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Le blog de Frédéric Delorca

La cause des mâles

1 Décembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les rapports hommes-femmes

La gauche est née au 18ème siècle en Europe autour des idées d'égalité, de liberté, qui ne peuvent qu'être des idées universelles et non communautaristes. Au contraire le communautarisme était, à l'époque, cultivé par les réactionnaires (les nobles bretons et béarnais qui refusèrent de iéger aux Etat généraux français par exemple en 1789).

 

Toutefois cet universalisme pour ne point cautionner la loi du plus fort et défendre l'égalité concrète doit se tenir à l'écoute de certaines identités opprimées. Autrement dit, je ne veux pas qu'au nom d'un universalisme abstrait on laisse l'Albanais privé de la reconnaissance de sa langue (dans la première Yougoslavie de 1918), ni le Serbe ou l'Abkhaze privé de son droit à faire connaître sa version de l'histoire (en Europe en 1999 et jusqu'à aujourd'hui), comme je ne veux pas qu'au nom d'une laïcité abstraite le musulman soit stigmatisé comme étranger (dans la France des années 2000). Et je ne veux pas non plus que le communautarisme - régionaliste, religieux ou autre - devienne l'auxiliaire d'un Empire gobal - comme Esquerra republicana de Catalunya qui demande à Madrid de reconnaître le Kosovo (voir l'intéressant article d'El Mundo sur la méfiance des Etatuniens à l'égard de l'Espagne de Zapatero telle que la révèle Wikileaks).

 

Aujourd'hui l' "identité" masculine (on devrait plutôt dire les  "particularités" masculines pour autant qu'elles constituent des éléments identitaires dans les interactions quotidiennes) fait-elle partie de ces "traits communautaires" (pour aller vite on considèrera que les traits masculins comme les pratiques linguistiques peuvent fonder des sentiments communautaires) opprimés dans la culture contemporaine ?

 

La question mérite un article de sociologie approfondi. Faute de temps, je me contenterai d'un billet. Elle fait partie des thèmes qui, à gauche, comme la question nationale, ou la question de la démocratie, sont traités sur le mode de la honte, du refoulement, du déni de réflexion - ce qui explique que sur la question des genres on aime mettre au premier rang des écervelés à la Clémentine Autain qui réciteront le catéchisme politiquement correct à la mode. A ce jour ceux qui ont posé la question (généralement pour la caricaturer) se retrouvent à droite ou à l'extrême droite (pensons à Zemmour par exemple).

 

Quelques constats. 1) La société reste assez largement patriarcale (ne serait-ce que dans la sédimentation des héritages culturels du passé), et le système capitaliste maintient une supériorité matérielle des hommes (salaires plus élevés, meilleur accès aux fonctions de directions), laquelle, couplée à la supériorité physique (stature corporelle qui reste en moyenne plus élevée), est une source de violence (voir les violences conjugales, la thématique du viol récemment remise sur le devant de la scène etc) 2) Les femmes ont accompli en Europe des progrès symboliques décisifs : émancipation de leur culture et de leur condition professionnelle, travail très important de culpabilisation du mâle pour les siècles de domination qu'il a imposée (une culpabilisation à celle que l'on adresse à juste totre au colonialisme par exemple).

 

Le résultat de ce double mouvement est que, si les mâles gardent une position dominante dans l'accès à la domination économique, ils traversent une crise culturelle profonde qui se traduit notamment par une incapacité croissante à prendre une place dans l'éducation des enfants.

 

Lisons deux secondes cette présentation (stupide mais quand même révélatrice de quelque chose) du magazine Elle :

"Que n'a-t-on dit sur les pères ? Démissionnaires, perdus, trop papas poules. Stop aux clichés. Les nouveaux papas réinventent chaque jour leur rôle"

rugby.jpg

 

Il est chic (et aussi chic que vain) de contrer les clichés avec d'autres clichés. Mais tout de même, les deux premiers mots choisis pour désigner la façon dont les pères sont couramment perçus "Démissionnaires, perdus" disent quelque chose de vrai et de profond. Le phénomène des pères démissionnaires, la disparition des pères dans l'éducation des enfants, existe, il est massif, et il dit quelque chose de la crise de l'identité masculine. Ce n'est pas qu'avant les pères aient été plus attentif à l'éducation de leurs rejetons, mais la société indexait plus spontanément les valeurs de l'éducation à l'imaginaire masculin : même un enfant instruit par une femme apprenait à travers cette femme à respecter les valeurs et l'imaginaire de son père, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui.

