La politique étrangère vue par Bertrand Badie
Dans Le Monde :
"Il n'est pas sûr du tout que le néo-conservatisme ne soit plus d'actualité. D'abord, parce qu'il est une forme actualisée du vieux modèle messianique qui a profondément marqué les Etats-Unis, et plus généralement le monde occidental. On peut le tenir pour l'expression radicale d'une histoire longue dont rien n'indique qu'elle soit aujourd'hui achevée. Si l'on prend en compte le camp républicain, les primaires ont même montré une surenchère entre des versions différentes mais tout aussi intenses du néo-conservatisme: celles de Rick Santorum, de Newt Gingrich ou de Rick Perry... sans compter les adeptes du Tea Party. Quant à Mitt Romney, l'option néo-conservatrice est moins nettement affichée, mais elle reste une composante de son discours.
Passons du côté démocrate : le néo-conservatisme n'y a certainement pas la même rudesse, mais il reste une composante plus discrète de l'architecture idéologique globale. L'idée de "League of democracies" y est populaire, extraite de la dogmatique wilsonienne et très présente, y compris dans l'entourage de Barack Obama. Elle confère aux démocraties occidentales un rôle de gardien du monde qui n'est pas aussi éloigné des "rêves bushiens". Enfin, l'Europe, très majoritairement de droite, reste dominée par des principes qui sont loin d'être incompatibles avec le néo-conservatisme d'outre-Atlantique, d'autant plus que la gauche a renoncé depuis un certain temps à forger une politique étrangère alternative."
Vous pouvez lire le reste de l'interview de B. Badie dans Le Monde...
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PS : Quant à moi, je renvoie au passage à mes propositions de politique étrangère ici.
Qu'est devenu l' "Atlas alternatif" ?
Ce livre collectif aura finalement connu un destin étrange. Publié il y a sept ans (en fait il était terminé en septembre 2005 mais un petit contre-temps a retardé sa publication de dix mois), il avait été largement ignoré lors de sa publication (seules RFI et l'Humanité Dimanche en avaient parlé, Regards de Miss Autain, Serge Halimi du Monde Diplo qui avait son propre "atlas", la bande à Mermet de Là-bas si j'y suis, François Ruffin et tant d'autres personnalités qui avaient le vent en poupe alors dûment sollicitées l'avaient enfoui dans leurs tiroirs dès qu'ils l'avaient reçu). Sans doute à cause des innombrables rivalités et querelles de personnes, pinaillages en tout genre qui épiçaient la vie des chapelles de "la vraie gauche" à ce moment-là (parmi les 42 contributeurs beaucoup de gens sur la place parisienne pouvaient en identifier un ou deux qu'ils détestaient).
Le livre aurait pu être enfoui aux oubliettes au bout de quelques mois comme tant d'autres ouvrages collectifs universitaires, spécialement à l'heure où tout un chacun se croit suffisamment informé par la simple lecture des posts sur Internet. Néanmoins le livre a continué d'exister grâce à des blogs (dont celui qui était consacré à son actualisation et qui continue de publier des billets régulièrement), ainsi qu'à être acheté par des bibliothèques publiques pas seulement dans les facs (par contre j'ignore si des particuliers se le procurent, on ne m'a jamais communiqué les chiffres des ventes).
J'ai parfois l'impression que, même si beaucoup de publicistes continuent à lui appliquer la loi du silence, l'ouvrage reste un peu en arrière-plan du paysage intellectuel sur les questions de géopolitique. Une journaliste l'avait mentionné dans le Monde Diplomatique en mars 2011. Le mois dernier l'historien Jean-Guillaume Lanuque directeur de la revue Dissidences, y faisait référence dans une recension d'un ouvrage récemment publié chez L'Harmattan.
Google n'est plus aussi complet qu'il y a quelques années pour le recensement des pages qui mentionnent un ouvrage ou un nom. Vers 2005 on pouvait facilement trouver des centaines de pages mentionnant un auteur. Maintenant Google se borne à mentionner les 150 plus récentes et les plus lues. Difficile de reconstituer donc sur cette base le paysage internautique des sites qui se sont intéressés à ce livre. Notons que le portail Expertpublic.fr a adopté le blog de l'Atlas parmi ses références il y a quelques mois. On peut peut-être y voir le signe d'une certaine "institutionnalisation" (même si elle reste modeste) de l'ouvrage dans l'univers d'Internet.
