Diversité, religiosité et péché de laïcardise
A Brosseville des gens de couleur viennent me voir, pour monter des associations. Toutes leurs assoces ont pour but la "promotion de la diversité", le "dialogue interculturel" etc. Ce sont des gens qui veulent "positiver le négatif", qui veulent transformer la boue d'un mal être quotidien en or. Hier une dame antillaise me dit dans un même souffle : "Je veux monter une association multiculturelle, multiactivité. Les gens sont trop braqués sur le passé, les Français contre les Allemands, les Noirs contre les Blancs à cause de l'esclavage, des histoires de nos grands parents. Au supermarché la semaine dernière un caisse ouvre, j'y vais la première. Un monsieur qui faisait la queue à l'autre caisse m'uinsulte : 'y en a que pour eux, ils viennent manger le pain des Français', je lui ai dit : 'monsieur si vous étiez à l'hôpital et vous aviez besoin d'une transfusion sanguine vous ne voys demanderiez pas si le sang qu'on vous propose est celui d'un blanc ou d'un noir". Voilà, c'est dans l'esprit de ce que j'entends tous les jours : mélange confus de volonté de dépasser les ressentiments historiques, dépasser le racisme, communier dans un idéal d'arc-en-ciel. Par moments cet idéal se mêle à l'égalitarisme. Je me souviendrai toujours de cette phrase d'une élue d'origine algérienne : "La semaine dernière c'était une vraie fête du dialogue interculturel où il y avait des Français et des Maghrébins. J'étais assise à table à côté d'un PDG sans savoir quelles étaient ses fonctions. L'interculturel c'est aussi ça".
Ce matin, une employée du service me parlait d'une "Mère Teresa" de Brosseville (ce sont les propres termes qu'elle a utilisés), qui ne jure que par Dieu et qui fait don de sa personne dans les quartiers les plus déshérités de la ville. "Même les plus paumés des jeunes qui ne respecteront pas un policier armés la respectent elle, et même la craignent" m'a-t-elle dit. J'ai repensé à cette correspondante qui après une vie hautement gâchée dans tous les sens du terme ne parle que d'énergies cosmique, de Foi et de Rédemption.
Il est évident que la laïcardise est un luxe que tout le monde ne peut pas s'offrir. M. Mélenchon devrait aussi réfléchir à ça...
Mélenchon s'énerve
Mélenchon est un sanguin. Il devient à l'égard des médias une sorte de Georges Marchais. A-t-il raison ? Le système médiatique est pourri depuis son invention à la fin du 19ème siècle. Mélenchon le découvre-t-il ? Gravitas et dignitas. Tu parles. On ne va pas rejouer la république romaine façon 1793. La République guerrière : car ces sénateurs graves, restés impassibles sur le forum quand les Gaulois envahirent Rome, étaient aussi des soldats. Tout cela n'a plus aucun sens aujourd'hui.
En plus balayer avec mépris le problème des conditions de travail des prostituées n'est sans doute pas la meilleure façon de tourner en dérision les journalistes. Comme le disait jadis une mienne amie trotskyste : "Mélenchon pue le mâle".
Depuis les dernières élections, je note que tout ce qu'il y a de révolté dans la société (notamment dans le réseau Atlas alternatif de Facebook) se dit écolo, et non Front de Gauche ou NPA. Ca permet à ces gens de se présenter devant la bourgeoisie en criant "sauvons la planète" plutôt que "sauvons le pouvoir d'achat". On fait mieux pleurer sur les pingouineaux que sur l'humiliation des classes populaires... Il est vrai que si l'on dit "pouvoir d'achat" tout le monde pensera "surconsommation", "surpollution"... Mais alors, les quartiers populaires, dont parle Mélenchon, qu'est ce que les écolos et les ex "refondateurs du PCF" qui les ont rejoints veulent faire pour eux ? Va-t-on leur enseigner le "yoga anticapitaliste" d'Arnsperger ? 75 % d'abstention. Par quel biais on les réinsère dans l'ordre social ? Ou bien fera-t-on comme au Mexique ? En laissant le narcotrafic et tous les opiums du peuple les gouverner ?
