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Le blog de Frédéric Delorca

Considérations asiatiques

22 Juin 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Un lecteur de Kumagaya, au Japon, a lu ce blog deux fois hier, à 19 h 15 et 20 h 58... quel mot clé l'y a conduit ? Deleuze ? Freud ? Je me souviens qu'une certaine intelligentsia japonaise des années 1990 était imbattable sur la philosophie française. Connaissez-vous L'Ecole de la chair de Mishima ? quel portrait extraordinaire de la jeunesse japonaise occidentalisée (sans être pour autant acculturée) ! C'était la génération des années 60, et cependant on ne peut s'empêcher d'y penser quand on songe à l'occidentalophilie japonaise contemporaine. Etrange pays qui aujourd'hui peut connaître des crises internes pour des affaires de bases miitaires étatsuniennes, et qui, cependant, ne secouera pas avant longtemps le joug washingtonien, en tout cas pas comme le font les Turcs aujourd'hui...

 

En parlant d'affaires asiatiques, avez-vous vu cette manifestation chinoise pour la sécurité à Belleville ? Moi qui m'intéresse au moyen de réinsérer les classes populaires immigrées dans le dispositif démocratique (une réinsertion sans laquelle la démocratie devient une coquille vide), je bute souvent sur ce rapport si différent aux institutions françaises qu'entretiennent Asiatiques et Africains (pour parler vite). Pour tout dire, cette différence est même ce que la droite nous envoie dans les dents pour culpabiliser les Africains. Il y a quelque chose d'attachant dans le "J'aime Belleville" des manifestants, et même dans leur geste de renverser une voiture de police du fait que la maraichaussée a refusé d'arrêter le voleur du sac d'une dame. Ces jeunes gens sont du bois dont on fait les reconstructeurs de l'Etat. Mais encore une fois au prix de combien de divisions et de récupérations ? Jouer la Chine contre l'Afrique à Paris pourrait être un jeu politique utile à nos dirigeants, comme on joue les Arabes laïques contre les Arabes religieux, les Kabyles contre les Arabes, le Slaves contre les Turcs etc. Un ami me faisait remarquer que le drapeau chinois flottait dans cette manifestation et que l'ambassade de Chine devait en contrôler certains aspects. Allez savoir.

 

Je vous parlerai bientôt d'Histoire et trauma de Davoine et Gaudillière, histoire de tempérer mon image antipsychanalytique. A vrai dire, je tempère mon propos à bon compte : le livre décrit des cas cliniques. On peut donc en faire son miel sans adhérer aux dogmes freudiens. Au fait, à propos de Freud, connaissez vous cette histoire de vautour qui inspira au père de la psychanalyse ses spéculations sur l'homosexualité de Léonard de Vinci ? Freud interpréta un rêve d'enfant de Léonard de Vinci sur la base de ce qu'il croyait savoir des vautours. Sauf que le rêve du génie de la Renaissance mettait en scène un milan. Une erreur de traduction du russe vers l'allemand fut à l'origine de la méprise. Freud en fut informé sur le tard, mais n'en tira jamais aucune conclusion pour remettre en cause son hypothèse. Le Livre noir de la psychanalyse fourmille de ce genre d'anecdotes sur la malhonnêteté intellectuelle des grands auteurs (Bettelheim par exemple). Mais soyons justes : ce n'est pas le seul fait de la psychanalyse. C'est tout une tournure de pensée de l'intelligentsia du 20ème siècle. Peut-être un corrélat de la bureaucratisation des universités. Un intellectuel capable de dire "j'ai eu tort" et de réorienter complètement ses théories ça n'existe pas. Ou alors, cela peut lui arriver une fois dans sa vie, comme à ces nombreux disciples du parti communiste tombés de cheval sur le chemin de Damas et convertis au conservatisme le plus agressif. Le grand mea culpa ostentatoire et radical, bien narcissique en somme, fait partie du bagage de tout intellectuel qui se respecte. Pas le sens de l'ajustement pragmatique. Mais je m'égare. Laissons ce sujet pour un autre billet.

