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Le blog de Frédéric Delorca

Ethique existentielle

7 Novembre 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Je débats un peu de temps à autre avec une écrivaine amatrice qui soutient que tout a été prévu dans le grand livre sdu destin. Cela me rappelle une discussion que j'avais eu avec un réunionnaise hindouiste qui me disait que dans sa famille l'on mettait un point d'honneur (et un zeste de distinction, au sens de Bourdieu) à ne pas croire au hasard et à penser que toute chose qui arrive correspond à un plan prédéfini suivant des règles mathématiques qui orientent tout dans le moindre détail, au nez et à la barbe du commun des mortels qui n'en soupçonnent même pas l'existence. Une sorte d'intégrale des "compossibles" façon Leibniz.Je ne vois pas trop quel avantage on tire de ce genre de certitude indémontrable. On se donne le plaisir narcissique de percer les plans d'une hypothétique divinité. Aucun intérêt puisque personne ne peut affirmer connaître ces plans ni prédire l'avenir. Aucun intérêt sinon le besoin de se rassurer ou de se dédouaner à bon compte ("je ne suis pas le seul à décider, et quelqu'un ou quelque chose doit avoir pensé tout ça d'une manière plus intelligente que moi"). Je préfère croire au libre arbitre individuel et à la responsabilité de chacun qui rend le quotidien plus stimulant, et qui est, en outre, moins anthropocentrique (car cette idée qu'un "maître des horloges" ait tout écrit avant nous, suppose une main "providentielle" un peu trop ressemblante à la très improbable main d'un créateur humain). La foi du charbonnier...

 

Puisque nous parlons d'éthique existentielle, je me suis laissé convaincre d'aller voir prochainement à la Cinémathèque de Paris l'exposition de photos du très christique Pier Paolo Pasolini. Comme beaucoup en ces temps où la politique ne trace plus de grandes perspectives enthousiasmantes, je me demande si le sens de la vie n'est pas dans la définition pour tout un chacun d'un idéal stoïco-christique de dévouement au bien commun et de caritas, au sens plus profond que le sens ecclésial chrétien (je préfère prendre tous les vieux mots latins au fondement de notre vocabulaire dans le sens plus originel : fides, pietas, etc).

 

A part cela je prépare une recension pour Parutions.com qui va m'obliger à faire la part des choses entre philosophie continentale et philosophie analytique. Exercice de haute voltige. A midi à table un collègue a déblatéré contre Chomsky. On n'est pas loin du débat sur la philosophie analytique car "Chomsk' " est proche de cette dernière. Mais faire saisir la grandeur de la tabula et de l'aridité chomskyennes à un amateur de belles lettres est aussi difficile que d'initier à Picasso un inconditionnel de Velasquez. 

 

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Laver les crimes coloniaux

2 Novembre 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

algerieHier à l'occasion de l'anniversaire du soulèvement algérien, la photo à gauche a été diffusée sur Facebook. Le thème des viols pendant la guerre d'Algérie, les travaux d'Henri Pouillot sur le sujet sont ressortis.

 

Une internaute a fait remarquer que cette femme garde la tête haute malgré sa nudité. Cela m'a fait penser à un récit de Colette à propos d’une danseuse maghrébine dans l’entre-deux-guerres. Invitée chez une danseuse l’auteur témoigne de cette scène :

"Elle dansa comme toutes les Ouled Naïls, avec ses bras et ses mains, les charmants pieds inquiets ne faisant que tâter le sol comme une dalle brûlante. Elle dansa aussi avec les reins, et avec les muscles de son petit ventre énergique. Puis elle se reposa un moment, occupant son repos à dégrafer corsage liséré de rose, jupe à grand volant et chemise de madapolam commun, car le guide réclamait qu'elle dansât nue. Nue, elle revint au milieu de la chambre, entre nous et les deux musiciens  qui lui tournaient maintenant le dos... Elle dansa, n'en sachant pas d'autres, les mêmes danses. Mais comme elle était nue, elle cessa de rire et nous reprit son regard qui ne daigna plus, désormais, rencontrer les nôtres. Son regard s'en alla, franchissant nos têtes, chargé d'une gravité et d'un mépris souverains, rejoindre, au loin, le désert invisible " (Colette, En Algérie (Prisons et paradis), Oeuvres complètes, Genève, Editions de Crémille, 1969-1972,  p. 177 citée par Christelle Taraud, La  Prostitution coloniale, Paris, Payot, 2003 p. 175)

