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Le blog de Frédéric Delorca

Socialisme et barbarie

13 Avril 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

(Je dis bien "Socialisme ET barbarie" et non "Socialisme OU barbarie" comme la revue de Lefort et Castoriadis jadis).

 

Je discutais naguère avec un marxiste sri-lankais qui me disait à peu près ceci : "Je suis très intéressé et même fasciné par le sujet suivant : l'élan révolutionnaire socialiste qui sombre dans la barbarie, dans le nihilisme le plus atroce. Je ne veux pas dire par là comme le prétendent les gens de droite que le socialisme mène nécessairement à la barbarie. Mais nous avons eu beaucoup d'exemples au cours des dernières décennies de mouvements révolutionnaires qui ont fini dans le nihilisme le plus complet : les Khmers rouges, les naxalistes, le Sentier lumineux". Son propre pays a payé un prix lourd pour cette dérive avec le phénomène des Tigres.

 

Un texte récemment m'a rappelé cette conversation. Un article du journaliste ivoirien Venance Konan qui se plaint de la dérive de Mouammar Kadhafi et de Laurent Gbagbo qui étaient les idoles de sa jeunesse.

 

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Ce n'est pas vraiment le propos central de l'article qui m'intéresse car je ne crois pas que Kadhafi ou Gbagbo soient des illustrations de l'enlisement du socialisme dans la barbarie. Gbagbo n'a jamais été très socialiste, et ni l'un ni l'autre ne sont des nihilistes comme le fure les Khmers rouges : juste des chefs d'Etats autoritaires prêts à employer des methodes musclées pour éviter d'être renversés.

 

Ce qui m'intéresse dans ce texte c'est ce paragraphe à propos des années 1990 :

 

"[Kadhafi] était resté celui qui soutenait toutes les révolutions du monde, de l’IRA irlandaise à l’ANC sud-africaine, en passant par le NPFL (Front national patriotique du Liberia) de Charles Taylor et le RUF (Revolutionary United Front) de Foday Sankoh de la Sierra Leone.

 

Devenu journaliste, j’eus l’occasion d’aller au Liberia et en Sierra Leone. Je n’oublierai jamais «Two For Five», cette jeune fille qui avait combattu pour Taylor et Prince Johnson, célèbre dans tout le Liberia pour sa cruauté et dont l’une des spécialités était de couper les testicules de ses ennemis et de les leur faire bouffer, ni Ziza Mazda, qui mangeait carrément la chair de ses victimes, ni cet enfant que je vis à l’aéroport de Freetown, le jour de mon départ. Il avait les deux mains coupées et me tendait son écuelle du bout de ses moignons.

 

Les révolutions libériennes et sierra-léonaises ressemblaient à de la pure barbarie. Kadhafi n’avait rien à y voir, mais je me mis à douter de ses choix en matière de révolutionnaires. Le monde occidental le mit en quarantaine et l’Afrique était l’un des rares endroits où il pouvait se rendre."

 

Ce passage m'intéresse parce que, je dois l'avouer à ma grande honte, je n'avais jamais entendu parler d'aucun des personnages qui y sont cités à part Kadhafi et Charles Taylor. Et surtout je ne savais pas que Charles Taylor avait été inspiré par un élan révolutionnaire quelconque et pouvait donc lui aussi être invoqué à l'appui d'une vaste réflexion sur la dérive barbare du socialisme. Intoxiqué par les médias sur l'Afrique comme je l'étais aussi à la même époque sur la Yougoslavie (avant mon grand éveil de 1998) j'en étais resté à l'idée que sa guérilla libérienne n'était qu'un groupe mafieux inspiré par la soif de pillage. Il y avait donc au début quelque chose au delà de leur violence et de leur sadisme brutal. Il est donc temps de se pencher sur toutes ces affaires et de mener une réflexion sur ce thème de l'articulation entre révolution et destruction qui a tant assombri l'histoire récente du Tiers-Monde sans qu'en Occident nous en mesurions toute la portée...

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