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23 Mai 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi
Plus j'écris sur ce blog et plus il m'est impossible de trouver le moindre sens à cette entreprise. Ca ne peut pas être un moyen de faire de la publicité pour les livres, car mes livres ne sont presque pas cités, et donc je ne peux pas constituer ce blog comme une sorte de "pressbook". Ca ne peut pas non plus être le moyen d'une construction collective d'un oeuvre avec les lecteurs compte tenu de l'apathie et de la volatilité du lectorat d'Internet. Ce n'est donc absolument rien : comme 99 % des blogs qu'on trouve sur Internet, du bruit sur lequel tombe une poignée de lecteurs chaque jour au rythme des aléas d'une recherche par mots clés. Par moment je tire la conclusion juste de l'absurdité de cet exercice en cessant purement et simplement d'écrire. A d'autres moments comme aujourd'hui je profite de l'oisiveté pour écrire quelques billets qui prolongent un peu l'esprit, l'atmosphère de ce blog tel qu'il fonctionne depuis 5 ans dans l'espoir que deux ou trois personnes qui y sont encore un peu fidèles y trouvent leur compte. Mais il n'est que trop évident que ça ne sert à rien. Contrairement à ce que m'écrivit un commentateur occasionnel de ce blog quand je l'ai suspendu : "ça ne manquera pas". Les gens qui a un moment ou un autre ont éprouvé un petit enthousiasme pour mes textes décrochent généralement au bout de 6 mois et vivent très bien sans ça après. Donc ça ne manque pas du tout. Mes blogs comme mes livres ne sont pas nécessaires à notre temps (du moins pas ceux que je publie sous ce pseudonyme).
On peut penser que c'est parce que les gens d'une manière générale ne ressentent pas la nécessité de grand chose et arrivent à se passer facilement d'à peu près tout (de littérature, de poésie, de bons politiciens). Ils s'habituent à peu près à tous les néants qu'on leur propose en oubliant les choses qu'ils appréciaient davantage quelques années auparavant. Nous sommes peut-être la première civilisation qui s'emploie à rendre superfétatoire la notion même de "manque". Pour le système social, le sentiment du manque est une pathologie. On ne doit pas ressentir que telle personne, telle oeuvre nous manque. Seul le sentiment du besoin consumériste est légitime : il faut vouloir ce qui est disponible à la vente, et le vouloir si possible avec le plus d'avidité possible. Mais il ne faut pas éprouver cette envie comme un manque.
Symétriquement, puisqu'il n'y a pas de sentiment de manque dans le public, il n'y a pas non plus de sentiment de nécessité (ananké) chez les créateurs. Il n'y a qu'un sentiment de devoir professionnel, à l'égard de son patron, de son éditeur, de son sponsor. Quelque chose qui a plus à voir avec l'instinct bureaucratique qu'avec le souffle de l'inspiration. Ceci explique la médiocrité de la culture européenne actuelle.
Donc la disparition de ce blog ou de mes livres des catalogues des éditeurs ne pouvant susciter aucun sentiment de manque chez les lecteurs, leur permanence dans l'espace internautique est aussi absurde que le mouvement d'un astéroïde qui suit son mouvement de chute rectiligne dans l'espace, son impetus comme on disait autrefois, sans autre nécessité que la loi gravitationnelle.
Subjectivement je pense avoir l'attitude juste et les mots justes face à un système social assez oppressant et inique, et face à des forces critiques que je trouve inadaptées. Ma recherche stylistique entre esthétique littéraire et conscience politique me paraît féconde et originale, mais force est de constater qu'elle ne rencontre aucune attente véritable en dehors de ma subjectivité, et sans doute cela vaut-il mieux d'ailleurs que les attentes "pour de mauvaises raisons", les attentes fondées sur le malentendu que j'ai trouvées parfois chez tel ou tel lecteur.
Il faut juste prendre conscience de cette implacable stérilité historique de mes écrits (sauf quelques cas rarissimes de gens comme le photographe Olyvier qui disent avoir été un jour inspirés par une ou deux de mes phrases, mais notez que c'étaient des phrases de livres plutôt que de blogs et ces gens auraient, je pense, trouvé le même encouragement chez d'autres auteurs) et s'habituer profondément à ce mouvement solitaire d'astéroïde dans l'espace, comme Aristippe à la table de Denys. Parce qu'il n'y a de toute façon aucun autre chemin possible.
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