi qui ait obtenu l’accord de l’ambassadeur d’Estonie. Dommage qu’il ait oublié ce petit détail… En plus, c’est le seul qui soit monté dans la voiture avec son garde du corps.
« Et il y a d’autres approximations. S’il arrive à distinguer les militaires des paramilitaires, il est plus doué que moi. S’il a senti une odeur de putréfaction, moi pas. Il écrit aussi que Gori a été brûlée, pillée et réduite à l’état de ville fantôme, mais à ce moment-là, on ne pouvait pas le dire, tout simplement parce que personne n’y était encore allé. Enfin, nous nous sommes arrêtés à 1,5 kilomètre de Gori. »
Gilles Hertzog, fidèle compagnon de route de BHL, confirme lui aussi la version de l’élue :
« Non, on n’est pas rentrés dans la ville, on est resté à l’orée de la ville, je ne sais pas à combien de kilomètres de Gori. Il faisait nuit, on apercevait vaguement des bâtiments quand il y avait des fusées éclairantes, mais on n’était que sur le bas-côté d’une route. Il y avait des champs qui brûlaient autour de nous, on nous a dit que c’était du ‘farming’ [des feux allumés par des cultivateurs, ndlr], mais je ne l’ai pas cru. »
Et même divergence avec BHL sur l’odeur de putréfaction :
« Personnellement, je n’ai rien ressenti, mais peut-être que mon ami Bernard-Henri Lévy lui l’a ressentie. »
Dans son reportage, la journaliste du Washington Post raconte elle aussi cette virée <http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2008/08/13/AR2008081303759.html> , mais en précisant bien clairement, en début de l’article, qu’elle n’a pas vu la ville. Le « byline », l’indication du lieu et de la date du reportage placée au début du texte, est très clair : « OUTSIDE GORI, Georgia, Aug. 13 » [« En dehors de Gori, en Géorgie, le 13 août »].
Vendredi 15 : un « braquage » qu’il n’a pas vu
Et que penser de la seconde tentative pour se rendre à Gori le vendredi ? BHL écrit dans Le Monde :
« Vendredi matin. Nous décidons, avec Raphaël Glucksmann, Gilles Hertzog et la députée européenne, de revenir à Gori que, suite à l’accord de cessez-le-feu rédigé par Sarkozy et Medvedev, les Russes auraient commencé d’évacuer et où nous sommes censés rejoindre le patriarche orthodoxe de Tbilissi en partance, lui-même, pour Shrinvali, où des cadavres géorgiens seraient livrés aux porcs et aux chiens.
« Mais le patriarche est introuvable. Les Russes n’ont rien évacué. Et nous sommes même, cette fois, bloqués vingt kilomètres avant Gori quand une voiture, devant nous, se fait braquer par un escadron d’irréguliers qui, sous l’œil placide d’un officier russe, fait descendre les journalistes et leur arrache caméras, argent, objets personnels et, finalement, leur véhicule.
« Fausse nouvelle, donc. L’habituel ballet des fausses nouvelles dans l’art duquel les artisans de la propagande russe semblent décidément passés maîtres. Alors, direction Kaspi, à mi-chemin entre Gori et Tbilissi, où l’interprète de la députée a de la famille et où la situation est, en principe, plus calme. »
Le documentariste Raphaël Glucksmann conserve un souvenir différent de ce « braquage ». Le convoi de trois voitures est stoppé au dernier barrage de la police géorgienne où on leur déconseille fortement de continuer :
« Les policiers nous ont raconté qu’une voiture de l’UNHCR [le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies, ndlr] venait de se faire dépouiller au barrage russe. Nous avons donc rebroussé chemin. Je n’ai pas vu cette scène. C’est simple, la route fait un coude et juste après, à 500 mètres environ de là où nous sommes, il y a le barrage russe, mais on ne le voit pas. »
La version de l’eurodéputée sonne, elle aussi, bien différemment de celle de BHL. Contrairement à ce qu’affirme l’intellectuel, elle n’était pas à ses côtés à ce moment précis :
« Le jeudi, les autorités géorgiennes m’ont assuré que je pourrais aller le lendemain à Gori avec un convoi humanitaire. Mais, le vendredi, on attend une heure, deux heures, et on n’obtient toujours pas d’accord des Russes pour faire partir le convoi humanitaire.
