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Le blog de Frédéric Delorca

La situation du Front de Gauche, la politique de M. Valls

15 Octobre 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #La gauche

Parmi tous les lecteurs de ce blog, il y en a tous les jours 30 qui y accèdent directement, en tant qu'abonnés ou parce qu'ils ont ce blog dans leurs signets. Lesquels parmi ces 30 reviennent tous les jours ? je ne sais pas. Si tous les jours ce sont les mêmes, j'ai 30 lecteurs fidèles. Si ce ne sont pas les mêmes, on peut dire que 40 à 200 personnes visitent ce blog pour ce qu'il est (et non pas parce qu'ils recherchent tel ou tel mont clé). Ajoutons à cette fourchette 30 % de gens qui y accèdent via mon profil Facebook (et je ne fournis aucun effort pour me faire connaître au delà, car je ne cherche pas à me vendre).

 

L'existence de ce petit public de quelques dizaines de personnes, dont je ne sais pas trop quels textes ou quels livres ils ont lus de moi, ni comment il les ont reçus, m'oblige à publier de temps en temps des petits billets d'analyse politique. Non pas parce que je serais un spécialiste ou parce que j'aurais des responsabilités politiques quelque part (je n'ai plus d'action politique dans la "vraie vie", depuis que j'ai quitté Brosseville), mais parce qu'un citoyen doit faire connaître ses opinions politiques à ceux qui s'intéressent à ce qu'il a dans la tête. La démocratie suppose cet effort de communication des opinions. Un effort qui peut fatiguer celui qui donne son opinion comme ceux qui l'entendent (et je crois que l'Athènes du Ve siècle avant JC devait être une ville très fatigante, heureusement que le théâtre la divertissait un peu), mais sans lequel il n'y a pas de démocratie véritable, vivante.

 

Je vais donc aujourd'hui prendre une heure sur mon quotidien (comme je l'ai souvent fait), pour faire une présentation de mon point de vue politique sur certaines questions du moment, qui agitent la société française. Je ne vais pas produire ici un discours de spécialiste, ce que ne peut et ne doit jamais être un citoyen (comment serait-on spécialiste de tous les sujets que la situation de la cité met en jeu ?). Juste le propos de quelqu'un qui essaie de lire un peu, qui retient plutôt bien, et depuis longtemps (le début de mes lectures politiques date de 1981), qui essaie de structurer par l'écriture un point de vue cohérent.

 

1majmumbai.jpgJ'écoutais ce matin le discours de clôture de Jean-Luc Mélenchon à la récente convention de son parti à Clermont-Ferrand. Vous savez qu'en 2012 j'ai soutenu la candidature cet homme, tout en gardant beaucoup de réserves à son égard (et mes réserves ont encore augmenté depuis lors). Je n'encourage pas mes lecteurs à entendre ce discours un peu long, mais puisque ma journée a commencé en l'écoutant (en même temps que je travaillais sur mes dossiers), et puisque j'ai signé il ya dix ans (il en reste la trace sur Internet), une pétition pour la constitution d'un Front de gauche, puisque j'ai écrit un "Programme pour une gauche française décomplexée", puisque j'ai dirigé un Atlas alternatif, puisque j'ai bossé pour une mairesse Front de gauche, puisque puisque puisque... pourquoi ne pas parler du Front de gauche en premier ?

 

Je suis plus écrivain qu'activiste. Récemment je voulais écrire un livre sur le Sri Lanka. J'ai écrit à un diplomate sri-lankais marxiste de mes connaissances pour mettre en route la machine de ce livre, il m'a renvoyé à un sien camarade syndicaliste français censé me "coacher" sur ce pays, et j'ai refusé. Tout mon rapport à la gauche de la gauche est ainsi. Je suis trop individualiste pour accepter de tomber sous la coupe de leurs petits chefs, mais je continue à faire avancer ma pensée à leur proximité. Cette position un peu étrange me rend parfois à même de garder un point de vue frais, indépendant et sans tabou sur ce courant politique (comme sur les autres). Il me permet parfois d'en savoir plus que le "Français moyen" (horrible expression) sur son évolution. Parfois toutefois, du fait de mon indépendance, il me manque beaucoup d'informations que des militants plus impliqués que moi peuvent avoir.

