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Le blog de Frédéric Delorca

Quand le porno n'était pas encore du gonzo

30 Novembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les rapports hommes-femmes

Pardon aux yeux sensibles qui ne souhaiteraient pas s'abîmer sur d'aussi viles considérations, mais je dois dire un mot de ce thème qui préoccupe beaucoup de jeunes gens : le porno a-t-il régressé ou progressé sur un plan qualitatif dans le monde occidental ?

 

Je regardais récemment des films de Vintage des années 1970-80. C'était le temps où le porno racontait des histoires, même des histoires kitsch, stéréotypées, c'était sans importance. La libération sexuelle était encore entourée d'une petite dose d'aura mystique. Une petite musique accompagnait obligatoirement toute scène d'accouplement. Les dames avaient un pubis normalement velus, les poitrines n'étaient pas siliconées, les ventres pas tatoués, il n'y avait pas de piercing inopportun, les hommes ne s'épilaient pas. Ils bandaient déjà avant le début de la fellation, ce qui traduisait malgré tout un certain enthousiasme perdu chez les acteurs du X, ou du moins une moindre surexploitation...

 

C'était aussi le temps où il y avait encore des lieux pour la pornographie : ces improbables cabines de sex shops à pièce de la rue saint denis qui puaient l'eau de javel (c'est étrange d'ailleurs qu'elles existent encore, tels des vestiges du vieux Pairs), les boutiques de locations de vidéos. Le X procédait d'une certaine extériorité spatiale, il fallait au moins se lever et atteindre son magnétoscope pour visionner une nouvelle cassette. Tout n'était pas donné sur votre écran d'ordinateur entre deux discours d'Asselineau et au milieu de l'élaboration d'un tableau Excel.Le X avait un statut "territorialisé" dans une existence organisée en sphères séparées.

 

Bon, je ne nie pas que des progrès importants ont été accomplis dans la technique de la prise d'images et l'art de mettre en scène les corps comme le montreront les deux clips suivants (exercice de collégiens, rédaction pour la semaine prochaine : comparez ces deux vidéos à 30 ans d'intervalle). Mais bon justement, à force de maîtriser la technique, on fait toujours la même chose, on ne différencie plus beaucoup du X italien du X étatsunien, on ne risque plus d'être surpris par une parodie de peplum antique ou une scène dans un monastère (le contexte culturel ou même émotionnel est devenu à ce point superflu). Seule la fascination pour l'éclat des corps compte selon une chorégraphie parfaitement stéréotypée. Un peu triste quand même.

 

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1 mn d'optimisme

28 Novembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Programme pour une gauche décomplexée

A l'heure où ce sot de Nicolas Sarkozy croit sauver la France en l'arrimant toujours plus au Titanic états-unien, où M. Fillon éructe à l'Assemblée nationale que notre pays doit se soustraire au danger du "populisme, du protectionnisme et de la xénophobie" (comme si ces trois mots allaient forcément ensemble), et où le système va tenter une fois de plus de sauver sa mise avec le deus ex machina Strauss-Kahn, permettez moi quand même une minute d'optimisme. Bien sûr M. Montebourg chez Ruquier ce soir ose à peine dire que son programme est protectionniste (il faut que Zemmour l'y pousse beaucoup), mais tout de même il finit par l'admettre. Bien sûr la roulette russe des spéculateurs va conduire nos Etats au surendettement : mais au moins elle va triompher de l'existence de cette aberration politique et économique qu'est la zone euro.

 

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Nous voyons peut-être le bout du tunnel de cette folie néolibérale lancée sur le cadavre de l'URSS qu'on appelle la mondialisation. Peut-être pour la première fois depuis 1994, les partisans du libre-échange et de la dérégulation tous azimuts n'ont plus de "plan B" pour échapper à l'effondrement de leur utopie, et parmi eux, les premiers dindons de la farce seront les européistes béats qui nous imposent leurs dogmes depuis 15 ans.

