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Le blog de Frédéric Delorca

Réformer les moeurs

30 Décembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les rapports hommes-femmes

Pour moi, l'équation est très simple : un bon citoyen doit être un bon philosophe, et un bon philosophe doit être un réformateur des moeurs.

 

Citoyenneté et philosophie, tout le monde comprend ces premiers termes de l'équation depuis la Troisième république : on ne peut s'engager sans une réflexion sur le bien commun, la condition des individus et des groupes, la vie, la mort,le savoir adéquat etc. On ne peut pas, comme certains le croient, se contenter de critiquer le système, les institutions, dénoncer les mensonges, sans expliciter les valeurs que l'on défend et l'ordre social que l'on souhaiterait voir substituer à l'ordre actuel. Or toute cette explicitation requiert nécessairement un travail d'élucidation proprement philosophique sur le sens des choses.

 

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Les autres termes sont moins évidents car le libéralisme nous apprend à ne pas vouloir orienter les moeurs de l'humanité, à plutôt "laisser-faire", et laisser chacun à ses pires penchants, même les plus destructeurs, quitte à mobiliser une armée de thérapeutes en aval, armée de thérapeutes dont le présupposé premier et qu'il faut "adapter" l'individu au fonctionnement de la société. Un "laisser-faire" très hypocrite qui en vérité laisse la place à des conditionnement de masse très dangereux par le consumérisme ambiant.

 

J'entendais cet après-midi sur une chaîne publique des débatteurs disserter sur la tristesse des Français, le fait que les gens ne rient pas assez, qu'il leur faut des massages pour se porter mieux etc. Il point sous ces discussions des nostalgies pour le temps de nos grands parents où l'on vivait davantage en plein air, où l'on savait moins de chose, où l'on était moins perfectionniste, où l'on culpabilisait moins, et où on rigolait d'un rien après avoir bu un bon verre de rouge qui tache.

 

Ces discussions petites bourgeoises passéistes et frileuses ne font qu'entretenir le pessimisme des gens et leur morosité.

 

Le tropisme petit-bourgeois et conformiste est extrêmement fort quel que soit le sujet qu'on aborde. Prenez les religions par exemple. On veut qu'elles se renient. On veut les "adapter" au système social actuel, tout comme les individus : il faut absolument que le pape reconnaisse la nécessité du préservatif (quelle rigolade...), la légitimité du mariage gay, et la nocivité pour la santé de l'abstinence (une nocivité pourtant complètement non démontrée et qui n'existe souvent qu'à cause de la condamnation sociale dont l'abstinence fait l'objet). Le codicile est qu'il faut aligner le christianisme sur le système petit bourgeois consumériste. Il n'y aura pas de grand éditeur pour ouvrir son catalogue, ni de chaîne de TV pour ouvrir ses ondes à un auteur qui prônerait au contraire un christianisme plus radicalement chaste comme celui des encratites par exemple, ou à l'opposé un christianisme collectiviste qui prônerait un communisme sexuel adamite, voire un christianisme qui prônerait la fabrication de robots anthropomorphes et accepterait l'accouplement avec ceux-ci. Or ouvrir les ondes et les bibliothèques à ces tendances-là serait du plus grand intérêt pour la réflexion sur ce que peut être l'humain et sur ce qu'une religion peut prôner tout en étant fidèle à ses principes initiaux (or mon intuition est que les corpus religieux du fait de leurs contradictions internes sont beaucoup plus souples qu'il n'y paraît et ouverts aux interprétations les plus audacieuses).

 

Voyez l'Islam aussi. On veut depuis plusieurs décennies pousser cette religion à abandonner la polygamie, qui, dans sa version traditionnelle, semble avoir consititué effectivement un carcan pour tout le monde (hommes, femmes, enfants) si j'en crois certains témoignages africains notamment. Pourquoi ne donnerait-on pas la parole à des auteurs favorables au contraire au maintien de la polygamie et à son évolution ? Au nom de la souveraineté de la femme, dit-on, de sa liberté, de ses droits. Mais d'où sort-on que la polygamie est nécessairement contraignante pour les femmes ? Les concubines du "musulman polygame de Nantes" (lesquelles étaient, je crois, au moins pour partie des chrétiennes ou athées converties) qui a défrayé la chronique cette année n'avait pas l'air de l'entendre de cette oreille. Pourquoi ne pas imaginer une polygamie "libre" éventuellement tolérante aussi à l'égard de l'adultère féminine ?

 

Le débat dans les sphères religieuses artificiellement structuré autour d'une cassure entre soi-disant "conservateurs" (traditionalistes) et "modernistes" (c'est-à-dire petits bourgeois soumis au consumérisme ambiant) est triste et pusillanime. Il l'est aussi hors du champ religieux, dans la sphère laïque où pourtant aucun principe théologique ne retient la pensée.

 

Quand on pose la question de la tristesse des Français, de leurs inquiétudes, personne dans les grands médias ne soulève en arrière-plan l'interrogation sur une réforme radicale des rapports intersubjectifs, des structures familiales, du cadre professionnel etc.

 

C'est sur ce terrain là que je voudrais placer mon prochain livre, et peut-être une bonne partie des billets de mon blog l'an prochain si ce blog existe encore...