Invitez des abeilles à lire ce blog
Peut-être un moyen pour élever le niveau de la réflexion collective sur ce blog : invitons des abeilles à le lire et à en débattre. Car les chercheurs viennent de nous l'apprendre : les abeilles sont capables de manipuler des idées abstraites. Voyez plutôt cet article. Comme les compétences humaines ont plutôt tendance à diminuer en la matière, il est temps que nos cousines les abeilles viennent prendre le relais... (si du moins elles finissent par survivre à nos pesticides)
Encore un peu d'analyse politique
Je m'en excuse auprès des gens qui lisent ce blog pour la littérature, l'histoire, la philosophie, mais les chiffres de fréquentation de ce blog en période électorale ont été multipliés par deux ou par trois suivant les jours malgré le boycott que m'infligent tous les autres blogs (à l'exception de El Diabolo et la Lettre volée), avec beaucoup d'accès directs et d'accès par recherche "delorca" sur Google. Cela m'oblige à parler un peu plus de politique française que d'habitude car il se peut que parmi ceux qui me lisent un certain nombre d'entre eux apprécient de trouver là les analyses d'un homme proche du Front du Gauche (FdG) mais qui n'a pas perdu son indépendance d'esprit et ne verse pas dans le langue de bois (je défends toujours ma position anti-ingérence dans les relations internationales, ma position en faveur du retrait de la reconnaissance du Kosovo, mon attachement à l'objectivité des faits par delà l'idéologie, à la discussion honnête avec ceux qui ne partagent pas mes analyses etc.). Je pense que le fait que parmi les 3 derniers commentateurs il y ait une électrice du FdG, un électeur potentiel de JL Mélenchon qui a finalement voté Dupont-Aignan, et un électeur potentiel du FdG qui a finalement choisi le FN dit quelque chose d'une partie de mon lectorat, même si ce n'est pas de la totatlité (car j'ai aussi des gens de tendance plus libertaire, des apolitiques etc).
Donc encore un petit mot sur les dernières élections pour satisfaire la curiosité ou l'intérêt de ces personnes.
Mélenchon a révélé sa maestria dans l'art du rassemblement des tendances socialistes et socialisantes à gauche du PS, maestria digne de l'inventivité de Jaurès il y a cent ans, avec juste un brin de talent en moins (d'ailleurs Méluche se heurte aux mêmes accusations que Jaurès autrefois, notamment au fait qu'il vient des partis bourgeois à l'origine).
Mais il est aussi victime d'une position structurale (pour parler comme les bourdieusiens) du Front de Gauche qui le met en porte à faux avec un prolétariat ou sous-prolétariat des villes campagnes et des villes moyennes. Cette position conduit le FdG a défendre des thématiques proches du PS sur l' "autre Europe", le melting pot culturel etc, alors que les couches que représente le Front national sont plus attachées au protectionnisme économique, au contrôle des migrations aux frontières.
Beaucoup ont attiré l'attention de JL Mélenchon sur la nécessité de recentrer son discours sur une thématique nationale comme il l'a fait à la Bastille, mais il l'a fait sur le thème de la nation-universaliste que les couches populaires de la France rurale et des villes moyennes n'ont pas compris.
Une bonne partie de la base sociologique du parti communiste en milieu urbain est issue de l'immigration récente, comme d'ailleurs l'électorat socialiste, mais peut-être plus encore (si les ZEP couvrent presqu'un dixième de la population française, soit 4,5 millions d'habitants, ont peut supposer qu'elles concernent plsu du quart des fiefs du PCF) ce qui interdit à ce parti de tenir un discours trop centré sur la nation qu'attend davantage le monde rural.
Le discours national "de gauche" ne pourrait être tenu que par une structure politique tierce au Front de Gauche (étant entendu que le PS acquis à l'européisme et à l'atlantisme ne peut pas l'incarner). Ce pourrait être le MPEP ou le MRC s'ils se dotaient d'un leadership consistant et si le système électoral leur laissait une autonomie face au PS (on peut s'étonner à cet égard que les Verts n'aient pas négocié l'adoption de la proportionnelle, ce qui prouve que ce parti est résigné à être le vassal et le faire-valoir du PS). L'émergence de cette structure tierce, ou incluse dans le Front de Gauche mais avec une réelle marge d'autonomie serait utile pour infléchir le discours de Mélenchon dans une direction plus ouverte aux classes populaires rurales et des villes moyennes, et pourraient aider à une convergence avec les zones ZEP (car je ne crois pas du tout à la contradiction entre les aspirations au melting pot des zones ZEP et les attentes de protectionnisme de la "France profonde", une démarche de pédagogie réciproque de part et d'autre peut les réconcilier).