Il est vrai qu'il ne faut pas se complaire dans la culpabilité coloniale, et surtout ne pas réduire le message éthique et politique que la France peut porter dans le monde à ces crimes. Mais un devoir de vérité s'impose pour mieux pouvoir tourner la page ensuite. D'autant plus que le colonialisme se poursuit aujourd'hui sous des formes plus subtiles qu'autrefois mais tout aussi violentes. J'étais à deux doigts, dans la série de mes vidéos "Association d'idées" de vous lire une main courante dont j'ai eu communication, relative à une jolie jeune marocaine de bonne famille séduite récemment par un homme des milieux médiatiques français âgé de 35 ans de plus qu'elle, un type qui construisait un hôtel là bas, qu'elle a épousé en rompant avec sa famille et ses études par amour. La fille est venue en France et l'affaire se termine de façon sordide par du viol domestique et une complicité passive de la police (une brigadière femme pourtant) qui refuse d'enregistrer la plainte. Les détails faisaient froid dans le dos. On m'a dissuadé de traiter ce sujet sur ce blog, mais je le garde à l'esprit - je dois en faire quelque chose.

 

Je crois que des anciens soldats français qui ont commis des viols et qui sont aujourd'hui de paisibles retraités s'honoreraient de confesser leur crime, pour l'exemple. L'aveu grandit toujours celui qui l'ose. Il a été très utile dans les commissions de réconciliation en Afrique du Sud, dans les années 1990, après la fin de l'apartheid. Si vous connaissez des vétérans d'Algérie susceptibles de vouloir soulager leur conscience, n'hésitez pas à m'en faire part. Nous pouvons réaliser une interview sous couvert d'anonymat.

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Pour la libération de Piotr Ikonowicz

1 Novembre 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Peuples d'Europe et UE

piotr-copie.pngOn trouvera ci-joint une pétition pour la libération de Piotr Ikonowicz, ancien journaliste membre de l'aile gauche de Solidarinosc, ancien député de la gauche antilibérale polonaise, et membre actif du mouvement social polonais, dont j'ai parlé dans mon livre sur la Transnitrie puisqu'il faisait partie de notre délégation à Tiraspol. Vous pouvez également signer cette pétition.

 

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Nous nous adressons au Président de la République de Pologne pour lui demander de faire libérer Piotr Ikonowicz qui a été emprisonné pour avoir défendu un couple de personnes agées menacé d'être expulsé de leur logement et jeté à la rue.

 

Piotr Ikonowicz a été condamné pour des événements qui ont eu lieu en 2000, lors d'un procès où les règles démocratique d'un Etat de droit n'ont pas été respectées, alors même que plusieurs témoins des deux parties confirmaient la fausseté de l'acte d'accusation et que le jugement s'est appuyé sur la seule version présentée par l'accusateur. Protester contre l'expulsion en utilisant des méthodes brutales contre des personnes agées, invalides ou en état de grande précarité a poussé plusieurs citoyens respectueux des principes constitutionnels de justice sociale à agir, parmi lesquels Piotr Ikonowicz. Depuis cette époque, le Tribunal constitutionnel a d'ailleurs considéré que les expulsions de locataires étaient inconstitutionnelles.

 

Piotr Ikonowicz a fait après son arrestation la déclaration que nous reproduisons ici :



« 1. j'ai été condamné lors d'un procès biaisé puisque le jugement a été prononcé à l'encontre des preuves accumulées. Ce jugement visait à stigmatiser toute action fondée sur le droit à la désobéissance civile, pour la défense des personnes expulsées de leur logement en allant à l'encontre des principes constitutionnels. Par conséquent, je me considère comme un prisonnier politique.