Actualisation 2019 : Je désavoue complètement le contenu de cet article.

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J
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je crains que cette définition ne soit que le reflet de la condition humaine dans son incapacité à vivre sereinement sa relation à l'autre et je ne vois que les moines et les ermites<br /> pour y échapper. On ne peut se contenter de ce genre de classification pour prétendre ensuite apporter une explication puis une justification à tel ou tel courant politique. Notre relation à<br /> l'autre est à la fois du domaine de la nature et de la culture, elle est complexe et prétendre à travers de tels schémas aboutir une notion de bien et de ma paraît voué à l'échec. N'est ce pas le<br /> fondement de l'échec des idéologies? Prétendre réformer la société sur la bases de concepts incapables de rendre compte de la réalité dans sa totalité, vouloir faire rentrer l'homme dans ces<br /> concepts comme dans un moule plus ou moins bien taillé?<br /> <br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Je comprends votre conservatisme, mais pour ma part j'essaie de dépasser le conservatisme dans tous les domaines. Comme vous dites il y a de l'acquis culturel et de l'inné naturel, l'inné naturel<br /> comprend une base commune à l'espèce qui autorise qu'on produise un énoncé universel à son sujet. Universel ne veut pas dire abstrait ou simpliste, il s'agit évidemment de respecter la complexité<br /> sociale et les caractéristiques de chacun, sans rien imposer... mais de là à renoncer à orienter. En tout cas on voit bien qu'on ne peut pas améliorer la condition humaine sans travailler sur son<br /> insociable sociabilité, donc son rapport à l'autre (que j'écris sans majuscule pour ma part). Pas besoin d'avoir des concepts très précis là dessus (impossibles en sciences sociales). La bonne<br /> question est celle de la base sociale pour faire ça. A mon avis il faut surtout chercher à changer la petite bourgeoisie (classe culturellement hégémonique) plutôt que de chercher à la remplacer<br /> par une autre classe.<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Il y a des expressions tant utilisées qu'elles finissent par ne plus avoir de sens à force d'en avoir trop. Je ne connais qu'une définition du mot bourgeois, celle d'Hanna Arendt que je puisse<br /> valider par plus d'un demi siècle de d'expérience de la vie. Le sens de l'expression petit bourgeois  tel qu'employé ici m'échappe complètement.<br /> <br /> <br /> Hanna Arendt avait défini le bourgeois comme un individu qui fonde le sens de la vie sur l'accumulation de richesses. Suivant cette définition si l'origine du mal réside dans notre désir<br /> insatiable  de possession et de domination, le grand bourgeois est un mal suprême. Le petit-bourgeois, puisque sommes toutes l'humanité est constituée à quasi 100% de gens cherchant à<br /> accroître leur patrimoine, en achetant un logement ou quelques biens, le  petit-bourgeois donc reste un moindre mal.<br /> <br /> <br /> J'aimerais connaître le sens que recouvre aujourd'hui pour vous cette expression, petit-bourgeois qui fut tant et tant de fois utilisée pour simplement pouvoir  jeter l’anathème.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Bonjour, Bonne question. Sous réserve de réflexion supplémentaire j'ai toujours utilisé jusqu'ici le terme dans le sens ou Roland Barthes et Pierre Bourdieu l'entendaient : la partie inférieure<br /> dominée (et majoritaire) de la bourgeoisie (notion qui chez Bourdieu inclut aussi bien la fonction publique - bourgeoisie d'Etat- que le secteur privé - bourgeoisie commerciale). Petits et moyens<br /> fonctionnaires, enseignants, commerçants, une grande partie des employés des services.<br /> <br /> <br /> Bien sûr le terme n'est pas très précis. Mais j'ai aussi retenu de Bourdieu qu'en sociologie des termes assez peu précis peuvent être néanmoins suggestifs pour évoquer une certaine réalité. Quand<br /> on fait des recherches en sociologie on se rend vite compte que des notions même les plus claires en apparences sont en fait très problématiques (qu'est-ce qu'un homosexuel, un juriste, un<br /> immigré etc ?)<br /> <br /> <br /> J'adhère à l'idée de Barthes selon laquelle c'est ce groupe social, la petite bourgeoisie, qui, sous le nom de "classe moyenne" fonde la culture du 20ème siècle et tend à absorber en elle la<br /> classe ouvrière accédant à la propriété et la grande bourgeoisie en voie de déclassement.<br /> <br /> <br /> "Le petit-bourgeois est un homme impuissant à imaginer l'Autre. Si l'autre se présente à sa vue, le petit-bourgeois s'aveugle, l'ignore et le nie, ou bien il le transforme en lui-même. Dans<br /> l'univers petit-bourgeois, tous les faits de confrontation sont des faits réverbérants, tout autre est reduit au même." (Barthes, Mythologies)<br /> <br /> <br /> <br />
G
<br /> <br /> Bonsoir Frédéric, je vais voir Benasayag dès que j'ai le temps.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> http://www.bastamag.net/article1266.html<br /> <br /> <br /> Je crois qu'il y a des éclaircies dans notre tunnel.<br /> <br /> <br /> <br />
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