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Le blog de Frédéric Delorca

Expressions béarnaises

19 Juin 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Béarn

P1000061Vous vous souvenez de "Ce que parler veut dire" de Bourdieu ? La langue. La langue concrète. Quand j'ai lu mon premier dictionnaire français-béarnais en 1990 j'y ai trouvé des tas de mots que ma famille ne connaissait pas. C'était de l'artificiel comme en produisent à tour de bras les milieux lettrés (surtout les milieux hors-sols comme les occitanistes qui parlent une langue essentiellement pratiquée dans les écoles et oubliée dans la vie réelle). Même quand ils ressortent des mots connus, les auteurs de dictionnaires ne savent pas forcément quelle signification ils avaient, dans quelle intention on les employait, et qui n'est pas la même d'une langue à l'autre, ni même d'un milieu à l'autre (voire d'une famille à l'autre).

 

Comme je sais que personne ne prendra la peine de le faire, jai envie de signaler ici quelques termes que j'ai beaucoup entendus dans la bouche de ma mère dans les années 1970 et qui étaient une survivance de mots qu'elle avait entendus dans la bouche de ses propres parents autour de 1945-50, parents qui eux faisaient des conversations entières en béarnais, alors que me mère n'en prononçait plus que des bouts de phrases en forme de clins d'oeil ou de signes de reconnaissance familiale. N'ayant pas appris l'orthographe occitane "rénovée" en vogue dans les milieux savants. Je restitue les mots dans une orthographe française approximative. Je pense que cela fait aussi partie de mon devoir de témoin de mon époque, s'agissant de réalités que les autres témoins (dans les milieux populaires) n'ont jamais été enclins à juger digne d'être transposée dans l'espace de l'écriture.

 

Voici la liste de mots :

 

drapeau-b-arn.png Lamo : lame. Employé pour quelqu'un de bavard "qu'a bouno lamo"

Hèro : Foire. Terme extrèmement vague que j'ai beaucoup entendu dans l'expression "quino hèro aquo !" On pourrait être tenté de la traduire par "quel bazar" voire "quel bordel". Mais la notion me semble plus vaste que bazar. "Quino hèro" peut désigner aussi un pétrain, quand des gens se sont fourés dans une situation inextriquable, un imbroglio, un ensemble de problèmes liés à une série de fautes, et une position globalement coupable au vu des normes sociales.

Menin : petit enfant (comme les Ménines de Velazquez). Utilisé dans l'expression affectueuse : "Hé lou petit menin". Le petit enfant à sa maman. Sans aucune connotation ironique.

Hum : fumée - qu'ey partit a hum - il est parti à toute vitesse - cf "A hum des caillaou"

Praubin : pauvret. S'utilise dans l'expression : "praubin des petit" qu'utilisait déjà la mère de ma mère. "Pauvre petit" est utilisé sans que cela signifie qu'on plaint l'enfant.

Mus : museau, har lou mus, faire la tête

Camat : qui a des jambes. S'emploie pour dire qu'une fille a de jolies jambes : "Qu'ey pla camadola gouyato". Phrase un peu passe-partout qu'employaient les hommes pour montrer qu'ils avaient remarqué qu'une fille était belle.

Mascouyonatquanteybis (Tumascouillonnéquandjetaivu). Expression toute faite pour désigner quelqu'un qu'on ne connait pas : "Quin s'apero ? - Mascouyonatquanteybis" Comment il s'appelle ? - Mascouyonatquanteybis . Variante : Quin s'apero ? Capdestero" (comment s'appelle-t-il ? Premièrebûcheduntasdebois, en béarnais ça rime). L'équivalent se trouvait un peu dans l'armée française dans les années 1990 quand pour désigner un quidam on l'appelait "Machproduguidon" (promule toute faite que sortaient tous les soldats comme un automatisme). idem : Trucoli Labatmalo

Cabèco : chouette. Mot qu'on utilisait pour désigner une vieille dame usée, aigrie, pas sympathique, une vieille sorcière : uo bieillo cabeco.