« Je n’ai donc pas pris de voiture en direction de Gori avec Bernard-Henri Lévy. Je n’ai pas non plus cherché le patriarche, qui a eu l’autorisation de se rendre à Shrinvali pour aller récupérer des corps de Géorgiens, car je savais où il était, mais j’ai seulement regretté de ne pas l’avoir contacté avant.
« Je n’avais toujours pas bougé de Tbilissi quand, avec mon assistante géorgienne, on décide alors de se rendre au village de Kaspi, qui n’est pas en zone occupée. Et c’est là que Bernard-Henri Lévy revient vers moi et me dit : « On a fait équipe hier, est-ce qu’on continue à faire équipe ? »
Gilles Hertzog, n’était pas non plus avec BHL :
« Moi, je ne sais pas, je n’étais pas dans la même voiture que lui. Je ne sais plus exactement… Vous savez, on laisse faire nos chauffeurs, ce sont eux qui décident, qui savent où on peut aller. »
Les autos partent en fait à Kaspi pour constater la destruction d’une usine électrique que filmera Glucksmann.
Dernière soirée à Tbilissi, Sartre et la pureté dangereuse
Vendredi, seconde rencontre du philosophe avec le président géorgien Mikheïl Saakachvili. Bloqué depuis plusieurs jours dans sa résidence, le chef d’Etat interroge BHL et Raphaël Glucksmann :
« Il nous a demandé comment c’était à Gori et Kaspi. Puis, ils ont un échange sur le thème : « Pourquoi l’Occident ne répond pas ? »
Dans le récit qu’il a rapporté pour VSD, Hertzog raconte :
« Bernard-Henri Lévy tente de leur remonter le moral. Pourquoi ne pas inciter les pays de l’Otan qui ont appuyé la demande de la Géorgie à se prononcer solennellement ? Pourquoi ne pas tenir vos conseils des ministres dans une ville menacée ? Saakachvili retrouve un instant le sourire. ‘Très bonnes idées !’, lance-t-il. »
Ensuite, selon Glucksmann, les deux hommes parlent philosophie :
« Saakachvili a lu ‘La Pureté dangereuse’ et puis il a eu une prof de philo, ancienne correspondante de Sartre, et comme BHL a écrit sur Sartre… »
Retour à l’hôtel à l’aube, fin de l’escapade, tout le monde reprend l’avion vers 8h du matin. Direction Nice, où BHL a un rendez-vous. La folle vie continue.
Le journal britannique The Independant <http://www.independent.co.uk/opinion/columnists/pandora/pandora-bernardhenri-lvy-french-gift-to-georgia-900650.html> ne s’est pas trompé sur la leçon à tirer de toute l’histoire. Dès lundi 18 août, ils écrivait:
« Les Américains ont envoyé des couvertures, les Estoniens des médecins, mais ce sont les Français qui, assurément, sont venus au secours des gens de l’Ossétie du Sud en proposant d’envoyer leur ‘nouveau philosophe’ [en français dans le texte, ndlr] Bernard-Henri Lévy. »
Julien Martin, Pascal Riché et David Servenay"
Reconnaissances unilatérales : les réactions en chaîne
Quid de la Transnistrie/Pridnestrovie me direz-vous ?
Les autorités transnistriennes ont manifesté leur solidarité avec l'Ossétie du Sud (http://www.hastasiempre.info/article.php?lang=francais&article=2039). Mais le président moldave Voronine, qui n'est pas un ami des néo-conservateurs étatsuniens, à la différence de son homologue géorgien, s'est hâté de se rendre à Moscou pour éviter tout effet domino sur les bords du Dniestr (http://www.fr.rian.ru/world/20080825/116254602.html).
Voyons maintenant quels pays reconnaissent les deux nouveaux Etats caucasiens. Pour ce qui concerne le Kosovo toujours moins d'un quart la communauté internationale ont franchi le pas. Il se peut que, certains pays du Tiers-Monde, sous la pression des Etats-Unis, acceptent de reconnaître le gouvernement de Pristina... et équilibrent leur décision dans le sens plus non-alignement, en reconnaissant aussi l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie. Ce faisant la réaction en chaîne des sécessions et des reconnaissances unilatérales de toutes sortes de provinces à travers le monde ne ferait que commencer...
