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Le blog de Frédéric Delorca

Bigeard, la gégène, notre histoire coloniale

23 Juin 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Bigeard est mort avant-hier. Les Indigènes de la République ont raison de dire que les indulgences à l'égard de ce "brave" général centriste qui avait les honneurs de la TV quand j'étais gosse sont parfaitement déplacées. Encore un symptôme en effet de la colonisation des imaginaires.

 

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Aujourd'hui je parlais avec Malika, l'adjointe au maire de Brosseville avec qui je travaille souvent.

 

Pas besoin de la pousser à parler de la guerre d'Algérie. Ca lui vient tout seul quand on est en tête à tête : "Frédéric je t'emmènerai dans mon village près de Tlemcen. Je te montrerai la maison de mon grand père : les soldats français l'avaient réquisitionné. Ils y faisaient des tortures. Quand ils sont partis on a retrouvé les chaines qui pendaient aux murs. Mon oncle y a été passé à la gégène." Dans ce coin-là où il y a eu beaucoup de résistance armée, les postes militaires français où l'on torturait sont nombreux. La plupart ont été rasés, remplacés par des maisons. Une volonté peut-être d'évacuer ces souvenirs douloureux. Ils sont nombreux les Algériens ou fils d'Algériens de Brosseville qui ont eu un oncle, un père, un grand père torturé, ou fusillé. Mais ils ne le disent pas, pour ne pas gêner les "Français". Moi je mets un point d'honneur à leur demander de le dire, de l'écrire. Il faut que ça se sache. Pourquoi les résistants français de 40-45 ont-ils droit au souvenir, et pas les moudjahidines algériens ?

 

Et pour ceux qui croient que l'extrême gauche a les mains plus propres que les autres dans ces histoires coloniales, jetez un oeil au texte ci-dessous. Il recèle certains détails que je ne connaissais pas. Les anecdotes les plus connues sont celles concernant les massacres de Sétif (où le PCF accusait les manifestants d'être des "doriotistes").

 

D'une manière générale le slogan du PCF pendant la guerre d'Algérie ("la Paix", sans oser soutenir ouvertement le FLN) fait penser aux positions qu'il a eues récemment encore sur la Yougoslavie, l'Irak, sur l'Afghanistan, sur la Palestine : devant tous ces conflits un parti qui essaie d'être un peu moins cynique que les autres partis de gouvernement, mais qui s'arrête à mi-chemin de peur d'être trop audacieux et qui, du coup, s'enlise dans des déclarations de principe hypocrites qui n'aident personne. Or c'est très grave : vouloir défendre des principes nobles et les trahir en empêchant ses partisans d'agir efficacement est une faute plus grave que d'être un parti cynique assumé comme tel. Voilà ce qui arrive à des partis enfermés dans l'idéologie, qui ne collent pas au réel, qui ne s'informent pas suffisamment sur lui, et qui ne mettent pas une certaine éthique au dessus de l'efficacité pragmatique.

 

Cela dit il est vrai quand même que c'est à l'extrême gauche qu'on a trouvé le plus de militants de base ouverts à l'anticolonialisme, notamment prêts à devenir des porteurs de valises. N'oublions pas leur action qui sauva (un peu) l'honneur de la France comme le rappelle le texte ci dessous à la fin.

 

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L'Histoire cachée du Pcf
 
CONTRIBUTION AU CONGRES DU PCF

Ici la relation de quelques évènements déterminants dans l’histoire du Pcf que de nombreux militants de ce Parti ne connaissent pas.

« Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes. Elle les désarme dans la défense de leurs intérêts et provoque la division. La lutte de classes, au contraire, est la base de l'unité, son motif le plus puissant. C'est pour la mener avec succès en rassemblant l'ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT. Or la lutte de classes n'est pas une invention, c'est un fait. Il ne suffit pas de la nier pour qu'elle cesse : renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l'exploitation et à l'écrasement. » H. Krasucki

Par Suzannah Horowitz* et Djamal Benmerad**

 

Dans un souci de rectification historique et par esprit internationaliste, nous avons décidé d’apporter, à notre manière, notre contribution au succès du prochain congrès du Pcf qui se tiendra dans quelques jours malgré les appels de nombreux militants à en différer la tenue. Loin de nous l’intention, ici, de donner un coup de pioche supplémentaire au processus de démolition du Pcf entamée de l’intérieur depuis plusieurs décennies.

Comme toute histoire a un début, nous allons commencer, par hasard et/ou par perfidie, par la création du Pcf, parti, rappelons-le, co-fondé par Ho Chi Minh - en vietnamien « Celui qui éclaire » - en éludant, au passage l’histoire de la colonisation française de régions telles que les Antilles ou la Provence puisque leurs populations se sont accommodées du colonialisme.

