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Le blog de Frédéric Delorca

Obscurantisme de nos provinces - le Béarn s'égare

30 Juin 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Béarn

P1010600-copie-1.jpgMa mère l'a appris par la bouche de son kyné cet après-midi, ma tante par celle d'un de mes cousins. Autant dire que tout le monde en parle en Béarn aujourd'hui, et même ne parle que de cela : on a retrouvé dans le Gave de Pau le tibia d'un jeune de treize ans découpé à la hache (on découpe beaucoup à Pau : il y a quelques années un fou coupait la tête des infirmières). Pas n'importe quel jeune : celui pour lequel le Béarn manifestait en masse à Pau le mois dernier après sa disparition. D'ailleurs le Béarn manifeste beaucoup. Hier il manifestait pour la libération des journalistes retenus en Afghanistan, quelques heures seulement avant leur libération.

 

... Par contre il ne manifeste pas contre les bombardements sur la Libye de nos avions qui ont hâché menu quelques tibias d'enfants depuis quelques mois. Pourtant il y a une Ecole militaire à Pau (celle des troupes aéroportées). Mais le Béarn est fier de fournir des bérets à l'OTAN. Sa compassion est très sélective. Celle qui ne fait pas réfléchir est celle qu'on préfère.

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Les yeux de Clara

30 Juin 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #1910 à 1935 - Auteurs et personnalités

Clara-Zetkin.JPGExtrait des Cloches de Bâle (1934) d'Aragon (p. 423 Folio)

 

"Clara Zetkin à Bâle a déjà passé la cinquantaine. La longue vie, la longue histoire qu'elle a derrière elle, n'est rien au prix de celle qui s'ouvre à son avenir.

 

Elle n'est pas belle, mais il y a en elle quelque chose de fort, qui dépasse la femme. Plutôt petite, elle surprend par la largeur des traits. Ses cheveux sont blonds encore, et de cette espèce de cheveux lourds que ni peigne ni épingles ne peuvent jamais retenir. Le squelette du visage est marqué, puissant. On ne peut pas dans une foule faire autrement que de la voir. Elle est assez négligemment habillée, mais ce ne sont pas ses corsages rayés, ou la fourrure mal assise sur ses épaules, qui retiennent l'attention, qui l'attirent sur elle. Ce qu'il y a d'insolite, ce sont ses yeux.

 

L'auteur de ce livre a vu vingt ans plus tard Clara Zetkin presque mourante. Alors encore, à Moscou, épuisée par la maladie et l'âge, décharnée et ne retrouvant plus son souffle au bout des phrases qui semblaient chacun venir comme une flèche du passé vivant qu'elle incarnait, alors encore elle avait ces yeux démesurés et magnifiques, les yeux de toute l'Allemagne ouvrière, bleus et mobiles, comme des eaux profondes traversées par des courants. Cela tenait des mers phosphorescentes, et de l'aïeul légendaire, du vieux Rhin allemand.

 

(...) s'il me plaît, je te parlerai sans fin des yeux de Clara... Quoi ? tu croyais que j'en avais tout dit ? De ces yeux qui devaient un jour, du haut de la tribune présidentielle du Reichstag, à la veille même de la tourmente hitlérienne, parcourir posément les bancs bondés d'ennemis, mesurant l'immense travail à faire... et c'est alors que la vieille combattante annonça de sa voix calme l'avènement à venir des Soviets d'Allemagne... tu croyais qu'avec deux ou trois comparaisons j'avais épuisé ce que j'ai à dire de ces yeux ? Quand ce sont vraiment les yeux de cette vieille femme, tous les yeux des femmes de demain, la jeunesse des yeux de demain ! Avant que j'aie épuisé les images du ciel et les métaphores marines, avant que dans les abîmes et dans les clartés j'aie pris tout ce que je puis utiliser pour te donner une petite idée de ce qui peut se dire de ces aurores qui s'ouvrent sur le XXe siècle, comme des fenêtres dans l'ignorance et dans la nuit, tu devras te rendre, lecteur. Mais j'ai pitié de ta patience, et puis, il y a grand besoin aussi de ta force, à toi, pour transformer le monde. A toi aussi."