 

Bien sûr l'effondrement de ce système s'il se confirme n'impliquera pas par lui-même le renouveau des Etats-nations après 40 ans de lavage de cerveau anti-national. Il impliquera encore moins la possibilité de recréer un ordre mondial plus harmonieux et plus juste, et moins encore la possibilité de re-"gauchiser" nos sociétés bouffées par l'individualisme, le consumérisme, le n'importequoiisme intellectuel et la "soft-ideology" bobo. Tout cela ne pourra se construire qu'à très long terme, sur une génération. Mais au moins la destruction de structures comme l'OMC, le FMI et l'Union européenne redonnera un peu d'oxygène aux structures étatiques afin que le bulletin de vote retrouve un certain sens. Ce n'est pas rien. Pour la première fois depuis quinze ans nous pouvons nourrir cet espoir. Profitons en une minute.

 

ps ; une pensée pour Pierre Carles qui a eu quelques problèmes devant Le Dîner du Siècle mercredi.

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La Corée du Nord au bord de la guerre - Pensez au parti du Juche, le PCJF !

23 Novembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Des obus nord-coréens tombent sur une petite île sud-coréenne au moment où l'émissaire d'Obama chargé des dossiers de la péninsule fait sa tournée  en Asie. Les gros beaufs ("demi-habiles" comme disait l'autre) inconditionnels des grands médias, trop heureux de prouver à leur entourage que leur cerveau fonctionne encore, y vont de leur tirade : "Le régime stalinien de Pyongyang attaque l'Ouest ! derrière eux il y a le régime Chinois ! Détruisons les avant qu'ils nous détruisent".

 

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Les Nord Coréens, eux, jurent que les Sud-Coréens ont tiré les premiers. Je ne pense pas que le régime de Pyongyang soit particulièrement humaniste, mais intuitivement je ne suis pas très enclin à le croire à l'origine de cette attaque à l'heure où il est empêtré dans une difficile phase de succession dynastique. Quel intérêt aurait-il de provoquer la guerre face à des ennemis bien plus puissants que lui ? En outre, divers éléments montrent depuis quelque temps que l'esprit d'agression se trouve plutôt du côté des autorités sud-coréennes : cliquez ici.

 

Alors, me direz-vous, que pouvons nous faire, nous, humbles citoyens européens, pardon français, devant cette nouvelle déferlante de bêtise belliciste ? Hé bien c'est très simple. Vous pouvez tous adhérer au Parti communiste juchéen de France (PCJF) dont vous trouverez le site ici.

 

L'existence réelle de ce parti (je veux dire son existence en dehors d'Internet) n'est pour l'heure prouvée que par un faisceau d'indices... Un témoignage d'une étudiante française sur le site qui écrit (après de nombreuses attaques contre la Corée du Nord, ce qui prouve que le site est ouvert aux critiques) : "Salutations chers camarades travailleurs! J’ai découvert votre organisation grâce à des militants de la JJF qui tractaient devant ma fac et je suis très heureuse de constater que je ne suis pas la seule militante juchéenne de France." Autre indice : le PCJF a tenté de présenter une tête de liste aux élections régionales en PACA, Stefan Altmann, qui est selon egoblog.net un "ancien sympathisant PCF, ancien élève des Langues O (section coréen), juriste indépendant spécialisé dans le droit nord coréen (…), président d’Eurocom et secrétaire général du PCJF". Bon, on peut supposer qu'il a manqué ensuite des candidats pour compléter la liste. Si on regarde d'un peu plus près, ce Stephan Altmann serait de nationalité allemande. Il militerait pour "la création d'une république populaire et socialiste d'europe en partant du constat que le communisme n'est pas incompatible avec le fédéralisme européen". Encore des gens qui gagneraient à regarder d'un peu plus près les vidéos de François Asselineau sur You Tube (au fait je vous signale qu'il passera peut-être à Ce soir ou jamais jeudi).

 

Dans un billet sur Internet le PCJF, né en 2009, entend prouver qu'il n'est pas un groupuscule par le fait qu'il est issu du regroupement de plusieurs structures de grande envergure favorables à la RPDC telles que le CERJF (centre des études révolutionnaires du Juche en France), les JJF (jeunesses Juchéennes de France, présentes dans les universités), l’UKF (union des kimilsungistes de France) et l’association post-maoïste « Les amis de la longue marche ». C'est à n'en pas douter un argument de poids.

