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Le blog de Frédéric Delorca

Articles récents

Trump, Kurdistan turc, irakien et syrien...

3 Décembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Proche-Orient

Le renoncement de François Hollande ne me passionne guère (j'espère seulement qu'il aura à répondre de ses crimes après son mandat, comme Sarkozy). Plus intéressantes sont les tensions autour de la nomination du futur secrétaire d'Etat de Trump. Sa directrice de campagne mène un fier combat pour que ce ne soit pas son ex-adversaire membre du parti de la guerre Mitt Romney, mais si c'était Petraeus l'ex-proconsul d'Irak et chef de la CIA ça ne vaudrait pas mieux (en plus il traîne autant de casseroles qu'H.Clinton sur le volet de la divulgation des secrets d'Etat). Ce brave businessman, Trump, va-t-il se faire avoir par les néocons ?

 

Vous savez qu'en ce moment, j'ai les yeux fixés sur Diyarbakır, capitale officieuse du Kurdistan turc, où la répression fait rage depuis plus d'un an. Hier le procureur a requis 150 ans de prison contre Sebahat Tuncel, 41 ans, députée du parti démocratique des régions (DBP), un parti social démocrate ami de la coalition de gauche HDP. C'est une ancienne infirmière, qui a travaillé avec Amnesty international et est une habituée des prisons turques. Elle a eu ses entrées jadis sur le site chomskien Znet dont j'ai parlé dans mes livres (NB les chomskyens sont les partisans de ce linguiste dont l'Assemblée nationale française hollando-vallsienne ne veut pas entendre parler).

Trump, Kurdistan turc, irakien et syrien...

Les maires adjoints Leyla Saman et Ismail Asi de Diyarbakır du DBP en garde à vue depuis le 25 novembre ont été incarcérés hier. Il y a trois heures, les hommes d'Erdogan ont arraché le symbole kurde du fronton de la municipalité métropolitaine.

Dans la province d'Hakkari aujourd'hui dans l'extrême sud-ouest, c'est par dizaines que les conseillers municipaux ont été arrêtés. Il n'y a plus aucun représentant local ou parlementaire élus en liberté dans cette province.

1 213 utilisateurs des réseaux sociaux ont été arrêtés pour "propagande". La répression depuis juillet a pour prétexte l'assassinat de deux policiers qui en réalité aurait pour auteur des gülénistes (des partisans de l'auteur du récent coup d'Etat). Le PKK, qui estime qu'il est aujourd'hui le dernier rempart face à l'instauration d'une dictature complète à Ankara, appelle Barzani, chef du gouvernement autonome kurde d'Irak, à cesser de s'aligner sur Erdogan. Celui-ci a déclaré le 27 octobre qu'il ne laissera pas Sinjar (la ville où les Yazidis ont été massacrés en août 2014) devenir un nouveau Qandil (QG du PKK en Irak). On redoute une offensive turque sur Sinjar.

Des nouvelles intéressantes aussi du côté des kurdes syriens : les forces du YPG auraient trouvé un fabrique d'armes chimiques et d'explosifs d'Al Qaida dans le district de Baiedine (province d'Alep), avec un drapeau turc au mur .. info ou intox ? bizarre quand même que les possesseurs du local aient laissé un drapeau à un endroit aussi compromettant.

Mambij (ville où se trouvait un temple antique d'une déesse syrienne et où le trafic d'objets archéologiques a été intense), reprise à Daech en août dernier, et administrée par les forces  kurdes, est pilonnée en ce moment par l'aviation d'Erdogan.

Trump, Kurdistan turc, irakien et syrien...
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Kurdistan turc

30 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Proche-Orient

En mars dernier des paramilitaires des moudjahids [combattants] de l’armée Asakir-i Mansure-i Muhammediyye à Cizre (Kurdistan frontière syrienne) ont occupé et saccagé le logement d'un fonctionnaire, et laissé derrière eux déchets, lingerie féminine étalée bouteilles d'alcool, préservatifs usagers, et ... 1,5 euro en guise de dédommagement. Des gens ont été violés et torturés dans cet appartement.De vrais cinglés, pervers. L'activiste Nurcan Baysal raconte en français ce qu'elle a vu dans cet appartement ici. Pendant le siège de Cizre en février 2016 des centaines de gens se sont réfugiés dans des caves et y sont morts brûlés vifs.