 

Dans C'est là que tout a commencé, Aragon précisait (p. 37) :

 

"Je me souviens d'une remarque que fit Marcel Cachin : il parlait de Clara Zetkin avec un petit sourire, comme un contemporain, se souvenant d'elle plus jeune, à Amsterdam en 1903, probablement. Il lui paraissait curieux, un peu bizarre, qu'en fait le socialisme, dans mon réalisme, s'incarnât sous les traits de Clara. Il ajoutait cependant avec quelque finesse que voilà, c'était ainsi qu'avec le temps choses et gens changent de caractère, et que c'était sans doute naturel que pour un homme de mon âge elle ait pris ce relief, cette valeur de symbole, ce caractère lumineux."

 

Vous savez (mais je le répète pour les nouveaux lecteurs) que je suis étranger à la culture communiste, ce qui me permet d'autant plus aisément de poser un regard neuf sur ses monuments. 

 

Dans la ville où j'officie on fait dire chaque année pour la journée internationale de la femme au maire dans son discours que Clara Zetkin est à l'origine de cette manifestation. Ce n'est pas moi qui ai lancé cette habitude. Je pense que dans les mairies communistes beaucoup doivent faire de même sans connaître les pages d'Aragon à son sujet - ces pages qui mêlent bizarrement romantisme et matérialisme historique (ce point où les yeux de Zetkin rejoignent ceux des ouvriers allemands et ne trouvent leur force qu'à travers eux, les mots d'Aragon sur Zetkin ne sont pas totalement exempts de machisme, je suppose, mais au moins ils forcent à prendre au sérieux une femme que le "petit sourire" de Cachin, et sans doute des autres dirigeants communistes de l'époque, enterrait sous un phallocratisme impérial).

 

En lisant ces rêveries, je pensais à la République démocratique allemande, une fois de plus. Je me disais que, si elle n'était pas née de l'occupation soviétique, et du viol de ses femmes comme de sa souveraineté de cette République aurait pu être porteuse de tous les rêves cultivés par les communistes de l'Europe entière avant guerre autour d'une Allemagne rouge. Le malheur du mouvement communiste international de cette époque est d'avoir eu un Hitler à la tête de l'Etat allemand plutôt qu'une Luxembourg ou une Zetkin. Mais il faut bien reconnaître que l'Allemagne se sera vraiment donné tous les moyens, et même les plus sordides, de ne jamais être rouge : de la liquidation des Spartakistes et du Soviet de Bavière par les milices d'extrême droite et la police régulière aux ordres des sociauxdémocrates aux internements dans les camps nazis. C'est sans doute là que le communisme du XXe a scellé son échec historique définitif. Marx rêvait que le pays de Hegel (ou celui de John Locke de l'autre côté de la Mer du Nord) basculerait dans le communisme. Ses disciples auront dû se rabattre sur les latitudes quasi-esclavagistes de Russie et de Chine.

 

Ci-dessous le discours de Zetkin au Reichstag le 30 août 1932. Le KPD avait progressé aux élections du 31 juillet 1932. Le 1er août Joseph Goebbels notait dans son journal : "Résultats des élections : nous avons gagné un petit quelque chose. Le marxisme beaucoup.  (...) c'est maintenant que nous devons prendre le pouvoir et éradiquer le marxisme. D'une façon ou d'un autre !" Puis le 31 août à propos de la séance du Reichstag : "Salle des séances pleine à craquer. La Zetkin ahane un long sermon. Indigne et grotesque. On a l'impression d'un théâtre de marionnettes. Puis au vote; Göring président. Remplit bien son office."

 

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Approximations médiatiques à propos de Tiananmen (1989)

30 Juin 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

On en a peu parlé, pourtant la nouvelle publié par Wikileaks et reprise dans The Telegraph le 4 juin dernier a quelque peu modifié la version officielle en Occident des "massacres de la Place Tiananmen" : en voici la traduction en français.

