Transnistrie : Voyage officiel au pays des derniers Soviets
Et si le monde multipolaire n'était qu'un monde de haine ?
Tout cela est inquiétant. Et je ne vois pourtant aucun signe tangible des Russes ou des Chinois en direction des non-alignés qui puisse augurer d'un renouveau de l'internationalisme auquel nous aspirons. On ne voit que du business en ce moment, et quelques stratégies militaires pour réunir ces "blocs" en formation, mais pas de volonté de coopération au niveau de la société civile.
Business et idéologie autour de l'Iran
Au hasard de mes lectures, je tombe sur un site monarchiste perse qui dénonce le lobbying pro-iranien en France.
Political correctness
Que dire ? Musicalement c'est assez nul. Les paroles aussi. Faut-il pour autant le censurer. Comme je le dis toujours, dans ma veine chomskyenne, je ne censure que les appels au meurtre. En est-ce un ? Si je comprends bien cette chanson, elle est l'expression réaliste du désarroi d'un mâle que sa copine trompe. Le réalisme n'a pas bonne presse de nos jours, les hormones masculines encore moins. Il y a cent ans les mâles flinguaient leurs partenaires infidèles. Aujourd'hui beaucoup moins. Il chantent leur soif de vengeance sur des musiques lamentables. Les militantes de la cause féminine devraient se réjouir de ce progrès. Au lieu de cela elles veulent le silence radio. Cachez ce réel que je ne saurais voir, cachez les pulsions. Faisons croire aux mâles que nous sommes dans un monde de bisounours, de barbapapa, infantilisons-les comme le fait Sarah Palin. Et après, quand bien même on y parviendrait, empêchera-t-on certains jeunes gens d'épouver ce qu'Oreslan exprime dans sa chanson quand leur copine les quitte ?
On me dira qu'on reconnaît à chacun le droit d'éprouver ce qu'il veut pourvu qu'il ne passe pas à l'acte. Ce qu'on lui dénie c'est le droit à la représentation de ce ressenti dans l'espace musical, ou visuel. Eprouver sans représenter, éprouver dans les ténèbres. N'est-ce point la voie de la névrose et de la destruction ? Je suggère à Mme Autain et Mme Buffet de présenter à l'assemblée nationale une proposition de loi en vue d'obtenir l'éradication de la testostérone chez les hommes. Sans ce complément biologique indispensable, leur censure sur les mots et les musiques risque d'être bigrement contreproductive.
You Tube a eu une réaction saine : interdire le clip aux moins de 18 ans, et seulement à cela. Protéger les enfants, et les ados c'est légitime. Mais laissons aux adultes la liberté de symboliser comme ils le veulent leurs pulsions.
La crise financière, l'Union européenne et ses oppositions de divers bords
A part ça, nouvelles du jour : l'ami Edgar ces derniers jours s'enthousiasme pour la proposition chinoise de monnaie de réserve alternative au dollar. Les Russes ont un projet du même genre depuis l'automne. J'observe que la crise financière provoque, dans les élites, dans les milieux "sciences po" une fronde importante contre ceux qui nous ont conduit à ce point, notamment contre les tenants du néo-libéralisme de l'Union européenne, comme M. Barroso. Je m'intéresse aux forces anti-systémiques populaires (le bolivarianisme, les mouvements qui apparaissent chez les gens issus de l'émigration), mais aussi à tous ces cercles contestataires qui apparaissent dans les élites, non que je sois forcément d'accord avec eux mais parce que je me demande dans quelle mesure ils auront entre leurs mains les moyens de renverser l'Ordre, qui nous est imposé depuis 25 ans, à commencer d'ailleurs par l'Ordre de l'Union européenne. La conjoncture actuelle leur est relativement favorable.
On voit depuis quelques jours que la chute du gouvernement tchèque en pleine présidence de l'UE, donne des ailes à la droite libérale thatchérienne anti-européiste. Le président tchèque Vaclav Klaus au début a déclaré son soutien au mouvement Libertas du milliardaire irlandais pro-américain Declan Ganley, un groupe que soutient aussi le MPF de de Villiers (quoique Paul-Marie Coûteaux autrefois proche du MPF accuse ce mouvement d'être fédéraliste "in disguise" et non souverainiste). Un think tank tchèque européiste affirme aujourd'hui que Klaus est manipulé par Vladimir Poutine. Poutine et Libertas, même combat contre les fédéralistes bruxellois ?
