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Le blog de Frédéric Delorca

Julien Benda, particularismes, passions, et intellectualisme

1 Avril 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Vous avez sans doute lu mon roman "La révolution des montagnes", qui est un roman, malgré les apparences, plus existentiel que politique (ce qui lui permet de porter ses interrogations plus loin). Ce roman se confronte beaucoup à la question du particularisme dans laquelle j'ai été profondément enfermé tant du côté de ma famille paternelle républicaine espagnole (à travers la mémoire d'une geste héroïque) que du côté de ma famille maternelle (à travers le culte des lieux).

 

J'ai remarqué ces derniers que dans ma région natale la politique immobilière et la réduction des territoires à des entités économiques rend caduque la problématique habituelle du particularisme géographique (de sorte que mon roman si je l'écrivains aujourd'hui serait très différent), caduque, mais susceptible d'être reconstituée sur des bases complètement artificielles (ainsi que le fit le nationalisme romantique à l'échelle européenne au milieu du XIXe siècle).

 

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A travers Julien Benda je retrouve la question très complexe du positionnement de l'intellectuel face à ces particularismes. Benda est une des dernières incarnations du républicanisme universaliste français dans toute sa pureté (celui qui vénérait les philosophes grecs et en rendait l'étude obligatoire à tous les bacheliers). Aujourd'hui Chomsky en est à certains égards le prolongement mais sur un plan un peu différent.

 

Benda pose dans toute sa limpidité le problème du rapport aux passions dont le particularisme (dans sa version nationaliste) est une des modalités (dans le culte des sensations du terroir, des rapports de proximité sur la base d'une langue ou d'un accent, toutes ces fantaisies romantiques funestes qui coûtèrent des dizaines de millions de morts à l'Europe au XXe siècle). Il leur oppose le modèle du clerc idéal (dont personnellement je verrais l'origine chez es philosophes stoïciens sur lesquels j'ai beaucoup écrit, qui m'intriguent beaucoup, et qui sont les inventeurs du cosmopolitisme - soulignons-le à l'heure où Poutine veut faire d'Emmanuel Kant, autre grand cosmopolite rationaliste, l'emblème de Kaliningrad,à des fins presque de marketing).

 

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On pourrait soutenir qu'aujourd'hui, le marché libéral dissout à la fois le particularisme (qu'il remplace par un culte des labels et des marques), et la figure de l'intellectuel (remplacé par le propagandiste utilitaire à la BHL ou Caroline Fourest). L'intérêt viscéral pour le lieu n'a cependant pas disparu, depuis la passion belliciste (même si elle est dictée par  a peur) qui s'empare de la Corée du Nord, à celle qui, au même moment, pousse les foules à envahir Lumumbashi. Et je ne crois pas que tout intérêt pour une figure de l'humanité à la fois transfrontalière, et cependant rationnaliste, studieuse et avide de lecture (non simplement consumériste et financièrement intéressée) ait tout à fait disparu (je la vois poindre notamment dans cette jeunesse chomskyenne de moins de trente ans). On peut prédire que si la globalisation capitaliste s'abîme dans des fièvres guerrières, ou simplement dans la misère des peuples, qui les empêche de voyager, de nouvelles passions pour les lieux et les généalogie renaîtrons face auxquelles l'intellectuel cosmopolite devra trouver une attitude adéquate, une attitude qui ne soit pas de simple auto-défense dédaigneuse d'une internationale des banquiers comme le fait Jacques Attali : la définition d'une universalité qui ait un positionnement très clair sur la question des passions. Mes propres interrogations sur le stoïcisme ne me permettent peut-être pas d'aller assez loin là-dessus. Et pourtant une défense pure et simple du l'intellectualisme classiciste n'est pas non plus une réponse tout à fait satisfaisante. Il faudra y réfléchir dans les années à venir.

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