La nasse
J'ai été surpris par ses pleurs. Cela fait quelques années que j'ai poussé mes échanges avec elle sur la voie du rationalisme (à l'image de notre époque : il faut que tout soit rationnel et fonctionnel, le monde est un peu stoïcien quand même). Je ne pensais pas voir ressurgir les pleurs à ce moment là sur ces phrases.

Elle sait qu'elle a de bonnes chances de survivre, mais dans cette image du petit garçon dont elle ne pourrait point fêter l'anniversaire se cristallise évidemment une réalité ontologique : tout cet avenir auquel elle devra un jour renoncer (si ce n'est demain ce sera dans quelques années), tout cet amour qu'elle ne pourra pas donner.
Quelle variété d'émotions entre les gens... Ceux qui pleurent beaucoup, ceux qui pleurent peu, ceux qui n'ont pas été aimés dans leur enfance et passent leur vie à chercher l'amour et le chercher mal, ceux qui l'ont trop été, ou mal été, et qui passent leur temps à le fuir tout en le recherchant...
En arrière plan il y a toujours cette impossibilité d'exister. Je trouve que toute cette vie est impossible. Poisseuse, trop chargée de contradictions et de problèmes insolubles, avec en plus ce temps qui l'engloutit à chaque seconde.
Parfois j'envie les métaphysiciens comme cette correspondante qui actuellement me gave de théories fumeuses sur les énergies vitales et prétend vivre une "renouveau", créer sa propre vie. Moi je serais bien incapable de pouvoir vouloir la moindre nouveauté, tout est bien trop empêtré dans ma condition présente.
Cet après midi un Haïtien est venu me voir pour me demander d'intervenir auprès de l'ambassade de France à Port au prince pour qu'il puisse avoir pour ses nièces très vite des visas. Ses nièces, qui ont 12 et 16 ans vivent dans la rue au milieu des odeurs de cadavres. Leurs propres parents sont morts dans le tremblement de terre. Lui il veut les sortir de là, mais l'ambassade ne peut le recevoir que dans 2 mois. Le calme avec lequel il aborde ce sujet... La mort de sa soeur, la tragédie de ses nièces, qui peuvent être violées, tuées à n'importe quel moment dans le chaos haïtien. Que ne puissions nous avoir le même détachement devant cette vie ?
Ce soir je lis sur le blog La Lettre volée : un pseudo philosophe qui entonne les airs de 68 sur le thème "l'ordre n'est qu'un cas particulier du désordre", et Edgar qui semble découvrir que Strauss-Kahn est néo-libéral. Pas top pour trouver un sommeil profond...
Encore un livre...
On sort des livres. On sait qu'on aurait pu faire mieux. Qu'on aurait dû.
Oui, mais voilà. Un livre, c'est comme toute autre production de l'existence.On dispose d'un temps limité, comme un devoir sur table à l'école. On fait ce qui est possible. C'est tout. Si je n'avais pas dû m'occuper de mon blondinet de filston, si tel connard au bureau n'avait pas sapé mon énergie, si tel voisin du dessous avait été moins bruyant, si tel intellectuel m'avait donné un peu plus confiance en moi dans les années précédentes, si les militants m'avaient moins découragé, si ce monde allait un peu mieux, peut être tel livre ou tel autre aurait-il été plus soigné. Avec des si...
On publie. Tant qu'on peut. Aussi bien qu'on peut. On me taxe d' "écrivain prolixe" dans mon entourage, avec un tantinet d'ironie. Je m'en fous. Je ne publie que ce qui me semble devoir l'être. Après, à Dieu va..