A gauche, les chevènementistes n'ont pas rejoint le Front de gauche. Sami Naïr négociait au nom du MRC, et les négociations ont capoté sur la souveraineté nationale et sur l'immigration. Naïr les accuse de manquer de clarté, d'être une sorte de "para-NPA". Vont-ils choisir l'abstention aux élections ? Affaire à suivre.
Rivas la rouge, près de Madrid
Littérature ou politique ?
Dans une interview conjointe avec feu le professeur Choron qui traîne sur You Tube que je regardais le weekend dernier, le dandy Marc-Edouard Nabe (un personnage avec lequel je pense n'avoir rien en commun sauf un intérêt intellectuel pour le mysticisme chiite), déplorait que les gens soient trop superficiels pour s'intéresser aux entrailles de leur vie, et de la vie humaine, et, pour cette raison, s'intéressent à la politique qui n'est que la surface de la condition humaine (je résume son propos avec mes propres termes).
Je crois cette affirmation contestable.
La politique, le droit, les sciences humaines, les sciences dures, toute forme de discours rationnel sur des problèmes généraux suppose certes une sorte de neutralisation des aspérités (et des difficultés) de l'existence pour une mise en forme globale cohérente. Je ne pense pas cependant que ces discours soient si superficiels que cela, car il n'y a pas de bonne synthèse rationnelle sans un voyage aussi loin que possible dans l'irrationnel et dans des versants très ténébreux et problématiques du vécu : je songe aussi bien ici à la confrontation de Kant avec le mage Swedenborg, qu'à ce que le sociologie de Bourdieu par exemple ou la philosophie de Sartre (et subséquemment, et peut-être indissociablement, leur engagement politique) doivent aux tourments personnels de leur propre psyché, et aux tourments et souffrances (ou des grandes joies) de celles des autres. Mais il est vrai que l'effet de rationalisation, peut passer pour une remontée vers la surface après la plongée en eau trouble, et beaucoup ne voient pas, justement, combien celle-ci est irriguée par les courants du Styx.
A l'inverse une certaine littérature, de par les cristallisations affectives qu'elle occasionne sur des aspects dérisoires du quotidien ("la première gorgée de bière"), peut être vue comme la voie la plus superficielle de perception du monde, et, à maints égards, la plus stérile (mais Nabe dirait sans doute qu'il s'agit là de mauvaise littérature).
On voit cependant que la littérature offre une grande liberté d'approche du réel et de l'imaginaire. C'est pourquoi d'ailleurs je me suis fait romancier à certaines heures. Mais peut-on relever le défi de la littérature sans sacrifier celui de la politique et vice versa ? Dans ce blog même comment puis-je équilibrer les deux, combiner les deux. Prenons mes abonnés : peut-être attendent-ils des informations politiques en me lisant (comme dans le blog de l'Atlas alternatif). Dois-je leur imposer des considérations littéraires au milieu de mes résumés de dépêches ? Mais d'un autre côté comment ne pas aller sur des terrains littéraires plus personnels ? La politique ne devient-elle pas précisément stérile et vaine quand elle ne fait pas le détour vers ces espaces-là... Choix difficile. Je pressens que le détour par la littérature peut me condamner à ne plus être lu ni cru quand j'écris sur la politique. Un exemple : une amie qui avait lu mon roman s'est exclamé devant la quatrième de couverture de mon livre sur la Transnistrie : "c'est un pays qui existe vraiment où c'est une histoire que tu inventes ?". Autre exemple : ce soir, dans une veine littéraire je pourrais me perdre dans des considérations hasardeuses, expérimentales sur un échange épistolaire de quelques lignes que j'ai eu avec une jeune femme maghrébine qui joue un rôle intéressant dans un mouvement anti-colonialiste (pour aller vite). Mais écrire sur elle dans cette veine non seulement compromettrait mes chances de pouvoir travailler politiquement d'une manière sérieuse avec son groupe, mais aussi risquerait de m'éloigner personnellement de l'esprit militant, qui est ce dont nous devons faire preuve, d'une manière responsable, face aux difficultés de ce monde.