 

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"Wikileaks : aucun massacre à l'intérieur de Place Tiananmen, affirment des câbles diplomatiques


Les câbles secrets de l'ambassade des Etats-Unis dans Pékin ont montré qu'il n'y avait eu aucun massacre à l'intérieur de Place Tiananmen quand la Chine a dispersé des manifestations pro-démocratiques d'étudiant il y a 22 ans.
 
Par Malcolm Moore, Changhaï


Les câbles, obtenus par WikiLeaks et publiés en exclusivité par le Daily Telegraph, confirment en partie le récit du gouvernement chinois au cours des premières heures du 4 juin 1989, qui a toujours insisté sur le fait que les soldats n'ont pas massacré des manifestants à l'intérieur de Place Tiananmen.

 

Au lieu de cela, les câbles prouvent que les soldats chinois ont ouvert le feu sur des protestataires en dehors du centre de Pékin, car ils ont dû se battre pour se frayer une route jusqu'à la place depuis l'ouest de la ville.

 

Trois câbles ont été envoyés de l'ambassade des USA le 3 juin, dans les heures qui ont conduit à la dispersion, car les diplomates se sont rendus compte que l'épreuve de force finale entre les protestataires et les soldats apparaissait inévitable.


Les câbles ont décrit les « 10.000 à 15.000 hommes de troupe armés et casqués » entrant dans la ville, une partie « portant des armes automatiques ».


Pendant ce tempd, « les troupes aéroportées d'élite » et les « unités de réserve » devaient venir par le sud.

 

L'armée s'est heurtée « à un système élaboré de blocus », décrit dans un câble à partir du 21 mai 1989, qui a permis à des étudiants « de contrôler la majeure partie du centre de Pékin ».


Les diplomates ont observé que « il y avait des autobus tournés en travers des routes pour former des barrage » et les étudiants avaient juré que l'armée ne pourrait pas les traverser. « Mais nous avions des doutes là dessus», ajoute un câble. Les étudiants utilisaient aussi des équipes de motis-courriers pour communiquer avec les barrages de route, et envoyer des renforts où c'était nécessaire.


Comme les troupes entraient dedans, les câbles précisent que le personnel diplomatique ont été à plusieurs reprises avertis « de rester chez eux » à moins qu'ils ne soinet impliqués dans le reportage de première ligne. « La situation au centre de la ville est très confuse, » observait un câble du 3 juin. « Les dirigeants politiques à l'hôtel de Pékin ont rapporté que les troupes poussent un grande partie de la foule vers l'Est sur l'avenue de Chang'an. Bien que ces troupes semblent ne pas être ouvrir le feu sur la foule, on fait état de tirs à l'arrière derrière des troupes venant de la place ».


À l'intérieur de la place elle-même, un diplomate chilien devait remettre en main propre à son homologue américain le récit d'un témoin oculaire des heures finales du mouvement pro-démocratique.


« Il a regardé les militaires entrer sur la place et n'a pas observé quelque usage que ce soit d'armes pour ouvrir le feu sur la foule, bien que des tirs sporadiques aient été entendus. Il a affirmé que la plupart des troupes qui sont entrées sur la place étaient en réalité seulement armées  d'équipement anti-émeute - matraques et clubs en bois ; ils ont été soutenus par les soldats armés, » détaille un câble de juillet 1989.


Le diplomate, qui était posté à côté d'une station de Croix-Rouge à l'intérieur de Place Tiananmen, précisait qu'une ligne des troupes l'a entouré et « a faite paniquer » le personnel médical pour le mettre en fuite. Cependant, selon lui il n'y avait « aucun tir d'arme à feu de masse sur la foule des étudiants autour du monument ».


Selon les dossiers internes de parti communiste, publiés en 2001, 2.000 soldats de la trente-huitième armée, ainsi que 42 véhicules blindés, ont commencé à envahir lentement la place du nord au sud à 4.30 du matin le 4 juin.

 

Alors que, environ 3.000 étudiants étaient assis autour du monument aux héros des personnes sur la limite sud de la place géante, près du mausolée de Mao de Président.