1552 personnes ont été tuées de juillet 2015 à juillet 2016, 422 membres des forces de sécurité, 622 membres du PKK, 320 civils dont 75 enfants. Il y a eu des milliers d'arrestations arbitraires et de gens torturés. 355 000 personnes ont dû quitter leur logement, des villes ont été détruites. 125 000 personnes ont été licenciées (Erdogan vient de concéder qu'il va autoriser 6 000 enseignants à reprendre leurs fonctions). Le Kurdistan est sous couvre-feu. Ca ne veut pas seulement dire (comme à Paris) : interdiction de sortir le soir. On vous coupe l'eau, l'électricité, parfois aussi les moyens de communication. L'accès à votre quartier est interdit. Il y a des bombardements autour de chez vous. Si l'électricité est rétablie et si vous allumez la lumière vous risquez un tir de sniper et donc mieux vaut que vous restiez dans un endroit sombre de votre maison. Il n'y a pas d'accès aux ambulances ni aux médecins.

Ce mois-ci, Erdogan a fermé 350 ONG qui aidaient les réfugiés ou qui oeuvrent à la réconciliation des Kurdes, dont 50 à Diyarbakir (capitale officieux). Parmi elles, Sarmaşık ("Le lierre") qui a aidé à elle seule 30 000 réfugiés par mois pendant onze ans. Il y a deux semaines Nurcan Baysal  a donné une conférence de presse à Diyarbakir à propos de cette fermeture. Il y avait des chars turcs TOMA au bout de la rue, la police. Une seule caméra et une dizaine de personnes pour la conférence de presse de dénonciation de l'association car Erdogan a fait fermer les médias en septembre.

Une chape de silence s'est abattue sur la ville explique Nurcan Baysal, parce que les Kurdes avaient joué loyalement la carte de la paix (on se souvient que le PKK avait renoncé à la lutte armée) et voilà comment l'Etat turc récompense leurs efforts. De nombreux membres du parti de gauche pro-kurde HDP ont été arrêtés, y compris des députés à Ankara. La police est partout, les conseillers municipaux et régionaux sont en prison (voir l'article en anglais ici).

"Forcer systématiquement les prisonniers politiques à manger leurs propres excréments, les forcer à se coucher nus sur du ciment froid ou sur d'autres détenus, déshabiller les gens, surtout les femmes, même après leur mort et couper les doigts, les nez ou les oreilles pour intimider la population aimant la liberté et faire des exemples - voilà la marque de qualité des réalisations en matière de droits de l'homme de ce pays membre de l'OTAN" note, à propos de la Turquie, Rebwar Rashed, co-président du Congrès national du Kurdistan.

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Interview de l'activiste Nurcan Baysal sur les Yézidis et sur Diyarbakır/Amed

26 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Aide aux femmes yezidies, #Proche-Orient

Une interview intéressante réalisée par un magazine turc (à noter qu'il y a quand même des erreurs sur le fait que les Yazidis ne s'étaient jamais révoltés par le passé, il y a quand même eu Mirza au 17e siècle et les "républiques yazidis indépendantes" dont parlait jadis Elysée Reclus), à propos du livre Ezideler 73 (Décret 73), de Nurcan Baysal. Vous y trouverez des éléments très précis sur les multiples aspects du drame des Yazidis, mais aussi sur la situation horrible au Kurdistan turc, à Diyarbakır/Amed dont mon blog hélas ne parle pas assez  :

Qu'est-ce que les Yézidis appellent «décret»?

Dans leur univers spirituel, le "décret" se réfère à un massacre, à l'abattage. Dans la terminologie du 21e siècle, cela signifie que le génocide.  

Y-a-t-il une différence entre le 73e décret commencé le 3 Août 2014 et les autres?

