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Le blog de Frédéric Delorca

L'inconstance de l'actualité

30 Octobre 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca, #Le monde autour de nous

Difficile de ne pas céder au flot de l'actualité et de prendre du recul. Peu de blogs et sites y parviennent.

Voyez par exemple le phénomène "Sarah Palin". Il y a un mois elle fascinait les médias, et beaucoup, comme Julia Kristeva dans Libération, y allaient de leurs critiques contre cette forme d'idolâtrie de la "mère conservatrice", crépuscule de la virilité en même temps que du féminisme authentique. On se croyait revenu à Çatalhöyük au 7 ème millénaire avant JC. Et puis, l'adjointe de McCain a révélé son incompétence, elle est devenue un "boulet" pour le candidat républicain, Hustler a fait un film X sur elle, et la voici revenue au statut d'une Edith Cresson ordinaire. L'ordre règne à Varsovie. 

Même chose pour l'essor de la Russie, que l'on a cru entrevoir avec certitude quand le Kremlin résistait à l'aventurisme de Saakachvili en août. Maintenant que la bourse de Moscou s'est effondrée, et avec elle le prix du baril du brut, les doutes sont à nouveau permis.

La crise financière elle-même, personne ne sait trop qu'en faire. Après avoir pressenti l'effondrement imminent du système, on se rabat sur l'hypothèse d'une simple "récession". Le Grand Soir n'est peut-être pas pour demain.

Revenons encore à la politique intérieure étatsunienne. En 2007 Paul Craig Robert pronostiquait sans rire la possibilité pour Bush - ou quelque coterie derrière lui - de déclarer l'état d'urgence, celle d'un coup d'Etat militaire. Puis on a dit que, même si les démocrates gagnaient, ce serait Hillary Clinton, parce qu'elle avait l'argent des multinationales. Même quand elle était au coude à coude avec Obama on pronostiquait qu'elle pourrait être élue comme candidate, même avec moins de délégués qu'Obama à la convention démocrate. Puis quand Obama a pris les devants, au lieu de souffler un peu, beaucoup se sont exclamés qu'il ne le devait qu'à son virage à droite, et que donc rien ne changerait.

Je ne suis pas hostile à chacune de ces analyses prises isolément. Mais ce qui me gène, c'est l'enchaînement : cette façon que tout le monde a d'enchaîner un propos, puis un autre qui le contredit, au fil de l'actualité et de ses rebondissements. C'est une marque de dépendance à l'égard d'un flux dont le rythme reste dicté par les grands médias. La forme même d'Internet, et du blog, favorise cette absence de recul. C'est pourquoi je crois judicieux de se détacher de l'actualité de temps à autre, se pencher sur l'histoire ancienne, sur la littérature, reconstruire dans ce périmètre l'espace d'une pensée à soi qui évitera ensuite de voler au vent comme les feuilles et d'embrasser les credos en vogue ou leur démenti sans la moindre constance. Nous avons tout à gagner à nous éloigner de l'actualité - même s'il est vrai qu'hélas nul ne peut se payer le luxe de l'ignorer complètement.

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Ban Ki-Moon, l'Euramérique, les journalistes

28 Octobre 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Voici une info que je n'ai pas encore eu le temps d'exploiter dans le cadre du blog de l'Atlas alternatif : selon l'AFP du 10 octobre, la Russie réclame une enquête contre le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, après la signature d'un accord qui reconnaîtrait l'Alliance atlantique comme une organisation "de maintien de la paix", a dit l'ambassadeur russe à l'Otan. L'accord aurait été signé sans information des membres du Conseil de sécurité Le secrétaire général de l'ONU "risque de subir une destitution. Ses actions sont honteuses", s'est emporté M. Rogozine. Selon lui, ce document "réhabilite" l'Otan pour ses bombardements en Serbie lors de la guerre du Kosovo, et juge que l'accord a été signé pour que "l'ONU partage le fiasco en cours en Afghanistan", où l'Otan commande la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf), sous mandat des Nations unies (AFP http://groups.google.fr/group/fr.soc.politique/browse_thread/thread/0af82f76b7916022, également repris par L'Humanité http://www.humanite.fr/-+2008-10-11_International+-) . En fait les premiers remous contre la manoeuvre de Ban Ki-Moon remontent au début du mois d'octobre. L'accord entre Ban Ki-Moon et le Général Jaap de Hoop Scheffer aurait été signé en secret le 23 septembre. Le ministre des affaires étrangères russes s'en est indigné le 9 octobre (http://en.rian.ru/russia/20081009/117635210.html).

