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Le blog de Frédéric Delorca

En attendant Draveil

11 Novembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La Révolution des Montagnes

Je quitte pour un temps l'uniforme du sociologue, pour endosser celui du romancier dans la perspective du salon de Draveil du 14 novembre. Simplement pour trouver quelque chose à dire aux gens quand je tiendrai mon stand sur ma petite chaise, je relisais ces derniers jours Kundera et Naipaul.

Naipaul m'a inspiré au milieu de années 2000. Je crois que j'avais envie de tranposer à mon propre univers (celui du Béarn) son analyse très perspicace de la dépossession coloniale, du vide. J'avais envie de montrer que cela existait aussi dans le sud de la France, chez les ouvriers. Et puis finalement j'ai renoncé à singer Naipaul. Le vide béarnais, le vide des pauvres (un certain vide, d'ailleurs parfois compensé par du trop plein) les esprits perspicaces le décèleront peut-être dans certaines réminiscences qui  travaillent Fulgaran dans son aventure révolutionnaire. Je crois que cela suffit largement. Rien d'appuyé. A côté il y aura ma petite biographie factuelle, celle qui vient de sortir, qui ne dit peut-être rien d'essentiel, mais peu importe. Elle aidera à compéter ma fiche très formelle (et lacunaire) élaborée par la stagiaire de la bibliothèque nationale de France sur laquelle je suis tombé par hasard ce matin (la fiche sur mon grand père est mieux fournie).

Kundera c'est encore plus éloigné de moi. Son analyse "existentielle" (qui sent beaucoup l'heideggerianisme) de l'art du roman est éloignée de mes préoccupations, tout autant que sa "philosophie de l'histoire de la littérature" (elle aussi copiée de la philosophie de l'histoire de la métaphysique de Heidegger). Je pense que tous les auteurs de romans aujourd'hui se situent dans une "fin de l'histoire" au regard de ces catégories "historiales". Nous sommes au delà. Oui, peut-être sommes-nous tous dans la simple culture du dérivatif. Comment Irene Delse appelait-elle cela ? les "maniaques de l'écriture" ? les "graphomanes" ? Comme les collectionneurs de timbres. C'est d'ailleurs pourquoi je me rends à ce salon avec plus de sérénité que je ne l'eusse fait il y a 20 ans. Je ne risque pas d'y trouver des bourgeois prétentieux qui croient porter sur leurs épaules les grands enjeux d'une Culture millénaire. Il suffit de regarder cette vidéo pour se rendre compte qu'il ne s'agit que de gamins qui font des pâtés de sable.


Je ne dis pas que lorsque j'écrivais ce livre, aux deux étapes (en 1990 et 2007) des ambitions plus profondes ne le travaillaient pas, mais il faut être réaliste. Au final j'ai surtout cherché à créer un univers qui me ressemblait, un univers où je me sente à l'aise pour y faire évoluer mes personnages. Un univers, c'est à dire un style et des événements. Avec une contrainte seulement : que l'histoire soit crédible, que tout soit vérifiable.

Maintenant il faut le montrer comme un chateau de sable. Et faire face aux problèmes de mon éditeur qui se dit que j'ai décidément publié trop de livres en 6 ans et qui ne sait pas comment s'en dépatouiller pour ma séance de signatures du 19.

Je n'attends rien de grand du petit business qui tourne autour de la littérature. Pour moi, si je devais trouver quelque chose de grand quelque part, ce serait encore et malgré tout dans la politique : dans cette image de l'ambassadeur de Cuba, hier, parlant de l'embargo et d'Obama dans le petit local de la section PCF de Brosseville, pour le plus grand plaisir du secrétaire de la section qui lisait mon discours intimidé et d'un vieux résistant de 45 qui s'y trouvait ; dans le pot de l'amitié après où un élu communiste arabe me disait "Sarkozy est moins français que moi, car moi mon grand père est mort pour la France". La grandeur est dans ce réel, ou dans les romans qui le prennent en charge. Mais ce réel a-t-il encore besoin de romans ?

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