Guito : canne. Se dit d'une dame ou d'une fille à qui l'on en veut, qu'on déteste. "Aquero guito". Le mot est moins insultant et haineux que "salope" (ou "connasse") en français et pourtant de nos jours dans ce genre de situation c'est le mot qui vient le plus à la bouche des gens, preuve que nous sommes dans une société où les sentiments sont plus violents que dans les provinces éloignées des années 50 (voir Renaud Camus là dessus)

Purnacho : punaise. Dans le même sens que Guito, mais avec la connotation d'une femme un peu libérée, qui s'affirme beaucoup (qui par exemple a une grosse voix et ne s'en laisse pas compter), et qu'on déteste à cause de ça.

Piguèto : chipie. Mais peut-être le mot est-il moins bien délimité que chipie en français.

Esparbè : maladroit. Mais dans les milieux populaires ça évoque surtout le fait d'être maladroit avec ses mains, ce qui inspire beaucoup d'exaspération et peut-être parfois un brin d'indulgence.

Coun : con. D'un usage aussi répandu qu'en français. "Quin coun aqueth" Quel con celui là. "Gran Coun de la Cana" (ça je n'ai jamais su ce que ça peut dire). Mais je ne sais pas pourquoi j'ai toujours trouvé "coun" moins froidement haineux que "con", ce pourquoi d'abord il fallait le combiner avec d'autres insultes pour lui donner du poids : "aqueth hilh de puto de gran coun", "aqueth hilh de puto de macareu de gran coun"...

Tarabastè : turbulent. Se dit d'un enfant qui fait le fou et casse tout. Mais c'est beaucoup moins recherché que turbulent..

Ni ha ni cho : rien du tout (dans l'expression : n'a pas dit ni ha ni cho)

Pèlo : pèle. Classique dans "qué hè un hret que pèlo" - il fait très froid ("un froid qui pèle"). En français les jeunes de mon collège en Béarn disaient "ça pèle".

Guit : canard. Spécialité du coin. Employé par exemple dans "Hé l'has hicat la camiso de mindia guit ?" (tu as mis ta chemise du dimanche - mot à mot "ta chemise pour manger du canard")

Arregoulic : frileux. Mais comme le mot est plus long qu'en français, ça lui donne plus de volume et d'importance. Etre arregoulic devient ainsi presque une faute morale.

Mico : restes. Entre dans l'expression "plouro mico" : pleurnichard (mais c'est moins laid que le suffixe en "ard" donc le mot est plus doux).

Lénièro : remise à bois. "A la lanièro tout aquo !" : "A la remise à bois tout ça". Expression toute faite poru dire qu'on va se débarrasser d'une série de vieilles choses qu'on a en trop (dans une armoire, sur la table).

Bugado : Lessive, lavage du linge. Se dit aussi du fait de boire de l'eau quand on a trop bu d'alcool "que cau ha la bugado adaro" (il faut faire la lessive, boire de l'eau maintenant)

Pelut : Pubis velu. S'utilise bizarrement entre hommes pour qualifier un bon vin "quey dou pelut aqueth".

Hart : repus (ou ivre). "Qué souy hart" j'en ai assez (ou encore "quen ey hartero" : j'en ai marre). Avec le proverbe "aou harts la hartèro" (à ceux qui sont repus va la nourriture) équivalent de "l'argent va à l'argent".

Chichangue : dans maigre comme une chichange, esmagrat.

Lè : laid - qué canto lè : il chante mal. Lou lè sapou : l'affreux jojo (mot à mot : le crapaux laid)

"Toupi de habos é tistet de desos !" (pot de fèves et panier de petits pois) - pour évoquer quelque chose dont on se vante mais qui n'existe pas

"arrir tistet douman qué hérar beth" - ris panier demain il fera beau (dicton)

"qu'ey claro l'estello" "l'étoile est claire" quand on voit les étoiles la nuit et qu'il fait beau

"et hougna !' quand on doit pousser et bousculer (bully around en anglais)

Abisot : attention ! par exemple "abisot de cadé" ("attention tu vas tomber") quand quelqu'un trébuche.

Estadit : fatigué. "Qu'èro tout estadit"

Bourouys : dans "Qué plau a bourouys" (il pleut à verse) ou "né's harto pas de plabé" - ça n'arrête pas de pleuvoir"

Camaligos : des histoires des petits merdes, des petits problèmes - cercar camaligos, cherchez des histoires. "Camaligos toustem" : toujours des histoires ! "Camaligos, ven !"