 

Ma position a toujours été que les groupes qui ont été en tort historiquement et qui ont exercé une domination injuste doivent être condamnés pour cette domination sans que cela entraîne automatiquement la disqualification "par essence" de ce qu'ils sont. Par exemple la France peut être condamnée pour ses crimes coloniaux sans que cela disqualifie la grandeur de ce qu'elle a apporté au monde tout au long de son histoire. Et les crimes du nazisme ne doivent pas vouer à l'opprobre l'ensemble de la culture allemande.

 

Il en va de même pour les traits masculins qui, n'en déplaise aux constructivistes radicaux, ne sont pas seulement des constructions culturelles - la testostérone est bien une hormone prédominante chez les hommes et qui entraîne des caractéristiques de comportement partout et à toutes les époques.

 

La culture masculine est une culture qui a sa noblesse propre, et dont les caractéristiques doivent être valorisées.

 

J'entends bien que sous des cieux démocratiques, alors que les machines prennent en charge les travaux pénibles, et qu'un niveau d'intellectualisation supérieur est impliqué par la complexification des pratiques sociales, tout un pan de la culture masculine est aujourd'hui disqualifié : celui qui est lié à la brutalité, à l'agressivité physique, musculaire, une certaine grossièreté virile pour parler vite. 

 

 Mais il est d'autres traits dominants du caractère masculin qui me paraissent précieux et dont il faut défendre la place dans la société contemporaine : c'est notamment le cas de cette propension que nous, les hommes, avons, à explorer des territoires nouveaux, à conquérir des espaces vierges. La psychologie évolutionniste l'impute au partage des rôles dans la préhistoire entre un homme chasseur et une femme  plus préoccupée par le soin de la progéniture. J'ignore si c'est vrai. D'autres parlent de "néoténie psychique" qui fait que l'homme reste plus enfant et plus aventurier (un thème aussi controversé, un prof au Collège de France l'a contesté récemment, mais son livre très "politiquement correct" ne me convainc pas). Je pense pour ma part que cet esprit de découverte que nous avons existe, il est plus ancré chez nous que chez les femmes, et nous le maîtrisons bien mieux, avec plus de style, plus de constance que les femmes. C'est ce qui fait que nous sommes plus portés vers la philosophie et vers la création de très haut niveau (en matière musicale, en peinture etc). Il nous confère une haute capacité d'abstraction, que nous payons ensuite, certes, d'une certaine inaptitude à prendre soin de détails du quotidien, mais c'est une inaptitude que nous devons assumer fièrement : il n'y a aucune raison pour qu'on nous culpabilise pour ce trait essentiel de notre être. Je crois que cet esprit de conquête qui se sublime si bien sur le terrain des idées et de l'abstraction, est lié à nos caractéristiques sexuelles. Le mâle a une sexualité tournée vers l'extérieur, qui le voue à pénétrer des espaces, tandis que la femelle, qui accueille en son intériorité, est nécessairement plus attentive à la défense et à l'organisation de celle-ci (même si on trouvera toujours des contre-exemples individuels de femmes plus masculines, plus conquérantes, et de mâles féminisé très attentifs à leur petit espace quotidien, ce qui est bien sûr tout aussi légitime, mais minoritaire...).

 

Je ne vois pas l'intérêt que l'on trouve à nier ces caractéristiques, ces différences. Je crois qu'il faut au contraire les valoriser, leur accorder toute leur place dans la culture contemporaine.

 

J'entends bien que les femmes sont assez peu prêtes à accepter les hommes tels qu'ils sont, et à valoriser leurs particularités. Après avoir fait admettre leurs propres traits culturels, elles s'enferment dans un dogmatisme étonnant que reflète toute une littérature féminine contemporaine hostile aux hommes soit disant irresponsables, volages, tête en l'air, peu précautionneux, incapables d'assumer leurs engagements etc.

 

Je ne sais si ce dogmatisme féminin "mysandre" (comme on dit dans le beau langage) durera encore longtemps. Si tel est le cas, il pourrait vouer les deux sexes à une logique d'apartheid, ce qui est déjà largement le cas aujourd'hui et l'a été souvent dans l'histoire du monde : le confucianisme faisait de la séparation des sexes une règle absolue, Montaigne en a fait l'éloge, et de fait l'organisation sociale traditionnelle créait beaucoup moins d'interactions entre hommes et femmes que la société actuelle. L'important est en tout cas d'accepter les choses sans tabou, de ne pas se laisser impressionner par un terrorisme intellectuel, terrorisme du ressentiment, qui tente de vous culpabiliser dès que vous essayez d'être fier de ce que vous êtes. La fierté masculine est aussi légitime que la fierté féminine. Il faut construire et reconstruire sans relâche de l'imaginaire viril autour de cette fierté et lui laisser occuper une place dans ce qui est transmis aux enfants. Rien ne serait plus bancal et médiocre qu'un monde qui ne reconnaisse plus que la légitimité exclusive des valeurs féminines.

 

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