Il dépend ensuite des journalistes, écrivaillons en tout genre, de vous convaincre que votre livre valait mieux ou moins bien que la dernière des bouses publiées à compte d'auteur. En ce moment pas mal de journalistes font sembant d'estimer mon bouquin de sociologie du corps de 2008. Je vais en profiter pour leur refiler mes dernières réflexions sur l'histoire du monde que L'Harmattan publie cette semaine. J'arrête de me demander ce qu'elles valent. Ca n'a plus aucune importance. Peut-être certains s'en enticheront, peut-être pas. Apparemment si L'Harmattan l'a publié c'est qu'ils y croient un peu (car ils ne publient pas n'importe quoi). Ca n'a aucune importance.
Si j'étais mieux inséré dans le milieu universitaire, je me fierais à l'avis de mes pairs plus qu'à celui des journalistes. Mais j'ai vu vers quelle médiocrité les maîtres de conf' tendent. Je ne me fie pas plus à leur jugement qu'à celui des chroniqueuses de Femme actuelle. Je suis en apesanteur complète. Sans aucun élément de jugement autre que quelques retours de lecteurs, ou des indices bizarres, difficiles à interpréter comme celui-ci : trois bibliothèques universitaires ont fait l'acquisition de mon bouquin sur la Transnistrie.
Tout en publiant mon livre sur l'histoire du monde, je continue de relire celui sur l'Abkhazie, ce qui est fastidieux au possible. Dernière ligne droite.
Sur le volet politique, si vous avez lu le blog de l'Atlas alternatif ces temps-ci vous devez savoir vers quels pays mes intérêts penchent en ce moment. Vous pouvez y ajouter le Mali, après une conversation passionante hier avec un conseiller de la présidence de la République de ce pays.
A part ça, je ne résiste pas au plaisir de vous citer les gros titres de laRepublica.es aujourd'hui. Ils sont si décalés par rapport à ceux de la presse bourgeoise, et cependant disent quelque chose de réel sur ce monde. Même si vous n'êtes pas hispanisant vous en comprendrez sans doute le sens :
- Tailandia al borde de la Revolución
- Miles de personas se manfiestan en Moscú "contra el capitalismo" - Los comunistas rusos salieron a la calle en las principales capitales
- El presidente de Ucrania impone la Orden al Mérito a Fidel Castro
Gains et pertes en politique, Allemagne, refondateurs communistes, Emergence

Je publie en avril un bouquin sur l'histoire virtuelle. Je vous y renvoie.
En parlant de coups politiques, des renards de la politique - des refondateurs du PCF - quittent leur parti. Total : trois députés en moins pour le PCF, et trois grosses villes d'Ile de France. Ils le font en chantant la louange de la fin des partis politiques qu'ils veulent remplacer par des forums façon ATTAC. Si on était d'humeur à rigoler on leur souhaiterait bonne chance, quand on sait ce que fut ATTAC... Ca fait penser à M. Tron le maire de Draveil qui lâche de Villepin pour rejoindre le bateau ivre de Sarko le lendemain de son échec électoral. Je suppose que tous ces gens font de savants calculs sur les gains réels et les pertes évitées.
Le Monde s'inquiète de l'abstention dans les quartiers populaires. Moi je m'inquiète de l'absence totale de réponse de la gauche aux questions que posent ces quartiers (qui se cumule à son absence totale d'idée sur l'Europe, sur la société de demain etc). Mais il est vrai que c'est parce que la gauche n'a aucune idée que les médias la trouvent très sympa, et se réjouissent de transformer Martine la tocarde en Martine la winneuse, comme ils l'avaient déjà fait de Jospin en 1997. Trop cooooooooool !
En banlieue, une petite liste "Emergence" a fait un mauvais score. Des types braqués sur l'Islam apparemment. On me dit que leur noyau dur est marxisant. J'en doute un peu quand même. Le Parti des indigènes de la république aussi est parti d'une culture marxisante au départ. Des postmarxistes qui n'affichent plus guère leur passé. Je ne suis pas sûr qu'ils aient un potentiel.
Tenez restons dans le post-marxisme : demain je rencontre un conseiller du président de la République du Mali qui a fait ses premières armes au journal L'Humanité comme pigiste il y a 25 ans. Ho Chi Minh n'avait-il pas débuté à la CGT de Renault Billancourt ?