Il y a beaucoup de différences. L'un d'eux est le fait que les Yézidis sont massacrés au 21ème siècle pour que tout le monde puisse voir. Il y a eu des marchés d'esclaves où les femmes ont été vendues et cela continue encore. La deuxième différence est que, les décrets n'avaient pas causé une transformation dans le monde spirituel des Yézidis jusqu'à présent. Je veux dire, ces décrets étaient acceptés comme résultant du fait d'être Yazidi. Cependant, avec ce décret, les Yézidis a commencé à réfléchir sur les décrets. Grâce à la diaspora Yazidi et au mouvement kurde.Les Yézidis sont sur terre depuis le commencement du monde et ils ont un ordre social qui n'a pas été changé depuis des dizaines de milliers d'années. Les Yézidis ne s'étaient pas révolté contre les décrets précédents.Et pourtant, cette fois ci, les unités de défense Yazidi se sont formées à Sinjar. C'est une première. En outre, la société Yazidi est patriarcale et les femmes sont toujours restées en arrière-plan, mais maintenant les femmes se battent aussi dans ces unités de défense. 

Yézidis ont trouvé refuge à la fois au sein du gouvernement régional du Kurdistan et en Turquie. Vous avez visité les régions les deux. Y a-t-il des différences?

Dans certains villages de la province de Sinjar, Yézidis et les Arabes avaient vécu ensemble. Avant qu'ISIS-Daech n'entre dans certains villages, les Arabes dans ces villages ont rejoint ISIS. Certaines personnes ont dit que leurs voisins ont réduit leurs femmes et leurs enfants en captivité. En fait, être un Yazidi signifie être destiné à massacre. D'un seul coup, leurs voisins sont devenus membres de l'ISIS. C'est l'aspect le plus désespérant de la situation. Au début, 5000 personnes ont été massacrées dans les villages. Ces chiffres ne sont pas exacts; on découvre chaque semaine de nouvelles fosses communes. En Novembre, Sinjar 2015 a été libéré et il est dit qu'il s'y trouve près de 100 fosses communes.Ces centaines de milliers Yézidis se sont dirigés vers le mont Sinjar. C'était en Août 2014; le temps était insupportable. Les montagnes étaient froides pendant la nuit et ISIS était après eux. 250-300.000 personnes se sont enfuies à Zaho et Duhok.En Septembre 2014, je suis allé dans les camps du sud. Les gens vivaient dans des zones de chantier. On découvrait comme ça que dans un secteur il y avait 300 Yézidis rescapés. Des bébés, des enfants, des personnes âgées. Ceux qui avaient laissés derrière n'avaient aucune chance d'être secourus. Ils sont entrés illégalement en Turquie à Roboski. A cette époque, les municipalités de Batman, Şırnak, Nusaybin et Midyat ont commencé à construire des camps. Tout à coup, les municipalités sont devenues responsables de prendre soin de 35.000 Yézidis.

 

 

Dans le livre, on se rend compte que les gens évitent de parler de ce qui est arrivé dans les montagnes Sinjar. Qu'est-il arrivé?

Au cours des entretiens, ils ont évité mes questions sur les montagnes. Il y avait un seul but sur les montagnes: survivre. Disons, c'était comme : vous aviez seulement une tranche de pain et que vous ne partagiez pas et un enfant mourait à cause de cela. Un Yazidi a dit: «Les gens ont perdu leur sentiment humain dans les montagnes." Il y a des gens qui ont commis des suicides ; certaines femmes ont sauté d'une falaise après avoir tué leurs enfants en les jetant de la falaise. Ou, par exemple, les gens que vous aimez veulent l'eau de vous, mais vous ne pouvez pas leur en donner, parce que vous allez en donner à vos enfants. J'ai vu des familles mettre des bouteilles en plastique sur le mur; elles disaient dit qu'elles les garderaient jusqu'à ce qu'elles meurent. Elles ont donné l'eau à leurs enfants avec des capsules de bouteille. Certains n'ont pas pu enterrer leurs défunts dans les montagnes. Certains d'entre eux ont abandonné leurs vieilles mères et les pères derrière eux. Ceux- suppliaient de ne pas s'éloigner. Ils vont vivre avec cette honte et leur conscience coupable pour le reste de leur vie.  

Les Kurdes ont été les premiers qui ont accueilli et protégé Yézidis. Cependant, pour autant que je comprenne d'après votre livre, ce ne fut pas un processus facile.