 

 

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L
<br /> <br /> Concevoir une psychanalyse débarassée du sexocentrisme et de la prégnance de l'Œdipe, c'est ce qu'ont tenté, entre autres, Adler avec le complexe d'infériortité et ses compensations, ou Sartre<br /> avec la psychanalyse existentielle...<br /> <br /> <br /> L'honnêteté intellectuelle est ce qui différencie ta critique de la psychanalyse de celle d'Onfray qui joue les Zarathoustra en se juchant sur les épaules de Nietzsche. Quand Onfray spécule sur<br /> l'appartition d'une psychanalyse post-freudienne (dont il serait le gourou?), cela signifie que pour lui, des gens comme C.G. Jung, Alfred Adler ou Otto Rank n'ont jamais existé...<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Je me suis intéressé à Adler autrefois. A Jung ausi bien sûr. J'en suis revenu.<br /> <br /> <br /> J'ai un peu lu le livre d'Onfray ce weekend. En effet jouer Nietzsche contre Freud quel intérêt sauf celui de vouloir être gourou contre d'autres gourous ? C'est ce besoin de gourous<br /> dans notre société qui m'inquiète. Connais tu quelqu'un qui lise à peu près bien l'anglais et qui ait du temps libre le weekend à consacrer gratuitement à de la traduction ? Si oui je lui<br /> donnerai "The cult of Plato" de David Stove à traduire.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> Il y a quelque chose de troublant dans la manifestation de Belleville. S'il est vrai que des cockails molotovs ont été lancés sur des gendarnes mobiles (ou des CRS), il y a une contradiction à<br /> manifester contre l'insécurité en emportant avec soi des cocktails molotovs...<br /> <br /> <br /> Pour ce qui est de Léonard de Vinci, quelle que soit l'espèce du volatile dont il s'agit (milan, vautour, canari, etc...), son homosexualité semble toutefois bien établie.<br /> <br /> <br /> Certes, le freudisme est une théorie imparfaite. Au départ elle ne parle que de la psyché de l'homme et ne dit rien de la femme. Elle est très ethnocentrée, liée aux structures sociales de<br /> l'Europe de la fin du XIXème siècle. Mais il est également vrai que le discours antipsychanalytique nourrit des théories issues des neurosciences ou des thérapies comportementalistes dont tu as<br /> souligné, à juste titre l'aspect hypernormatif. Dans le cadre de l'accompagnement thérapeutique des enfants, je constate dans mon boulot une progression des réponses expéditives issues de la<br /> médecine "dure", plus axées sur des normes prédéfinies de santé mentales que fondées sur ce qui nourrit le mal-être des gamins ou les réalités socio-familiales déstructurantes que certains vivent<br /> au quotidien.<br /> <br /> <br /> De plus si on fait impasse sur l'inconscient on peut en arriver au mythe du sujtet 100% autonome et responsable de soi au nom duquel certains ultralibéraux souhaitent supprimer l'État-providence<br /> (puisqu'on est responsable de sa situation sociale).<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Merci pour ton commentaire Laurent. L'histoire des cocktails Molotov je ne l'ai pas vue (ai je lu trop vite ?). Sur Léonard de Vinci, apparemment (mais je ne suis pas spécialiste, je renvoie au<br /> Livre Noir de la Psychanalyse), le hic justement c'est que l'homosexualité de Leonard de Vinci n'est "établie" que par la spéculation de Freud sur les vautours (dont on croyait dans l'antiquité<br /> égyptienne qu'ils étaient tous femelles et se reproduisaient en ouvrant leur vagin au vent) - de Vinci aurait rêvé de cet animal, sauf que lui parle d'un milan - et par le fait qu'il a été élevé<br /> par sa mère (mais on ne sait pas s'il n'y avait pas d'autres figures masculines dans son entourage d'enfant, ce qui pourrait compenser). De toute façon il s'agit d'homosexualité LATENTE, puisque<br /> le brave Léonard à l'âge adulte s'esy surtout distingué par son absence totale de pratique sexuelle. Et c'est justement le problème : fonder l'hypothèse de l'homosexualité sur une erreur de<br /> traduction autour des milans...<br /> <br /> <br /> Tu as raison de dire que les neurosciences et les thérapies comportementales vont bien avec le libéralisme, mais, d'une part, je ne fais pas une critique "de droite" de la psychanalyse mais "de<br /> gauche" (je lui reproche non ne déresponsabiliser les individus mais de nourrir une caste sacerdotale qui exploite les névroses des gens), d'autre part, je crois toujours que la valeur de vérité<br /> des énoncés importe plus que leur instrumentalisation politique. Si une doctrine est fausse il faut la dénoncer quand bien même elle pourrait nourrir une certaine résistance "de gauche" à des<br /> théories plus fondées mais "de droite".<br /> <br /> <br /> Cela étant posé il y a quand même à un certain niveau une possibilité de défendre les sciences humaines (y compris une certaine psychanalyse de l'inconscient débarrassée du sexocentrisme<br /> freudien) en en faisant justement des sortes de sciences politiques, sciences de la sociétés tournées vers un projet politique (un peu comme faisait Bourdieu en disant que tout est "sciences<br /> sociales") mais alors en réévaluant complètement la définition de la "vérité" dont elles peuvent se prévaloir. J'y reviendrai quand je parlerai du livre de Davoine et Gaudillière.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />