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L'avent : Hail Mary, Godard
Actualisation 2019 : Texte écrit avant mes découvertes sur le monde invisible au contact des médiums, largement renié depuis que je sais quelles forces sont à l'oeuvre dans tout cela
Nous sommes dans le temps de l'Avent. Les commerces se sont emparés de cette expression, je crois, comme le Père-Noêl-Coca-Cola s'est emparé de Noël.
Je n'ai rien à redire contre cette récupération de la fête dionysienne (plus que dionysiaque) occidentale (Dionysos l'enfant-roi, le Dieu-enfant qui aurait inspiré la légende). La société l'a voulu ainsi, vous l'avez voulu, vous y avez consenti vous tous qui passez sur ce blog sans laisser de commentaires. Dans un sens, c'est votre problème, pas le mien.
D'ailleurs je n'idéalise pas le temps où pour les Français de base dont j'étais l'Avent était le temps de l'attente de la naissance de l'enfant-Jésus, de l'enfant-Dionysos. Je me souviens du temps où j'allais tous les dimanches à la messe. Ca a duré 6 ans, entre mon 7 ème et mon 13ème anniversaire. Il y avait le temps de l'Avent et celui de Pâques. A chaque fois ça correspondait à des lectures de passages de l'Evangile différents. Ca revenait cycliquement comme tous les temps religieux dont parle Mircea Eliade, comme les saisons, avec les saisons.
A 21 ans (en 1991) j'ai vu Je vous salue Marie de Godard dans le Quartier Latin. J'ai adoré. Que dire ? Pour les plus jeunes il faut préciser que c'était un temps où il était bien de faire de la philo et de la psychanalyse autour des grands textes littéraires ou des grands textes religieux de diverses cultures. Ce n'était pas de la "déconstruction" à l'américaine. Il n'y avait rien de haineux dans ces créations-là. Le tournant des années 1990 fut une des périodes les moins haineuses de l'histoire (Mitterrand en 1990 disait que la France n'avait aucun ennemi), et c'est d'ailleurs pour ça qu'ensuite l'OTAN, l'Union européenne et l'OMC allaient en profiter pour bien nous niquer, en profondeur, au nom de l'idéal du "village-monde". Donc quand on "revisitait" l'Evangile, c'était constructif. Dolto avait fait ça dès les années 70, il y avait aussi un théologien allemand à la mode, Drewermann, qui publia vers 1992 une lecture psychanalytique de l'Evangile selon Saint Marc. Il y avait eu, bien sûr, 15 ans plus tôt, l'Evangile de Pasolini que l'Accatone rue Cujas diffusait toutes les semaines ou presque (en alternance avec Salo). Et donc, Je vous salue Marie avait déjà six ou sept ans, non ?
Oui, c'était une époque moins haineuse. Il ne serait venu à personne à l'époque l'idée d'accuser Godard d'antisémitisme. L'est-il Godard antisémite ? Il semble qu'il ait eu des propos un peu bizarres sur les Juifs, des "généralisations" suspectes. Je comprends les associations juives qui peuvent être ulcérées par ça. Moi même je tombe souvent sur des généralisations sur les Juifs, voire sur les "sionistes" qui souvent m'exaspèrent. Evidemment on peut s'interroger sur l'arrière plan de ces "dérapages" étranges, et bien sûr il faut les condamner. Mais c'est complètement sans intérêt quand on parle d'art. La question de savoir si un artiste est antisémite, pédophile, nécrophage, ennemi du genre humain etc est hors sujet. Ce qui compte, c'est ce qui se donne à voir dans l'oeuvre.
Je n'ai jamais trouvé d'extraits de Je vous salue Marie en français sur You Tube ou Dailymotion. Il y a juste ces "notes" sur le film ci-dessous. Les références à Freud ou les propos sur antimatière, toutes ces considérations irrationnelles m'indiffèrent; Ce qui m'intéresse dans le film, et dans ce que Godard fait en général, c'est cette façon de tenir ensemble des éléments hétérogènes : le corps de la femme, la promesse du Salut, la musique de Bach, par exemple. Nous avons tellement besoin aujourd'hui de continuer à souder entre eux des éléments qui n'ont pas de rapport, de créer des effets de système entre les choses, entre les idées, jusqu'à croire qu'elles ne vont pas l'une sans l'autre, les souder par nécessité. Le bombardement de Belgrade, Maria de Blondie et la tronche de Hollande dans les affiches électorales collées sur les murs de Paris en 1999 font système dans mon esprit, et ça devrait faire système aussi avec la conférence de presse de Chavez au Surinam cette année, avec Démocrite, avec "le cadastre de la Nouvelle Calédonie" dont parlait Deleuze jadis... Ressouder ce que l'époque contemporaine dissocie, éclate, disperse aux quatre vents comme les cadavres de Dionysos ou d'Osiris. Sortir de la fascination pour des objets isolés et partiels par laquelle l'abrutissement devient la règle, voilà aussi à quoi peuvent servir les films de Godard.
Sortir du Traité de Lisbonne : mode d'emploi
C'est Mélenchon qui l'explique dans cette vidéo et cela semble tenir la route : pour lui, sortir de l'UE serait absurde, mais il promet que, pour récupérer la liberté de nationaliser les services publics, il demandera un droit "d'opting out" du traité de Lisbonne et, si les partenaires européens refusent, il soumettra sa politique à référendum et, si le peuple l'approuve, il retirera la signature de la France du traité de Lisbonne.
Je pense cependant que ce programme intéressant ne peut fonctionner que si par ailleurs on crée des collectifs "ras le bol de l'Europe" un peu partout (des lycées aux maisons de retraites), qui redonnent à la France une forme de confiance en elle-même dans un esprit non-chauvin et non-xénophobe, un peu comme les collectifs du "non" au traité constitutionnel en 2005. Ce travail à la base est fondamental.
Philosophical memories
Mon ex-prof de philo de Terminale m'écrit ce matin :
"Cette année, en L, une élève intéressante à qui j'ai proposé de la présenter au concours général. Verriez-vous un inconvénient à ce qu'elle prenne éventuellement contact avec vous à ce sujet par l'intermédiaire de votre Blog? Car de mon côté je ne manque jamais de citer votre exemple, notamment pour ce qui concerne l'excellence de vos performances et de votre préparation."
Il fait référence au fait que j'avais décroché un premier accessit au concours général en philo en 1988, comme je le raconte dans un de mes bouquins. Ca me fait tout drôle de me dire que le concours général - cette vieille institution qui n'est pas seulement républicaine puisqu'elle existait déjà sous Louis XVI dit-on - perdure encore. Ils ont même un site ici. Quoi ? Cela n'a pas disparu ? Il est une planète quelque part où des gens sont encore fiers d'avoir fait l'ENA ou Normale Sud ? un endroit où l'on croit encore aux diplômes ? Il y a encore des jeunes femmes et des jeunes hommes dans des lycées qui préparent le concours général ? Quoi ? Ces gens croient encore au savoir ? Ils ne croient pas seulement au fric ? Ils pensent qu'on peut construire une pensée ? Qu'on peut se bâtir un style ? Qu'il ne suffit pas de balancer des vidéos de Dieudonné ou de Thierry Meyssan sur Internet pour exister dans le monde ?
Doit-on s'en réjouir ? Je n'ai pas aimé le système scolaire. Je n'ai pas aimé les buffets de l'association des lauréats du concours général. Ce milieu de jeunes arrogants et de vieux déclinants qui vous disaient :"Oh vous êtes lauréat en philosophie, la matière reine, félicitations !" Tout ce vieux Paris élitiste me sortait par les oreilles en 1989-90. Aujourd'hui le Paris bobo qui lit Houellebecq ne me plaît pas davantage. Je ne sais pas trop quelle société il me faudrait, ni de quel rapport au savoir je rêve.
