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Le blog de Frédéric Delorca

Ce que le PC pouvait faire, jadis...

14 Août 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

Selon des témoins de premier plan, De Gaulle quitta Paris pour Baden Baden en mai 68 (au départ pour Sainte Odile) parce qu'il redoutait que l'Elysée soit encerclée par le Parti communiste.

Je ne suis pas historien et ma vue, comme celle de nos contemporains, est encore plus partielle et inadéquate que celles de ceux qui ont vécu les événements. On voit bien que le Parti communiste français a eu deux occasions de prendre le pouvoir : fin 1944 alors que ses soldats (les résistants) tenaient l'essentiel du territoire libéré, et en mai 68.

En mai 68 deux forces pouvaient représenter l'alternance : le centre-gauche, soutenu par les courants modérés de toute l'Europe (et les Etats-Unis), récupéré par Mitterrand à Charlety, et le parti communiste, fort de la grève générale lancée dans le pays. Deux forces seulement car évidemment les étudiants bourgeois rêvant de Wilhem Reich, eux ne pouvaient prétendre à rien.

Le PC n'a pas voulu "encercler l"Elysée". Peut-être même n'y a-t-il même pas songé. Quelqu'un l'en a-t-il dissuadé ? à Moscou ? Samir Amin dit quelque part à juste titre que l'Internationale communiste a beaucoup pâti d'avoir voulu défendre en priorité l'URSS. Si telle n'avait pas été son obsession, elle aurait pu conquérir la Grèce, France et l'Italie en 1945, et installer une forte guérilla en Aragon qui aurait affaibli le franquisme. Est-ce un bien pour l'Europe ? ces "démocraties populaires" installées à Paris et à Rome auraient-elles été de plates copies du modèle russe comme partiut ailleurs ? Je me souviens de Bourdieu écrivant en 1981 à propos de la Pologne que l'avis du Parti communiste français compte plus que les autres parce qu'il est "la fille ainée" du mouvement communiste (comme la France "fille ainée de l'Eglise" depuis Clovis), à cause de l'héritage de la Révolution française, de la Commune, de la place des intellectuels français dans le monde de l'époque. Le PCF au pouvoir aurait-il imposé un "socialisme à la Française" en 1968 comme c'était son ambition officielle ?

Ou bien le refus de prendre le pouvoir avait-il des causes intérieures ? La déstalinisation n'avait-elle pas affaibli la religiosité communiste, et donc son aptitude à se saisir du pouvoir ? N'y avait-il pas un mouvement de crainte devant la réaction prévisible des forces conservatrices, et notamment de l'état-major militaire, et donc le bain de sang possible, inutile, pour la classe ouvrière ? Au lieu de cela le PCF et la CGT se contentèrent d'une augmentation du pouvoir d'achat.

Le PCF avait une chance au "rattrappage" : en récupérant la jeunesse, en la soviétisant. Les gaullistes en avaient peur. Dans un film sur Vincennes qui sortira l'an prochain, on voit un député UDR demander à Edgar Faure, ministre de l'enseignement supérieur, ce qu'il fera si toutes les universités deviennent communistes. Edgar Faure lui répond que si toute la jeunesse française devient communiste et le reste, la France de 1980 sera République populaire et personne ne pourra rien y faire. Le PC s'est fait griller la priorité par les maoïstes. Et par les gaullistes aussi, qui, en créant Vincennes, placée sous la direction d'un de ses membres, a circonscrit le "péril rouge"...

Un mien ami chomskyen me disait il y a un an ou deux après une de ces "Fêtes de l'Humanité" où les rues portent des noms moralisateurs et cathos ("rue de la paix", "rue de la fraternité") : "Le PC a enfin aligné son discours sur ses actes. Car ses actes, depuis 1945, vont dans constamment le sens du refus du pouvoir, et du refus de la révolution. Il est piquant de voir qu'ils célèbrent 1936, le Front populaire, la Guerre d'Espagne, qui était le seul où ils agissaient réellement pour la révolution, à l'heure même où ils en font leur deuil". Pas si étonnant, on célèbre toujours ce qui ne menace plus nos nuits présentes et à venir.

Cela me fait penser à une autre révolution soudain, celle du Vénézuela. Cette petite révolution qui avance pas à pas, effrayée de devoir s'attaquer aux capitaux privés. Il y a 10 jours Chavez est allé voir Juan Carlos, comme pour s'excuser des diatribes de l'an dernier. Un pas en avant un pas en arrière, le petit courant républivcain renaissant en Espagne lui en a voulu ouvertement. Tous les anti-impérialistes du monde lui en ont voulu secrètement. Mais on ne peut pas élever la voix contre des révolutions fragiles. Ce ne serait pas décent. On ne fera les comptes qu'après. Quand elles auront disparu, ou quand elles se seront définitivement installées (pour autant que l'expression de révolution "installée" ait un sens). Il faut que j'interviewe un jeune français qui revient du Vénézuela cet été.

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