Yézidis ont été soumis à des "décrets", des massacres, de la part de nombreuses communautés, mais la plupart du temps c'étaient des musulmans. Ainsi, leur plus grande crainte ce sont les musulmans. Et ils ont dû compter sur eux. Par exemple, dans le camp de Diyarbakir, quand ils ont essayé de faire travailler les enfants, les Yézidis se sont mis en colère parce qu'ils croyaient qu'ils allaient leur apprendre à faire des prières. 

Ils sont kurdes aussi, mais culturellement ils sont différents, non?  

Les jeunes de mouvement kurde ont essayé de les traiter de façon égale, mais les Yézidis sont complètement différents. Ils ont un système de castes rigide. Les gens de différentes castes attendaient en rang un peu de nourriture! C'est une communauté très patriarcale. Les femmes ne sont presque jamais mentionnées et dépendent des hommes complètement. Par exemple, les hommes yézidis dans le camp ont abattu la tente consacrée à l'éducation des femmes que nous avons construite. Il nous a fallu des mois pour trouver cette tente! Les jeunes du mouvement kurde ont déclaré qu'il y aura égalité des femmes et des hommes dans la direction des choses. Mais il y a eu deux problèmes. D'abord, les membres de différentes castes avaient le droit de vote égal. Et ensuite ils ne pouvaient pas accepter la voix des femmes dans le gouvernement. Après des compromis, nous avons fait un progrès. Le siège de Kobané a affecté profondément les Yézidis. Les femmes et les hommes kurdes se sont battus à mort ensemble. Le patriarcat n'est pas décomposé mais il a dû plier un peu. Maintenant, nous voyons qu'il y a des jeunes femmes Yazidi qui combattent autour de Sinjar et on comprens qu'il y a eu une révolution. 

Est-ce que l'Etat turc a aidé les Yézidis?

La Turquie n'a pas donné de statut aux Yézidis. A cette époque, la Turquie n'a pas construit de camps pour Yézidis. 35.000 Yézidis sont arrivés tout d'un coup. L'Etat turc a dit qu'il allait construire des camps au sud de la frontière, mais cela n'a pas eu lieu. La Turquie n'a pas réussi à aider Yézidis. Je pense qu'il y a deux raisons à cela. Tout d'abord, ils n'aiment pas Yézidis. Je me souviens que Erdoğan avait dit avec mépris «les Kurdes sont Yézidis." Ils ne sont pas musulmans et c'est un problème pour eux. Deuxièmement, ils pensaient que les municipalités kurdes ne seraient pas en mesure de gérer la situation et ploieraient sous ce poids. Pour l'Etat turc, ça leur aurait été utile politiquement. En ce moment, nous ne pouvons recevoir aucune information de AFAD (l'Autorité pour la gestion d'urgence et les catastrophes) à propos du camp de Nusaybin. Au début, il s'y trouvait 35.000 personnes et maintenant, il reste 1400 Yézidis à Diyarbakir et 400 à Şırnak. Environ 2000-3000 personnes se trouvaient dans les camps. La plupart d'entre elles sont allé vers le sud. Près de 1000 personnes, la plupart d'entre elles étant les femmes violées, a réussi à aller en Allemagne. Certaines d'entre elles sont allé à Istanbul et certaines d'entre elles sont à Bodrum, en attente d'un bateau.  

"Finalement, tout le monde trouve la paix, à l'exception des femmes"

Vous décrivez ce "décret" comme «quelque chose au-delà de la mort pour les femmes". Qu'est-ce que ça veut dire?

Les femmes dans les camps ne parlaient pas beaucoup; et quand elles parlent, elles parlent de femmes qui se sont suicidées. Il arrive qu' elles entendent un cri d'une tente. Elles y vont et découvrent que la mère pleure parce que sa fille s'est tuée. ISIS a encore 5000 femmes captives. Ils vendent ces femmes, parce qu'ils le peuvent. Il y a des marchés d'esclaves, parce qu'il y a des gens qui y vont et achètent des êtres humains à ces endroits. Les femmes sont vendues, parce qu'il y a des Etats qui soutiennent un tel commerce. Les principaux acheteurs sont la Syrie, le Liban, le Qatar, le Koweït, l'Arabie Saoudite, le Pakistan et l'Afghanistan. Ces Etats ont été en mesure de faire quelque chose pour l'empêcher, mais ils n'ont rien fait. 

Et à cause de leur culture, les familles ne veulent pas ces femmes. 