 

Appartenir à ce parti doit être un exercice intéressant de ralentissement de l'activité intellectuelle au profit du mouvement des bras et des jambes. Cela dit, ça n'empêche pas aux uns ou aux autres de profiter de leur appartenance au parti pour apporter leurs petites touches de vindicte personnelle, en fonction des penchants individuels de chacun. Ainsi on peut, dans ce parti, exprimer son attachement à l'orthographe française en stigmatisant le "blog affreusement mal orthographié" d'un petit groupe rival, ou encore sa haine de l'Ecole nationale d'administration en présentant le PS sous l'appellation "le Parti « Socialiste » de l’Enarque Martine Aubry". Ce sont des petites satisfactions qui comptent dans la vie militante.

 

Bon, il doit être fatigant de rester dans un tel parti pendant plus de cinq ans. Mais si vous contribuez, pour quelques mois, à porter d'un coup ses effectifs à 5 000 ou 10 000 adhérents à un moment où la Corée du Nord risque de subir une confrontation d'envergure, vous pouvez peut-être estimer avoir apporté de la sorte votre pierre au maintien de la paix dans le Pacifique Nord, et vous convaincrez peut-être même M. Sarkozy d'établir des relations diplomatiques avec Pyongyang (il paraît que nous sommes le seul pays d'Europe avec l'Estonie, je crois, à ne pas en avoir, allez savoir pourquoi...)

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Ci-dessous une vidéo diffusée au Venezuela : un journaliste espagnol  Carlos Martinez explique que la Corée du Sud a lancé des manoeuvres militaires dans une zone maritime que la Corée du Nord considère comme lui appartenant, alors même que Pyongyang avait averti qu'elle ne tolèrerait pas cette provocation.

 

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Economies de bouts de chandelles

22 Novembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Comme le soulignait Edgar de la Lettre volée il y a peu, faire plaisir au grand frère étatsunien en réintégrant les structures de l'OTAN, cela coûte à la France 80 millions d'euros par an (bon je ne parle même pas du financement de nos banques ou de la Grèce après les spéculations des prêteurs, parce que ça c'est financé par l'emprunt, et le service de cet endettement n'est pas bien connu). 80 millions donc...

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Pour compenser, il faut serrer la ceinture de l'Etat (surtout vu l'accélération des spéculations contre l'euro). Donc on refile le plus possible les dépenses de fonctionnement aux collectivités locales (plus de 600 millions d'euros à la Seine Saint Denis en 6 ans sans compensation, et la Seine-Saint-Denis ce n'est qu'un quarantième de notre beau pays).

 

Et puis l'an prochain aussi on diminue de 100 millions d'euros les dépenses d'entretien des routes. Comme on ne peut pas tout faire peser sur les départements ou les régions, ça va finir par "se voir" dans la qualité des services rendus à la population. Ainsi par exemple dans douze départements de l'Est de la France, on ne déneigera plus les voies de gauche des autoroutes et des nationales. Les saleuses n’officieront sur la voie de gauche que… huit heures après la fin de la tombée de la neige. Comme la fourberie (rebaptisée "politique de com' ") est la règle, on fait croire aux gens que c'est pour déblayer plus vite les voies de droite... of course.

 

"Plus d'un Français sur trois néglige son bien-être au profit du travail" disent les sondages. On en aura quelques uns de plus dans les départements de l'Est quand la neige viendra.

 

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Le M'PEP, Montebourg et le projet national

21 Novembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La gauche

Parfois on peut se réjouir que certaines bonnes idées soient reprises par des personnes ou des mouvements bénéficiant d 'une large aura médiatique. Parfois cela devient simplement comme l'opposition de Villepin à la guerre d'Irak, l'occasion d 'un joli show sans lendemain, car le chouchou des médias s'abandonne à la politique-spectacle et trahit.

 

Donc on ne sait jamais de quoi augure la diffusion d 'une idée. Prenez la sortie de l'Union européenne, que le M'PEP n'est pas loin de prôner. Il faut sans doute se réjouir que dans l'Huma du 19-11 on parle de ce mouvement, même si on n'y mentionne que son projet de casser l'euro. J'aurais tendance à y voir le signe que l'idée nationale est de moins en moins diabolisée à gauche.