J'ai dit que cette jeune femme pouvait bien sûr m'écrire. Mais je redoute ce qu'elle me dira. Je redoute de retrouver dans ses mots l'espèce d'enthousiasme naïf que j'avais à son âge pour les grands auteurs. J'espère au moins qu'elle sait mâtiner cela d'une dose de scepticisme. Je ne sais pas trop si les enseignants ont raison, de nos jours, de continuer à enseigner aux jeunes Aristote, Descartes et Hegel. Peut-être feraient-ils mieux de leur apprendre à faire du feu avec deux morceaux de silex, ce sera peut-être plus utile à leur avenir. Peut-être nous autres, les anciens, les anciens combattants des batailles perdues, ferions-nous mieux de fermer nos gueules, plutôt que de prétendre enseigner quoi que ce soit à la génération qui arrive.
La bactérie qui mange de l'arsenic, les Grecs qui nourrissaient leurs morts
Hey les journaleux abrutis de notre époque, quand vous avez à nous annoncer qu'on a découvert qu'une bactérie pouvait se nourrir d'arsenic, pas la peine de débuter votre papier en disant "La Nasa avait déclaré préparer une grande annonce pour la soirée qui "aura des conséquences la recherche d'une preuve de vie extraterrestre"." Surtout si c'est pour ajouter en fin d'article " le Pr Anbar reconnaît que la découverte d'une vie extra-terrestre est encore loin d'être à l'ordre du jour."
Avec vos petits encéphales vous présupposez que, quand on parle de biologie, il faut forcément une phrase d'accroche sur les extraterrestres pour intéresser le lecteur. C'est un peu comme quand vous cherchez à nous hypnotiser avec la vie affective de Rachida Dati et la nouvelle cravate de François Baroin. Vous croyez qu'une révolution dans la définition des principes de la vie ne captivera pas le lecteur, qu'on retiendra plus facilement son attention en le prenant par les sentiments : "Mais non mon petit être humain, tu n'es pas si seul que tu crois dans cet univers. Peut-être demain te présentera-t-on un être plus intelligent que toi. Un être extraterrestre comme dans les films de ton enfance. Cette bactérie en est la preuve. Et tu pourras t'intéresser à la couleur de sa cravate"... Toujours l'infantilisation des gens. Le méchant Ahmadinejad, les petits lapsus de l'ami Niko Sarkozo, le gentil extraterrestre qui nous attend au bout de la chaîne des bactéries arsenicovores...
Vous voulez un peu d'intelligence pour changer ? Lisez Les Grecs et l'irrationnel d'ER Dodds, vous ne verrez plus jamais, jamais, la Grèce comme avant. Je suis un fan absolu du regard que les historiens anglo-saxons posent sur l'Antiquité. Par exemple le livre de Thomas McEvilley, Comparative Studies in Greek and Indian Philosophies: The Shape of Ancient Thought publié en 2002,je vous en reparlerai peut-être un jour.
Chaque paragraphe chez Dodds est truffé d'idées de génie qui restituent les pensées antiques dans leur brutale naïveté, avec une forme d'empathie profonde pour les sentiments qui, au milieu des conditions de vie encore rudes de cette époque, ont fait surgir ces idées fausses - une empathie qui fait toucher du doigt du même coup le mérite des médecins, naturalistes et philosophes rationalistes de cette époque pour faire évoluer les croyances.
Je ne sais pas pourquoi mon esprit est resté bloqué sur le passage suivant : "Je suppose que l'homme nourrit ses morts pour le même genre de raison que la petite fille nourrit sa poupée ; et tout comme la petite fille, il se garde de détruire son phatasme en y appliquant les critères du réel. Quand un Grec de l'époque archaïque versait des liquides dans un tube entre les dents d'un cadavre e dévomposition, nous ne pouvons que dire qu'il se gardait bien, et pour cause, de savoir ce qu'il faisait ; ou encore, pour l'exprimer plus abstraitement, qu'il ignorait la distinction entre le cadavre et l'âme" (p. 140).