Le village de Baadre près de Mossoul est le plus grand village Yazidi. C'est devenu un endroit où les femmes qui se sont échappés ou ont été sauvées de Daech-ISIS sont à l'abri. J'ai parlé aux femmes là, qui étaient détenues par ISIS. Il y avait une jeune femme appelée İlwin, qui a été retenue captif à Raqqa pendant 2 mois. Elle a été violée à plusieurs reprises, torturée et battue. İlwin réussit à entrer en contact avec son frère et a sauvé 7 femmes Yazidi avec elle-même. Leurs familles ont payé de l'argent pour ISIS pour les ramener. Et ces 7 femmes ont rencontré leurs familles dans la province Viranşehir d'Urfa. İlwin répétait : «Ecrivez ce que je dis, apportez-moi à un tribunal; Je veux dire ce qui est arrivé au monde ".

Beaucoup de femmes ont été abandonnées à leur sort: elles ont été forcées à se marier ou envoyées à Sinjar pour mourir. Encore une fois, les femmes sont celles qui souffrent le plus.  

Il y a une règle dans la société Yazidi: quand un Yazidi a des relations sexuelles, volontairement ou involontairement, avec des gens qui ne sont pas des Yazidis, cette personne n'est plus une Yazidi. Les femmes qui ont été violées par des membres de l'ISIS le savaient; elles se sont tués parce qu'elles savaient que leur société ne les reprendrait pas. On dit que des milliers de femmes se sont tués. Il y a un refuge pour les femmes dans le sud du Kurdistan où se trouvent 7000 femmes. Les chefs religieux Yazidi ont fait des déclarations exhortant les familles à reprendre les femmes. Certaines familles l'ont fait, et d'autres pas. Par exemple, je l'ai vu une longue file d'attente à Laleş (Lalish). Ils ont dit qu'il s'y passait une cérémonie de mariage. Ils ont ordonné aux femmes qui ont été tenues en captivité par ISIS de se marier à des hommes yézidis. Bien sûr, ils n'ont pas demandé le consentement des femmes. Donc, finalement, tout le monde retrouve la paix, à l'exception des femmes.

ISIS détient encore beaucoup de femmes comme captifs, n'est-ce pas?

Oui. Par exemple, certaines femmes ont donné naissance à des enfants qu'elles ont conçu après avoir été violée. Celles qui ont essayé d'avorter, ce qui n'est pas légal, sont mortes. Des mères et des filles ont été prises comme captives et violées. Ils vendent aussi des jeunes garçons. Par exemple, dans une fosse commune, il y avait des femmes de plus de 40 ans. Les membres ISIS les trouvent trop vieilles et les enterrent vivantes. En ce moment, on dit qu'il y a plus de 100 fosses communes, qui ne sont pas encore ouvertes. Dans un magasin d'alimentation à Mossoul, ils ont mis une photo d'une fille de 14 ans qui est en vente. Il y a beaucoup de marchés d'esclaves. Il est difficile d'empêcher de telles choses. Ces choses se passent à une ou deux heures en voiture de chez nous. 

«Les corps des défunts ont jamais été laissés dans les rues avant"

Vous vivez à Diyarbakir. Quelle est la situation actuelle là-bas?

Aujourd'hui est le 57e jour du couvre-feu. Nous ne pouvons pas aller au centre-ville. Sur était le cœur de la ville et on peut dire que la ville n'existe plus. Dans 6 quartiers sous couvre-feu, la population était d'environ 25 000 et maintenant, il en reste environ 5000. Dans d'autres quartiers, les gens vivent sous un couvre-feu virtuel. Il y a des affrontements partout. Une femme qui habite dans le bâtiment à côté de mon bureau a été blessée. D'où viennent ces balles ? Ces derniers temps, il y a deux rapports différents à propos de Diyarbakir; les habitants sont très perturbés par cela. Qui dort bien, qui est heureux, qui sourit? Si quelqu'un va à un café, cela signifie-t-il que cette personne est heureuse? Une ville est en ruines, une ville est détruite; qui peut être heureux dans un tel état? Ils utilisent des obus, bombes. Les gens ont peur. Je continue à écrire à propos des morts. Maintenant, il y a des cadavres là où nous avions l'habitude de prendre un café. Parfois, les gens comparent cette situation aux années 90, mais je pense que c' est pire que les années 90. Dans des années 90, il y avait eu des meurtres par des assaillants inconnus, mais nous savions que ça venait de l'Etat tirc. Maintenant, nous ne pouvons pas dire d'où les balles vont venir. Il y a des victimes civiles, mais l'État ne l'admet pas. Dans ma ville, 48 personnes ont été tuées. 