J'avais déjà évoqué dans un article sur le Darfour les liens entre Ban Ki-Moon et l'administration Bush (http://atlasalternatif.over-blog.com/article-6756462.html). Voilà un bon sujet d'investigation pour les journalistes professionnels, mais, pour l'heure, la grande presse semble se désintéresser complètement du sujet. De même on ne sent pas un grand enthousiasme des journalistes à aller enquêter sur les rumeurs de corruption par la mafia albanaise (http://www.svd.se/nyheter/utrikes/artikel_1863409.svd) de M. Martti Ahtisaari, émissaire de l'ONU appointé par M. Ban Ki-Moon, qui, l'an dernier, valida la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo et depuis lors a été brillamment récompensé pour ce geste par en obtenant le prix Nobel de la Paix (ce n'est pas la première fois que ce prix revient aux semeurs de désordre et de guerre).

Ce qui est aussi désagréable en ce moment dans cette affaire de police de l'OTAN au Kosovo, c'est qu'on voit se mettre en oeuvre  le rêve d'Edouard Balladur, à savoir une "Euramérique" fusionnée. Quelque 80 Américains - essentiellement des policiers, plus quelques juges et procureurs - contribueront à la mission européenne (illégale car non avalisée par l'ONU) de police et de justice au Kosovo, marquant ainsi la première participation des Etats-Unis à une opération de l'Union européenne (UE), aux termes d'un accord signé mercredi à Bruxelles (source AFP 22 octobre http://www.france24.com/fr/20081022-kosovo-quelque-80-americains-vont-participer-a-mission-lunion-europeenne). Mais là encore, grand silence de nos chers médias "professionnels" sur le sujet.

Pour mémoire, rappelons que, pour l’année 2008, 282 millions d’euros ont été prélevés sur vos impôts pour être distribués à la grande presse sous forme de subventions diverses, sans parler des exonérations fiscales à ces groupes  (http://danielegiazzi.typepad.fr/ump/files/septembre_2008rapport_giazzicomplet.pdf). Vous pouvez demander des comptes sur l'usage qui est fait de votre argent.

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"Le crime de Jean Genet"

27 Octobre 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Sur les conseils d'un lecteur de ce blog, j'ai lu "Le crime de Jean Genet". L'ouvrage est moins intéressant par ce qu'il dit de Genet que par ce qu'il révèle, en filigrane, de son auteur, une bourgeoise libanaise maronite amie de la Palestinienne Leïla Shahid. On voit bien quel genre de femme elle fut, modèle de la lettrée des seventies, de ces "nouvelles entrantes" comme on dit en sociologie qui s'émancipaient (un peu) du machisme et du conservatisme de leur milieu par l'université (je vous conseille cependant le film documentaire sur Vincennes qui parle des nanas devenues MLF à cause du machisme des maoïstes, le choix des cercles militants tenait à peu de choses). Une sorte de femme archétypale, qui commence sa carrière comme attachée de presse et la finit comme "écrivain", c'est-à-dire la débute en fumant des cigarettes dans les bistrots auprès des "grands hommes" en se gargarisant de leurs mots, de leurs références (Freud, Kafka, Proust), et la finit dans la case "auteur" d'un Galligrasseuil déclinant en couchant par écrit les choses vues et entendues.

Sont-elles vraiment les meilleurs témoins possibles de ce qui s'est joué à leur époque ? Je ne sais.