Elections régionales, Tibet, Germaine Tillon, SS lettons, Russie
Et voilà. La semaine reprend. Les stats de consultation du blog sont en chute libre parce que les gens travaillent. Les gens à Brosseville se disputent, se mettent des bâtons dans les roues, se critiquent par derrière. La routine, mais ça fait toujours drôle quand c'est sous un ciel bleu. La médiocrité passe mieux avec les nuages.
Les élections donnent la victoire à la gauche. Etrange comme ce cadre stérile se reconstitue toujours. L'alternance gauche-droite... Elle se recrée juste avec moins de votants qu'avant, moins de gens qui se laissent emporter par les cadres institutionnels, qui se sentent obligés d'y croire. Tout ça profite au PS, comme d'habitude. C'est une éternel jeu de dupes, pour une fausse alternance. Avec des règles pré-fixées au niveau européen qui interdisent de toute façon toute politique de gauche. Quelle absudité ! On maintient les gens esclaves de la sorte pendant des générations... comme au Tibet (je relisais hier soir un bout du livre d'Elisabeth Martens sur l'histoire du bouddhisme tibétain.- cette dame a fait oeuvre utile). Mélenchon crie au prochain effondrement du système politique français "à la venezuélienne" mais va à la soupe chez Martine. Le pire c'est que même l'effondrement est peu probable. Nous n'avons pas de lieutenants-colonels qui marchent sur l'eau en France.
Ce matin, j'étais un peu perplexe devant un passage de Germaine Tillon qui prend à la lettre Hérodote et explique qu'à l'époque les Berbères pratiquaient sûrement la communauté des femmes (comme le prétend le père de l'histoire), parce qu'ils se marient entre cousins et ont des tolérances (encore dans les années 1960) pour la circulation des cousines tant que ça se passe se passe "en famille". Première fois que je vois une approche du communisme sexuel sous cet angle là...Cette hypothèse a-t-elle été confirmée depuis lors ?
A part ça, un ami me faisait remarquer récemment que vu tous les anciens SS qui font des fêtes en Lettonie de nos jours, ont peu supposer que les purges staliniennes contre eux en 1945 n'ont pas été très fortes. Furent-elles plus faibles qu'on ne dit ou mal ciblées ?
Aujourd'hui je lis que beaucoup de Russes manifestent contre Poutine en Russie où les communistes ont fait de bons scores aux très récentes élections régionales. Etrange, on a du mal à concevoir une Russie sans Poutine... et encore plus de mal à imaginer la possibilité d'une Russie démocratique (avec ou sans lui)... J'en parle un peu dans mon bouquin sur l'Abkhazie (je me bats en ce moment pour que mon éditeur ne colle pas mes notes en fin de livre- on a des petites occupations comme ça...). On ne sait plus trop ce qu'il faut souhaiter aux peuples de ce monde.
Choix esthétiques des femmes

"Now researchers believe that improvements in health care in wealthy western countries mean women do not have to worry about so much about the quality of their offspring – and so are picking more feminine looking men.
The researchers at the University of Aberdeen came to the conclusion after studying the preferences of 4500 women from 30 different countries.
They found a direct correlation between the quality of health care and the choice of male.