 

D'après ce que j'entrevois donc - et disons tout cela avec beaucoup de prudence - le Front de gauche traverse une crise aujourd'hui sur laquelle il faut dire un mot. La crise est inhérente au système politique qui, aux législatives notamment, met en valeur les grands partis. Le Parti communiste, troisième parti de France pour le nombre de ses élus (comme pour le Parti radical socialiste sa représentation n'est pas proportionnelle à son poids réel dans l'électorat) a besoin du Parti socialiste pour continuer d'exister. Que fait-il de ses élus ? on peut en discuter. Est-il utile qu'il en ait autant ? Est-il utile que tel adjoint communiste à la jeunesse, au logement, à l'éducation, au jour le jour, dans les mairies socialistes se dépense pour grapiller des avantages pour telle catégorie de la population défavorisée ? On peut en discuter à l'infini : un adjoint communiste est-il plus proche des pauvres qu'un élu UMP catho ou qu'un socialiste honnête ? On peut supposer qu'il y a plus de gens qui ont la "fibre sociale" au PCF qu'à l'UMP malgré tout, mais une étude sociologique sur le sujet serait utile pour le vérifier. A supposer l'existence de cette "fibre sociale" établie (et on la vérifie dans des villes dirigées par le PCF comme Nanterre, Tremblay etc), est-elle utile à la République ? Je pense que oui. Elle amortit les effets nocifs du capitalisme. Les révolutionnaires intransigeants diront qu'elle ralentit l'avènement de la révolution. Mais la misère menant plus souvent au fascisme et à la guerre civile j'aurais tendance à penser que le "matelas" social des élus communistes dans les municipalités est utile au bien commun.

 

Je peux aussi témoigner que, n'en déplaise à l'extrême droite qui accuse le PCF d'avoir trahi la cause anti-impérialiste, les élus communistes sont aussi utiles sur le plan international. J'attire parfois l'attention sur ce blog sur les interventions de tel ou tel député communiste sur la Palestine, leur vote contre la guerre en Libye etc. Il y a peu, un adjoint communiste d'un maire socialiste d'une grande ville m'a expliqué que ses camarades sont intervenus auprès du maire pour empêcher que le drapeau tibétain flotte au balcon de la mairie. Vous me direz que certains élus UMP façon Raffarin auraient été capables de cela aussi. Mais les élus PCF le font au nom d'une certaine vision de la paix dans le monde (du refus de la confrontation avec la Chine) qui les honore. Il est vrai que cet adjoint était un lecteur du blog de l'Atlas alternatif, mais j'ose espérer que d'autres élus communistes qui ne lisent pas ce blog en sont capables.

 

J'écris cela, je le répète, à partir de mon point de vue, qui ne dépend que des valeurs que je défends depuis plusieurs lustres, et sans rien devoir au PCF ni en être membre. Mon éloge du rôle des élus communiste doit maintenant être tempéré par cette question grave : leur projet de liste unique avec le PS (un PS prêt à s'allier au Modem dans certains endroits) pour sauver leur représentation dans certaines villes ne vat-il pas en faire des faire-valoir d'un parti fondamentalement rallié à la dictature du capitalisme international ? Le PC-faire-valoir du PS, comme l'aile gauche du PS (Filloche) faire-valoir de son aile droite. Voilà une question épineuse. Le PC dira "pas faire valoir mais contrepoids". Tout comme l'aile droite du PS dira qu'elle est le contrepoids de l'UMP. Où placer le curseur ? Les collaborationnistes modérés en 1940 étaient des contrepoids aux collaborationnistes extrêmes...

 

Personnellement je pense qu'il n'est pas raisonnable de vouloir jouer excessivement les contrepoids et qu'au jour d'aujourd'hui, le PCF ferait mieux de sacrifier sa représentation à Paris et Marseille (et même sacrifier certains de ses députés, puisque M. Valls manie le ciseau dans les circonscriptions) que de se lier pour longtemps à un PS aussi arrogant que lâche et stupide, et donc il devrait refuser de faire liste commune avec lui dans ces deux villes.