Il semblerait, à la lecture de ce qui suit, que Hô Chi Minh ait emporté dans son baluchon l’idéal communiste.

En 1920 au congrès à Tours, une majorité des militants socialistes de la SFIO décident de s'affilier à la Troisième Internationale, fondée à la suite de la Révolution d'octobre. Le Parti communiste français, qu'on appelle alors Section française de l'Internationale communiste (SFIC) est ainsi créé : il se proclame bolchevique et révolutionnaire,mais il ne vote pas les conditions formulées par la troisième internationale, dirigée par Lénine. Nous constatons, par là, l’attitude national-chauvine de ce Parti qui ne s'est jamais résolu à l'internationalisme . La SFIC s'engageait vaguement à construire un parti "révolutionnaire" ,. Le parti constitué devait être discipliné, suivant les règles étroites du centralisme démocratique : les minoritaires doivent suivre la ligne décidée majoritairement, et n'ont pas le droit de s'organiser pour défendre leur tendance. Internationaliste, enfin, un parti national, comme le Particommuniste français (PCF) est d'abord une section de la Troisième Internationale, d'où le nom de SFIC. On estime à 120 000 le nombre d'adhérents
qui avaient rejoint le nouveau parti, alors que la vieille SFIO n'en comptait plus que 40 000, tout en conservant néanmoins la majorité de ses députés et de ses élus locaux. La scission au sein de la SFIO devait entraîner un an plus tard une scission du syndicat CGT, mais cette fois, les partisans de l'Internationale communiste qui fondèrent la CGTU étaient minoritaires.

A partir de là, prenons un raccourci pour démontrer le caractère national-chauvin du Pcf qui, estimant l’Algérie trop éloignée de Paris, créa son avatar, le Parti Communiste Algérien (PCA), structuré de noyaux (cellules) composés surtout d'ouvriers expatriés, européens dont de nombreux français "indésirables" en métropole et autres repris de justice. Ce clone du Pcf s’alignait, bien entendu, sur les positions de son concepteur.

Le 8 mai 1945, alors que l’Europe célébrait dans la liesse la victoire sur le fascisme, acquise majoritairement grâce à la glorieuse Armée rouge et aux soldats Nord-Africains et sénégalais, les patriotes algériens sortaient dans les rues de Sétif, Guelma et Kherrata en des manifestations pacifiques, brandissant pour la première fois le drapeau algérien, pour réclamer l’indépendance de leur pays. Les généraux français, outrés par la vue du drapeau algérien et par cette revendication d’indépendance impensable dans leur esprit, donnèrent à leurs soldats l’ordre de tirer sur les foules. Nous nous permettons la longue citation de ce texte du Courant Communiste International : « (…) Mais surtout, la bourgeoisie se garde bien aujourd'hui encore de rappeler le fait que cette sanglante répression a été assumée par l'ensemble des forces politiques françaises au sein d'un gouvernement d'union nationale et en particulier par les
partis de gauche ; comme le "libérateur" de Gaulle, le parti socialiste (à l'époque SFIO) devait pleinement assumer, plus tard, la guerre d'Algérie.

 

D'ailleurs, le gouverneur général de l'Algérie en 1947, Chataigneau qui commandait sur place l'armée de tueurs était présenté comme un socialiste.Mais c'est le PCF qui a joué un rôle de premier plan dans les massacres. Dès le début, dans les colonnes de L'Humanité, le PCF déclarait, au même titre que Chataigneau, que "les auteurs des troubles étaient d'inspiration et de méthodes hitlériennes. " Il parlera aussi "de provocation fomentée par les grands trusts et par les fonctionnaires vichystes encore en place". Le porte-parole du PCF, Etienne Fajon, déclarait encore à la tribune de l'assemblée nationale le 11 juillet : "les tueries de Guelma et de Sétif sont la manifestation d'un complot fasciste qui a trouvé des agents dans les milieux nationalistes." Alors que de Gaulle avait demandé "de prendre toutes les mesures nécessaires pour réprimer les agissements d'une minorité d'agitateurs" , le bureau politique du PCF publiait un communiqué le 12 mai déclarant : "Il faut tout de suite châtier impitoyablement et rapidement les organisateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l'émeute" au nom de la défense "de la république française, métropole et territoires d'outre-mer, une et indivisible. "

 

Dans un tract signé par cinq membres du comité central et distribué sur le sol algérien, il appelle à une chasse aux sorcières et lance de véritables appels au meurtre et aux pogroms en exigeant de "passer par les armes les instigateurs de la révolte et les hommes de main qui ont dirigé l'émeute. Il ne s'agit pas de vengeance ni de représailles. Il s'agit de mesures de justice. Il s'agit de mesures de sécurité pour le pays". Ainsi une milice mise sur pied par le PCF et la CGT servit d'auxiliaire à la police et à l'armée. Ces appels au meurtre furent, bien entendu, relayés par le PCA, succursale du PCF. Et pour couronner le tout, c'est le ministre communiste de l'aviation Charles Tillon qui a directement ordonné le bombardement des régions "émeutières".