In countries with better health care, the more likely women would pick a feminine looking man and visa versa. "
Le pouvoir des puissants, Bricmont et le sionisme, l'éducation des jeunes
Il y a surtout cette conférence de Bricmont sur le sionisme (cf ci-dessous - la vidéo est en trois parties, la suite est sur Dailymotion), qui me fatigue plus que tout. Mes idées sur le sionisme sont claires. Je les ai indiquées dans 10 ans sur la planète résistante. Pour autant les gens qui consacrent trop de temps à ce sujet m'exaspèrent et versent dans des tournures de pensées obsessionnelles que je réprouve. Il avait raison le lecteur du blog La lettre volée qui disait que cette obsession était sans doute liée à l'enjeu religieux qui tourne autour de Jérusalem depuis 2 000 ans. Hé bien précisément, je veux sortir des fixettes religieuses ! Je soutiens sans réserve les Palestiniens, et l'existence d'un Etat unique multiconfessionnel en Palestine. Voilà tout. Mais qu'on n'attende pas de moi que je passe mes journées à dénoncer le pouvoir du CRIF et autres leitmotiv de ce tonneau. Oui, le CRIF a du pouvoir. Oui c'est regrettable. Mais croyez vous qu'il soit le seul groupe à pouvoir faire oublier certaines réalités de ce monde ? Le CRIF occulte la Palestine dans les médias, soit. Mais savez-vous combien de groupes occultent les Abkhazes, les Karens, telle tribu amérindienne livrée au pouvoir des multinationales forestières au Brésil ? L'ensemble du système politico-médiatique est mensonger (par action et par omission). Pourquoi me focaliserais-je sur la question palestinienne ? Elle a droit de cité dans nos indignations, mais seulement parmi d'autres. Oeuvrons plutôt à changer les médias dans leur ensemble !
Sur mon autre blog une "petite commerçante d'huile d'olive grecque" (elle se décrit ainsi) qui a suivi des cours à l'université des médecines alternatives du Sri Lanka (sic) et connaît la médecine traditionnelle vietnamienne discute de l'influence du X sur la jeune génération. Voilà un sujet important ! Arrivé à un certain âge (et seulement à cet âge là quand comme moi on n'est pas professeur) on se décide enfin à s'intéresser aux questions d'éducation. Vous me direz que je verse dans le "boboïsme". Détrompez vous ! Rien ne m'insupporte plus que les magasins de "produits bio" "détente relaxation naturelle" etc qui pullulent dans nos centres villes. Mais on ne peut tout rejeter en bloc de la science bourgeoise. Certains de ses apports sont utiles. Je disais dans mon précédent post mon scepticisme sur la lecture d'Aristophane dans un cadre scolaire. Plus largement je crois que l'école ne peut rien nous apprendre de bon sur nos corps. Or c'est par le corps que nous réformerons la culture et l'ordre politique. Pourquoi alors ne pas commencer par une réforme de l'éducation nationale ? une réforme pour le corps précisément... et pourquoi pas en suivant des voies "asiatiques" ?
Gueule de bois dans le quartier latin
C'était déjà devenu bien triste à l'époque de Mitterrand, du temps où on faisait mine de s'extasier devant les "grandes conquêtes" déconstructionnistes du collège international de philo. Aujourd'hui c'est carrément glauque. Les gens qui veulent faire les malins à Paris préfèrent flâner dans les bistrot d'Oberkampf que chez les libraires de la rue des Ecoles. Fini tout ça. Et chacun sait que s'il n'y avait pas des exaltés calvinistes outre-atlantique pour recycler naïvement de la pensée 68 au service des combats "culturels" de minorités, ça fait belle lurette qu'on ne parlerait plus nulle part de la "pensée française contemporaine".
Personnellement, j'ai tendance a trouver ça plutôt sain : qu'on en finisse avec cette Babylone, qu'on puisse reconstruire ailleurs sur de meilleures bases, qu'un type dans l'Ardèche ait plus d'outils avec son Internet et ses achats de bouquins en ligne pour faire fonctionner ses neurones qu'un snobinard de la rue Saint Jacques. Vous n'imaginez pas le nombre de lecteurs de ce blog qui habitent des villages de moins de 10 000 habitants.
Bon, puisqu'on parle des visiteurs du blog : que le gars de la Fédération de Russie (toujours le même numéro d'identifiant) qui lit ce blog chaque jour se dénonce. S'il bosse pour les services secrets il doit être bigrement déçu, sauf s'il prépare une thèse sur Aristophane et encore. Même chose pour le lecteur de Santa Clara aux Etats-Unis (bon, lui, c'est plus espacé quand même : une fois par semaine)
Allez comme vous avez été gentils, je vous livre la "geolocation" des visiteurs de ce blog depuis quelques mois :
Visits | Percent | |
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Bon d'accord c'est moins diversifié que pour le blog de l'Atlas alternatif
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![]() | 41 | 1.94% |
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![]() | 52 | 4.02% |
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![]() | 39 | 3.02% |
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On fera mieux la prochaine fois.