 

Mais je comprends qu'il s'agisse là d'un choix délicat pour lui, car son compagnon du Front de Gauche, le PG, n'est pas commode. Est-ce vrai ou non, mais on lisait récemment que le PG voulait avoir la moitié des élus du Front de Gauche au Conseil de Paris. La moitié, pour un si petit parti. Leur représentant interrogé là dessus a noyé le poisson en répliquant que de toute façon dès lors qu'il n'y avait pas d'accord politique sur la question de l'alliance avec le PS, les négociations ont pris fin et l'on ne saurait jamais ce que les négociations auraient donné. Il n'empêche que les appétits du PG sont déraisonnables. Partir avec des exigences si élevées, même en début de négociation, n'est pas normal, alors que ce parti a déjà obtenu beaucoup de cadeaux du PCF les années précédentes.

 

Mais on voit bien ce qui fait du PG un partenaires incommode et peut-être nuisible. Au delà de ses appétits excessifs en termes d'élus, il y a toute cette rhétorique mélenchonnesque qui tourne à vide. J'en ai dénoncé les excès sur l'Allemagne. Que dire encore de l'invocation de Marat par Mélenchon dans le discours ci-dessous ? Je crois qu'on ne devrait jamais se réclamer du jacobinisme de 1792 sans émettre à chaque fois aussi une réserve sur ses crimes. Il ne faut pas banaliser la violence dans l'espace politique lorsque cela n'est pas nécessaire. Veut-on la guillottine aujourd'hui ? Si nous ne la voulons pas, alors il faut nuancer tout éloge de Marat ou de Robespierre (je pourrais à ce sujet préciser ma position sur la Corée du Nord qui pose les mêmes questions, et sur laquelle un ami m'a interrogé hier, dommage que je n'en aie pas le temps ce matin, comme je pourrais la préciser sur cet hystrion de Slavoj Zizek, une autre fois peut-être).

 

Et puis il y a cet obscurantisme du PG sur l'écologie. Le PG a eu raison de se convertir à l'environnementalisme, mais il le fait aujourd'hui avec excès (en partie aux fins stratégiques de s'unir aux Verts). Un très grand flou entoure son rapport à la modernité technologique par delà ses imprécations justifiées sur certains crimes du capitalisme. Comme les Verts ce parti a vraiment besoin d'une réflexion sereine sur le modèle de société dont il rêve. Les écologistes se sont battus pour réintégrer le loup en France. Le voilà aujourd'hui à 200 km de Paris. Je ne vois pas du tout l'intérêt de cette régression (et pourrais faire le même diagnostic sur l'ours dans mes chères Pyrénées). Ce n'est pas purement anecdotique : beaucoup d'avancées dans la recherche et dans l'organisation de nos sociétés seraient purement stoppées si l'on appliquait le programme écologiste à la lettre. Je suis le premier à vanter les valeurs anciennes de la culture, du raffinement intellectuel et éthique, contre l'obsession de l'accumulation matérielle. Mais prenons garde à ne pas paralyser l'humanité dans une nouvelle forme de bureaucratisme écologique stupide qui n'aurait rien à envier à l'ineptie de l'URSS finissante (URSS qui, comme je l'ai souvent dit, n'avait pas que des défauts, mais en avait de lourds quand même). Au nom de cet esprit de surenchère et de désordre qui le caractérise en matière d'écologie comme dans d'autres domaines, le PG dans la charmante ville de Dieppe présentera un candidat contre le maire sortant communiste qui n'était pourtant pas allié au PS, allez comprendre...

 

Ainsi donc je vois le Front de gauche pris au piège à la fois du système de nos institutions, et de ses contradictions idéologiques (deux dimensions qui intéragissent entre elles), ce qui ne rend pas optimiste, et fait comprendre la volonté des Français de rêver d'une politique plus pragmatique, moins emprisonnée dans l'idéologie (à condition que le pragmatisme ne mène pas à la confusion généralisée. Tout cela est bien dommage, mais au fond ce n'était pas très surprenant (voyez certaines de mes remarques à ce sujet dans mes livres). Cela dit l'histoire n'est pas écrite une fois pour toutes, et le Front de gauche se reconstruira peut-être pour 2017 ou plus tard (puisque cela semble rapé pour les Européennes).