Peut-être ce passage me parle-t-il parce que j'ai le triste privilège d'avoir atteint l'âge où mes parents seront bientôt des cadavres et où mon fils donne à manger à sa poupée. Mais il n'y a pas que cela. Je pense aux réflexions de Boyer sur les origines de la religion. Lui aussi écrit beaucoup sur le rapport aux cadavres qu'il place au centre de sa réflexion. Ca ne fait pas bien dans nos sociétés de dire ça, alors que tout le monde s'obstine à refouler la matérialité de la mort. Ma mère il y a peu me disait que dans notre village il y a 60 ans on entendait encore les agonisants hurler lorsque l'on passait dans la rue. Maintenant la mort est devenue si silencieuse. Ou quand elle est bruyante, c'est lorsque les médias en font leurs gros titres. Mais c'est de la mort travestie en images pour écrans, et en papiers de journal.
Donc les Grecs, oui, les Grecs, que nous avons si mal compris. J'ai grandi (et vous aussi lecteurs, même les plus jeunes d'entre vous, car les profs de collège et lycée aujourd'hui tardent à se mettre à la page) dans un système culturel où il y avait si peu d'altérité ! Le Noir et l'Arabe était notre Indigène à éduquer, la Femme était cette jolie petite chose rêveuse et bien odorante qu'il fallait courtiser (alors qu'aujourd'hui les uns et les autres deviennent peu à peu des sujets avec lesquels il faut consentir à pactiser d'égal à égal et passer des compromis pas très enthousiasmants et pas très romantiques, parfois même très destabilisants). Dans ce monde sans altérité (sauf parfois une Altérité magnifiée jusqu'au mysticisme, mais qui n'était qu'une façon de joueravec l'Identique), les Grecs nous ressemblaient. Les bizarreries de leur poésie (celle d'Homère par exemple) n'étaient aux yeux de nos doctes précepteurs que des effets de style. Les humanités modernes copiaient la Grèce en croyant à tort que celle-ci leur ressemblait.
Maintenant, après Dodds, nous savons que ces bizarreries antiques sont au contraire les reflets très réalistes d'une différence d'approche du monde que nous devons prendre comme elle est, sans projeter nos anachronismes, et que nous comprendrons d'autant mieux que nous en rechercherons les analogues dans l'Amérique précolombienne et dans les cultes bantous.
Donc oui, il fut un temps où les Grecs nourrissaient les cadavres. "Il ne faut pas supposer, ajoute Dodds, que la distinction (entre âme et corps), une fois ainsi exprimée (à l'époque d'Homère) ait été universellement, ni même généralement reçue. Comme le montrent les preuves archéologiques, la pratique de nourrir les morts (et donc l'identification qu'elle impliquait entre le cadavre et l'âme) se poursuivit bien tranquillement, du moins en Grèce continentale ; elle persista pendant, et certains diraient malgré, la vogue passagère de la crémation, et, en Attique, elle devint d'une extravagance si ruineuse que des lois durent être introduites par Solon, et plus tard par Démétrius de Phalère pour la contrôler."
La séparation de l'âme et du corps, et donc l'oubli des cadavres, fut, par la suite, plus ou moins la règle du temps du christianisme. Comment évoluerons-nous maintenant ? Maintenant que nous cherchons dans le gonzo et dans la chirurgie esthétique la réabsorption de l'âme dans le corps, laisserons-nous la mort en dehors de ce mouvement ?
Désolé mais moi je trouve ce genre de question plus intéressant que le bruit actuel autour de Wikileaks...
Mon avis sur Wikileaks en deux mots
Je n'ai pas trop le temps d'écrire sur ce sujet.
Alors en juste deux mots :
1) Wikileaks est un résultat intéressant de l'apport des nouvelles technologies au fonctionnement de nos systèmes politiques. C'est banal de le dire, mais avant de s'embarquer dans des histoires de complots et autres délires, il faut déjà poser ça.
2) Je ne sais pas si le fondateur de ce dispositif, Julian Assange est un anarchiste sincère ou un agent d'un service secret. J'ai tendance à penser que c'est un anarchiste sincère, et ses amis aussi. Mais le sujet n'est pas d'une importance folle, car...