Encore un mot sur l'Assemblée des femmes
On ne devrait jamais dévoiler les ficelles de son art, mais je dois quand même dire comment j'ai découvert cette pièce d'Aristophane : tout bêtement en parcourant le premier tome d'une encyclopédie Larousse de 1960 en décembre dernier. Elle y était présentée comme une satyre du communisme des philosophes athéniens. Je ne sais même plus si elle portait le mot "sexuel" dans sa présentation. A l'époque les écrits qu'on disait "licencieux" des cultures ou des auteurs qui ne plaçaient pas les tabous aux mêmes endroits que nous étaient le pré-carré d'érudits à la Etiemble qui cultivaient le privilège de l'accès à ces livres rares avec beaucoup de snobbisme. Il n'était pas question d'en faire des sujets du bac. Puis des philosophes s'en sont saisis pour en faire des sujets de réflexion sur le désir ou la consommation : je songe à Deleuze exhumant la Vénus à fourrure de Masoch, ou aux travaux d'Horkheimer sur Sade. A mon avis nous sommes encore très loin de pouvoir arborder Aristophane sans le passif d'une culture qui "ne s'en sort pas bien" avec ses corps, qui ne sait pas s'en dépatouiller. Je ne veux pas dire que les Grecs faisaient nécessairement "mieux que nous", ça on n'en sait rien, mais ce qui certain c'est que les projections des problèmes de notre culture avec les corps, sur Aristophane (ou sur les grands maîtres du taoïsme) sont inévitables, quand bien même nous ferions répéter "bites, couilles, fellation" à nos chers lycéens à longueurs de dissertation.
J'écoutais hier une émission de radio du très controversé Eric Zemmour (un homme intelligent, quoique, comme beaucoup de réactionnaires, il fétichise à l'excès certaines de ses intuitions les plus partielles pour en faire des boucliers contre le monde tel qu'il va). Il disait des choses censées sur les jeunes gens précarisés qui ne bandent pas très bien pour leur jeune compagne, ce qui pousse ces dernières à rechercher des sexes de quadragénaires. Les lycéens ou les étudiants en lettres qui tapent "le corps dans l'assemblée des femmes d'Aristophane" pour parvenir jusqu'à ce blog entrent-ils dans cette catégorie ? Si tel était le cas, on toucherait précisément là au paradoxe le plus profond de notre époque.
L'impuissance des classes populaires
Je voudrais revenir d'un mot sur le commentaire très pertinent que Mme Poncet a posté sous ma "chanson pour Sandouville".
A Brosseville dimanche dernier les quartiers populaires se sont abstenus à 72 voire 77 %. Las de voir les politiciens ne les solliciter qu'au moment des élections, ils votent avec leurs pieds.
Mais le peuple peut-il faire quoi que ce soit d'autre ? Et peut-on faire quelque chose avec lui ?
Mme Poncet parle des gens qui vivent dans des caravanes. Cela me rappelle une conversation que j'eus, du temps où j'étais doctorant, avec ma consoeur Isabelle Coutant (une très jeune sociologue vraiment bien, je parlerais volontiers de son positionnement à l'égard du monde académique si je ne craignais d'être indiscret)."Tout est violent, pour les pauvres, me disait-elle, ne serait-ce que l’inflation : devoir boucler un budget avec des prix qui augmentent. C’est horrible ».
Travailler avec les classes populaires est une œuvre incroyablement complexe, parce que précisément elles n’ont pas de latitude d’action, pas de pouvoir (ni culturel ni matériel) sur leur propre vie. C’est en ce sens que le marxisme, dans toutes ses déclinaisons, y compris les plus mystiques à la Chavez, fut (j’ai tendance à en parler au passé, malgré tout) une aventure très impressionnante, quoique parfois trop simpliste, et pour cette raison vouée à l’échec partiel (il ne suffit pas d’embrigader les pauvres pour les libérer - mais la libération n'a que très partiellement échoué).