Je pense qu'avec l'émergence de cette force tierce, Mélenchon pourrait recentrer son discours et le placer à la bonne hauteur. Je ne crois pas du tout que sa situation d' "élu bien payé" agitée par l'extrême-droite (au fait c'est combien la fortune de Mme Le Pen ?), de franc-maçon (une appartenance qui n'a jamais empêché l'émergence d'un esprit révolutionnaire, sous la Commune de Paris notamment) ou de laïciste intégriste (il a montré que l'esprit de laïcité ne l'empêchait pas de rejeter l'islamophobie) soient des obstacles au positionnement adéquat de ce responsable politique. Ce qu'il faut c'est un rapport de force sociologique, sur l'échiquier de la sociologie politique, qui leste le Front de Gauche d'une aile plus nationale en prise avec les attentes de la partie du peuple sur laquelle le FdG pour l'heure n'a pas de prise.
Il est assez évident que le Front national de son côté n'est pas la réponse politique au besoin de renouveau qu'expriment les gens qui ont voté pour lui. C'est un parti qui isole notre pays sur la scène internationale. Sa lecture des enjeux mondiaux est d'un réductionnisme affligeant : j'entendais Mme Le Pen expliquer lamentablement que le problème de la sécession au Mali c'est qu'elle était menée par des islamistes et que cela nous amènerait plus d'immigés, le degré zéro de la réflexion en la matière. Ce parti n'a aucun sens de la coordination de l'action avec des gouvernements étrangers, sauf lorsque ce sont des dictatures arc-boutées sur le passé comme l'Irak de Saddam Hussein : la semaine dernière c'est le FdG et ses homologues espagnol, portugais etc qui se sont battus au Parlement européen contre une motion des socialistes et des conservateurs condamnant la nationalisation du pétrole en Argentine, pas le Front national. Surtout le FN ne connaît pas le monde ouvrier, il préfère relancer la consommation par une aide publique que par l'augmentation des salaires, Mme Le Pen ne sait pas que l'augmentation du SMIC se décide par décret, elle ne s'est jamais battu pour la défense du droit à la retraite à 60 ans, toutes ses propositions sont d'un flou artistique complet et ceux qui le soutiennent ne font qu'encourager une spirale irrationnelle de repli sur soi, de fantasme, sans aucune perspective stratégique pour l'avenir.
La véritable perspective stratégique elle est au FdG mais seulement si celui-ci parvient à se dégager totalement de l'emprise du PS (ce n'est pas gagné d'avance) et trouver un complément sociologique dans la France rurale et les villes moyennes. Ce n'est pas gagné d'avance, car dans l'immédiat, le FN va probablement continuer à progresser sur les décombres de l'UMP (si N. Sarkozy est battu). Le FdG peut seulement espérer augmenter encore un peu son score dans les ZEP où cette fois-ci le vote utile Hollande a joué contre lui (dans la ville où je travaille, Hollande fait entre 48 et 51 % dans les bureaux des cités), idem, dans des départements du Centre et du Sud-Ouest fidèles au socialisme ancien qui ont aussi "voté utile" cette fois-ci.
Tôt ou tard la question de la rencontre avec les couches populaires du monde rural et des villes moyennes va se poser. Celles de Normandie, de Picardie, de Champagne, qui servaient déjà de réserve de main d'oeuvre aux Ligues dans les années 30 dans leur projet d'attaque contre la banlieue "rouge" de Paris. La rencontre des deux mondes est-elle possible ?
L'ornière
Je pense cet après-midi à tous ces déclassés, tout ce "lumpenproletariat" (comme disent des gens sur Facebook), qui est sorti d'on ne sait où hier pour aller clamer sa haine et voter FN plutôt que d'entendre les perspectives économiques, politiques et sociales assez élaborées que Mélenchon lui proposait.
Comme me l'écrit une de mes correspondantes belges : "Je vous enviais tellement d'avoir un type comme lui (Mélenchon), capable de mobiliser les foules, de parler aux medias et aux citoyens, de répondre et expliquer et argumenter (avec humour en plus !), porteur d'une alternative que nous espérons et cherchons depuis si longtemps, et cette occasion n'a pas été saisie !"
Il est certain qu'avec ce vote FN la France ne sort pas grandie aux yeux des autres peuples. Le "rayonnement" national en prend un coup.