...3) Que les organisateurs de Wikileaks soient sincères ou pas, ils seront facilement manipulables. Et la dessus je comprends tout à fait les inquiétudes émises au Vénézuela, en Russie, en Chine, spécialement quand après les fuites sur la guerre d'Irak les amis d'Assange ont annoncé de prochaines fuites sur la Russie. Honnêtes ou pas, les fondateurs de Wikileaks sont à la merci des infos qu'on leur livrera (des infos aisément manipulables), et donc des informateurs. Une des premières manipulations a d'ailleurs tenu au fait que, tout en livrant des infos importantes sur l'Irak, Wikileaks soulignait le rôle de l'Iran et publiait un chiffre de victimes civiles très en deçà des chiffres du Lancet. Autrement dit : leurs informateurs à travers ça faisaient déjà passer "une certaine vision" de la guerre d'Irak, vision qu'on tend à survaloriser parce qu'elle contient des scoops, mais attention à ne pas avaler par la même occasion les "faux scoops".
4) Les dernières "fuites" qui sont des messages diplomatiques, sont un signe que Wikileaks peut affaiblir sérieusement une puissance publique quelle qu'elle soit vu l'effet d'échelle (à la différence des fuites ponctuelles du Canard enchaîné il y a quelques années).
5) Nos médias idiots comme d'habitude s'attachent à l'anecdotique (le mauvais caractère de Sarkozy par exemple) plutôt qu'à ce qui pourrait vraiment faire réfléchir.
6) Je n'ai pas pu me livrer à une étude systématique des "fuites" publiées (qui ont l'air d'être cette fois plus exploitables que celles sur l'Irak. Elles ont l'air d'être assez sévères avec les pays un peu dissidents (par exemple en Europe l'Espagne bien plus maltraitée que la France, mais bon ce n'est pas en soi une surprise). Et ce n'est sûrement pas un hasard si elles révèlent la volonté de l'Arabie saoudite de voir l'Iran bombarder il y a quelques années au moment même où ce pays se rapproche de Téhéran.
7) Ces premiers éléments me font penser que des diplomates néocons sont peut-être derrière certaines infos livrées. Cette hypothèse ne va cependant pas aussi loin que l'article délirant que j'ai lu hier sur le fait qu'Israël serait derrière tout ça et pointerait ses missiles sur Washington...
8) Le télégramme diplomatique (TD) qu'un de nos lecteurs, Gilles, a trouvé sur Wikileaks concernant la comparaison Sarkozy Royal est intéressant. Mais dans l'ensemble jusqu'ici mes propres coups d'oeil sur des TD même classés "secrets" ne m'ont rien révélé de transcendant. Cela dit, ayant bossé un peu dans des milieux diplomatiques, je sais que l'on y trouve rarement des trucs révolutionnaires, et la plupart des TD vont directement à la poubelle après lecture par un jeune chef de bureau. Les vrais "scoops" sont généralement davantage au niveau des services secrets ou des services de la présidence.
9) L'existence de Wikileaks va peut-être faire tomber en désuétude l'art du TD dans les chancelleries occidentales.
La gauche doit-elle réfléchir sur les manipulations génétiques ?
Encore un sujet un peu tabou que la gauche, intoxiquée par l'obscurantisme écologiste, n'ose pas aborder de front et traite uniquement à travers une langue de bois consensuelle : les manipulations génétiques.
Vous savez que j'ai fait de ce sujet un des thèmes centraux de mon roman "La révolution des montagnes", un roman que bien sûr chaque lecteur de ce blog doit lire et offrir à Noël à ses amis...
Je suis conscient, comme tout un chacun, des pollutions croissantes sont souffre la planète, de la disparition des espèces, de la pénurie énergétique qui nous guête et des maladies que provoquent nos modes de vie "postindustriels" ainsi que notre environnement chimique (produits d'entretien, matières plastiques, peintures murales etc).
Ces maux requièrent des solutions de court terme (à condition que ces solutions ne soient pas pires que le mal), pensées sur des bases rationnelles. Le principe de précaution dans ce contexte est une option possible à condition qu'un usage raisonnable en soit fait et qu'il ne bloque pas toute l'activité sociale.
