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Le blog de Frédéric Delorca

"Le socialisme impérialiste dans l'Allemagne contemporaine" (1919)

20 Juillet 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

prusse.jpgEn 1919, la France épuisée par cinq années de guerre, essaie de comprendre son ennemie vaincue, l'Allemagne.

 

Dans son numéro 73 du 1e octobre 1919 (p. 811), la prestigieuse Nouvelle revue française (NRF) publie une recension sous la plume du germaniste Félix Bertaux. Elle commente le livre "Le Socialisme impérialiste dans l'Allemagne contemporaine, dossier d'une polémique avec Jean Jaurès (1912-1913)" de son maître alsacien (futur professeur au collège de France) Charles Andler, spécialiste du socialisme allemand, qui vient de paraître.

 

"Ce dossier d'une polémique avec Jaurès remet  sous les yeux du public des documents désormais historiques. On se souvient qu'en novembre 1912, Charles Andler avait publié dans l'Action nationale une étude approfondie du socialisme impérialiste dans l'Allemagne contemporaine. Il y dénonçait les tendances de l'aile droite du parti socialiste allemand. Gerhard Hildebrand, Atlanticus appuyé sur Kautsky, Max Schippel, Ludwig Quessel, Sudekum et l'Autrichien Karl Leuthner réclamaient une politique coloniale supposant l'appui socialiste donné à la diplomatie pangermaniste et au militarisme allemand. Hétérodoxie au sein de la Socialdémocratie, soit. Mais celle-ci n'avait acquis d'écrasantes majorités électorales qu'en allant au-devant des appétits germaniques. Gardant, par une imposture devenue éclatante en 1914, la façade internationale au-dedans, elle s'était faite nationale, de plus en plus étoitement. Au congrès d'Iéna, il avait échappé à Bebel : "Le mot d'ordre n'est pas de désarmer, mais d'augmenter les armements".

 

Cet esprit - faut-il dire nouveau ? - du socialisme allemand, Charles Andler nous le révéla en 1912. Sans se croire héroïque. Sans chercher le bruit.

 

Simplement il accomplissait un double devoir : devoir d'historien qui a jeté un nouveau coup de sonde dans des parages explorés par lui depuis vingt ans ; devoir de socialiste dont l'attachement à un idéal humain restera exemplaire.

 

Mais tandis qu'Andler épiait dans les livres et dans la vie l'évolution sociale, que de toute son âme et de toute sa conscience il recherchait la vérité, d'autres intellectuels du parti restaient politiciens, tacticiens purs. Ignorant les faits qui les eussent tirés d'un optimisme béat, ils e prétendaient assurés de mener un mouvement international et unifié. Rêvant généreusement de souder les églises nationales, ils repoussaient la probe information qui démentait leur rêve. Même Jaurès fut victime de l'illusion ; il voulut l'être. Mal entouré, circonvenu et trop faible un jour pour regarder les choses en face, il se laissa aller à reprocher à son ancien camarade de travailler "pour l'Europe bourgeoise et réactionnaire". Et à sa suite un "troupeau de buffles" piétina l'apôtre de la vérité, au printemps de 1913, alors que l'on discutait de la loi de trois ans (*).

 

La justification d'Andler est venue - combien vite ! - et la réparation. Jean Richard-Bloch, Charles Albert, les plus purs, les meilleurs ont compris et témoigné. Jaurès aussi fût venu à résipiscence, dit Andler dans une émouvante introduction.

 

Ainsi se clôt pour l'auteur un débat dont il sort grandi. Et les pièces qu'il rassemble éclaireront l'histoire d'hier. Elles serviront en outre d'introduction à la vie de demain. Un merveilleux remueur d'idées nous initie dans ce livre, comme dans sa collection du Pangermanisme et dans ses récents articles de l'Action nationale, aux détours d'une politique sociale restée agossante. Lui seul peut-être connaît l'ensemble des faits, lui seul les domine. Il est vraiment au dessus de la mêlée pour l'avoir traversée en y laissant un sang généreux, pour l'avoir dominée d'une intelligence souveraine. C'est sur cette intelligence qu'il faut insister : alors que la cervelle s'oblitère chez les maniaques dangereux, un homme a su allier à la ferveur de l'action la probité de l'étude, à l'enthousiasme la conscience, à la chaleur la lucidité. Seuls les esprits ainsi libres doivent nous guider dans l'élaboration d'une nouvelle civilisation intellectuelle et sociale. Avec des maîtres comme Andler, des annonciateurs comme Albert Thierry, des chercheurs comme Pierre Hamp, la France y peut apporter une assez belle inspiration"        ( *) sur le service militaire

 

Ce texte m'intéresse beaucoup, à plusieurs égards. L'idéologie européiste dans les années 1980-90 nous a conduitsà voir chez les socialistes français ralliés à l'Union nationale des cyniques opportunistes. Berteaux au contraire les considère comme des "purs" mais des purs lucides, en rappelant qu'ils ont eu le courage de ne pas s'aveugler sur l'internationalisme, c'est à dire aussi le courage de s'opposer à de logiques d'appareil qui s'aveuglaient pour présever une Internationale socialiste moribonde. Cela doit nous faire réfléchir : ceux qui condamnent le ralliement de certains socialistes français au patriotisme sont peut-etre aussi des gens qui méprisent par trop l'héritage républicain français et sousestiment le danger que fut pour l'Europe le pangermanisme.

 

En outre on retrouve dans ce texte un trait déjà rencontré dans les mémoires de Romain Rolland : l'image d'un Jaurès faible, qui contraste avec l'idéalisation du personnage dans notre mémoire collective.

 

Les considérations de Berteaux à ce moment-là sont d'autant plus importantes qu'elles ont gardé leur actualité. A l'heure où Berteaux écrit, la socialdémocratie nationaliste allemande assassine Rosa Luxembourg et magnigance pour créer un Etat "menchévik" en Géorgie contre le bolchéviks russes et contrôler de la sorte le prétrôle de Bakou, des aspects gommés de la mémoire européenne (et européiste) comme l'histoire de l'Abkhazie.

 

J'ajouterai que ces propos qu'on trouve dans la NRF ne sont nullement entâchée d'un nationalisme étroit. Ils sont introduit par un article très intéressant qui évalue les mérites des échanges intellectuels franco-allemands avant-guerre et ce les leçons qu'il faut tirer de la guerre pour redéfinir l'universalité intellectuelle française. Nous y reviendrons peut-être...

 

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