FD
cf images : http://www.russiatoday.com/news/news/29504/video
Une interview de Zizek
Gauche européenne/gauche du Tiers Monde
Je lui montrais les mémoires de guerre (1936-1939) d'un garde civil républicain espagnol que j'ai terminé de traduire. Bizarrement (car c'est un homme qui a fait des études) il m'a avoué ne rien connaître à cette guerre. Une réponse étrange à au moins trois titres : 1) cette guerre a joué un rôle très important dans l'histoire de l'Europe au XXème siècle, 2) l'Espagne fut une des puissances tutélaires du pays de M. Rachid, le Maroc, à l'époque de la colonisation, 3) M. Rachid est un homme de gauche, et la guerre d'Espagne est importante pour l'histoire mondiale de la gauche (même un mien ami péruvien me décrivain en 2000 son impact sur l'imaginaire latino-américain).
Ainsi donc la guerre civile espagnole n'a pas touché les imaginaires marocains. Signe de l'existence d'un fossé. Mais le fossé est à double sens : quand le garde civil, de gauche, pacifiste et antimilitariste, parle dans ses mémoires de la guerre de Cuba (1898) et de celle du Rif (dans les années 1920) il ne les aborde pas du point de vue des colonisés. Et je lisais récemment je ne sais plus où un article indiquant que les Républicains espagnols parqués dans les camps français avaient été indignés d'être gardés par des tirailleurs sénégalais, ce qu'ils trouvaient particulièrement humiliant. L'article disait qu'il y avait peut-être dans cette indignation une sorte de racisme soft, et aussi le souvenir de ce que les troupes indigènes (les "Maures") avaient servi dans les armées de droite (franquistes) et s'étaient montrées particulièrement féroces (je crois qu'Orwell dans L'Hommage à la Catalogne reproche à la République espagnole de n'avoir pas joué la carte de l'émancipation des colonies ce qui lui aurait permis de prendre les franquistes en tenaille, lui-même était né en Birmanie et était visionnaire sur ce point).
Manifestement la guerre civile espagnole ne parle pas aux imaginaires maghrébins (et pourtant des guérilleros républicains espagnols se sont battus aux côtés du FLN en Algérie dans les années 1950). Et le Maghreb n'a jamais trop parlé aux imaginaires républicains, sauf sous l'angle des troupes coloniales. Le lien entre les deux injustices infligées par les grandes puissances européennes (la colonisation aux Marocains, l'abandon aux Républicains espagnols), M. Rachid l'a fait spontanément hier soir quand je lui ai dit que les Républicains avaient été désarmés et parqués dans des camps en France : "Ah la France n'a pas fait que du bien" a-t-il conclu, après mon histoire de guerre civile, en songeant sans doute à son pays. Mais on voyait bien que c'était la première fois qu'il créait ce genre de connexion.
Ce n'est pas la première fois que j'observe le fossé entre l'imaginaire de la gauche européenne (française ou autre) et celle du tiers-monde, notamment sur des thèmes qui touchent des enjeux plus récents que fr. Je vois parmi les militants du PS, du PC, de la LCR, beaucoup d'indifférence face aux aspirations des peuples du Sud à la souveraineté et à la liberté (une indifférence que supplée hélas parfois une forme de misérabilisme de mauvais aloi, et de triste paternalisme, ce qui est encore pire). Un fossé qui tourne à l'incompréhension quand Chavez s'allie au président iranien, ou quand les marxistes palestiniens s'associent au Hamas. Sur les relations avec les peuples du Sud, la gauche européenne (y compris l'extrême gauche) a toujours été, et demeure, plus européenne que de gauche.
FD
Censures sur les crimes de guerre géorgiens
Voyez sur la vidéo (en langue anglaise) ci dessous comme le journaliste de Fox News empêche la tante d'une jeune Américano-Ossète du Sud de dire que le régime de Saakachvili a attaqué l'Ossétie du Sud le 7 août et est responsable de la guerre et de la mort de 2 000 civils :
Voir aussi plus largement sur la censure des crimes de guerre géorgiens Russia Today TV
http://www.russiatoday.com/news/news/29104/video
Ce que le PC pouvait faire, jadis...
Je ne suis pas historien et ma vue, comme celle de nos contemporains, est encore plus partielle et inadéquate que celles de ceux qui ont vécu les événements. On voit bien que le Parti communiste français a eu deux occasions de prendre le pouvoir : fin 1944 alors que ses soldats (les résistants) tenaient l'essentiel du territoire libéré, et en mai 68.
En mai 68 deux forces pouvaient représenter l'alternance : le centre-gauche, soutenu par les courants modérés de toute l'Europe (et les Etats-Unis), récupéré par Mitterrand à Charlety, et le parti communiste, fort de la grève générale lancée dans le pays. Deux forces seulement car évidemment les étudiants bourgeois rêvant de Wilhem Reich, eux ne pouvaient prétendre à rien.