Les chefs de la protestation, y compris Liu Xiaobo, le gagnant du prix de paix Nobel de l'année dernière, ont invité les étudiants à quitter la place, et le diplomate chilien a rapporté qu' « une fois que l'accord a été conclu pour que les étudiants se retirent, ceux ci se sont donnés la main pour former une colonne,et ont quitté la place par le coin du sud-est. » Ce témoignage contredit les rapportages de plusieurs journalistes qui étaient à Pékin à ce moment-là, qui qui décrivaient des soldats « chargeant » sur des civils sans armes, et suggère que le nombre de morts cette nuit-là serait bien inférieur aux milliers qui étaient évoqués jusque là.


En 2009, James Miles, qui était le correspondant de BBC dans Pékin alors, a admis qu'il a « donné l'impression fausse » et qu'« il n'y avait eu aucun massacre sur la Place Tiananmen. On a permis aux protestataires qui étaient encore sur la place quand l'armée est arrivée de partir après des négociations avec des troupes chargées d'exécuter la loi martiale […] Il n'y a pas eu de massacre de Place Tiananmen, mais il y a eu un massacre de Pékin ».


Au lieu de cela, le combat le plus féroce a eu lieu place Muxidi, environ trois miles à l'ouest de la place, où les milliers de personnes s'étaient réunies spontanément la nuit du 3 juin pour arrêter l'avance de l'armée.


Selon les Journaux de Tiananmen, une collection de dossiers internes du parti communiste, des soldats a commencé à tirer à balle réelle à environ 10.30 du soir, après avoir tenté en vain de disperser de la foule avec les balles de gaz lacrymogène et en caoutchouc. Incrédule, la foule a essayé de s'échapper mais elle a entravée par ses propres barrages routiers.


Les câbles indiquent également jusq'à quel point manifestations d'étudiants pour la démocratie avaient gagné l'appui populaire, et comment pendant plusieurs semaines les protestataires ont effectivement occupé la totalité du centre de Pékin, lançant un défi existentiel au parti communiste.


Un câble, à partir du 21 mai 1989, signale qu'un visiteur anonyme avait signalé au consulat des USA à Shenyang que Ni Zhifu, le Président des syndicats de Chine, avait condamné la loi martiale dans la capitale et avait averti que si les étudiants n'étaient pas  traités avec plus de respect il organiserait une grève générale des ouvriers qui paralyserait la Chine."

 

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Parfois Zizek a des mots justes

30 Juin 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

 

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L'irrationnel en politique

25 Juin 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Copie-de-incendie-albassade.jpg Encore beaucoup d'irrationalité dans les débats politiques cette semaine. Par exemple cet article dans la presse algérienne intitulé "APRÈS UN DÉLUGE DE FEU DE TROIS MOIS, EL GUEDDAFI EST TOUJOURS EN POSTE" Cela me rappelle 1999 quand certains esprits légers parlaient de "carpet bombing" à propos de Belgrade. On discrédite une cause avec de trop grands mots. Il n'y a pas de "déluge de feu" à Tripoli. Des frappes ciblées, souvent mal ciblées, avec des ciblages contestables, qui sont autant de crimes de guerre, mais pas de "déluge". Et il n'y a pas besoin de parler de "déluge de feu" pour comprendre que ces frappes sont lâches, perfides, criminelles, absurdes, condamnables. Car le jour où il y aura un vrai déluge de feu nous n'aurons plus de vocabulaire, et les journalistes alternatifs portés vers l'excès seront responsables de l'épuisement des mots.

 

Autres irrationalités de la semaine :

 

Cette histoire de vache à hublots. Tout le monde s'excite contre les scientifiques, on les traite de nazis.

 

 

 

Sauf que cette affaire est tout sauf claire. D'abord au niveau factuel : la vache souffre-t-elle ou non ? Certains disent que non, graphiques à l'appui. Les amis des animaux affirment que oui en tirant prétexte du fait quel'INRA lui-même dans un courrier aurait dit que la douleur restait dans les limites socialement acceptables. Mais de quelle douleur parle-t-on ? Celle de la cicatrisation de la lucarne ? Beaucoup qui ont vu ces vaches affirment que leur souffrance ne saute pas aux yeux ni aux oreilles, en tout état de cause.