Ce qui est sûr c'est que le moule historique est cassé. Ce genre de femme n'existe plus. Les lettrées d'aujourd'hui, à supposer qu'elles puissent être encore "groopies" de quelque homme célèbre que ce soit (beaucoup sont déjà écrivaines à 30 ans ou font semblant de l'être), ne fument plus en sa compagnie (d'ailleurs elles ne fument plus du tout) et ne citent plus Freud. Elles échangent des photos X avec lui par email, et lui font ensuite un procès pour harcèlement en estimant que cela fait partie de leur combat pour la civilisation. Enfin, je suppose que ce doit être quelque chose dans ce goût là.

Je vais lire Genet d'un peu près (m'étant contenté de le parcourir d'un regard distrait à vingt ans). Ce qu'il dit des Palestiniens des années 70-80, de la dérive d'Arafat (il semble rejoindre à ce sujet le point de vue du docteur Habache dont j'ai cité le bouquin il y a peu), du général Tlass en Syrie m'intrigue.
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"Where have all the Romans gone ?"

25 Octobre 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

"Si la justice est embarrassée avec le «délit d’offense au chef de l’Etat» c’est justement parce qu’il renvoie directement à l’ancien «crime de lèse majesté». Cette incrimination est très ancienne puisqu’elle remonte à l’antiquité romaine. Les empereurs Auguste et Pompée l’utilisèrent notamment pour réprimer des opinions insolentes ou critiques à leur égard."  écrit le sénateur Mélenchon sur son blog (http://www.jean-luc-melenchon.fr/?p=633).

Comme je l'ai écrit en réponse à son texte : "Pompée n’a jamais été empereur. Cneius Pompeius fut général du temps de la République finissante, grand vainqueur des batailles d’Orient il fut finalement surclassé par le jeune Caius Iulius Caesar (Jules César) au terme d’une douloureuse guerre civile durant laquelle Pompée était étrangement devenu la dernière chance du parti conservateur (républicain). Je suis étonné qu’un vieux républicain comme le sénateur Mélenchon ignore à ce point l’histoire de la République romaine. Tout fout le camp."

Le sénateur Mélenchon est pourtant un défenseur des manières classiques d'enseigner, de raisonner, de faire de la politique. Il fut un temps où les Républicains s'étrillaient sur la question de savoir si, autour de 60-50 av. JC, Pompée jouait un rôle progressiste au service de la République romaine, ou si le progrès était du côté de César (rappelez vous aussi les écrit de Louis Napoléon Bonaparte au soutien de César, et l'admiration de Montaigne pour les pompéiens). Aucun élève de l'école d'antan n'aurait commis la bévue de placer Pompée dans le lignage d'Auguste dans la liste des empereurs romains... Voilà qui fait penser aux écrits de Sloterdijk sur la fin de l'humanisme (et des humanités) en politique et ailleurs.

On objectera que la République romaine  n'a plus rien à apprendre à notre époque. Or précisément tel n'est pas du tout mon avis. Il faut relire Aristophane et La vie de Périclès de Plutarque pour comprendre Athènes, et les textes de Lucain (un pompéien repenti) sur les guerres civiles romaines, et aussi, comme l'a fait il y a peu un auteur qui n'est pas parmi mes favoris, les essais républicains des protestants anglais, français, américains. Il faut s'intéresser à ce qu'ont été les républiques aristocratiques et les républiques plus démocratiques pour mieux comprendre ce qu'on peut ou non attendre d'un peuple et des institutions. Plutôt que de passer son temps à guêter sur Internet les sottises de Sarkozy ou de tel ou tel de ses ministres, il faut retrouver l'épaisseur de l'histoire humaine sur la longue durée.

FD

ps : A ceux de mes lecteurs qui blâmeraient la faute grammaticale dans le titre de ce billet, je signale juste qu'il imite un titre de Paula Cole, qui lui-même comportait cette tournure semble-t-il populaire aux USA... et adaptée, je trouve, au propos de notre sénateur...

