Mal-être bourgeois
26 Octobre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le quotidien
Ayant quitté Brosseville, je retrouve des milieux que je n’aime pas beaucoup, milieux de juristes, de magistrats, de fonctionnaires où le surmoi écrase tout le monde. En septembre j’entends une documentaliste qui dit à un magistrat « si vous voulez, je peux faire des recherches documentaires pour vous », le magistrat « ah non, c’est mon travail, je ne veux pas que vous perdiez de l’énergie avec ça, je le ferai ». Puis au réfectoire, la cantinière à 13 h 15 sert des gens à table parce qu’il n’y a pas beaucoup de monde. Quand elle s’approche de la table d’une magistrate, celle-ci lui lance « Pourquoi vous faites ça ? Pourquoi vous venez me servir à table ? Est-ce que ça fait partie de vos attributions ? Je peux venir chercher mon assiette à la cuisine vous savez, ça me fera faire de l’exercice » (la femme est maigre comme un clou et n’a pas spécialement besoin d’exercice of course).
Je croise cette attitude des juristes de tout poil à l’égard des subordonnés en permanence. L’éternel « ne vous embêtez pas, c’est à moi de le faire, c’est moi qui dois souffrir etc ». J’en avais déjà parlé sur ce blog il y a cinq ans. Peut-être est-ce leur façon d’intégrer une culpabilité qui pèse sur l’Etat en général, ou sur la moyenne bourgeoisie je ne sais pas.
Je trouve cela horripilant. Leur mal-être, leurs manières modestes, leur façon de se disculper en permanence des injustices du monde par ce refus apparent des hiérarchie, qui est aussi une façon pour eux de ne rien devoir à la classe inférieure, et de n’avoir en fait pas d’échange avec elle (puisque 80 % de l’échange possible passe par la prestation de service - précisons dans l'anecdote ci-dessus que la cantinière a répondu "mais çe me fait plaisir de vous servir à table", l'idée qu'on puisse se faire plaisir et se réaliser comme être social, utile au monde, dans ce genre de prestation est évidemment étrangère à la moyenne bourgeoisie). Ca va avec leur incapacité d’aller voir concrètement ce qu’il se passe hors de leur bocal habituel, leur refus de savoir ce qu’il se passe à Bani Walid etc. Peut-être tous ces gens rêvent-ils d'être entourés de robots, auxquels, comme à leurs ordinateurs, ils n'auront surtout pas à dire "merci".
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