De même il faut aussi penser ce qui, dans les maux écologiques du monde actuel, est dû spécifiquement au mode d'exploitation capitaliste. Ainsi, je ne pense pas que les organismes génétiquement modifiés dans l'agriculture soient mauvais en soi. Au contraire, ils sont sans doute la solution de problèmes alimentaires de notre société. Ils sont surtout dangereux en ce moment parce qu'ils sont entre les mains de Monsanto qui contrôle largement le gouvernement de la première puissance économique mondiale, qui a ses entrées au sein de l'Union européenne, et qui peut utiliser les OGM pour détruire toute autre forme d'agriculture indépndante autour de lui. C'est au nom de cela que le moratoire doit être défendu. Mais si les pouvoirs publics cassent le pouvoir de Monsanto et si les garanties quant à la dépendance et la contamination des autres producteurs sont acquises, le moratoire n'a pas lieu d'être.
Mais surtout il ne faut pas perdre de vue le long terme (ce que notre époque pessimiste n'aime pas faire). Sur le long terme, notre espèce a vocation à travailler à sa survie et à son épanouissement (en ne négligeant pas certaines contradictions qui existent entre survivre et être épanoui). J'ai beaucoup de sympathie, même si j'en condamne certain excès technocratiques, pour le transhumanisme qui mériterait à lui seul un long exposé. Je pense qu'il constitue une option culturelle et philosophique intéressante qui a le mérite d'assumer toute l'animalité de l'humain (sans illusion spiritualiste sur la transcendance) et qui veut travailler cette animalité sur le long terme pour lui faire dépasser les limites de sa naturalité (et notamment pour lui permettre de conquérir d'autres systèmes solaires ce qui est une tâche horriblement compliquée compte tenu de l'étendue de l'univers et de la faible durée de vie de nos organismes).
L'option transhumaniste, on le sait, suppose la modification génétique de l'humain.
Il me semble que nos grands partis politiques, et notamment les plus révolutionnaires d'entre eux, plutôt que de se cacher derrière l'avis consensuel (et largement superstitieux et religieux des comités d'éthique, qui pour aussi respectables qu'ils soient - car je respecte les convictions religieuses de chacun - n'offrent aucune perspective de long terme) devraient aujourd'hui débattre avec les transhumanistes et réfléchir avec eux aux moyens d'exploiter les nouvelles technologies conformément aux valeurs de la gauche, dans le cadre d'un projet humain pensé sur plusieurs siècles. Ce faisant nous serions plus fidèles à l'héritage des Lumières qu'en nous limitant à des recommandations de prudence bien-pensante, lesquelles trahissent un manque d'audace voire un refus pur et simple de réfléchir.
La cause des mâles
La gauche est née au 18ème siècle en Europe autour des idées d'égalité, de liberté, qui ne peuvent qu'être des idées universelles et non communautaristes. Au contraire le communautarisme était, à l'époque, cultivé par les réactionnaires (les nobles bretons et béarnais qui refusèrent de iéger aux Etat généraux français par exemple en 1789).
Toutefois cet universalisme pour ne point cautionner la loi du plus fort et défendre l'égalité concrète doit se tenir à l'écoute de certaines identités opprimées. Autrement dit, je ne veux pas qu'au nom d'un universalisme abstrait on laisse l'Albanais privé de la reconnaissance de sa langue (dans la première Yougoslavie de 1918), ni le Serbe ou l'Abkhaze privé de son droit à faire connaître sa version de l'histoire (en Europe en 1999 et jusqu'à aujourd'hui), comme je ne veux pas qu'au nom d'une laïcité abstraite le musulman soit stigmatisé comme étranger (dans la France des années 2000). Et je ne veux pas non plus que le communautarisme - régionaliste, religieux ou autre - devienne l'auxiliaire d'un Empire gobal - comme Esquerra republicana de Catalunya qui demande à Madrid de reconnaître le Kosovo (voir l'intéressant article d'El Mundo sur la méfiance des Etatuniens à l'égard de l'Espagne de Zapatero telle que la révèle Wikileaks).