Je me souviens en rédigeant ces lignes que j'avais écrit à peu près la même chose, sur ce même blog, à l'été 2007, à la sortie d'une conférence à l'ambassade cubaine de Paris. En fait je n'avais pas posé la question "littérature ou politique" mais "vie de militant ou vie d'intellectuel", mais ces problématiques se recoupent largement. A l'époque une amie (qui avait voué toute sa vie au militantisme LCR) avait craché sur ce billet en disant : "Ce genre de question ne m'intéresse absolument pas. C'est tout ce que j'ai combattu chez mon père qui se prenait pour un intello." C'est peut-être ce que songeront nombre de mes lecteurs "branchés sur la politique" lorsqu'ils liront le présent billet.
Je n'ai trouvé de bon mélange de la politique et de la littérature que dans Chien blanc de Romain Gary. Peut-être aussi chez Céline. Mais l'un et l'autre étaient des nihilistes, et leur message politique ne se raccrochait à aucun esprit de responsabilité (Céline voulait la destruction de tout, et Gary n'échappait à cette extrémité que par une passion émotionnelle pour sa mère et pour De Gaulle). Cela rendait chez eux la cohabitation de la politique avec l'audace littéraire bien plus facile.
Paris des années 80
Quand je suis arrivé à Paris en 1988, il y avait encore une queue de comète de tout ça. J'avais des potes de Sciences Po, qui connaissaient beaucoup de gens dans les milieux artistiques, grâce à cette facilité des échanges. Je ne pense pas qu'ils le devaient seulement au "capital social" de leurs parents. Pas tous. Moi je me sentais assez étranger à ça, et d'ailleurs personne ne m'a jamais proposé de m'introduire dans ces cercles. De toute façon, je n'en avais pas le temps. J'avais des études sérieuses à faire.
Je ne suis pas sûr que cela m'aurait apporté grand chose du reste, ni humainement ni intellectuellement. Cela m'aurait lassé, comme le salon de l'Ecrivain engagé que je décris dans 10 ans sur la planète résistante. Car au fond tous ces échanges, ces verres partagés avec l'un, avec l'autre, entretenaient chez ceux qui jouaient ce jeu là un esprit très superficiel. Cela faisait partie de la vanité parisienne, de ce que j'ai toujours détesté à Paris. Au fond ce n'était pas différent de la vacuité de la cour versaillaise au siècle de Louis XIV.
Soral fait l'éloge de ces rencontres, de ce qu'elles lui ont apporté. Je me demande si elles ne l'ont pas entretenu dans une culture publicitaire, une culture des effets de manche, comme Dantec et bien d'autres auxquels il s'oppose. Une culture qui le conduit à choisir les slogans sans nuance et les jugements à l'emporte-pièce, à porter au pinacle des penseurs sans grande envergure, à en rejeter en bloc d'autres, dont l'oeuvre ne se peut réduire à des clichés rapides.
Aujourd'hui la fluidité sociale a disparu nous dit-on. Les artistes ou intellectuels connus ne frayent plus qu'avec leurs pairs et les gens riches, il n'y a plus de bohème et les jeunes talents déshérités se suicident en banlieue. C'est possible. Il est vrai en tout cas que les échanges se font plus sur Internet que dans le réel, et qu'il manque à ces échanges "le contexte", la "situation" qui en faisait le sel, les inscrivait dans un récit, un récit charnel autrement plus parlant pour l'imagination que : "j'étais dans ma chambre, j'ai allumé mon ordi, j'ai eu un échange de trois lignes avec Emmanuel Todd dont un ami m'a donné l'adresse email, et puis j'ai éteint mon ordi et je me suis couché"... Mais peut-être aussi cette nouvelle sècheresse des rapports entre individus médiatisés par l'écran de l'ordinateur, toute cette solitude dont on nous parle tant, nous débarrasse-t-elle aussi de beaucoup de conversations stériles dont ma jeunesse fut saturée et qui ne faisait que m'engluer dans les stéréotypes inutiles d'une époque, moi et toute ma génération. Chacun dans sa solitude brasse peut-être, au fond, plus d'idées et de connaissances que nous ne le faisions. Tellement d'idées et de savoir, du reste, que nous ne savons plus quoi en faire ni comment les structurer. Nous avons perdu en poésie, en plaisir d'être ensemble, mais peut-être nous sommes-nous aussi, par là même, débarrassés d'une vanité, et d'une forme de bêtise.