 

Comme l'heure que je m'accordais aujourd'hui pour le commentaire est terminée, je ne peux dire qu'un mot de M. Valls, notre ministre de l'intérieur. Les ministre de l'intérieur dans les gouvernements socialistes n'ont jamais eu le beau rôle. Voyez Jules Moch jadis. Peut-être M. Valls en fait-il trop. Mais il est vrai que la situation n'est pas simple. Le démantèlement du régime libyen de Kadhafi par M. Sarkozy a créé une faille énorme entre l'Europe et l'Afrique, administrée par des brigands parfois repeints aux couleurs d'Al Qaida (voyez le témoignage de Samuel Laurent sur les barques des ports libyens aux mains des islamistes) qui font du trafic d'immigrés comme ils en font des stupéfiants, des prostituées, des armes et de tout ce qui rapporte. Cette même politique a livré les arsenaux d'armes de Kadhafi à toutes les bandes terroristes qui sévissent de la Mauritanie au Nigéria et jusqu'en Somalie. Et nos politiques libérales détruisent l'agriculture et la pêche africaines. La répression devient la seule issue (et je désapprouve le Front de gauche qui demande qu'on assouplisse les règles d'immigration en Europe, cela ne servirait à rien). Alors bien sûr après il y a l'art et la manière de le faire. Bien sûr renvoyer dans leur pays des enfants de 16 ans cueillies dans leur sorties scolaires est pour le moins déplacé. Mais le problème est surtout qu'il faudrait que la gauche française fasse confiance à la gauche africaine pour construire des alternatives, et se batte avec elle contre le capitalisme mondialisé. Au lieu de cela on baillonne Aminata Traore...

 

L'autre grief adressé à M. Valls porte sur les Roms. Peut-être oui une population hantée par la peur du déclin (le peuple français), est-elle plus sensible au vol des plaques d'égoûts et des installations de chemins de fer qu'une population bien portante. Peut-être oui ne sont-ils que 17 000 et que beaucoup parmi eux feraient plus d'efforts d'intégration si l'on investissait de l'argent là dedans (il paraît qu'il existe une ligne de crédit pour cela totalement sousemployée au niiveau des technostructures européennes). D'un autre côté le volontarisme communiste en Roumanie et franquiste en Espagne dans les années 1960-70 - dans un contexte pourtant de croissance et de logement à bas prix - a échoué à stabiliser ceux d'entre eux qui tiennent à leur tradition nomade. Fournir un effort d'intégration il le faut, minimiser les problèmes et renoncer à la répression serait excessif et ferait le jeu de l'extrême droite (dont les médias font tant la publicité depuis de récentes élections cantonales partielles, je m'en abstriendrai donc).

 

Je ne prétends évidemment pas être très au fait de cette dernière question (reprenons à ce propos mes avertissements du début de ce billet), et j'invite mes lecteurs à contre-argumenter (sans invectives inutiles) au besoin dans la rubrique "commentaire" de ce blog. Mais il me semble qu'un devoir de réalisme s'impose.

 

Il n'est pas absurde que la soumission des peuples européens à la dictature des banques, à la délocalisation des industries (et cela frappe très durement aussi l'Europe de l'Est) crée des difficultés nouvelles dans les populations vulnérables, conduisant notamment les Roms à migrer davantage, et les opposant ainsi aux franges les plus fragilisées de la société française. Dans l'absolu la solution tiendrait dans la restauration du pouvoir des Etats (à condition de ne pas déboucher sur des bureaucraties idiotes, ce qui n'est pas gagné d'avance, la vigilance des citoyens doit y pallier), la liquidation de certaines technostructures purement affiliées aux pouvoirs financiers comme la commission européenne, la responsabilisation des dominés partout, leur mobilisation pour soutenir cette restauration étatique. Mais tant qu'on ne peut pas faire tout cela, les larmes de crocodiles versées sur le volet répressif me paraissent assez stériles...

 

 

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