Et dans les années 90, prendre les corps des défunts n'était pas si difficile, je suppose.

La semaine dernière, nous avons réussi à récupérer les corps des étudiants İsa Oran, 21 ans , venu d'İzmir, et Mesut 25 ans. Tous deux étaient membres du YDG-H (proche du PKK). Leurs corps sont restés sur le bitume dans une cour d'école pendant 29 jours. Nous et IHD (Association des Droits de l'homme) avons vraiment fait de notre mieux pour récupérer les corps. Il y a une semaine, les familles ont reçu un appel téléphonique du bureau du procureur et on leur a dit que les corps sont déposés à la morgue. Nous étions avec les familles. Le corps de İsa était déchiqueté. Il semblait que sa tête avait été brûlée avec une substance chimique. Son père l'a identifié par son bras. Mesut est mort par 3 balles; 2 dans la tête, 1 dans la poitrine. Mais il y avait plus de 100 balles dans son corps. Nous parlons des années 90, mais il y aura des discussions plus longues et plus intenses au sujet des années 2010. Les corps du défunt n'avaient jamais été laissés dans les rues auparavant. Avant, ils mettaient les gens dans des fosses communes et maintenant, ils les laissent dans les rues pour que ça serve de leçon. 

Vous travaillez avec les organismes d'aide. Quels sont les besoins urgents?

La Fondation Rojava est complètement concentrée sur Sur. Ils essaient d'atteindre tout le monde, de İdil à Cizre, tous ceux qui ont dû quitter leurs maisons en raison de la guerre. Il existe d'innombrables besoins. Ceux qui peuvent trouver un tapis ou un radiateur sont les plus chanceux. La Fondation Sarmaşık distribue de la nourriture. Mais, il y a des familles qui ne peuvent pas quitter leurs maisons et ont vécu dans une chambre simple pendant 57 jours; ils sont affamés. Maintenant, les habitants de Diyarbakir ont honte de survivre.

Source : Agos.com

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Aide aux Yézidis

24 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Aide aux femmes yezidies

Si l'Allemagne a accueilli un millier de réfugiés yazidis traumatisés par le génocide de 2014 dans la région de Shingal et la réduction en esclavage des femmes et des enfants, le Canada peine à en accueillir plus de quelques dizaines (voir cet article de CBC) d'autant que le gouvernement régional kurde qui a payé de fortes rançons pour libérer des yézidis s'y oppose, et il y a fort à parier qu'il en aille de même en France. Beaucoup de réfugiés restent donc sous des toiles de camps de réfugiés à Kanki, Newroz etc au nord de l'Irak à redouter l'arrivée de l'hiver et à se demander ce que sont devenues leurs soeurs et leurs filles encore captives à Mossoul et Raqqah. Pensez à les aider.

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L'ouverture façon Trump

21 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les Stazinis, #Donald Trump

Tulsi Gabbard, députée des Samoas américaines, vétérane de la guerre d'Irak, de confession hindouiste, démocrate,ferme soutien de Bernie Sanders rallie Donald Trump.

 

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Témoignages de Pierre Le Corf et Vanessa Beeley à Alep-Ouest

20 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme, #Proche-Orient

Un personnage surprenant, breton, fils d'ostréiculteur, né en 1989, qui se présente comme chrétien et qui, après avoir créé une boîte de nuit à Lyon, a travaillé dans divers domaines comme consultant, puis a fondé une ONG pour aider les communautés marginalisées, et soutient les civils à Alep-Ouest (contrôlée par le gouvernement syrien légal) depuis février dernier.