L’impuissance des pauvres pose des problèmes très concrets chaque jour. Par exemple en ce moment, si je me demande « à quoi consacrer mon temps d’une façon responsable pour être utile au monde dans lequel je vis ? », j’aurais tendance à penser que la chose la plus urgente à faire pour un type comme moi, qui connaît un peu l’histoire, la géographie, et l’anglais, c’est d’œuvrer à empêcher que ne se crée un monde dominé par la surclasse capitaliste occidentale (celle dont parle Michéa) en lutte contre des bourgeoisies régionales russes, chinoises, brésiliennes, proche-orientales - que-sais-je ?-. Rechercher la création d’une humanité solidaire à l’échelle planétaire (pas seulement au niveau de l’hexagone), et moins inégalitaire.
Comment puis-je employer utilement mon temps à cela ? Je puis chercher à construire une grande association populaire avec le prolétariat et la petite bourgeoisie banlieusarde (les « dominés » de divers champs comme disait Bourdieu, même si le mot ne me plait pas) qui ont encore à l’esprit quelques bribes d’idéaux de gauche, même s’ils ne se reconnaissent plus dans les partis actuels. Jusqu’à ce qu’on en fasse un mouvement puissant (un peu comme Attac naguère), capable d’élire un ou plusieurs Galloway aux postes du pouvoir républicain.
Mais ce travail populaire est lent, laborieux, parce que précisément les gens dominés n’ont pas de pouvoir, et, s’ils en obtiennent quelques miettes, ils sont prêts à s’entredéchirer pour les monopoliser (je me rappelle un aphorisme de Nietzsche qui disait que la véritable misère des pauvres tenait à leur propension à s’entretuer pour une pièce d’or). Et tout peut échouer dans un an.
Je peux, à l’inverse, envoyer mon prochain bouquin sur l’Abkhazie à un partisan de Dominique de Villepin (il en est qui m’apprécient), bref, m’allier à une partie de la bourgeoisie française (voire de la grande bourgeoisie), en utilisant ce levier pour pousser la France à sortir de l’OTAN (voire de l’Union européenne), puis aider Chavez et les Palestiniens, etc (j’ai remarqué une réunion qui aura lieu prochainement à Paris où sera M. Asselineau, chef d’un parti gaulliste eurosceptique, où l’on vantera les mérites du socialisme cubain). Le choix de Proudhon qui discute avec Napoléon III.
Comment être utile à son époque ? En suscitant un mouvement populaire à la base ou en travaillant avec les franges progressistes, « utiles » (même si elles ne sont pas forcément conscientes de leur progressisme) ? Voilà le genre de question que doit se poser toute personne réellement soucieuse de changer le monde (et j’exclus de cette catégorie beaucoup d’universitaires verbeux qui connaissent leur Marx ou leur Bourdieu sur le bout des ongles mais ne prisent que les conclaves entre intellectuels « purs »).
Parler de ses livres
Ce soir je suis tombé par hasard sur le blog d'un publiciste connu qui disait comme moi : "J'arrive au terme d'un cycle de mon oeuvre, il faut que j'arrête d'écrire, sans quoi je me répèterais, il faut que je recommence à vivre un peu". Sauf que lui ajoutait "j'arrive à un cap, celui de la cinquantaine", alors que moi je dis "j'arrive à un cap, celui de la quarantaine". A part ça les mots étaient tellement les mêmes que je me suis demandé si ce n'était pas l'époque qui nous poussait à mettre en scène notre suicide scriptural, plutôt qu'un mouvement personnel en nous. Cela fait longtemps que je dis que c'est le statut même de l'écriture qui rend vaine sa poursuite aujourd'hui, ou du moins sa poursuite au delà d'un certain seuil de publication (disons de septième ou du dixième livre écrit selon les cas).