Aujourd'hui l' "identité" masculine (on devrait plutôt dire les "particularités" masculines pour autant qu'elles constituent des éléments identitaires dans les interactions quotidiennes) fait-elle partie de ces "traits communautaires" (pour aller vite on considèrera que les traits masculins comme les pratiques linguistiques peuvent fonder des sentiments communautaires) opprimés dans la culture contemporaine ?
La question mérite un article de sociologie approfondi. Faute de temps, je me contenterai d'un billet. Elle fait partie des thèmes qui, à gauche, comme la question nationale, ou la question de la démocratie, sont traités sur le mode de la honte, du refoulement, du déni de réflexion - ce qui explique que sur la question des genres on aime mettre au premier rang des écervelés à la Clémentine Autain qui réciteront le catéchisme politiquement correct à la mode. A ce jour ceux qui ont posé la question (généralement pour la caricaturer) se retrouvent à droite ou à l'extrême droite (pensons à Zemmour par exemple).
Quelques constats. 1) La société reste assez largement patriarcale (ne serait-ce que dans la sédimentation des héritages culturels du passé), et le système capitaliste maintient une supériorité matérielle des hommes (salaires plus élevés, meilleur accès aux fonctions de directions), laquelle, couplée à la supériorité physique (stature corporelle qui reste en moyenne plus élevée), est une source de violence (voir les violences conjugales, la thématique du viol récemment remise sur le devant de la scène etc) 2) Les femmes ont accompli en Europe des progrès symboliques décisifs : émancipation de leur culture et de leur condition professionnelle, travail très important de culpabilisation du mâle pour les siècles de domination qu'il a imposée (une culpabilisation à celle que l'on adresse à juste totre au colonialisme par exemple).
Le résultat de ce double mouvement est que, si les mâles gardent une position dominante dans l'accès à la domination économique, ils traversent une crise culturelle profonde qui se traduit notamment par une incapacité croissante à prendre une place dans l'éducation des enfants.
Lisons deux secondes cette présentation (stupide mais quand même révélatrice de quelque chose) du magazine Elle :
"Que n'a-t-on dit sur les pères ? Démissionnaires, perdus, trop papas poules. Stop aux clichés. Les nouveaux papas réinventent chaque jour leur rôle"
Il est chic (et aussi chic que vain) de contrer les clichés avec d'autres clichés. Mais tout de même, les deux premiers mots choisis pour désigner la façon dont les pères sont couramment perçus "Démissionnaires, perdus" disent quelque chose de vrai et de profond. Le phénomène des pères démissionnaires, la disparition des pères dans l'éducation des enfants, existe, il est massif, et il dit quelque chose de la crise de l'identité masculine. Ce n'est pas qu'avant les pères aient été plus attentif à l'éducation de leurs rejetons, mais la société indexait plus spontanément les valeurs de l'éducation à l'imaginaire masculin : même un enfant instruit par une femme apprenait à travers cette femme à respecter les valeurs et l'imaginaire de son père, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.
Ma position a toujours été que les groupes qui ont été en tort historiquement et qui ont exercé une domination injuste doivent être condamnés pour cette domination sans que cela entraîne automatiquement la disqualification "par essence" de ce qu'ils sont. Par exemple la France peut être condamnée pour ses crimes coloniaux sans que cela disqualifie la grandeur de ce qu'elle a apporté au monde tout au long de son histoire. Et les crimes du nazisme ne doivent pas vouer à l'opprobre l'ensemble de la culture allemande.
Il en va de même pour les traits masculins qui, n'en déplaise aux constructivistes radicaux, ne sont pas seulement des constructions culturelles - la testostérone est bien une hormone prédominante chez les hommes et qui entraîne des caractéristiques de comportement partout et à toutes les époques.
La culture masculine est une culture qui a sa noblesse propre, et dont les caractéristiques doivent être valorisées.
