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Le blog de Frédéric Delorca

Revue Europe du 15 juillet 1930

18 Octobre 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #1910 à 1935 - Auteurs et personnalités

rollandJe vous ai parlé il y a un an de la revue Europe du 15 février 1932, revue sympathique et représentative de l'éclectisme de Romain Roland qui incluait dans sa réflexion sur le socialisme aussi bien Gandhi que Lénine. Celle du 15 juillet 1930 que je parcours ce matin accorde aussi une grande place à l'Inde avec des lettres de Gandhi préfacées par Rabindranath Tagore. Une belle phrase de Tagore à propos de l'Asie (p. 309) "Nous n'avons pas vu ce qui est grand en Occident parce que nous n'avons pas pu faire éclore ce qui est grand en nous". Je la dédicace à Houria Boutedja...

 

Encore une phrase de Tagore qui dit tout du colonialisme : "Le malheur pour nous en Asie c'est que l'avènement du monde occidental dans notre continent fut accompagné non seulement de la science qui est la vérité et donc la bienvenue, mais encore d'un usage impie de la vérité dans un but d'égoïsme violent qui la transforme en une force destructrice" (p. 310).

 

Vient ensuite un courrier de Gandhi au vice-roi des Indes qui compare le salaire du premier ministre anglais à celui d'un ouvrier indien... Un article de Romain Rolland sur Goethe musicien... (on y apprend entre autre que Goethe avait entendu le petit Mozart jouer en 1763). Il y avait un véritable fétichisme de Goethe à l'époque, je me souviens des écrits de Zweig ému d'avoir rencontré dans son enfance une vieille dame qui avait connu Goethe de près. Un poème de Gabriel Audisio sur Ulysse, une nouvelle de Jean Prévost, des contes populaires coréens adaptés et traduits par un certain RH Seu.

 

clemenceauPuis une chronique de Léon Werth, l'écrivain anti-militariste, sur "Grandeur et misères d'une victoire" de Georges Clemenceau paru chez Plon. Loin de s'extasier devant le Clemenceau admirateur des impressionnistes comme on le fait aujourd'hui il écrit que son livre sur Monet était composé "dans un incroyable pathos, amplification scolaire ou sénile, livre smplement ridicule". Il a vu le Tigre à l'enterrement de Monet "pas si mongol que sa légende, pas si mongol que ses portraits. Mais en lui rien de cette trivialité si apparente, si rayonnante chez tant de parlementaires. Un bourgeois, un vrai bourgeois de l'époque où il y avait encore des bourgeois. De la tenue comme il y a vingt ans chez les notaires et les avoués dans les petits centres. Comme lui notoires dans leur cercle, puissants et croyant savoir". Sur son style il ajoute "mon professeur de quatrième, qui était vraiment un vieil humaniste, se moquait de ses élèves quand ils écrivaient ainsi". Il lui reconnaît toutefois un talent comique pour dépeindre les "fantoches" Foch et Poincaré. Précisément sur "Grandeur et misères d'une victoire", Werth trouve que Clemenceau "pense l'histoire selon le manuel qu'il apprenait quand il avait dix ans", ne lui trouve aucune hauteur de vue, estime que ses différends avec Foch "apparaissent parfois comme des chipotages de dactylos dans un bureau". Cette phrase de Werth me fait penser à mes impressions sur les débats sur la Yougoslavie chez Régis Debray en 1999 : "Qu'il s'agisse du Congo ou du Palatinat, [Foch, Poincaré et Clemenceau] ne saisissent du réel que ce que la politique en peut absorber. Aucun d'entre eux ne sait qu'il pense et agit dans l'irréel, dans une sorte de chimère organisée."

 

Werth trouve Clemenceau "stupide comme un joueur qui explique sa chance ou sa guigne. Stupide aussi comme un adjudant".

 

emiliano_zapata_en_la_ciudad_de_cuernavaca.jpgMarcelle Auclair, fondatrice de la revue Marie-Claire, épouse de Jean Prévost déjà cité dans la revue, et qui a grandi au Chili, commente deux ouvrages mexicains sur la révolution de Pancho Villa dont "Ceux d'en bas" de Mariano Azuela récemment réédité. "Nous nous méfions de l'abondance des poètes sud-américains, de leur facilité" écrit-elle, mais ces deux auteurs échappent à ces travers selon elle. Belle phrase d'Emmanuel Berl, écrite à Saint-Tropez, à propos du régionalisme d'André Chamson dans son livre sur le Sud-Tyrol annexé par Mussolini : "Les particularismes locaux n'empêchent ni les impérialismes, ni les invasions". Le journaliste Emile Dermenghem disserte sur des livres sur l'Egypte dominés par la figure de cheikh Mohamed Abdou, disciple d'Al Afghani, auquel il trouve le mérite de purifier l'Islam loin des excès du wahabisme et du laïcisme kémaliste, mais qu'il trouve quand même "un peu primaire". Robertfrance commente Soupault, Prévost chronique René-Louis Doyon. Articles intéressants aussi sur le cinéma et le théâtre russes, sur le fascisme italien. Plus que jamais j'apprécie de lire les années 30 au miroir de cette revue qui, en des temps difficiles, semait pour l'avenir. Quel dommage que notre époque l'ait oubliée !

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