Mais cette répression à laquelle appelait le Pcf avait commencé plus tôt. La conquête de l’Algérie, à partir de 1830, est menée au moyen de pillages et de viols, de razzia et autres destructions systématiques pour contraindre les tribus à la soumission. Une cruauté à peine imaginable. Un officier, le colonel de Montagnac, décrit ces méthodes en 1843 :« Il faut anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens. » En 1845, le général Pélissier enfume un millier d’Algériens dans une grotte de Dahra (1). Quant aux « gens qui n’étaient pas massacrés », ils « mouraient de faim, de malnutrition et de maladies » (2).

 

Le Pcf avait donné le La quelques années auparavant : « Si quelques fous songeaient à dépouiller la France de son domaine colonial, toutes les énergies françaises et toutes les consciences droites dans le monde se révolteraient contre pareille tentative » (3), épousant ainsi ce credo de Léon Blum qui affirme, dans une déclaration à la Chambre des députés en 1925 : « Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture ».Le PCF devait d'ailleurs continuer à jouer ce rôle au début de la guerre d'Algérie, notamment lorsqu'il vota le 12 mars 1956 les "pouvoirs spéciaux" au gouvernement socialiste Guy Mollet qui allait donner les moyens financiers et humains (à travers l’envoi de contingents de jeunes appelés) à l'Etat
français d'intensifier la guerre sur le sol algérien.

 

Sur le plan idéologique, le Pcf eut « La Révélation » : il prônait, après les massacres que l’on vient de décrire, « l’union des classes ouvrières française et algérienne ». L’union dans la domination ! Par ailleurs, hormis quelques paysans expropriés par le colonialisme, et qui se prolétarisa à travers l’exode interne vers les villes, la classe ouvrière algérienne n’existait pas. Si les Pcf était un parti réellement communiste, il l’aurait tout de suite analysé grâce la grille marxiste.

 

Nous rappellerons, au passage, aux imbéciles qui encensent Mitterrand, l’homme qui a le plus dénationalisé d’entreprises dans toute l’histoire de France, qui n’a presque pas cessé d’être ministre sous la IVème République, en particulier pendant la guerre d’Algérie. En 1954, il interdit la manifestation du 14 juillet : chaque année, le 1er mai et le 14 juillet, des ouvriers algériens membres du MTLD (le Mouvementdes travailleurs pour les libertés démocratiques) manifestaient aux côtés des ouvriers français ; le 14 juillet 1953, la police avait tué six manifestants,ouvriers algériens. Lorsque commence la guerre d’indépendance algérienne, en novembre 1954, Mitterrand utilise, le 5 puis le 7 novembre, des formules devenues célèbres :« La seule négociation, c’est la guerre » ;« l’Algérie c’est la France et la France ne reconnaîtra pas chez elle d’autre autorité que la sienne ». Garde des Sceaux, il signe en mars 1956 un décret qui dessaisit considérablement la justice civile au profit des tribunaux militaires, pour faciliter la répression sommaire.

 

Malgré les premières révélations sur la torture pratiquée par l’armée française, Mitterrand reste jusqu’au bout dans le gouvernement Mollet. Les ignares sortent un argument pour idolâtrer Mitterrand : il a « aboli la peine de mort ». Ils feignent d’oublier qu’entant que Garde des Sceaux pendant la guerre d’Algérie, il avait fait guillotiner nombre de patriotes algériens ainsi qu'un jeune communiste français, Fernand Yveton, qui avait à peine 20 ans. Il a aboli la peine de mort en France parce que c’était une exigence de l’Histoire et il l’a fait sur proposition insistante de Robert Badinter. Mitterrand ne pouvait se permettre le luxe d’ignorer Badinter : il avait trop besoin de la réputation et du prestige de ce dernier. Il a fait mieux en matière d’infamie: dès 1966, il propose au Parlement une loi pour la « réintégration de plein droit dans les fonctions, emplois publics ou ministériels ainsi que les divers droits à pension » des membres de l’Organisation de l’armée secrète (OAS, groupe d’extrême droite dont les membres luttaient pour la préservation de « l’Algérie française »). En 1981, avant l’élection présidentielle, Mitterrand promet l’amnistie et la réhabilitation pour les membres de l’OAS et pour les généraux putschistes. Il s’agit de gagner des voix de rapatriés aux dépens de la droite. Les associations de pieds-noirs, et en particulier Jacques Roseau, négocient avec le candidat socialiste à la présidentielle de 1981 : en échange d’une promesse d’amnistie totale, elles ont appelé les rapatriés de voter pour lui. Le projet de loi accordant une amnistie générale est adopté le 23 novembre 1982, après que le gouvernement Mauroy eut engagé sa responsabilité sur cette question.

