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Le blog de Frédéric Delorca

A propos de la Lettre des relations internationales du PCF de mai 2012

3 Juin 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Voici la lettre des relations internationales (LRI) du PCF de mai 2012 et mon commentaire critique juste en dessous (critique constructive car j'aime bien le Front de gauche).

 

 

 

- Sur l'Algérie la phrase "le moment n'est il pas venu de sortir de cette période postcoloniale" est pour le moins inopportune. Imaginons en 1936 : le nazisme menace toute l'Europe centrale. Qu'aurait-on dit alors si un auteur allemand non-nazi mais disons proche de l'ex-Zentrum (le parti centriste interdit par Hitler mais qui n'a jamais été très clair sur l'impérialisme allemand), avait choisi ce moment là pour dire aux Tchèques et aux Serbes "Les amis, le moment n'est il pas venu de sortir de la méfiance à l'égard du pangermanisme et de virer les gouvernements anti-allemands que vous avez à la tête de votre pays ?"


C'est exactement ce que fait la LRI. Le PCF fut longtemps ambigu face au nationalisme algérien, il n'a pas été en pointe pour le soutenir dans les années 50, c'est le moins qu'on puisse dire (et souvenons nous qu'en 45 il qualifiait les manifestants de Sétif de doriotistes - ce sont surtout certains militants de base qui dans les années 60 ont été efficaces dans le soutien au FLN... quand d'autres rejoignaient l'OAS). Aujourd'hui le néo-colonialisme est partout en Afrique, du nord au sud, et le PCF arrive la bouche en coeur "hey les mecs, si on  sortait du post-colonialisme et du vieux ressentiment contre la France", pour convaincre les Algériens de virer le FLN... Il n'a aucune légitimité pour ça.

 

Bien sûr qu'on me comprenne bien, l'analogie que je cite ici ne cherche pas à tracer une égalité entre néo-coloniaisme et nazisme, ni non plus à dédouaner le FLN de ses propres travers et fautes. Si je choisis la comparaison avec l'Europe des années 30, c'est uniquement parce que l'exemple parle à tout le monde. Je pourrais aussi parler de traités imposés par la République romaine aux derniers souverains séleucides, mais cela parlerait moins aux gens. Je veux juste montrer ici qu'on ne peut pas recommander à un peuple qui a eu des centaines de milliers de morts dans une lutte de libération nationale de virer le parti qui a incarné cette libération, alors qu'on appartient soi-même à un parti qui n'a pas été à 100 % investi dans la lutte.

 

- Sur Borat, je suis en désaccord avec le billet de M. Streiff, "politiquement correct", sans humour. Je ne vois pas le rapport entre les parodies de Borat et "Maréchal nous voilà". C'est juste un billet d'indignation à deux centimes sans intérêt.

 

- Sur la Syrie "plan Annan mis en danger par la répression massive du régime et les affrontements armés". Phrase idiote. On a l'impression que les affrontements "tombent du ciel", voire qu'ils sont le résultat de la répression. Pas un mots sur les livraisons d'armes qatariennes, le rôle d'A Qaida, celui d'autres alliés de Washington dans l'encadrement des "forces syriennes libres". Toujours la même bouillie avec des concepts abstraits "la répression" "l'engrenage de la violence", sans pointer du doigts les amis de nos gouvernants et les lobbys qui les financent. Bien sûr il y a des choses à reprocher au régime d'Assad et le drame syrien ne provient pas uniquement des ingérences étrangères loin s'en faut, mais pourquoi le silence du PCF sur les manoeuvres de l'autre camp ?

 

- Sur le Soudan, je ne vois pas en quoi le fait que le gouvernement soudanais, menacé par la CPI, ait fait des concessions aux USA en les laissant construire une grande ambassade à Khartoum en 2010 et en reconnaissant le sud-soudan en échange de leur retrait de la liste des Etats terroristes (promesse d'ailleurs non tenue par l'Oncle Sam) serait le signe d'un terrain d'entente "paradoxal ou peut-être cynique" comme le dit l'article. Lorsque les colonisateurs anglais imposaient aux chefs de tribus africains ou à l'empire chinois au XIXe siècle, les socialistes européens auraient ils été assez idiots pour dire que cette humiliation est "paradoxalement ou peut-être cyniquement" le signe d'une "entente" entre ces protagonistes ?

 

A propos de la politique étrangère du Front de Gauche, signalons le bon papier sur le blog de Jean-Luc Mélenchon contre l'alignement atlantiste de M. Hollande... mais il est dommage que cela vienne au moment même où son auteur s'engage à ne jamais voter une motion de censure contre ce gouvernement. Là encore imaginons, je ne sais pas, Jean Jaurès en 1905 qui dirait "je condamne la politique du gouvernement qui augmente le budget militaire, mais je ne voterai jamais pour sa destitution"... Bizarre... Pour le reste je continue à encourager mes lecteurs à diversifier leurs lectures sur le Net sur tous les dossiers du brûlants du moment (par exemple la Syrie) et à garder leur esprit critique à l'égard de toute forme de prêt-à-penser, qu'elle vienne des pouvoirs dominants ou de leurs adversaires.

 

Je voudrais aussi dire un mot des propos intelligents de Moisés Naïm dans le revue Books sur la malédiction du pétrole. Il y souligne combien cette source d'énergie qui permet de réaliser des profits exponentiels voue tous les régimes (sauf les vieilles démocraties à la norvégienne) à la corruption, en citant les exemples du Vénézuela (d'avant Chavez) et de la Russie actuelle. Il n'y a pas que le problème souvent soulevé par les anti-impérialistes que le pétrole suscite les convoitises du Pentagone. La difficulté est bien plus profonde, hélas...

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