Son témoignage est intéressant. En octobre un anonyme "njama" sur Agoravox précisait que ce Pierre Le Corf avec le Dr Nabil Antaki, des maristes bleus, avaient en vain essayé de sensibiliser une équipe de France 2 au fait que le feu des terroristes d'Al-Nosra (soutenus par MM. Hollande et Obama) cible délibérément les civils d'Alep - peut-être s'agit-il de ce reportage diffusé au JT de 20 h du  5 octobre qui malgré tout dit un mot sur Le Corf et rapporte une partie de ses analyses.

Buzzfeed News accuse l'ONG "SOS Chrétiens d'Orient" qui l'a introduit en Syrie d'être infiltrée par l'extrême droite (accusation qui revient souvent quand quelqu'un entreprend de se rendre dans des zones où ne se trouvent pas les "bonnes victimes" du point de vue de nos gouvernants), mais Pierre Le Corf insiste (notamment ici) sur le fait qu'il décrit des éléments factuels et ne s'exprime pas à partir d'un point de vue partisan. Son ancrage dans l'action au service des populations évidemment accroît la légitimité de son compte-rendu des réalités quotidiennes de la guerre.

Cet exemple est un peu symétrique de celui de Pierre Piccinin da Prata qui, lui, s'était surtout rendu "célèbre" (dans le microcosme des journalistes et des militants) pour avoir tenté de donner une voix à l'Armée libre syrienne (et qui n'avait pas entretenu une action humanitaire de long terme comme le fait Pierre Le Corf, limitant son action à du journalisme).

Le témoignage de P. Le Corf rejoint celui (sous-titré) sur une chaine de TV libertarienne américaine de la britannique Vanessa Beeley le 29 septembre dernier.

Comme il m'est arrivé de critiquer la lourdeur des bombardements russes en Syrie (notamment sur Alep Est), il me faut quand même ici rétablir les choses en sens inverse de la propagande médiatique dominante qui exagère à dessein l'ampleur des exactions russes. A Alep Est, la population civile est retenue en otage, ce sont des boucliers humains, comme à Mossoul. Faire le tri entre civils et djihadistes d'Al-Nosra est probablement impossible pour les avions russes. En revanche les islamistes, selon le témoignage ci-dessus, n'ont aucune raison de viser à l'ouest certains quartiers où ne se trouve aucun militaire.

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Nareen Shammo sur RTL TV

18 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Aide aux femmes yezidies

Et on signale le reportage (un peu star system médiatique mais bon...) de Stacey Dooley sur la BBC au moment où les unités féminines de Shengal des Peshmergas (Yekîneyên Jinên Şengalê- YJŞ) libèrent une femme et son enfant près de Shengal-Sinjar.

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Venezuela : Courrier de Maurice Lemoine à Radio France

16 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme, #La gauche, #Débats chez les "résistants", #Revue de presse

Bon allez, je sais que ça ne sert pas à grand chose, mais bon, comme je n'ai pas moi-même l'énergie de dénoncer chaque jours les inepties que nous sortent les grandes chaines de TV, les stations de radio, les grands journaux et les agences de presse, il faut bien que je signale de temps en temps les efforts que fournissent d'autres personnes pour remettre les pendules à l'heure.Dans cette série voici un courrier désabusé mais vigoureux de Maurice Lemoine à Radio France à propos du Venezuela.

Réaction envoyée par le journaliste Maurice Lemoine le 16/11/2016 au médiateur de Radio France, suite au traitement de la crise vénézuélienne dans la matinale (16/11) de France Culture / invitée : Paula Vasquez (EHESS / CNRS).

PODCAST > https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/venezuela-bresil-la-democratie-en-crise

 

Au nom de la droite et de l'extrême droite vénézuéliennes, merci à M. Guillaume Erner pour son traitement de la crise vénézuélienne, à travers une seule intervenante, représentante (assez caricaturale, je vous l'accorde, mais universitaire, vous avez eu raison de le souligner) de l'opposition.

 

Merci d'avoir caché les responsabilités bien réelles de cette opposition dans la crise – en particulier dans le report (et non l'interdiction) du Référendum révocatoire.

Merci d'avoir occulté que se déroule actuellement un "dialogue", sous les auspices d'individus extrêmement douteux – M. Ernesto Samper, secrétaire général de l'Union des nations sud-américaines (Unasur) ; les ex-présidents panaméen et dominicain Martin Torrijos et Leonel Fernandez ; l'ex-chef du gouvernement espagnol José Luis Zapatero ; le représentant du Pape, Mgr Emil Paul –, dialogue auquel s'oppose la partie la plus "droitière" de l'opposition, représentée ce matin sur votre plateau.