 

Faut-il se réjouir aussi de voir M. de Montebourg dire dans une interview publiée dans le Monde du 21-22 novembre 2010, qu'il faut "assumer un certain protectionnisme" et même plaider pour la "démondialisation" ?

 

Bien sûr cela sent le positionnement à gauche du PS purement tactique, comme Fabius naguère, et j'entends déjà Edgar de la Lettre Volée s'exclamer que son projet de taxe carbonne aux frontières de la France pour le cas où l'Union européenne n'en voudrait pas est purement chimérique, puisque rien ne peut se faire sans l'UE, mais tout de même,  si M. Mélenchon n'est pas le candidat de la gauche au second tour en 2012 peut-être trouverai-je un peu la force d'aller voter pour celui-là. Et puis j'aime bien la dernière phrase de son interview : "Sur la sécurité, je suis chevènementiste, sur l'écologie je suis un Vert modéré, sur la finance, je suis un communiste de philosophie, sur la réindustrialisation, je suis MoDem, sur le social, je suis aubryste, sur l'économie, je suis transformateur, sur la démocratie, je suis mendésiste". Si seulement c'était sincère...

 

Bon allez, je sens que, malgré la prudence de ce billet, vous allez m'accuser d'angélisme. Notez quand même que c'est la première fois depuis 12 ans que je dis du bien d'un socialiste !

 

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Mme K., Dieu,la Révolution, l'Algérie

19 Novembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Il y a 10 ans, j'étais prompt à m'enthousiasmer pour telle ou telle femme (sans forcément qu'il y ait une connotation sexuelle dans cet enthousiasme), pour tel ou tel événement de sa vie, ou pour telle ou telle succession d'événements que j'identifiais comme autant de symptômes d'une société, d'une époque. Cela me donnait envie d'écrire, de filmer là dessus. Je crois que je ne prenais pas de gants avec l'histoire des gens. Et certaines de ces femmes se sont prêtées à ce jeu. Parfois flattées par mon intérêt pour leur histoire, le plus souvent simplement parce que mon enthousiasme devenait contagieux, parce qu'il leur offrait une liberté d'expression, il les aidait à dépasser les censures et les autocensures qu'elles éprouvaient dans ces jours et ces nuits ordinaires où toutes les vaches sont grises.

 

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Pourquoi m'intéressais-je toujours plus aux destins des femmes qu'à celui des hommes ? je ne sais pas. C'était comme ça. La condition féminine m'a toujours intéressé, comme d'autres s'intéressent aux lézards ou aux bébés phoques je suppose. Ca les renvoie à quelque chose d'eux mêmes. Sauf que la condition féminine m'a toujours paru plus porteuse d'enseignement sur l'ensemble de la condition humaine, plus que les lézards. Parce que pour aussi reptiliens que nous soyons tous, nous sommes surtout et avant tout issus de femmes, et nous avons été éduqués par elles.

 

Le temps a passé depuis lors. J'ai vieilli. Il m'arrive encore de percevoir des lueurs d'intérêt dans le destin de tel ou tel, et de telle ou telle, mais l'enthousiasme n'est plus là pour que je veuille en faire un roman ou un documentaire. Il y a toute sorte de raisons à ça. Il y a le fait que beaucoup de ces gens dont des bribes de destin me passionnent sont souvent bourrés de défauts et que s'intéresser à leur côté captivant plutôt qu'à ce qui me rebute en eux me paraît arbitraire, c'est une façon de les idéaliser, de plaquer une fiction subjective sur eux et c'est au fond très puéril. Il est sans doute plus sage d'admettre qu'ils sont indissociablement intéressant et inintéressant, et donc qu'on ne peut légitimement tirer de cette tourbe rien de particulier ni dans un sens ni dans un autre (et peut-être peut on dire cela de tout, même d'une époque). Il y a aussi que je doute de plus en plus de ma capacité à écrire quoi que ce soit de juste sur qui que ce soit. Mais il y a par dessus tout ceci, auquel les journalistes, par exemple, feraient mieux de penser sérieusement : on ne peut pas exploiter les événements de la vie d'autrui. Autrui a le droit de vous parler de ceci et de cela, mais vous, vous n'avez pas le droit d'en faire un objet de création. Je sais bien qu'on le fait tous les jours, dans la conversation courante, on parle de ce qui est arrivé à untel ou à untel, on s'informe de ce qui se passe, de ce qui s'est passé, ça aide à s'orienter, à agir, mais cette réduction du vécu de l'autre à des informations à un certain niveau ressemble à un vol, une usurpation. Par exemple je trouve qu'il est presque inhumain d'identifier quelque chose du passé de la vie d'autrui comme précisément quelque chose de passé, de mort, ou quelque chose dont soi-même on a le droit de faire du vivant, qu'on s'octroie le droit de ressusciter là où l'autre devrait le ressentir comme mort. C'est à l'autre de décider ce qui est vif et ce qui est mort en lui, ce qui est encore jeune ou déjà vieux dans ses veines. Aucun tiers n'a de droits là dessus.