J'entends bien que sous des cieux démocratiques, alors que les machines prennent en charge les travaux pénibles, et qu'un niveau d'intellectualisation supérieur est impliqué par la complexification des pratiques sociales, tout un pan de la culture masculine est aujourd'hui disqualifié : celui qui est lié à la brutalité, à l'agressivité physique, musculaire, une certaine grossièreté virile pour parler vite.
Mais il est d'autres traits dominants du caractère masculin qui me paraissent précieux et dont il faut défendre la place dans la société contemporaine : c'est notamment le cas de cette propension que nous, les hommes, avons, à explorer des territoires nouveaux, à conquérir des espaces vierges. La psychologie évolutionniste l'impute au partage des rôles dans la préhistoire entre un homme chasseur et une femme plus préoccupée par le soin de la progéniture. J'ignore si c'est vrai. D'autres parlent de "néoténie psychique" qui fait que l'homme reste plus enfant et plus aventurier (un thème aussi controversé, un prof au Collège de France l'a contesté récemment, mais son livre très "politiquement correct" ne me convainc pas). Je pense pour ma part que cet esprit de découverte que nous avons existe, il est plus ancré chez nous que chez les femmes, et nous le maîtrisons bien mieux, avec plus de style, plus de constance que les femmes. C'est ce qui fait que nous sommes plus portés vers la philosophie et vers la création de très haut niveau (en matière musicale, en peinture etc). Il nous confère une haute capacité d'abstraction, que nous payons ensuite, certes, d'une certaine inaptitude à prendre soin de détails du quotidien, mais c'est une inaptitude que nous devons assumer fièrement : il n'y a aucune raison pour qu'on nous culpabilise pour ce trait essentiel de notre être. Je crois que cet esprit de conquête qui se sublime si bien sur le terrain des idées et de l'abstraction, est lié à nos caractéristiques sexuelles. Le mâle a une sexualité tournée vers l'extérieur, qui le voue à pénétrer des espaces, tandis que la femelle, qui accueille en son intériorité, est nécessairement plus attentive à la défense et à l'organisation de celle-ci (même si on trouvera toujours des contre-exemples individuels de femmes plus masculines, plus conquérantes, et de mâles féminisé très attentifs à leur petit espace quotidien, ce qui est bien sûr tout aussi légitime, mais minoritaire...).
Je ne vois pas l'intérêt que l'on trouve à nier ces caractéristiques, ces différences. Je crois qu'il faut au contraire les valoriser, leur accorder toute leur place dans la culture contemporaine.
J'entends bien que les femmes sont assez peu prêtes à accepter les hommes tels qu'ils sont, et à valoriser leurs particularités. Après avoir fait admettre leurs propres traits culturels, elles s'enferment dans un dogmatisme étonnant que reflète toute une littérature féminine contemporaine hostile aux hommes soit disant irresponsables, volages, tête en l'air, peu précautionneux, incapables d'assumer leurs engagements etc.
Je ne sais si ce dogmatisme féminin "mysandre" (comme on dit dans le beau langage) durera encore longtemps. Si tel est le cas, il pourrait vouer les deux sexes à une logique d'apartheid, ce qui est déjà largement le cas aujourd'hui et l'a été souvent dans l'histoire du monde : le confucianisme faisait de la séparation des sexes une règle absolue, Montaigne en a fait l'éloge, et de fait l'organisation sociale traditionnelle créait beaucoup moins d'interactions entre hommes et femmes que la société actuelle. L'important est en tout cas d'accepter les choses sans tabou, de ne pas se laisser impressionner par un terrorisme intellectuel, terrorisme du ressentiment, qui tente de vous culpabiliser dès que vous essayez d'être fier de ce que vous êtes. La fierté masculine est aussi légitime que la fierté féminine. Il faut construire et reconstruire sans relâche de l'imaginaire viril autour de cette fierté et lui laisser occuper une place dans ce qui est transmis aux enfants. Rien ne serait plus bancal et médiocre qu'un monde qui ne reconnaisse plus que la légitimité exclusive des valeurs féminines.