2. Je demande aux autorités de la République de Pologne de prononcer un moratoire de cinq ans sur l'exécution des décisions d'expulsions des citoyens de leur logement.


3. Je commence à partir de maintenant une grève de la faim illimitée pour exiger l'application du principe énoncé au point deux. »

 

Nous, soussignés, appelons tous ceux et celles qui sont soucieux du respect des libertés fondamentales inscrits dans la Charte des droits de l'Homme des Nations Unies à s'adresser, où qu'ils soient, auprès des autorités polonaises pour exiger la libération de Piotr Ikonowicz qui fut un militant contre la dictature franquiste en Espagne, un militant pour les droits des travailleurs polonais qui a participé à la fondation du syndicat « Solidarnosc », qui fut arrêté à plusieurs reprises avant 1989 et qui se retrouve à nouveau en prison pour la cause de la défense des droits des opprimés, des exclus et des exploités. Il est inadmissible d'emprisonner des personnes pour la seule raison qu'ils s'élèvent publiquement contre la brutalité et pour exiger la modification d'une loi contraire aux droits humains et aux principes constitutionnels garantissant le caractère social d'un Etat.

 

Jean-Pierre Page, Syndicaliste, France

 

Raoul Marc Jennart, Essayiste, France

 

Jacques Berthelot, Economiste, France

 

Barbara Garson, Writer, USA

 

Frédéric Delorca, Essayiste, France

 

Susan George, Présidente TNI, USA, France

 

Samir Amin, Economiste, Egypte, France, Senegal

 

Yves Vargas, Philosophe, France

 

Jean-Louis Martinoty, Metteur en scène, ancien Directeur de l'Opéra de Paris, France

 

Tamara Kunanayakam, ancienne Ambassadrice de Sri Lanka auprès des Nations Unies, Sri Lanka

 

Domenico Losurdo, Historien, Italia

 

Catherine Samary, Economiste, France

 

François Houtard, Prêtre catholique, Belgique, Equateur

 

Jacques Kmieciak, Association des Amis d'Edward Gierek, France

 

Vladimir Caller, Journaliste, Belgique

 

Charles Hoareau, Dirigeant syndical, France

 

Jacques Cossart, Economiste, France

 

Claude Calame, Directeur de recherches à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales,  Centre Anthropologie et Histoire Monde antique, France

 

Edith Balantyne, ancienne Présidente de WILF (Women's International League for Peace and Freedom), Canada

 

Joanne Landy, Peace and Democracy, USA

 

Virginia Montes, Historienne, Brésil

 

Christian Celdan, ATTAC-CS, France

 

Annie Pourre, Réseau international Droit au Logement

 

Georges Menahem, Directeur de recherche CNRS - Maison des Sciences de l'Homme Paris Nord, France

 

Michel Hoare, Enseignant, Cinéaste, France

 

Anne Morelli, Historienne, Belgique

 

Jacques Bidet, Economiste, France

 

Solange Odiot, SOS Soutien ô sans papiers, France

 

Jean-Baptiste Eyraud, Droit au Logement, France

 

Gus Massiah, Economiste, France

 

 

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Croisée des chemins

1 Novembre 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Actualité de mes publications

saint jeromeImaginez messieurs (si vous êtes hétérosexuels) que vous ayez rencontré (pure hypothèse d'école naturellement) une jeune femme fascinante, mais très fragile, rescapée d'une guerre ou d'un cataclysme, dont vous seriez follement amoureux, mais qui serait si imprévisible qu'à chaque coït vous ne puissiez savoir si elle vous accueillera jusqu'au bout ou si elle vous rejettera en fondant en larmes. Vous pardonnerez le romantisme échevelé de ma comparaison, mais voilà bien à peu près quelle est ma situaton à l'égard de la politique depuis une quinzaine d'années et spécialement en ce moment.