Ces petits esprits qui ont voté Marine étaient-ils déjà sur le pont du bâteau depuis des semaines, sousestimés par les sondages, ou étaient-ils assoupis dans les cales pour se réveiller le jour "J" ? Ont-ils durablement enterré l'unique chance de "révolution citoyenne" à l'islandaise qui se présentait à nous ou l'histoire repassera-t-elle les plats ? J'ai un peu peur que la dynamique reste du côté du FN aux prochaines élections législatives puis européennes... La France de gauche s'est donné beaucoup d'espoirs éphémères, en 1995, en 2005, puis avec cette campagne. Mais notre pays retombe facilement dans les ornières. A tous les niveaux il a perdu beaucoup de sa force, de sa créativité, de son inventivité par rapport à ce qu'il était encore au XXe siècle (malgré les guerres mondiales). C'est un pays qui, d'une élection à l'autre, mobilise pour Chirac, pour Sarkozy, pour le Pen, dans une grande confusion, un pays qui ne sait plus qui il est ni ce qu'il veut, un pays qui ne réfléchit plus, en pleine errance.
Les derniers cagots de Luz-Saint-Sauveur
Hier un de mes oncles qui vit en Béarn et qui a passé une partie de son enfance à Luz-Saint-Sauveur en Bigorre me disait se souvenir d'y avoir vu une famille de cagots qui vivaient derrière l'église, des personnes de petite taille, qui avaient une entrée spéciale dans les édifices religieux. Il paraît que France 2 en a parlé récemment en ressortant un reportage effectué par Le Figaro dans ce village en 1964. Les cagots, qui étaient rémunérés en nature surtout pour des travaux qu'ils faisaient pour les institutions chrétiennes, sont un peuple mystérieux qu'on a parfois dit descendant des wisigoths, parfois des extraterrestres (et examinés par certains savants comme Ambroise Paré, avec parfois des résultats étranges qui ont nourri le fantasme) ! Traités en parias au Moyen-Age, ils obtinrent l'égalité des droits avec les autres Français à la Révolution, puis disparurent progressivement. Ils étaient particulièrement nombreux en Béarn (2 500) mais il y en avaient aussi quelques uns dans d'autres régions y compris en Bretagne.
Sur le sujet on peut aussi se reporter à cet article et celui-ci. J'avais vaguement eu connaissance de sujet à 20 ans, mais je n'en avais pas mesuré toutes les dimensions, loin de là, et j'ignorais que des gens de ma famille en avaient connus.
Premier tour de la présidentielle - Remarques à chaud sur les résultats
Les estimations de 20 h en France - que les Belges nous ont communiquées auparavant montrent une avance de François Hollande sur Nicolas Sarkozy, ce qui est de bon augure pour le second tour. La France dans quelques semaines sera sans doute une fois de plus le pays le plus à gauche d'Europe (du fait qu'il aura voté contre la droite en pleine crise de la dette, et que le PS français reste plus à gauche que ses homologues européens), mais ça ne garantit nullement qu'il aura les moyens de résister aux puissances financières pour imposer une politique keynésienne (dont M. Hollande ne parle même pas).
Le FdG serait à quelques points derrière le FN. Jean-Luc Mélenchon pendant cette campagne aura fait sauter beaucoup de tabous autour des thèmes que soutient sa mouvance et qui sont maintenant mieux compris dans l'opinion publique. Selon un article du Canard Enchaîné de jeudi il n'attendrait pas grand chose des législatives (qui sont verrouillées pour que le FdG n'ait pas plus de 25 députés) mais espèrerait être premier aux élections européennes devant le PS (profitant sans doute du mécontentement que les hésitations de M. Hollande provoqueront), ce qui le placerait en bonne position pour la prochaine présidentielle.
L'UMP risque de rester tiraillée entre son aile droite et son aile gauche, Bayrou n'ayant pas disparu du paysage politique, et connaître une traversée du désert sur fond de guerre des chefs. Les Verts sans doute se referont une santé à la législative grâce à l'accord avec le PS mais leur indépendance en a pris un tel coup - car ils ne se sauvent que grâce au PS - qu'on peut se demander si leur électorat leur fera encore confiance (d'autant qu'ils ont sacrifié au passage une bonne partie de leur programme). Le FN a réussi la transition du père à la fille, et reste un problème dans le paysage électoral français car il tire l'UMP vers la xénophobie et entretient une partie de l'électorat dans l'illusion que les problèmes viennent des étrangers. Je crois que Mme Le Pen par tempérament est moins xénophobe que son père, mais le fond du discours reste ultrasécuritaire et fondé sur le refus d'altérité culturelle (celle de l'islam, même s'il est vrai que c'est un sujet complexe). Certains diront que l'européisme relatif (même si c'est un "altereuropéisme") du FdG contribue à empêcher l'électorat FN de rejoindre celui de Mélenchon. C'est un sujet assez compliqué. Mais en l'occurrence il faut voir aussi que, si le phénomène vote utile n'avait pas joué en faveur d'Hollande pour créer une dynamique anti-sarkozy dès le premier tour, le FdG aurait sans doute récupéré plus de voix ouvrières qui allaient autrefois au FN et à l'UMP et à l'abstention, tout cela indépendamment de la question de l'Europe sur laquelle les électeurs n'ont en général pas les idées claires. Il faut dire aussi qu'il y a eu une grande habileté de Mme Le Pen à se positionner en candidate anti-système financier dans la conjoncture actuelle. Le FN restera peut-être un problème pour longtemps encore.
