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Le blog de Frédéric Delorca

Encore un mot

15 Février 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Quand Deleuze disait "il faut écrire pour les animaux", il ne voulait pas dire qu'il fallait écrire à l'intention des animaux, mais à leur place. On peut trouver difficile à comprendre mes références à Deleuze au milieu de considérations sur le combat anti-impérialiste ou sur Sarkozy. C'est que je ne peux pas encore trop me permettre de tout expliciter. Il faudrait d'abord poser des jalons, c'est-à-dire publier des livres. Car les deux livres déjà publiés ne suffiront jamais à faire comprendre où j'aimerais en venir. monastere-copie-1.jpg

Or écrire des livres prend du temps, beaucoup trop de temps. C'est pourquoi je me suis limité à deux autres ouvrages sous le pseudo Delorca, en plus des deux déjà publiés. Reste maintenant à trouver les éditeurs, trouver des éditeurs sérieux, qui n'ont pas trop mauvaise réputation (ce qui est fort difficile quand on s'inscrit dans une certaine "dissidence"). Quand les livres seront publiés, je pourrai m'appuyer sur eux pour expliciter un peu mes référence, préciser un peu mieux mon point de vue. Pour le moment c'est difficile.

Essayons un peu par exemple sur cette citation de Deleuze. Deleuze pensait que l'artiste et le philosophe devaient exprimer la vie dans leur écriture, avec le même degré de vérité que pourrait le faire un animal s'il savait écrire. Pour lui, l'écriture et l'art se résumaient à cela. C'était une lutte pour libérer dans l'expression une vie que l'humanité cherche toujours à figer, à refouler.

Avant hier je prenais un verre avec mon camarade X., qui depuis des semaines me reproche de ne pas laisser suffisamment passer la vie dans un des deux ouvrages que je souhaite publier. Et pour cause : ce livre je n'ai cessé de l'expurger au cours des six années passées, d'une version à l'autre. En un sens l'éditrice Colette Lambrichs à qui j'avais passé mon manuscrit en 2004 m'avait déjà adressé la même critique. Evidemment depuis 2004, au fil des remaniement et des autocensures, cela n'a fait qu'empirer. Mais je dois dire que cela ne me dérange nullement. J'accepte tout à fait que ce livre soit à l'état de ruine partielle, comme Rome après la mise à sac par les barbares. Les ruines sont parfois belles, par ce qui a disparu d'elles autant que par ce qui en demeure.

X. m'a encore fait aujourd'hui le procès de m'écarter de la vie, non pas dans l'ordre de l'écriture, mais dans celui de l'action politique, parce que j'ai refusé de me rendre à la manifestation sur le Kosovo dimanche prochain. En réalité je crois avoir de bonnes raisons de ne pas m'y rendre : je trouve que depuis plusieurs années les organisations serbes de France ne fournissent pas assez d'efforts pour créer des "fronts communs" avec d'autres groupes qui ont des intérêts communs avec eux, et grâce auxquels ils pourraient conférer une dimension universelle à leur message. Au lieu de collectionner les drapeaux serbes dans leurs manifs, ils devraient choisir des slogans larges comme "respect du droit international" "sécurité collective en Europe" et s'allier à des groupes qui ont les mêmes intérêts qu'eux. Dans leurs manifs je voudrais voir des associations de défense des Roms (qui sont aussi, comme eux, des victimes de l'intolérance de l'UCK albanaise), ou de protection des femmes victimes du commerce sexuel (souvenez vous que le proxénétisme a explosé au Kosovo après le retrait de l'armée serbe en 1999). Je l'ai déjà dit, du reste, à des organisateurs de précédentes manifs. Sans succès : le repli sur soi l'emporte toujours hélas, cela va avec le communautarisme de notre époque. Et évidemment ce n'est pas à la veille de l'organisation d'une manif qu'il faut se réveiller et penser aux autres groupes qu'on aurait dû lui associer. Ces choses se pensent et se négocient sur le long terme. Du coup ce qu'ils font devient contre-productif au regard même des idées qu'ils veulent défendre.

X., disais-je donc, me reprochait, plus ou moins à mots couverts, ai-je cru comprendre à travers ses mails de cet après midi, d'être "hors de la vie" en refusant d'aller manifester dimanche. A travers cela je décèle toute une critique profonde de ma façon de me positionner politiquement, de trop rester derrière mon ordinateur par exemple. On pourrait en effet soutenir que si je parlais plus souvent et plus directement avec des organisateurs serbes qu'en pondant une fois tous les trois ans un message sur leurs forums communautaires, j'aurais peut-être convaincu, et contribué à faire évoluer certaines choses (mais on peut aussi à l'inverse en douter, je suspends mon jugement à ce propos). On peut refaire l'histoire dans tous les sens avec des "si". On peut aussi se rappeler combien un certain retrait peut être utile à la préservation d'une liberté, d'une énergie, d'une flamme toujours difficile à entretenir. L'important en tout cas - et X. a raison sur ce point - c'est de ne pas perdre de vue la vie. Ne pas être hors d'elle, notamment dans le travail d'écriture. Ou du moins ne pas l'être trop. Je ne détaillerai pas davantage tout cela. Quand les bouquins sortiront (s'ils sortent un jour !) je m'expliquerai davantage. Et j'en dirai un peu plus aussi (si toutefois j'en ai le temps, le goût et l'énergie) sur des sujets complexes esquissés sur ce blog comme la question de la place du fameux "projet de gauche" ou, pourrait-t-on même dire, du "geste de gauche" dans le monde actuel.

Affaire à suivre.

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