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Le blog de Frédéric Delorca

Le léninisme de Périclès, Bernadotte, la Corée du Nord, Piccinin et les hommes de terrain

17 Décembre 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

Je suis enclin à la méditation ce soir. Et je médite avec une économie de moyens : pas besoin de mille livres. J'aime à méditer sur les grandes expériences de l'histoire à partir des grands auteurs. J'ai Plutarque et Chateaubriand en éternels livres de chevet, je "colle" à eux, pas besoin de perdre mon temps avec des écrivaillons mineurs ou des profs de notre époque.

 

pericles.jpgArte nous assomme avec un documentaire sans intérêt sur les techniques de restauration du Parthénon. Je me souviens vaguement des pages de Plutarque sur la décision politique de construire les temples de l'Acropole avec l'argent volé aux alliés grecs. Je me replonge dans ce chapitre. Je ne suis pas déçu. Je redécouvre un Périclès en "monarque démocrate" digne de Lénine ou de Fidel Castro. Il assume la révolution égalitariste, mais comme dit Plutarque il lui donne un tour royal. Et cette construction du Parthénon, de l'Odéon et des autres monuments fait partie du génie politique de son entreprise : avec ces projets il donne non seulement à la Cité les moyens spirituels de se projeter dans un idéal de beauté éternelle, mais en plus il lui donne les moyens matériels d'une survie : car c'est une cohorte de petits artisans et d'ouvriers de ces artisans (et le mot cohorte est choisi à dessein car c'est une organisation militaire qui se met en place) qui vont être payés sur fonds publics ("comme les marins" note Plutarque) pendant trente ans et seront ainsi de fidèles adorateurs du parti démocratique de Périclès contre le parti des aristocrates. Ils ont l'argent, et en même temps les moyens d'exercer un art, de communier au Beau éternel. On ne pouvait imaginer mieux pour rendre une Cité heureuse.

 

Napoléon, lui, faisait communier ses grognards (le petit peuple aussi comme Périclès) à autre chose, la conquête. Chateaubriand sur la période de 1812-1813 n'hésite pas à comparer Napoléon (son idole/repoussoir favori), flanqué de toutes sortes de princes-clients de la confédération rhénane à Attila et ses princes obligés. Génie des relations internationales Chateaubriand détaille les divers plans de Bonaparte pour diviser la Russie en alliance avec les Turcs, diviser la Turquie en alliance avec les Russes etc. Cette époque fiche le tournis comme elle le donna à ses contemporains. Et enfin je tombe sur ces six paragraphes, compacts (p. 456), qui expliquent pourquoi le Suède de Bernadotte, tout comme Constantinople, au final n'a pas voulu attaquer la Russie (ce qui aurait permis à Napoléon de gagner son pari de conquérir toute l'Eurasie).

 

PAU.jpgBernadotte... Je connais vaguement un journaliste béarnais, Jean-François Bège, qui s'est passionné pour ce général né à Pau (je suis repassé en octobre devant la maison de Bernadotte, le drapeau de la Suède ne flotte plus dessus, c'est dommage), et passe son temps a chanter sur Facebook son éloge (sous les applaudissement d'un prince de la famille royale à Stockholm - le veinard, moi la famille du sultan de Sulu ne m'applaudit pas ! rions un peu) tout en flétrissant Napoléon.

 

Les gens intelligents aiment les vies parallèles. Bourdieu mettait en parallèle Marx et Bakhounine, Voltaire faisait de même avec Descartes et Newton (voir mon billet récent), Plutarque fait ça dans toute son oeuvre. Chateaubriand en trois mots, dans le tourbillon d'idées habituel qui caractérise son fonctionnement mental, met en parallèle le général Bernadotte et le général Moreau. Tous deux humiliés par Bonaparte, l'un exilé à Stockholm, l'autre aux Etats-Unis, et l'un et l'autre ayant contribué finalement à la chute du despote (chute si magnifiquement décrite ensuite par Chateaubriand, avec tous les détails sur la trahison du Sénat, l'occupation de Paris, la traversée humiliante d'une France dégoutée par le bonapartisme - avant de se réconcilier plusieurs fois avec lui dans les décennies qui suivirent). Ah mes amis il y aurait tant à dire sur tout cela et j'ai si peu de temps ! Cela me donne envie de mieux connaître mon compatriote béarnais Bernadotte qui n'a pas l'air d'avoir été la moitié d'un imbécile : je suis enclin à apprécier les gens que Chateaubriand estime, j'ai confiance en son jugement sur les hommes, même si je désapprouve son orientation politique (ah au fait j'ai oublié de vous parler de la sortie de Mélenchon contre la petite vérole attribuée à Robespierre - moi aussi je doutais que Robespierre pût avoir cette maladie, mais je n'ai pas le temps de développer, refermons la parenthèse). Donc, oui, disais-je, connaître mieux Bernadotte, et Moreau, mais pas à travers les historiens de notre siècle si possible, ni à travers les académismes des XIXe et XXe siècles...

 

Encore une phrase de Chateaubriand qui me frappe : "ce serait de la politique sur une vaste échelle, si le monde n'était aujourd'hui rapetissé au moral comme au physique par la communication des idées et des chemins de fer". Cela fait penser à notre "globalisation" vous ne trouvez pas ? Oui notre monde est rapetissé "au moral comme au physique". Il suffit de revoir les reportages débiles d'Arte sur les blocs du Parthénon pour s'en convaincre.

 

kim-jong-ilAlors chers amis lecteurs, de quoi parlerons nous encore ? Du "neveu flingueur" à Pyongyang qui tue son "cardinal de Richelieu" d'oncle (comme l'écrivit un journaliste américain ou asiatique je ne me souviens plus, hier) ? La veuve au comité de funérailles, le cousin qui faisait Sciences Po au Havre dans une fuite mystérieuse. C'est beau et romanesque comme les intrigues de Topkapi à la belle époque de l'Empire ottoman, vous ne trouvez pas ? Plus beau que les intrigues des Américains pour faire éclater le Congo (RDC) ou pour faire monter les néo-nazis en Ukraine, je trouve...

 

Et moi au milieu de tout cela je reçois le livre du belge Piccinin sur la Tunisie. Il m'a proposé d'en faire une recension pour Parutions.com, je la ferai. J'aime les grands intellectuels, et les hommes de terrain, rien entre les deux. Les petits écrivaillons égotistes, les chefs de factions et de groupuscules stupides m'indiffèrent. Mais puisque de grands philosophes et grands écrivains on ne trouve guère sur notre planète en ce moment, je lis les hommes qui mouillent leur chemise, exposent leur poitrine aux balles et leur cerveau à la connaissance directe du monde tel qu'il est : les Piccinin, les Labévière, les Samuel Laurent. Je veux les lire, les entendre, parler de leur boulot, même quand je ne suis pas d'accord avec eux. Pas les petits cons enfermés entre quatre murs devant leur ordinateur.

 

En parlant de vie parallèles, je pourrais vous initier au jeu des déclarations parallèles entre celle de Delapierre (du PG) et celle de Chassaigne (du PCF) sur l'intervention française en Centrafrique. L'une qui approuve, l'autre qui condamne. Vous comprendriez que l'héritage trotskard (du PG) vaut moins que l'héritage stalinien (du PCF), mais la démonstration serait un peu trop longue à faire et il est bien tard. Dommage...

 

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E
<br /> pas enfermés, il y a des portes<br />
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F
<br /> <br /> Ah ouaih ? cite moi un journaliste des grands médias enfermé devant son ordinateur qui aurait trouvé la porte. "Le réel ne passe pas" comme disait l'autre<br /> <br /> <br /> <br />