Sur l'extrême gauche pas grand chose à dire, puisque la dynamique Mélenchon a phagocyté largement l'électorat d'LO et du NPA. DLR de M. Dupont-Aignan continuera sans doute à tenter d'occuper l'espace laissé par la disparition de ses rivaux (villiéristes, asselinistes etc) mais son chef manque de charisme (il se force à jouer les tribuns sans succès), baigne un peu trop dans l'improvisation (cf par exemple son ralliement à la sortie de l'UE en bout de course) et garde un discours trop à droite pour être rassembleur (cf par exemple ses sorties anti-chinoises sans aucune hauteur de vue à l'automne).
Tout au long de la campagne, je trouve que Mélenchon aura réussi une belle expérience alchimique. Il a composé une union de la gauche anti-libérale qui a plus de souffle que son homologue espagnole (que je connais bien) parce qu'elle puise aux racines d'une tradition républicaine révolutionnaire qui parle encore beaucoup aux Français (cf la thématique de la VIe République et son bonnet phrygien). Cela donne au mélange écologie-socialisme-république une consistance intéressante, avec des ouvertures sur la démocratie directe. Un effet de contagion sur l'Allemagne via Die Linke peut accentuer la crédibilité de son discours européen, à condition que les deux partis puissent coordonner une option d'Europe alternative crédible. A défaut de ce prolongement allemand, le FdG sera sans doute conduit - les crises de l'euro et la récession aidant - à se rapprocher du M'PEP. Pour le moment on est à la croisée des chemins.
Après le meeting Porte de Versailles
Voilà, le meeting Porte de Versailles est fini. J'étais bien content d'y être au fond. J'ai aussi signé le formulaire appelant à voter Mélenchon. Ce soir encore beaucoup d'idées fortes et généreuses ont été mobilisées pour remuer le coeur des gens. Mélenchon a beaucoup de souffle.
Du coup je dois dire que je suis déçu par les lecteurs de mon blog. A part Hadria, aucun depuis 3 mois n'a pris la peine de laisser un commentaire favorable à Mélenchon. Je pense que la proportion des commentaires défavorables à Mélenchon, et de non-commentaires est assez révélatrice du profil des lecteurs moyens de ce blog (comme d'ailleurs des gens que j'ai croisés dans mon combat anti-impérialiste) : des gens qui au fond n'aiment pas beaucoup le peuple, ne sont pas sensibles à ses grands élans, préfèrent rester dans leur singularité et leur prudence.
Ils font des procès au Front de Gauche sur la question de la nation, de l'Europe etc parce qu'ils ne veulent pas voir les dynamiques qu'il peut porter et les effets de contagion possibles (or en ce moment beaucoup de gens hors de nos frontières commencent à regarder vers la France avec intérêt). Cet excès d'intellectualisme et de prudence me paraît irresponsable à l'heure où des enjeux très importants se présentent comme l'anéantissement électoral du Front national et la construction d'une véritable alternative au capitalisme mondial. Je ne comprends pas l'égoïsme de ceux qui sont restés murés dans leur scepticisme à un moment si important de l'histoire collective. Mais c'est sans doute le sort d'un blog où l'on parlait de géopolitique et de Marguerite de Navarre que de n'attirer que des gens trop centrés sur eux-mêmes, et, au fond, pas militants pour deux sous. Ce blog se déploie dans un monde virtuel assez glacé à l'image des pires aspects de notre époque. C'est dommage.
En tout cas, voilà, le premier tour approche. Un Mélenchon au dessus de 20 % serait la source d'une dynamique importante pour les législatives et la dynamique sociale ultérieure. A15 % ce ne serait déjà pas si mal (n'oublions pas qu'il était donné à 6 % il y a 6 mois). A suivre...