Mais revenons au Pcf qui n’en resta pas là dans son alliance, à priori contre-nature, avec ses compatriotes colonialistes. Nous allons emmener nos lecteurs à l’autre bout de l’Afrique : Madagascar.


Lors de la révolte anticoloniale des Malgaches en mars 1947, le Pcf qui participait au pouvoir en France participa également à la répression de ce peuple. Selon http://www.matierevolution.fr/ , « En juin 1947, au onzième congrès du Pcf à Strasbourg, Maurice Thorez conclut : « A Madagascar, comme dans d’autres parties de l’Union Française, certaines puissances étrangères ne se privent pas d’intriguer contre notre pays. » L’empire colonial français, hypocritement appelé « Union française », est défendu par le Pcf. Dans les « Cahiers du communisme » d’avril 1945, on peut lire : « A l’heure présente, la séparation des peuples coloniaux avec la France irait à l’encontre des intérêts de ces populations. » (!) Quant à François Mitterrand, il déclarait le 6 avril 1951, alors que des milliers de Malgaches pourrissaient dans les geôles de la France : « Les statistiques manquent de précision mais il semble que le nombre de victimes n’ait pas dépassé 15.000 (!). Mais à qui la faute si ce n’est aux instigateurs et aux chefs de la rébellion ».  

 

 Il faut signaler que celui qui ordonna la répression fut le communiste et non moins ministre de la Défense François Billoux.

Mais Pcf et le Pca eurent leurs "dissidents" , c'est-à-dire d'authentiques communistes, qui sauvèrent l'honneur du communisme français tels que notre camarade et ami Henri Alleg, Malika Amrane (de son vrai nom Daniel Minne), Maurice Audin, Henri Maillot, et d'autres héros qui furent plus tard connus sur le plan international comme "Les porteurs de valises".
 (...)
S. H. et Dj. B


*Suzannah Horowitz est journaliste
**Djamal Benmerad est journaliste et écrivain

1) Marc Ferro, « La conquête de l’Algérie », in Marc Ferro (dir.), Le livre noir du colonialisme XVIe-XXIe siècle : de l’extermination à la repentance,
Paris, Robert Laffont, 2003, p. 492.
2) Catherine Coquery-Vidrovitch, « Évolution démographique de l’Afrique coloniale », in Marc Ferro (dir.), Le livre noir du colonialisme, op. cit., p. 558.
3) Cité in Gilles Manceron, Marianne et les colonies, op. cit., p. 226

 

 

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E
<br /> <br /> Intéressant. D'accord avec la critique des commentaires journalistiques sur Bigeard. Même si les médias ont surtout insisté sur l'Indochine, c'est une occasion ratée de revenir sur des épisodes<br /> peu glorieux de notre passé.<br /> <br /> <br /> Pour le PCF et ces positions mi-figue mi-raisin, comment ne pas ajouter le Front de gauche et l'Europe. Même type d'attitude : on voit bien ce qui ne va pas, mais en tirer la conclusion qu'il<br /> faut en finir, on laisse ça aux autres...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Oui, tu as raison. Sur l'Europe aussi le PCF fait preuve d'une grande lâcheté. La grande faiblesse historique de la gauche en France (ou disons du parti qui recherche la justice sociale contre<br /> les privilèges des pouvoirs établis), c'est qu'elle n'a jamais trouvé une voie entre d'une part la compromission capitularde façon Mitterrand en 1983, et un dogmatisme abstrait  hors du réel<br /> qui a les avantages imaginaires de la pureté et les inconvénients concrets de la lâcheté. Peut-être n'a-t-elle échappé à ces deux travers qu'au moment du conseil national de la résistance<br /> (avec son programme qui a façonné la France de l'après-guerre).<br /> <br /> <br /> <br />