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Le blog de Frédéric Delorca

Encore un pas sur le sentier de Bernanos

15 Décembre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #1910 à 1935 - Auteurs et personnalités

"L'activité bestiale dont l'Amérique nous fournit le modèle, et qui tend déjà si grossièrement à uniformiser les moeurs aura pour conséquence dernièr de tenir chaque génération en haleine au point de rendre impossible toute espèce de tradition. N'importe quel voyou, entre ses dynamos et ses piles, coiffé du casque écouteur, prétendra faussement être à lui-même son propre passé, et no arrière-petits-fils risquent d'y pedre jusqu'à leurs aïeux" (Bernanos, "La grande peur des bien-pensants", 1930 p. 50). C'est assez bien vu non ? Et ça ne vous rappelle rien ? Oui, le point de vue sur l'Amérique de ce vieux communiste d'Anatole France trois ans plus tôt que j'évoquais ici il y a 8 mois.

 

bernanos.jpg

Je ne devrais pas lire les auteurs d'il y a cent ou deux cents ans. Mon pote le blogueur Edgar me l'a sorti déjà il y a un mois à propos du côté XIXe siècle de Mélenchon, qu'il ne fallait pas vivre dans le vocabulaire de ces époques lointaines parce que "c'était avant Auschwitz"... Il aurait d'autant plus raison que là, dans Bernanos, il y a de l'antisémitisme ouvert (même s'il s'est "racheté une conduite" avec la guerre d'Espagne). Sauf que je ne peux pas m'arrêter à ça, parce que de l'antisémitisme il y en a tellement dans la première moitié du XXe siècle. J'en trouve des traces même dans la correspondance de Clemenceau... Il faut bien lire Platon malgré sa haine de la démocratie, et Bernanos malgré son antisémitisme de jeunesse, on ne peut pas faire autrement. Même Elie Wiese le dit dans "Le Mal et l'Exil" alors...

 

En fait je ne sais pas trop pourquoi je lis Georges Bernanos ou George Sand (tiens deux Georges...), ni pourquoi je suis content de retrouver chez l'un et l'autre le même surnom donné à Napoléon III : Badinguet. Si je suis Edgar, puisque tout ça se passait avant Auschwitz, ou, du point de vue de quelqu'un de plus jeune encore, avant les ordinateurs, il n'y aurait rien à en tirer. Mais précisément : ils sont nos aïeux, et nous sommes leurs arrières-petits-enfants (arrière-arrière-arrière-arrière pour George Sand) dont Bernanos craignait que nous les oubliions... Je les écoute donc sans les juger, en admettant leur droit à l'erreur et au délire. Je les écoute pour comprendre, pour saisir de quel monde on vient, de quelle France, sans le regard biaisé et fade des historiens.

 

J'écoute souvent sans comprendre, et souvent aussi sans retenir. Du précédent livre de Bernanos "Les enfants humiiés" je n'ai rien retenu du tout, et j'ai trouvé, sur le même sujet, Ernst Jünger plus juste, allez savoir pourquoi. Je ne sais pas ce que je retiendrai de "La grande peur des bien-pensants". Peut-être rien non plus. Pourtant là tout de suite, je retiens des formules saisissantes. Parfois il y en a trop, beaucoup trop, on s'y perd, et cela perd toute saveur. Parfois on rencontre un mot juste, des détails inattendus qui s'entrechoquent. Parfois on se demande pourquoi on prend un livre plutôt qu'un autre. Pourquoi je préfère acheter un Bernanos que finir de lire les mémoires du Cardinal de Retz, qui traînent dans ma bibilothèque, et dont Bernanos cite le nom (mais me replonger dans le XVIIe siècle me demanderait beaucoup d'effort). Pourquoi Bernanos me donne envie de relire Péguy. Sans doute parce qu'il a une drôle de façon de parler de Victor Hugo, comme c'était aussi le cas de Péguy. Pourtant jusqu'ici à chaque fois que j'ai rôdé autour de Péguy, je n'en ai rien tiré de plus que de Bernanos. Juste le souvenir d'une langue bizarre, d'odeurs d'un pays disparu. C'est peut-être cette odeur que je recherche. Mais pourquoi ? Pour en faire quoi ?Moi qui suis un progressiste, grand défenseur de la liberté du reggaeton, des innovations technologiques et des pays émergents... Allez, je vous en dirai plus quand j'aurai avancé davantage sur le sentier de Bernanos.

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