Le PC n'a pas voulu "encercler l"Elysée". Peut-être même n'y a-t-il même pas songé. Quelqu'un l'en a-t-il dissuadé ? à Moscou ? Samir Amin dit quelque part à juste titre que l'Internationale communiste a beaucoup pâti d'avoir voulu défendre en priorité l'URSS. Si telle n'avait pas été son obsession, elle aurait pu conquérir la Grèce, France et l'Italie en 1945, et installer une forte guérilla en Aragon qui aurait affaibli le franquisme. Est-ce un bien pour l'Europe ? ces "démocraties populaires" installées à Paris et à Rome auraient-elles été de plates copies du modèle russe comme partiut ailleurs ? Je me souviens de Bourdieu écrivant en 1981 à propos de la Pologne que l'avis du Parti communiste français compte plus que les autres parce qu'il est "la fille ainée" du mouvement communiste (comme la France "fille ainée de l'Eglise" depuis Clovis), à cause de l'héritage de la Révolution française, de la Commune, de la place des intellectuels français dans le monde de l'époque. Le PCF au pouvoir aurait-il imposé un "socialisme à la Française" en 1968 comme c'était son ambition officielle ?
Ou bien le refus de prendre le pouvoir avait-il des causes intérieures ? La déstalinisation n'avait-elle pas affaibli la religiosité communiste, et donc son aptitude à se saisir du pouvoir ? N'y avait-il pas un mouvement de crainte devant la réaction prévisible des forces conservatrices, et notamment de l'état-major militaire, et donc le bain de sang possible, inutile, pour la classe ouvrière ? Au lieu de cela le PCF et la CGT se contentèrent d'une augmentation du pouvoir d'achat.
Le PCF avait une chance au "rattrappage" : en récupérant la jeunesse, en la soviétisant. Les gaullistes en avaient peur. Dans un film sur Vincennes qui sortira l'an prochain, on voit un député UDR demander à Edgar Faure, ministre de l'enseignement supérieur, ce qu'il fera si toutes les universités deviennent communistes. Edgar Faure lui répond que si toute la jeunesse française devient communiste et le reste, la France de 1980 sera République populaire et personne ne pourra rien y faire. Le PC s'est fait griller la priorité par les maoïstes. Et par les gaullistes aussi, qui, en créant Vincennes, placée sous la direction d'un de ses membres, a circonscrit le "péril rouge"...
Un mien ami chomskyen me disait il y a un an ou deux après une de ces "Fêtes de l'Humanité" où les rues portent des noms moralisateurs et cathos ("rue de la paix", "rue de la fraternité") : "Le PC a enfin aligné son discours sur ses actes. Car ses actes, depuis 1945, vont dans constamment le sens du refus du pouvoir, et du refus de la révolution. Il est piquant de voir qu'ils célèbrent 1936, le Front populaire, la Guerre d'Espagne, qui était le seul où ils agissaient réellement pour la révolution, à l'heure même où ils en font leur deuil". Pas si étonnant, on célèbre toujours ce qui ne menace plus nos nuits présentes et à venir.
Cela me fait penser à une autre révolution soudain, celle du Vénézuela. Cette petite révolution qui avance pas à pas, effrayée de devoir s'attaquer aux capitaux privés. Il y a 10 jours Chavez est allé voir Juan Carlos, comme pour s'excuser des diatribes de l'an dernier. Un pas en avant un pas en arrière, le petit courant républivcain renaissant en Espagne lui en a voulu ouvertement. Tous les anti-impérialistes du monde lui en ont voulu secrètement. Mais on ne peut pas élever la voix contre des révolutions fragiles. Ce ne serait pas décent. On ne fera les comptes qu'après. Quand elles auront disparu, ou quand elles se seront définitivement installées (pour autant que l'expression de révolution "installée" ait un sens). Il faut que j'interviewe un jeune français qui revient du Vénézuela cet été.
L'Atlas alternatif en Anglais
Il peut être téléchargé ou acheté et commandé sur http://www.lulu.com/content/3600002. Le prix affiché (36 euros) n'est pas celui que l'on paye quand on commande via lulu.com (c'est moitié prix). Si vous avez aimé la version française du livre, faites connaître la version anglaise auprès de vos amis anglicistes et anglophones !