On ajoute alors que la vache a droit à l'intimité de sa panse. J'ai de la sympathie pour les vaches et l'abus de leur exploitation me peine, mais il ne faudrait pas que l'anthropocentrisme nous fasse projeter sur elles des pudeurs qu'elles n'ont pas.

 

On se gargarise de grands mots pour légitimer l'équivalence "expérience sur les animaux=shoah" : "front uni des antiracistes et des antispécistes", ai-je lu sur Facebook. L'expression est séduisante. Le projet ne peut pas être considéré à la légère. Je soupçonne hélas ses promoteur de glisser sous ce slogan, au fond, un mépris profond pour l'humanité. Et j'aimerais d'abord que notre espèce guérisse de la haine de soi qu'on lui inculque avant de lui proposer une compassion infinie pour les bovins. Je voudrais aussi que les amis des animaux réfléchissent à ceci : il faut aimer les vaches, les pandas, les visons. Pourquoi pas aussi la bactérie e-coli ? C'est un être vivant aussi non ? Pourquoi arrêter notre amour aux plus grands d'entre eux ? Parce que les plus petits sont nuisibles ? Mais les critères du bien et du mal sont peu clairs dans l'ordre de la nature, de grands biens sortent de grands maux. Et beaucoup de virus et de bactéries sont indispensables à la survie des grands animaux. Où arrêter le curseur de notre sympathie ? Aux mammifères ? A la taille des arachnéens ? En dessous ?

 

Enfin une autre polémique qui fait florès sur les réseaux sociaux. Fukushima. Tout le monde s'excite autour de la vidéo de l'expatrié ci-dessous. L'hystérie est de rigueur. Sauf que cette vidéo ne dit rien. L'expatrié dit que l'on distribue des dosimètres aux enfants. Sage mesure de précaution. Mais où est le preuve que les radiations sont toujours élevées, et qu'elles ne diminuent pas ? On peut dire que la preuve personne ne peut l'avoir, que les scientifiques ne sont que des menteurs. C'est possible. Mais en s'agitant autour de documents qui ne présentent aucun fait tangible, on s'habitue un peu trop facilement à s'exciter sans preuve objective et à se résigner à ce qu'aucune preuve ne puisse jamais être avancée en faveur de quelque thèse que ce soit, comme aux pires heures des totalitarismes du XXe siècle. Pas étonnant qu'ensuite cette paresse intellectuelle, qui fait passer l'affect et le relativisme devant tout effort de réflexion posée conduise certains à rechercher, en dernier lieu, leurs arguments dans le Nouveau Testament, le Coran, le Talmud, ou dans le prêche du premier gourou de secte qui passe. Ne nous résignons pas à l'obscurantisme !

 

 

 
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Les égarements de son propre camp : Romain Rolland

23 Juin 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #1910 à 1935 - Auteurs et personnalités

rolland-copie-1Romain Rolland écrit dans ses Mémoires que lui, pourtant si hostile à la violence, a risqué trois ou quatre fois sa carrière "et même sa vie" en ne pouvant pas s'empêcher de se jeter dans des batailles politiques importantes. Il inclut dans cette série l'Affaire Dreyfus dans laquelle il joua un rôle très majeur.