 

Arrivé à ce point de scepticisme et d'embarras, au détour de mes 40 ans, je me trouve donc devant le vécu de certaines personnes extrêmement désarmé. Beaucoup des anecdotes de leur vie qu'elles me livrent me parlent, mais je ne me sens le droit de ne rien en faire. Alors, par moment, juste un peu surchargé par toutes ces confidences dont je ne puis légitimement rien tirer, je les jette sur ce blog, sous forme de brèves évocations. Vous vous souvenez ainsi qu'au cours des dernières années, j'ai dû vous livrer deux ou trois portraits de femmes, que certains n'ont pas manqué dans leurs commentaires de trouver parfois caricaturaux, ou en tout cas trop courts pour cerner toute la complexité des personnages. Mais c'est justement parce qu'il ne s'agit pas de personnages, mais de personnes réelles, que je ne puis rien faire d'autre que dire quelques mots de leur histoire, en sachant que de toute façon ce serait toujours trop ou trop peu, et surtout que c'est illégitime.

 

Cette nuit j'ai envie de faire de même avec Mme K. En dire juste deux mots en passant, en sachant que je n'ai aucun moyen ni aucun droit de le faire. Alors voilà, je jette juste ces quelques évocations sans prétention. Mme K est née en Algérie, dans un village près de Nédroma, en 1952. Je ne connais pas sa région. Je peux en imaginer les paysages. Les paysages arides d'Algérie sont très beaux. Mais les paysages, ce n'est pas tout. Je lisais sur Internet il y a peu une page sur Maâtkas en Kabylie, "bélvédère naturel", mais véritable enfer sur terre dans les années 1990 où régnait la terreur de la guerre civile entre l'armée et les islamiste, bélvédère saturé d'angoisse, pas seulement celui de la guerre : celui de la pauvreté aussi, de l'absence de perspective concrète, d'une société bloquée.

 

Du côté de Nédroma à la fin des années 1950, il y avait la guerre de décolonisation. Beaucoup de moudjahidines, dans la famille de Mme K. Des histoires de femmes voilées aux jambes velues qu'on voyait passer (des moudjahidines déguisés). Des cafés transformés par l'armée française en centres de rétention, et en salles de tortures.

 

Elle est arrivée dans la banlieue nord de Paris en 1962 avec sa mère et sa soeur. Elle était juste vêtue d'une unique petite robe qu'avait cousue sa mère. Il faisait un froid gacial sur le tarmac de l'aéroport. C'était l'hiver. Elle se souvient avec émotion du moment où son père qui les attendait à l'arrivée l'a couverte de son blouson.

 

Puis ce fut sa maison en France, un taudis sans chauffage. La charité des curés. La France mi-paternaliste mi-raciste des années 60. L'Eglise de sa petite commune de Seine Saint Denis, le patronage où elle chantait. L'encadrement catholique d'une société pas encore tout à fait laïcisée. Un encadrement appliqué à tous, même aux musulmans comme elle.

