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Le blog de Frédéric Delorca

Le capitaine Bourdeille et Marguerite de Navarre

9 Février 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Renaissance - Auteurs et personnalités

J'espère que je ne lasse pas trop mes lecteurs avec mes références périodiques à ma vicomté d'origine, mais après tout on ne reproche pas à Sciascia d'être attaché à la Sicile ni à Montalban de l'être à Barcelone, alors...

 

Dans un ouvrage sur Brantôme, Maurice Daumas (p. 142) cite un conte des Dames Galantes qui évoque une histoire arrivée à son frère puîné le capitaine Bourdeille (mais peut-être inventée....

 

Le jeune Bourdeille à 18 ans fut envoyé étudier à Ferrare (en Emilie-Romagne, en Italie). Renée de France, duchesse de Chartre (fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne) qui avait épousé le duc de Ferrare y organisait une cour brillante, remplie d'intellectuels (et de protestants). Bourdeille y rencontra la jeune veuve Mademoiselle de La Roche avec qui il eût une relation physique si intense qu'il en négligea ses études et que le père de Bourdeille le fit rappeler en France. Le jeune capitaine Bourdeille conduisit Mademoiselle de La Roche à Paris auprès de Marguerite de Navarre en 1548 (celle-ci a alors 56 ans et vit l'avant dernière année de sa vie, un an après la mort de son frère François Ier). Le capitaine rend ensuite visite à son père, puis repart en Italie.

 

De retour à Pau, cinq ou six mois plus tard, en 1549, il retrouve la reine de Navarre qui lui dit au cours d'une promenade :

 

marguerite de navarre" "Mon Cousin (...) ne sentez-vous point rien mouvoir sous vous et sous vos pieds ? - Non, madame, respondit-il. - Mais songez-y bien, mon cousin", luy repliqua t'elle. Mon frere luy respondit : "Madame, j'y ay bien songé, mais je ne sens rien mouvoir : car je marche sur une pierre bien ferme. - Or, je vous advise, dit lors la Reine, sans le tenir plus en suspens, que vous estes sur la tumbe et le corps de la pauvre Madamoiselle de La Roche, qui est icy dessous enterrée, que vous avez tant aymée. Puis que les ames ont du sentiment après nostre mort, ne faut douter que cette honneste creature, morte de frais, ne se soit esmeuë aussi tost que vous avez esté sur elle. Et si vous ne l'avez senty à cause de l'espaisseur de la tumbe, ne faut douter qu'en soy ne soit plus esmeuë et ressentie" (Dames galantes, Gallimard Pléiade 1980 p. 594)

 

Daumas précise qu'il n'y a rien de romantique dans cette évocation de l'amour qui va au delà de la mort puisque Brantôme met en parallèle l'anecdote avec l'épitaphe d'une courtisane enterrée à Santa-Maria-del-Popolo à Rome qui prie le passant de ne pas la fouler et "treper" (presser sous soi) morte, l'ayant été suffisamment au cours de sa vie. En conclusion Brantôme souligne que la Marguerite des Marguerites avait plutôt voulu faire un trait d'esprit qu'exprimer sa croyance en une PAU.jpgréelle empathie physique après la mort.

 

J'aime en tout cas assez cette anecdote qui évoque le triangle entre la cour des Valois au Louvre, le château de Pau et l'Italie, qui était l'univers mental de Marguerite de Navarre et d'une bonne partie des intellectuels qui évoluaient dans sa mouvance à l'époque.

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