Mélenchon et la Yougoslavie, Chevènement sur le Mali et l'Algérie
21 Janvier 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme
Vous le savez, je ne suis inféodé à personne. J'ai soutenu la campagne de Mélenchon en 2012 parce sa dynamique me paraissait porteuse de changements institutionnels importants (par le réactions en chaîne qu'elle pouvait provoquer en cas de succès, au moins jusqu'au discours de Marseille, moment où l'élan s'est essoufflé), ce qui ne m'a pas empêché de critiquer le vote par l'intéressé de la zone d'exclusion aérienne en Libye. Aujourd'hui le co-président du gauche montre encore ses insuffisances en politique étrangère avec le paragraphe suivant sur son blog :
"La première fois j’en fus tout culbuté. Penser de façon autonome exigea un énorme effort de contrôle de soi et une obsession de la documentation qui confinait au bachotage. Ce fut pour la première guerre d’Iraq. Je m’y opposais. J’avais du cran. D’abord parce que le président Mitterrand en était. Ensuite parce que les bienfaits attendus de la guerre était très évidents. Non seulement l’odieux Saddam Hussein allait devoir évacuer le pauvre petit Koweït mais en plus les monarchies du golfe, à commencer par celle du Koweït, allaient ensuite se tourner vers la démocratie et le respect du droits des femmes en particulier. Mais j’y ai pris le goût de penser tout seul et de tenir tête de tous côtés. Ce fut bien utile quand je me suis ensuite opposé à la guerre en Somalie contre « l’ennemi public numéro un » des Etats unis et de l’occident, le général Aïdid, épisode et ennemi dont malheureusement personne ne se souvient. Là encore il fallait de l’audace car il s’agissait de sauver les somaliens de la famine, rétablir l’état et la démocratie. Puis ce fut guerre d’Afghanistan contre le mollah Omar et les odieux talibans de ce temps-là. Mon incroyable refus à cette occasion montre bien que je suis « toujours contre tout », même le meilleur, puisqu’il s’agissait quand même de sauver la démocratie, de rétablir les droits des femmes et je ne sais plus quoi d’autre encore très bon et très juste. Du coup à la deuxième guerre d’Iraq je fus tout surpris de voir que je n’aurais pas à résister tout seul contre le rétablissement de la démocratie, de la paix civile et contre les armes de destruction massive alors que chacune de ces raisons avait paru suffisante, la fois d’avant, pour me faire peindre en munichois avec du goudron et des plumes. Au moment de la guerre de Libye, j’eus droit au goudron et aux plumes de nouveau, mais des deux côtés de la dispute. Après avoir voté au parlement européen un vœu comportant mention d’une zone d’exclusion de l’espace aérien sur décision de l’ONU, je me vis peint en suppôt de l’impérialisme. Mais je fus vite repeint, moins d’une semaine plus tard par le point de vue adverse, en grossier anti-américain et munichois viscéral pour avoir condamné l’entrée en guerre, les bombardements et l’arrivée de l’Otan."
Un détail ne vous aura pas échappé : l'attaque des avions français contre la République fédérale de Yougoslavie est absente de ce paragraphe. Trois mois de bombardement pourtant, la première grande opération de l'OTAN (si j'exclus le bombardement de Pale en 1995) hors de ses frontières, et sans mandat de l'ONU. Mélenchon l'a-t-il oublié ou fait-il l'impasse dessus parce qu'il était au gouvernement à ce moment-là ? Si c'est la seconde hypothèse, c'est franchement malhonnête de sa part. J'ai glissé un commentaire sur son blog qui sera soit noyé dans la masse, soit effacé par les modérateurs. Car je n'ai jamais été en odeur de sainteté au Front de gauche, bien qu'ayant été conseiller d'un de leurs maires en banlieue parisienne. Aucun de leurs responsables n'a pris la peine de réagir à mon programme de politique étrangère rédigé pour eux pendant la campagne électorale, encore moins de faire de la pub pour l'Atlas alternatif, pourtant publié au Temps des Cerises (seule l'Huma dimanche en parla un peu, Clémentoche Autain de Regards préféra le mettre à la poubelle).
En 1999, Chevènement aussi était au gouvernement, mais il eût le bon goût de glisser un petit mot en conseil des ministres contre l'intervention, et de se rendre à la soirée de Régis Debray pour la publication de l'Emprise. J'y ai aussi croisé le très louvoyant Védrine, mais hélas pas Jean-Luc Mélenchon (dont les partisans, le groupe "Gauche socialiste" à l'époque, s'étaient contentés de donner quelques clins d'oeil au anti-guerre dans le quartier latin). Chevènement a toujours été meilleur que Mélenchon en politique étrangère, et plus ouvert au débat avec les gens sérieux (au sein de sa fondation Res-publica par exemple). Il est dommage qu'il n'ait pas plus d'influence sur notre politique étrangère actuelle, et vaut bien mieux qu'un Laurent Fabius. Ses prises de positions sont souvent contestables (par exemple son approche "constructive" de la guerre en Libye l'an dernier), mais jamais dépourvue de profondeur : dans le cas libyen par exemple, il essayait d'adapter la non-ingérence à la nouvelle définition du "devoir de protection" votée par l'AG de l'ONU en 2005. Aujourd'hui Chevènement prône l'alliance stratégique avec l'Algérie. Un choix intéressant, important, mais difficile. Dans mes fonctions municipales en 2011 je gérais la coopération avec le Mali et avec l'Algérie, autant vous dire que ce sont des sujets auxquels je ne cesse pas de réfléchir. sur le Mali Chevènement a eu le mérite de soutenir tout de suite l'intervention, tout en appelant à la démocratisation du Mali. Il aurait pu ajouter que l'intervention doit être la plus brève possible (de ce point de vue, l'idée de rester au Mali jusqu'à la reconquête totale me paraît erronnée, mais on aura sans doute l'occasion d'y revenir).
Sur le plan philosophique je suis sans doute plus "anarchiste" (et donc souvent plus proche des Verts par exemple) que ces deux personnalités qui ont des côtés assez réacs et inadaptés aux attentes de la société, mais en politique étrangère (même Chomsky l'a reconnu) on ne peut pas ignorer l'existence des puissances militaires et des puissances de l'argent contre lesquelles ou au milieu desquelles il faut savoir construire des stratégies étatiques solides. Et, pour développer une pensée d'Etat, et non pas seulement s'en tenir à des bonnes intentions libertaire (ce qui n'empêche pas qu'il faille aussi, comme le souligne souvent Bertrand Badie, qu'il faille aussi intégrer le potentiel de changement que portent certains mouvements sociaux lorsqu'ils sont d'une ampleur numérique assez vaste, mouvements qui peuvent échapper aux logiques étatiques). Dans ce domaine Chevènement garde ma préférence.
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