Douçament : doucement "Paousoli douçament !" (pose le doucement) apostrophe ironique à quelqu'un qui travaille sans énergie

Prega (prier) : Paga etprega (payer et prier) se dit quand on doit demander trop longtemps quelque chose "oh hé paga e prega"

lagagne : chassie - donne le nom "lagagnous"

rai : ça ne compte pas "la toussidèro rai" - ça m'est égal de tousser

estarrocar - tuer

"Ben qué t'en prey" (bah, je t'en prie) expression de lassitude devant quelque chose qui ne tient pas debout

Saoumo : anesse - en has poupat leit de saumo (tu en as têté du lait d'ânesse - signifie : tu es un idiot)

Per diu : par Dieu ! (juron) expression étonnante : "a la gim quoi per diu" ("n'importe comment" - "qu'ei heit a la gim quoi perdiu - c'est fait n'importe comment"

Pèc, pégot, pégoto. Idiots du village." Aqueth qu'ey drin pèc".

hestahagnar : bourrer - qu'esthanho aqueth roustit. Il bourre ce rôti

pus : cuite ou derrière - aqueth qu'a la pus (celui-là est saoul), la pus de Clèro (le derrière de Claire - expression consacrée)

attenté : attends ! (attenté drin - attend un peu)

é push qué mey ! : et puis quoi plus!

cabeilhat - monté (une salade par exemple) - "lous caoulets qué soun touts cabeilhats (les chous sont montés)

sanctous ("saint saint saint" cantique), se balancer sur sa chaise comme quand on dit "sanctus sanctus" à l'église, se dit des vieux

hà tetets : passer la tête à la fenetre (pour regarder les gens)

desbesar : vomir - qu ey bou ta ha desbesar lous caas (c'est bons à faire vomir un chien)

bestiesos : bêtises - bestiesos ben -bah des bêtises

qué t'en prey - je t'en prie (ex : ben que t'en prey que cau escouta tout - en traduction non mittérale mais juste on dirait bah, ne m'en parle pas, il vaut mieux laisser dire)

abisoth' : attention (abisot' dé cadé : fait attention à ne pas tomber - on dit souvent cela quand on a trébuché ou quand on est déjà tombé, ironiquement)

Matapipos : Machpro Duguidon (comme Mascouyonat cuan t'ey bis). Qui s'apèro, Matapipos de Laseubo ? (ou Matapipos Dus)

Estello : étoile : qu'ey claro l'estello - on voit bien des étoiles  (signe de beau temps)

pécole : peau du c* qui se décolle

"blous" : sans rien d'autre - "drin de pan tout blous". Pan qu'ey tousttem pan

deicha : laisser - deicho ha tu (laisse faire)

mourgagna : marmoner : qué mourganos ? (se dit aussi d'un mal, qui taraude un membre)

esbrigaillèros : débris (par exemple des miettes de pain) - en has deishat esbrigaillèros asiu

biroulets : tournants - "tan qué biro ha lou tour" "tant que tu tournes fais le tour" disait mon grand père dans les tournants

esbrigalhièros : débris

poupous : lolos (vient de poupar sucer)

heit  : fait - plà heit - bien fait pour toi

gai :  joie - frotti lou cuu dap ai quem'héras gai

sapou : crapeau - ouh lou lè sapou ! : affreux jojo !

Toco : touche - dio de sainto toco. Jour de paie (en français du 19e siècle aussi on disait Sainte Touche, voir souvenirs d'un parisien de Coppée p. 19)

Estadit : fatigué - que souy tout estadit houey

Baco - vache - tout comprendre de travers : coumprener baco per boueu (comprendre vache au lieu de boeuf)

cueilhà : chercher - qué souy anat cueilhà lou paa (je suis allé chercher du pain). Beth a cueilho (va te faire cuire un oeuf)

abizo't : fais attention (abizo't de cadé - fais attention à ne pas tomber)

Des syndromes du comportement : pétèro, caguèro, tousidèro, esternudèro, desgulèro, grattèro - qué t'ey uo pétère houey cooucarè dé pla

Des sentiments : lou tristè, lou curiousè, un état : lou bieilhè

A bourouys (à verse, des trombes d'eau) : que plau a bourouys houey

repepià : gâtifier

la pus : le popotin (lècitelapus, la pus de Clèro)

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En appendice des expressions françaises datées

Et vlan passe moi l'éponge https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i05062381/jacques-martin-et-vlan-passe-moi-l-eponge

 

 

 

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