Je mesure aussi en écoutant ce publiciste (qui se filme en vidéo), tout le ridicule qu'il y a à dire "mon oeuvre". Ce garçon qui plus est se compare à Mishima, puis in fine attaque un de ses collègues contemporains. Un peu minable. On devrait prohiber le mot "oeuvre", la référence aux grands prédécesseurs, et d'une manière générale les airs inspirés sur ce qu'on écrit. Voire on devrait interdire aux journalistes de poser des questions aux auteurs. Le livre devrait parler pour lui-même.
En ce moment je suis en train de choisir la couleur de la couverture de mon bouquin sur les aléas de l'histoire qui paraîtra sous mon nom d'état civil bientôt. Je découvre que mon "incursion en classes lettrées" a été commandée par quatre bibliothèques universitaires alors que je n'ai jamais fait aucune pub pour ce livre (on ne devrait jamais chercher à promouvoir une autobiographie, ni, plus généralement, sa propre existence, on l'écrit et voilà tout). Alors que "10 ans sur la planète résistante" dont j'ai beaucoup parlé (et qui a 650 supporters sur Facebook) a été boycotté par les biblis. C'est bizarre, parce que les idées que j'exprime dans l'un et l'autre bouquins sont assez voisines.
Marianne2 m'a interviewé vendredi sur mes travaux de sociologie du corps. C'est le seul domaine sur lequel plusieurs médias de masse aiment à m'interroger. Parce que je travaille sur des thèmes qui touchent à leur "actu" comme on dit. Au départ je ne prenais pas très au sérieux ces sollicitations de grands médias qui allaient du Figaro Madame à France 2, tant j'étais convaincu que ce genre de fenêtre participaient uniquement du "bruit ambiant". Maintenant que Sarkozy a remué l'opinion avec son "débat sur l'identité nationale" avec ses comparses Gérin et Raoult sur la burqa, ouvrant un joli boulevard au Front national comme l'ont montré les élections d'hier, je commence à faire attention. D'autant qu'on me questionne précisément sur le voile assez souvent, et que l'autorité académique que me confère le livre leste d'un certain poids mes réponses, qui oblige même les plus "mainstream" des medias à prendre en compte mon point de vue. Je ne dois donc pas négliger ce que je fais passer sur ce terrain là aussi, ne pas seulement considérer ces interviews comme de simples services rendus à mon éditeur, voire des corvées.
Stoïcisme (suite)
A nouveau plongé dans le stoïcisme. Je lis "The Making of Fornication : Eros and Political Reform in Greek Philosophy and Early Christianity" de Kathy L. Gaca (UCP 2003). Un très bon livre. Tous les bons livres sur le corps sont en anglais et non traduits.
Gaca montre bien ce qui et peut être évident pour les philologues mais pas pour le commun des mortels (même à la Sorbonne on ne l'apprenait pas) : que le premier stoïcisme était pour le communisme sexuel, et le second seulement à partir de 150 av JC pour la sexualité limitée au mariage. Elle explique cette évolution par le fait que des familles aristocratiques pouvaient difficilement envoyer leurs jeunes suivre des cours auprès de philosophes qui auraient enseigné la destruction de la famille. C'est ce qu'on appelle l'embourgeoisement d'une doctrine révolutionnaire.
Je pense que le stoïcisme dans ses deux déclinaisons (révolutionnaire et bourgeoise) est la doctrine adaptée à notre époque. Son intérêt pour la nature humaine universelle (par delà les ethnies, le sexes, les générations), pour la recherche d'une gestion rationnelle de cette nature sans aucune répression artificielle des instincts, la conviction stoïcienne d'une coappartenance du corps et de la raison, son refus des diabolisations, sa foi en la possibilité d'une amitié universelle - qui est aussi une amitié des corps - par delà les anciennes superstitions, tout cela me paraît excellent et correspond à beaucoup d'attentes de notre temps, après l'éffondrement du christianisme européen.