Mali

Les anti-impérialistes dogmatiques vont se réjouir (en fait ils s'en réjouiraient s'ils ne nourrissaient pas pour la plupart une haine épidermique à l'égard du personnage) des réticences de forme et de fond de M. Mélenchon à l'égard de l'intervention militaire française au Mali.

Cependant pour ma part je ne vois pas du tout comment on peut s'opposer à cette intervention, qui vient seulement corriger les erreurs commises lors d'une autre intervention, qui, elle, n'aurait jamais dû avoir lieu, celle que nous avons faite en Libye, laquelle est à l'origine directe de la dictature des Frères musulmans et des salafistes au nord du Mali.

Bien sûr, comme l'a reconnu lui même le général Carter Ham, commandant de l'Africom, l'option militaire est mauvaise, et d'ailleurs l'équipe remaniée d'Obama n'est pas réellement de nature à l'encourager bien qu'elle ait consenti à apporter un soutien à la France en tant que de besoin. On sait que cette intervention nous conduit à soutenir une junte militaire assez antipathique à Bamako, et que l'on risque de s'engluer dans un spirale de guerre dont nous ne connaissons ni le terme, ni les effets secondaires dans le Sahel (à l'encontre du Niger, de la Mauritanie, de l'Algérie même qui, lors de la visite de Hollande avait convaincu ce dernier de miser sur la bonne volonté d'Ansar Dine, dont on a vu sur le long terme ce qu'elle valait). Mais quiconque connaît le Mali sait que la tyrannie d'Ansar Dine ou des factions salafistes était la dernière chose dont ce pays avait besoin. Or l'offensive sur le centre du pays annonçait ce désastre. Il est douteux que les troupes de l'Union africaine ou de la CEDEAO eussent été d'envergure à s'y opposer quand on connaît les dissensions qui travaillent ces pays depuis six mois sur le dossier malien. Invoquer la priorité de l'opération militaire africaine comme le fait Mélenchon me paraît aussi irresponsable que son soutien naguère à la zone d'exclusion aérienne en Libye, ou aux couloirs humanitaires en Syrie. Du pur pharisianisme. Ainsi cet homme politique que j'apprécie par ailleurs est toujours décalé en matière de politique étrangère, interventioniste quand il ne faut pas l'être, anti-ingérence quand l'ingérence devient le moyen inévitable de réparer (un peu) les erreurs du passé récent.

L'ingérence française (et européenne, car d'autres pays suivent semble-t-il) est mauvaise, sans doute, mais, comme la démocratie selon Churchill, c'est la pire des options à l'exclusion de toutes les autres, autrement dit, en réalité, la moins mauvaise.

Comments

[Le diderotien]

Merci pour tes précisions.

[Le diderotien]

C'est-à-dire : tu le qualifierais comment ce genre de fonctionnement ? corrompu ? autoriatire ? anarchique ?

[Frédéric Delorca]

Médiocre et corrompu, mais qu'attendre d'autre d'un pays où les gens n'ont rien ? Sans doute pas de la corruption à l'échelle de grandes puissances pétrolières (il y en a en Afrique aussi). De la
corruption à la petite semaine. On se gargarise des mots "anti colonialisme", "démocratie" etc sans en appliquer l'esprit puisqu'on détourne des biens publics à la petite semaine et l'on
s'accommodait de systèmes de coopération nord-sud générateurs de multiples injustices. Et cependant ces mots servaient quand même. Grâce à ces mots on refusait de céder à Nicolas Sarkozy et
Kouchner sur la renégociation du traité bilatéral franco-malien. Grâce à ces mots on essayait d'organiser des élections même si ça coûtait cher. Verre à moitié vide, à moitié plein ? Ce n'était pas
Sankara (je ne parle même pas de Chavez qui lui avait la chance d'avoir le pétrole). Mais d'un autre côté Sankara n'avait pas que des aspects positifs non plus. Il n'y a pas de remède simple à des
siècles de déclin puis d'exploitation coloniale. Je comprends en tout cas que les Maliens ne se soient pas battus pour conserver ce système démocratique très artificiel... C'est un peu comme si tu
demandais au SDF d'aller soutenir un maire Front de Gauche un peu minable (ils ne le sont pas tous) de sa commune qui, lui aussi, souvent, cultiverait son petit clientélisme et sa gestion de la
pauvreté au quotidien sans grande ambition politique.

[Le diderotien]

Bonjour, Serait-il possible que tu nous en dises un peu plus sur ce "personnel politique" ? Est-ce à dire que dans ta Mairie tu étais en lien avec des représentants politiques maliens ? Ou ai-je
mal compris et tu faisais référence à un type de "personnel politique" universel ?

[Frédéric Delorca]

Bonjour, J'ai rencontré à deux reprises un conseiller politique de la présidence de la République qui était un inspirateur majeur de la politique malienne de l'époque, j'ai bien connu la
structure qu'il dirigeait parallèlement à ses fonctions politiques. Comme il se trouvait au plus haut niveau du gouvernement malien, j'en tire des conclusions sur le fonctionnement général de ce
régime que je ne me permettrais pas de tirer si, par exemple, je n'avais eu affaire qu'à une administration locale.

[nationalistejacobin]

Bonsoir,


 


Je vous présente mes meilleurs voeux pour cette année 2013.


 


Je souscris totalement à ce que vous dites, sur la Libye, comme sur le Mali. Je serai juste un peu plus indulgent avec "la junte militaire assez antipathique de Bamako". Si je me souviens bien,
les militaires qui ont renversé l'ancien président ont agi car ils étaient excédés des revers subis face aux rebelles touaregs renforcés d'islamistes. Ce n'était sans doute pas une sage décision,
mais c'est d'une certaine manière une des conséquences de nos intrigues libyennes... 

[Frédéric Delorca]

Bonsoir, merci pour ce commentaire. Vous avez raison, cette junte n'est peut être pas si mauvaise que ça, d'autant que le régime démocratique qui l'a précédée laisse un bilan finalement très
médiocre (je l'ai un peu pratiqué dans le cadre de mes fonctions en mairie et je vois un peu quel genre de personnel politique en était la cheville ouvrière). Mais il ne faut quand même pas se
résigner à laisser les peuples sous des férules militaires. Très bonne année à vous aussi !