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"La politique du nom propre"

22 Octobre 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Je me suis souvenu, ce matin, en lisant le papier de mon ami Edgar sur son blog "La lettre volée" (http://www.lalettrevolee.net/), du livre de Derrida "Nietzsche et la politique du nom propre". Quand j'ai commencé mon engagement politique il y avait eu un débat avec certains de mes amis (par exemple celui que j'appelle Marc-Aurèle dans "10 ans sur la planète résistante") sur l'intérêt d'user ou pas d'un pseudo. Et encore aujourd'hui des discussions ressortent là-dessus à l'occasion de la publication de mon livre. Je pense qu'Edgar, qui n'est pas un journaliste professionnel (lesquels sont à peu près les seuls, avec les politiciens et certains profs, à ne pas devoir user de pseudos quand ils entrent en dissidence) connaît assez bien les contraintes de la vie sociale actuelle. Il décrit les choses fort justement. J'approuve complètement son propos ci-dessous.

FD

Lu ailleurs une bonne petite querelle (en commentaires) comme la blogosphère aime à en mener (cf. chez Toréador aussi, avec qui je suis entièrement d'accord).

Je ressors quelques idées que j'avais notées sur le sujet, pour l'occasion.

D'une part, les anti-anonymats attaquent les blogs anonymes en avançant l'idée que l'anonymat est synonyme de contenu banal. C'est idiot. Et quand bien même ce serait le cas, personne encore n'oblige quiconque à lire un blog anonyme.

L'anonymat marquerait des blogs lâches et de piètre qualité. Je crois que cette remarque est vraie pour un commentateur épisodique qui viendrait lâcher quelques injures sur le blog d'un autre, qu'il n'oserait pas signer de son nom. Mais ce qui est vrai pour un commentaire isolé devient faux pour un blog installé et pérenne.

L'anonymat n'est pas l'absence ni l'irresponsabilité

Sur la durée, l'anonymat s'efface. Peu importe qui signe ici du nom d'Edgar. Il se trouve que, sur ce blog, je réponds de ce que j'écris. Et les quelques commentateurs et lecteurs réguliers me lisent non pour ce que je suis "dans la vie" mais parce qu'ils apprécient ce qu'ils lisent ici, que cela prenne leurs idées à rebrousse-poil ou vienne conforter leurs propres opinions. Et les échanges parfois vifs montrent qu'à défaut de nous connaître en vrai nous sommes capables de discussions approfondies.

L'anonymat est relatif

De fait, ce blog est anonyme parce que je n'ai pas envie que n'importe quel client/fournisseur/relation de travail puisse tomber sur mes opinions poitiques en tapant sur Google, et ce pour les cinquante années à venir. Pour autant, il m'est arrivé de rencontrer les quelques commentateurs avec qui j'ai prolongé des échanges par mail, lorsqu'ils le souhaitaient ou à ma suggestion. Et plus question d'anonymat dans ce cas, bien évidemment. L'anonymat est donc une protection relative et de premier degré.

Le non-anonymat pèse et entrave


Je pense même, en sens inverse, que certains blogs signés de leur auteur perdent en qualité de ce fait. Comment ne pas penser que le fait de travailler pour une boite de publicité, une société de service ou autre n'incite pas forcément à une certaine réserve... Au moins le blogueur anonyme n'a-t-il rien à vendre, sinon la mince gloire de figurer à telle ou telle place du classement x ou Y... Encore ne peut-il même pas en profiter "dans la vraie vie".

Mon pseudo est une personne

Sur la durée donc, je ne crois pas qu'un blog anonyme qui se respecte (qui répond de ses positions, qui engage une discussion avec ses lecteurs) soit de moindre qualité qu'un autre - car c'est bien de qualité qu'il s'agit dans les reproches qui nous sont faits. Le pseudo devient unepersonne, à laquelle on s'attache et que l'on défend. S'il me venait à l'idée de traîner ici Balmeyer dans la boue (ce qu'à dieu ne plaise s'agissant d'un de mes blogs préférés), nul doute que ledit Balmeyer engagerait immédiatement une défense de son pseudonyme, auquel il tient certainement presque autant qu'à son nom réel.

Il y a donc, même sur un blog anonyme, une personnalité qui, pour être virtuelle en apparence, est bien réelle et mérite de ne pas être a priori ramenée à l'insignifiance.

Edgar
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