 

Et puis il y eut sa vie avec les hommes, car elle fut sans doute belle Mme K dans ses jeunes années. Je n'ai pas osé lui poser des questions précises là-dessus. Mais il y a eu quelques évocations : son divorce avec un mari qui "voulait la balafrer". Elle s'est enfuie en Algérie pour échapper à ça. C'était à l'époque de Boumédienne. Elle est devenue secrétaire dans une entreprise de je ne sais plus quoi, du côté de Nédroma.  Elle se souvient du socialisme algérien : les sureffectifs, l'absentéisme, les gens qui lui disaient quand elle leur reprochait leur absence : "Cette entreprise elle n'est pas à ton père, elle est à moi, à nous, elle appartient au peuple algérien, alors je fais ce que je veux". Elle n'a pas une image idéalisée de la révolution algérienne. Elle en parle avec les mêmes mots que la serbe Vesna de l'autogestion titiste (Vesna ne fait pas partie des 81 % de Serbes qui idéalisent le souvenir de Tito).

 

Quand je lui demande pourquoi elle n'est restée que deux ans à Nédroma (parce que je repense aux filles françaises d'origine serbe qui dans mes entretiens sociologiques m'ont raconté l'échec de leurs tentatives de retour au pays de leurs parents), elle m'explique : "Tu sais là bas, ce sont des dragueurs, ils sont très machos. Le patron voulait que je sorte avec lui. Je n'ai pas voulu. Il me menaçait de réduire mon salaire. Je suis donc retournée en France". J'aime sa façon pudique de dire "sortir" et pas "coucher". Ainsi elle est revenue en France et elle a bossé pendant 27 ans comme secrétaire d'une compagnie d'assurance des beaux quartiers de Paris, abonnée au RER deux fois par jour pour aller crécher dans sa lointaine banlieue nord, avant d'être brutalement licenciée à un âge où il est presque impossible de retrouver du travail. Une vie pleine de trajets en train, émaillée par des tas d'activités associatives, antiracistes, pro-Palestine, à gauche, toujours, jusqu'à ce qu'elle devienne élue municipale.

 

Mme K est revenue en France à cause du machisme algérien. Elle ne porte pas le voile. Elle ne comprend pas que les jeunes filles reviennent à ça maintenant. Elle le ressent comme la négation de ce qu'a été son propre combat personnel contre les coutumes ancestrales. Un combat contre le "machisme", contre ces mecs qui veulent "balafrer" leur épouse qui divorce. Pourtant Mme K est croyante. Elle a fêté l'Aïd ces derniers jours.

 

Mme K et le machisme. Mme K qui a échappé au machisme grâce à la France, qui doit cela (entre autre) à la France, même si elle sait aussi que la France coloniale a opprimé sa famille, et qu'elle écrase encore de son racisme les jeunes beurs de son quartier. Mme K raconte toujours des histoires étranges de femmes de généraux qui, dans les années 1990, venaient se prostituer dans des foyers Sonacotra en France. Elle dit qu'encore aujourd'hui à Alger les femmes sont souvent si pauvres qu'elles sont massivement dans des logiques de prostitution...

 

Elle n'aime pas les "Ni putes ni soumises", les militants qui vendent leur idéal à des grands partis politiques. En même temps elle est sceptique sur les chances qu'ont les gens d'échapper aux logiques cyniques du système euro-atlantiste, des guerres, du choc des civilisations, tout comme elle ne voit pas comment l'Algérie s'affranchira du pouvoir corrompu des militaires.

 

Voilà, il y a tout ça dans la vie de Mme K. On ne peut pas s'empêcher de déceler là un morceau (Deleuze eût dit un "bloc") de la vie de toutes les Algériennes, de toutes les Françaises originaires de ce pays, voire par contrecoup de tous les hommes aussi, et des miettes de problématiques qui sont identiques pour les femmes serbes (elles aussi confrontées au machisme, aux reliquats du socialisme bureaucratique etc) et celles de tant de pays du Tiers-monde. Mais en même temps on fait quoi de tout ça ? J'étais à deux doigts de l'interviewer avec une caméra. Mais déjà ça ce serait de trop. Donc j'ai juste jeté ces quelques lignes sur mon clavier. "Pas des lignes justes, juste des lignes".

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Onfray parle sur Rue89

16 Novembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

A écouter dans le fil de ce que nous avons déjà dit sur le sujet. Je dois reconnaître qu'il m'est quand même très sympathique.

 

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Ecoutons ce débat entre Attali et Mélenchon

14 Novembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

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