 

Vous avez lu sans doute dans mes ouvrages le récit de ma rencontre avec Régis Debray en 2000 et tout ce qu'elle avait de prometteur pour la diffusion de mes idées (à un moment crucial où mes idées me semblaient de nature à freiner les aspects les plus pervers et les plus indument messianiques de la politique occidentale). Vous savez aussi quels espoirs j'ai placé il y a encore cinq ans à un échelon certes plus modeste - celui de l'action municipale à Brosseville - dans certaines radicalités (voir mes discussions à l'époque avec le PIR, divers petits groupes de gauche, M. Tonneau etc).

 

Aujourd'hui, je suis à nouveau à une croisée des chemins, sans savoir si le coït du moment ira à son terme ou pas. Hier soir j'ai reçu un mail sympathique de la députée dont je vous ai déjà parlé le 13 mai dernier. Et je suis dans l'attente d'une réponse sur un projet de publication d'article dans un mensuel de gauche (la réponse d'attente que j'ai obtenue hier aussi était un peu ambiguë). Evidemment tout est lié. Si le mensuel publie mon article, je gagne en crédibilité auprès de la députée qui du coup me proposera peut-être une ou deux pistes d'action utiles, et trouve la force de continuer à réfléchir sur l'avenir de notre "pauvre petit continent", de notre petite espèce sur notre petite terre etc.  Par contre si ces perspectives tombent au fond d'un tiroir, las de n'écrire que pour quelques dizaines de lecteurs sur mon blog, je vais sans doute me replier sur ma petite sphère privée, des rêveries moins "stoïciennes", et plus détachées de l'intérêt général.

 

Tout le caractère aléatoire de mes chances d'être publié et entendu tient d'une part à la circonstance que je ne fournis guère d'efforts pour plaire aux gens (je les pousse à venir sur le terrain de mes préoccupations, de mon style, en suivant mon rythme d'inspiration personnelle, plutôt que d'aller les courtiser dans leur propre sphère), et d'autre part au fait que je défends des positions très minoritaires (par exemple quand je prône une morale du devoir dans des cercles à gauche de la gauche, ou des formes de naturalisme dans des cercles très constructivistes etc, au fait que je mets en avant de multiples nuances, tout en prétendant rester tranchant et en rupture avec les doxas du moment). Chacun sait que ce n'est pas par souci de "distinction" narcissique, ni par goût précieux pour le paradoxe que je m'engage sur ces chemins subtils : il n'y a aucune gratuité dans mes oppositions et je puis démontrer à tout moment la cohérence de mes thèses.

 

Mais, diantre, j'hésite à terminer ce billet (dont le but initital était juste de vous informer de l'avancement de mes travaux) sans revenir sur ma métaphore du début. Les esprits positifs vont me dire : "Vous discréditez  votre propos en le plaçant sous le signe du romantisme, alors qu'en lisant Marcel Aymé et Julien Benda vous nous avez vous-même dit qu'il fallait le proscrire. Il n'y a point de noblesse à aimer une femme sensible. Il faut lui prescrire du Prozac ou des psychothérapies. Et l'on ne gagne rien à aimer, et surtout pas en politique."  Cette objection ne serait pas sotte. Elle me fait songer que je devrais, "toutes affaires cessantes" comme on dit dans les administrations, me consacrer urgemment à l'écriture d'un traité sur l'amour (comme eros ou comme philia, à vous de choisir) comme ressort du rapport au monde. Quelle sorte d'amour un rationaliste peut avoir qui puisse le faire agir pour le bien du monde sans verser dans l'aveuglement ? Malgré toutes mes réserves à l'égard du spinozisme (et surtout de ce qu'en font les ex-marxistes), j'ai toujours aimé cette expression de Spinoza : "Amor intellectualis dei" (qu'on peut aisément transformer en "Amor intellectualis mundi"). Le mot "amor" y est très fort, et "intellectualis" qui vient juste après semble le contredire. Mais les neurosciences nous enseignement qu'il y a quand même de l'amour et de la récompense hormonale dans toute activité cérébrale, même la plus rigoureuse : la rigueur est-elle forcément dans la limite ? Einstein se limitait-il ? Spinoza avait raison de mêler un mysticisme à son intellectualisme sans sortir pour autant des limites de la rationalité. Mais bon, j'en dis trop. Réservons ce propos pour un article plus construit...

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