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Le blog de Frédéric Delorca

Une hardeuse dissidente

23 Juillet 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les rapports hommes-femmes

Voilà qui manquait à mon expérience : j'ai contacté ce matin une hardeuse rencontrée par Facebook. Nous avons parlé un peu au téléphone. Son profil m'intéressait parce que non contente de faire du hard, elle se dit d' "extrême gauche" et engagée contre la religion (comme vous le savez, si politiquement je soutiens le dialogue avec les religions dans les sociétés postcoloniales, notamment l'Islam, philosophiquement je suis athée). A y regarder d'un peu près, c'est une hardeuse un peu "hors circuit", même si elle a fait pas mal de plateaux TV.

Elle vit dans le Sud, elle s'est fachée avec le milieu (j'ai même trouvé une émission d'elle où elle mettait en cause les "parties privées" organisées par une revue centrale dans la profession, une pratique dont j'ignorais l'existence - quand quelqu'un en vient à révéler les travers d'une institution clef de son métier professionnelle, c'est qu'il est sur la voie d'une dissidence réelle).

Les personnes qui ont une sensualité débordante et qui se sentent obligées de mettre en scène cette sensualité soit en choisissant de tourner des films X soit en s'affichant comme des libertines sur Facebook (beaucoup me contactent à cause de mes écrits sur le sujet) m'intéressent. Surtout lorsqu'il s'agit de femmes, parce qu'il leur faut tout un cheminement personnel pour en arriver là, tout un jeu avec des censures sociales de tous ordres. Ce genre de personne est assez énigmatique. On ne sait jamais si elles doivent leur intérêt pour le corps à un surplus de vie et de dispositions procréatives innées (notamment à travers un surplus d'oestrogène), à leur beauté physique (mais la beauté physique reflète souvent un excès d'oestrogènes chez les femmes) ou d'un parcours familial et social chaotique (mais cela aussi est lié à la biologie, car un corps trop attrayant soumet précocément à la fois aux tentatives de séduction des hommes, à la censure des parents, à la jalousie des femmes moins belles, et à toutes les tentations qui éloignent du succès scolaire : ce qui voue ce genre de femme à être profondément méprisée des intellectuels, et, du coup, absentes de la culture officielle et caricaturées par elle).

J'ai trouvé cette jeune hardeuse assez attendrissante. Originaire d'Ile de France, elle s'est montrée terriblement sévère à l'encontre du Sud-Ouest, mettant en cause en particulier le racisme qui y est répandu (elle m'a dit notamment qu'on la prenait pour une Arabe ce qui lui valait des malheurs). Vous reconnaîtrez là sans doute le propos d'une de mes lectrices d'orgine berbère, reproduit dans un article de novembre dernier. A l'époque un apparatchik de l'occitanisme (je puis maintenant le critiquer vu qu'il n'a pas tenu sa promesse à mon égard de commenter mon roman ! - je plaisante, bien sûr) avait été choqué par la virulence du propos. Mais force est ici de constater que les témoignages à charge sur le racisme du Sud-Ouest se multiplient (j'en ai reçu d'autres par ailleurs).

Cette dame était un peu excessive dans ses jugements ce matin au téléphone, proclamant même que son département votait beaucoup pour le Front national (ce qui est faux quand on regarde les résultats électoraux). Son décalage avec la région dont elle respire le bon air faisait presque mal. Elle la voyait encore engluée dans un catholicisme qu'elle déteste. Elle disait souffrir du vide culturel de cet endroit, et retourner à Paris "pour y chercher des livres".

Car à l'origine elle est une enfant du Sud de Paris (je voudrais un jour écrire sur ce Paris "ordinaire" et sa banlieue, nord ou sud, "ordinaire", la mémoire qu'ils portent et que la culture officielle néglige au profit du Paris des boutiques de luxe et des grandes écoles).

C'était très beau ce besoin de cette fille qui fait carrière avec son corps de se présenter comme "en manque de lire" (peut-être parce que je lui ai parlé "en tant que sociologue", mais pas seulement je crois, à mon avis le manque en elle est sincère). Belle est sa dissidence entre un héritage religieux qu'elle exècre et un business pornographique où elle s'est sentie mal à l'aise. Elle mène son combat presque adossée à son mari qu'elle cite très souvent (source de réflexion pour les gender studies : ce besoin d'être soutenue par un homme dans la bataille). Je l'ai trouvée un peu moins caricaturale que certaines filles investies dans le porno "alternatif", underground, anarchiste, qui sont souvent liées à des milieux un peu intellos (je pense à une sociologue espagnole lesbienne née dans la vieille Castille conservatrice qui cite Foucault à tout bout de champ, défend une sorte de porno punk, et a fait parler d'elle par son apologie de la libre consommation de testotérone - son nom m'échappe ce soir). Moins caricaturale que ces filles là, elle m'a semblée aussi plus seule. Je trouve significatif que le petit blog qu'elle a créé sur l'athéisme ne cite aucune autre association de cette mouvance. Je lui ai parlé du livre de Dawkins 'Pour en finir avec Dieu" qu'elle ne connaissait pas. Par rapport à l'athéisme aussi, au milieu des militants anti-Dieu, c'est une outsideuse.

Tous ces traits d'appartenance à une périphérie, à une zone non identifiable du point de vue de la culture officielle m'intéressent. Cela donne envie de les explorer. Les lecteurs de mon roman auront trouvé dans la description que je fais de cette personne des traits de l'héroïne de mon roman "La révolution des montagnes", mais c'est purement fortuit. J'espère pouvoir poursuivre mes échanges de vue avec elle indépendamment de cette coïncidence.

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D
Au fait, pourrait-on avoir l'adresse du blog en question ?
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F
<br /> Pour l'adresse du blog, je vous l'envoie en mail privé - si je la publiais ici on pourrait identifier la hardeuse, et mon principe est de maintenir dans un anonymat relatif les gens avec lesquels<br /> je discute (ce qui n'est pas facile lorsqu'ils sont un peu connus).<br /> <br /> La hardeuse dissidente a un peu expliqué dans une émission TV sur une chaîne de la TNT (c'est sur son blog) ce que sont ces "parties privée" (je crois que c'est le nom officiel) organisées<br /> par une grande revue de promotion des films X : dans ces soirées les hardeuses sont censées se prostituer gratuitement pour les invités de la revue, parmi lesquels on compte toute<br /> sortes de notables, des milliardaires, des policiers etc. Pour bénéficier d'une couverture médiatique par la revue il faut accepter ce système, ce que la hardeuse dissidente a refusé. Cette<br /> anecdote révèle, comme dans l'affaire Berlusconi, que le partage des femmes et du sexe permet de souder diverses professions, diverses mouvances, unifier des pouvoirs. Quand quelqu'un en vient<br /> à dénoncer, dans quelque milieu que ce soit, les clés de constitution et de répartition des pouvoirs, c'est qu'il ou elle "sort du jeu" (rappel : Bourdieu - les gens investis dans un champ<br /> vont rarement jusqu'à casser les règles du jeu à l'oeuvre dans ledit champ et mettre en péril les conditions de possibilité de son existence même, personnellement, je n'aime pas trop la notion de<br /> "champ" je dirai un jour pourquoi).<br /> <br /> <br />
D
Qu'est-ce que ces "parties privées" ont de critiable selon cette personne ? Ca m'intrigue...
Répondre