 

S'il fût à l'avant-garde des "dreyfusistes" (comme il dit - une expression plus juste que "dreyfusard"), cela ne l'empêche pas de faire preuve d'une très grande lucidité sur le camp qu'il défendait. Il écrit (p. 287) :

 

"On a livré aux sarcasmes et au mépris de l'histoire les criminelles et grotesques inventions de l'état-major, pour soutenir leur cause menteuse et exécrable. Mais qui a connu, comme moi, les absurdités délirantes et les forfaits de pensée, auxquels s'abandonnaient les esprits désorbités de l'autre camp ! (les dreyfusistes). J'ai vu les plus grands intellectuels, les plus officiels, du jour au lendemain cracher l'injure contre la France, traiter de bandits sans honneur tous les Français qui ne pensaient pas comme eux. Des femmes criaient qu'elles ne voulaient plus que leurs fils servissent la France. Des académiciens sexagénaires applaudissaient aux anarchistes qui, dans leurs réunions, arrachaient les couleurs blanc et bleu du drapeau, pour ne conserver que le rouge. Une sommité de l'Institut et de la science voulait enlever Picquart de sa prison, le placer à la tête d'une armée, en faire un Boulanger du Dreyfusisme ! Et d'autres offraient toute leur fortune, pour organiser le combat.

 

Les mêmes hommes, dix ans après, eussent nié sincèrement cette frénésie, ils en auraient perdu jusqu'au souvenir... Et je sais bien que ce n'était qu'une vague folie, et qu'en se retirant, elle a laissé les âmes honteuses de leur égarement passager et disposées à des excès de zèle, pour en effacer les traces. - je ne les accuse point. Je n'accuse personne. Je les plains tous. Et je ne suis pas rassuré pour le monde, quand je vois se lever des grandes tempêtes, où s'entreheurtent sauvagement les plus hautes idées, et les passions les plus basses. J'ai pris, dès lors, un avant-goût des guerres "pour le Droit et pour la Liberté". Que les uns soient pour, que les autres soient contre, - d'un côté, patrie, - d'autre côté, justice, - au bout du compte, les grandes victimes, ensanglantées, sont toujours la justice, et la patrie. Et sous les pieds des deux armées, gît, égorgée, la liberté."

 

Il est rare qu'un auteur ait l'honnêteté de savoir aussi critiquer son propre camp.

 

Par ailleurs ce qui est intéressant dans ce passage, si on laisse de côté l'antinomie patrie-justice liée à la problématique propre à l'Affaire Dreyfus (l'événement qui fit divorcer la gauche d'avec le patriotisme, au moins jusqu'à la Résistance de 1940-45), c'est que Rolland situe l'égarement dans le combat au niveau du besoin de violence, là où nous autres, sous l'influence de Chomsky, la placerions plutôt dans l'irrationnalité. Les contemporains de Rolland (Nietzsche, Freud) croyaient si peu au pouvoir de la raison qu'ils voyaient l'homme comme voué à la pulsion de meutre et de domination. Notre époque, qui a beaucoup mieux domestiqué l'humain dans la vie quotidienne (et notamment le mâle), sous l'effet conjugué de la technologie, de la consommation, et de la political correctness, peut plus aisément croire que seul le défaut de rationalité explique l'égarement d'une cause juste (parce que la raison peut tout), plutôt qu'au fatum de la soif de sang.

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Pendant ce temps à Tripoli...

22 Juin 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Nous connaissons par coeur la propagande de l'OTAN sur la Libye. Voici la propagande (en français) de ceux qu'on bombarde (journal du 20 juin). Probablement pas plus objective que celle de nos gouvernants, mais autant entendre plusieurs sons de cloches. Et puis cela fait au moins des images du "terrain", qui aident un peu à sortir du virtuel et des mots vides dans lesquels nos médias enveloppent la Libye en ce moment.

 

On peut aussi regarder en suivant, sous-titré en anglais, un reportage de la TV russe "Première chaîne". On notera que les chiffres de civils morts du fait des frappes de l'OTAN que la Libye avance commence à rejoindre celui des civils serbes tués en 1999. Plutôt ironique pour une mission militaire qui se réclame d'une résolution de l'ONU qui autorisait la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne pour "protéger les civils"....

 

L'enthousiasme des gens qui manifestent contre nos chers bombardiers à Tripoli quand ils voient un journaliste russe parmi eux n'a pas l'air d'être complètement "téléguidé" par les autorités locales. Le peuple de Tripoli ne doit pas spécialement aimer nos bombes, n'en déplaise à MM. Juppé et Longuet.

 

 

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