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Le blog de Frédéric Delorca

Mali : légitimité de l'intervention à court terme, pas à long terme

18 Janvier 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

L'an dernier je me suis fermement opposé à l'intervention militaire française en Libye, tout comme, auparavant, en république fédérale de Yougoslavie et en Côte d'Ivoire, et à l'action américaine en Irak.

 

J'ai en revanche été plus prudent sur les interventions militaires ponctuelles de la France dans le cadre d'accord de défense comme au Centrafrique, même si évidemment je condamne par principe la Françafrique et l'idée que la France puisse être un gendarme dans ses anciennes colonies. Lorsqu'un gouvernement africain à peu près légitime juge que seule la France peut l'aider à mettre un terme à un épisode d'anarchie, on peut regretter que d'autres solutions ne se présentent pas, mais on ne peut condamner l'idée que la France prête main forte.

 

gaz.jpgEn ce qui concerne le Mali, notons quelques points à titre préalable

1) L'intervention procède d'une demande du gouvernement légal. A la différence des ingérence en RF de Yougoslavie, en Irak, en Libye, en Côte d'Ivoire

2) A ce titre une résolution de l'ONU n'est pas requise

3) Il existe une résolution 2085 "autorisant le déploiement d’une force africaine au Mali pour permettre au pays de recouvrer son intégrité territoriale par la reconquête du Nord".

 

La pression des faits (l'attaque inattendue d'Ansar Dine sur Konna) n'a pas permis d'attendre le déploiement de la force africaine qui serait devenu sans objets si le Sud Mali avait été conquis (ce qui se serait passé en quelques jours, l'armée malienne n'ayant plus de munitions). Et il est apparu que la France était la seule, dans l'urgence à pouvoir sauver la situation.

 

Elle a présenté son action comme un moyen de préparer le déploiement de la force africaine. On est là à la limite de la résolution 2085, mais encore dans le cadre de la légalité internationale dans la mesure où c'est le gouvernement légal malien qui le demandent.

 

Les anti-impérialistes hostiles à cette intervention, s'ils veulent la disqualifier doivent

- montrer que le gouvernement malien a été installé par les Occidentaux pour préparer l'ingérence. Certains médias anglosaxons y compris Le Guardian ces derniers temps le disent, mais les preuves font défait (on a juste le fait que certains militaires de la junte malienne ont été formés aux USA)

- montrer que l'action d'Ansar Dine a été motivée par les services secrets occidentaux pour fournir un prétexte à l'action française, mais personne ne se hasarde à le dire, et les anti-impérialistes font simplement l'impasse sur l'invasion du Sud par Ansar Dine)

- montrer que la force africaine pouvait agir mieux que la France, or depuis six moisla CEDEAO comme l'UA n'étaient arrivées à rien sur ce plan.

 

Accessoirement il faudrait aussi démontrer que l'existence d'un Mali gouverné par Ansar Dine n'aurait pas déstabilisé tous les pays à l'entour (raison pour laquelle l'Algérie a fini par soutenir l'action française).

 

Sur le court terme donc, les arguments contre l'intervention française font défaut.

 

Cela dit cela ne signifie pas qu'il faille donner un chèque en blanc à la France sur le long terme. Comme en Libye,la question des objectifs de guerre se pose. Il y a une légitimité à éradiquer Ansar Dine dont notre ingérence en Libye a développé la puissance. D'une certaine façon nous "corrigeons" l'erreur libyenne de Sarkozy (mais nous ne la corrigeons pas en Libye où le règne des milices perdure). Mais nous ne pouvons pas tirer prétexte de cette action pour nous engluer dans une lutte indéfinie contre les factions islamistes disséminées dans le désert de la Mauritanie au Niger.

 

De mon point de vue, dès que le Sud-Mali sera sécurisé (avec une force africaine déployée le long de la ligne de cesse-le-feu qui était en vigueur depuis six mois, avec, à la rigueur, Gao et Tombouctou libérées (ce qui laisse au gouvernement légal du Mali une profondeur stratégique suffisante pour sa sécurité), l'armée française devra immédiatement se retirer, même s'il reste des poches de résistance d'Ansar Dine au Nord, et le rôle de la France devra se borner à fournir une aide économique et encourager à la fois le dialogue avec les Touaregs et l'effort de démocratisation au Sud Mali.

NB : un élément de contexte important - la Russie offre son aide militaire à la France au Mali, ce qui montre qu'on n'est plus dans la logique atlantiste des interventions précédentes

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