George Sand aux funérailles de Louis XVIII
26 Octobre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #XIXe siècle - Auteurs et personnalités
En septembre 1824, George Sand est à l'enterrement de Louis XVIII. Malheureusement son témoignage dans "Histoire de ma vie" est coupé. On n'aura donc pas la totalité du tableau, mais il y a quand même des bribes intéressantes. Elle est venue avec une amie qui a réussi à avoir au culot les meilleures places dans la basilique Saint-Denis pour 16 personnes. Elles sont toutes vêtues de noir parce que toutes les femmes en France, même bonapartistes ou libérales, ont décidé par effet de mode de partager le deuil. La petite Aurore-George n'a pas voulu jouer les "esprits forts" comme elle dit.
Communiste dans l'âme, elle n'éprouve évidemment aucune tristesse dans ce deuil. Elle observe que la Restauration n'est pas mise en péril par le décès du roi car les libéraux attendent beaucoup de Charles X. Comme souvent dans ses récits, elle se laisse happer par les détails. Cette grande croix en flammes et ces rangées de cierges sur fond de velour noir dans la basilique lui font mal aux yeux pendant deux heures et lui donnent la migraine. Une cantatrice italienne à côté d'elle, Mme Pasta, dit que c'est comme l'enfer ou une cérémonie de sorciers. A un moment elle voit Louis-Philippe qui a des airs de jeune homme guilleret.
Voilà. Sand m'amuse toujours avec ses fausses naïvetés, ses petites marottes qui sont toujours très féminines (alors pourtant qu'elle dit détester la compagnie des femmes qu'elle trouve trop "nerveuses" et inquiète pour des choses puériles). Ces funérailles sont pourtant un sacré événement : premières funérailles royales après la profanation de Saint Denis par les révolutionnaires, encore un effort surhumain, digne de la Corée du Nord aujour'hui, que fait la monarchie en ce temps là pour faire "comme si rien ne s'était passé", pour réparer l'irréparable... Tout ce théâtre d'ombres, quand essaie d'exister encore ce qui n'est déjà plus, et depuis très longtemps.
Je lis Sand parce que je n'arrive pas à avoir par Parutions.com les livres dont je voulais faire la critique. Alors je picore dans Sand comme je butinerais dans Custine. Juste pour le plaisir d'avoir la compagnie de gens que j'aime bien. C'est un peu loin du vote du budget du gouvernement Hollande par le Sénat, du taux de chômage en Espagne, de la trêve en Syrie, mais ce n'est pas moins intéressant. Ces gens des années 1820 ont un point commun avec nous : ils vivent dans un moment où l'histoire retient son souffle : entre l'épopée napoléonienne et le temps des nouvelles révolutions.
Comme nous mêmes nous trouvons sans doute dans une dernière respiration entre la première déferlante de la vague néo-libérale (dans les années 1990) et l'arrivée d'un monde sans doute très profondément différent de celui du XXe siècle (pour le meilleur et pour le pire). Ces périodes d'entre-deux sont toujours intriguantes. Les esprits rassemblent des morceaux de la culture du passé en essayant de l'ajuster à ce qui pourra advenir, sans avoir d'idée précise de la forme que les événements peuvent prendre ni de la direction dans laquelle le rouleau compresseur va se mettre en branle...
Au fait, je repense à Louis-Philippe. Je trouve vraiment qu'on ne peut pas avoir de sympathie pour la branche orléaniste. La trahison de Louis XVI par Philippe-Egalité, quand on y songe, est une affaire horrible, et bien avant même que ce dernier ne vote la mort du roi. Songeons aussi au cadavre de la princesse de Lamballe éventré traîné sous les fenêtres du Palais Royal sous les fenêtres de Philippe Egalité qui n'y trouve rien à redire. D'ailleurs un bien drôle d'endroit que ce Palais Royal propriété des Orléans. Pourquoi y ont-ils toujours laissé proliférer la prostitution ? Et pourquoi Napoléon voulut-il y installer son Conseil d'Etat ? Je me demande ce qu'il aurait mieux valu en faire... Peut-être le brûler ? Rien de ce qui touche à cet endroit ne me dit rien de bon. A ma connaissance il n'y a que Stefan Zweig pour en chanter la louange dans ses mémoires (ainsi que celle des écrivains illustres qui l'habitèrent), car il y demeura quelques mois.
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