Merci d'avoir innocemment introduit une petite séquence "Jean-Luc Mélenchon" dans votre lynchage des présidents Chavez et Maduro.

Merci encore de ne pas avoir mentionné, en évoquant les "pénuries" et la "famine", les similitudes étonnantes qu'elles présentent avec le  phénomène constaté au Chili durant les mois qui ont précédé le renversement de Salvador Allende.

Merci surtout d'avoir laissé raconter qu'on ne trouve plus un journal dans les rues de Caracas – les occasions de rire sont tellement rares que, lorsqu'il s'en présente une, il faut en profiter à fond.

Merci, mille fois merci, de participer à l'affaiblissement du service public en lui ôtant toute crédibilité – ceux qui rêvent de le démanteler vous en seront gré.

Maurice Lemoine *

Journaliste indépendant, spécialiste de l'Amérique latine - ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique

 

* Auteur de "Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d'Etat modernes et autres tentatives de déstabilisation" (ed. Don Quichotte, 2015). 

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Les Yézidis entre le marteau et l'enclume

13 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Proche-Orient, #Aide aux femmes yezidies

Donald Trump va-t-il tenir sa promesse de campagne de s'appuyer principalement sur les Kurdes et non sur la Turquie pour vaincre EI en Irak ?

En tout cas les Yézidis sont inquiets de voir les forces spéciales turques, les bérets marrons (Bordo Bereliler aussi surnommés les bouchers des Kurdes) s'installer à Shingal-Sinjar avec la bénédiction de Barzani, officiellement pour donner une formation militaire aux peshmergas sunnites, mais aussi réprimer le PKK.

A Bachiqa la statue du chef de guerre yézidi Mirza du 17e siècle a été saccagée par EI, tout comme les lieux de culte et les maisons. L'identité yézidie est coïncée entre le marteau de Daech et l'enclume du gouvernement régional kurde. Après l'arabisation forcée sous Saddam Husein (qui en 1975 avait forcé par décret les Yazidis des villages des montagnes autour de Sinjar à rejoindre les villages collectifs des plaines et a détruit alors 250 villages), la kurdisation forcée (alors que beaucoup de yézidis parlent arabe et pas kurde, c'était d'ailleurs le cas de Mirza jadis).

Le gouvernement de Barzani est de plus en plus accusé d'empêcher les Yézidis de retourner à Sinjar. Les réfugiés sont arrêtés au checkpoint de Feshkhabour et les peshmergas confisquent leurs biens ou leurs troupeaux ou des matériaux de construction, s'ils veulent les amener à Sinjar (témoignage d'Adaly Kejjanqui était en Irak au début de l'année). Les gens restent donc au camp Sharya à Duhok ou au camp de Khanki.

Si vous souhaitez les aider, contactez moi.

 

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Daniel Ortega réélu

12 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme, #La gauche

Eclipsée par les élections américaines, la belle victoire du président sortant sandiniste Daniel Ortega au Nicaragua mérite d'être soulignée. L'opposition (le FAD) avait appelé au boycott, mais 68 % des électeurs se sont rendus aux urnes et 72,5 % ont réélu M. Ortega dès le premier tour, de sorte que celui-ci va entamer son troisième mandat, de quoi faire pâlir d'envie François Hollande avec ses 4 % de popularité.

La recette de ce succès politique : une croissance économique constante depuis dix ans (une des meilleures du continent en 2016), une réduction de la dette publique de 85 à 48 % en 9 ans. Mais n'allez pas croire qu'il s'agisse là du résultat de recettes néolibérales : les programmes sociaux "Faim zéro", "Plan Toiture", "Usure zéro", "Goûter à l'école", "Tickets productifs" et "Maisons pour le peuple" ont fait reculer la pauvreté de 42 à 29 %. Le tout sur fond de collaboration avec Cuba et le Venezuela. Ainsi ce petit pays qui fut martyr de la guerre froide à l'époque de Reagan montre qu'il n'y a pas de fatalité au recul de la gauche en Amérique Latine après le retour de l'Argentine et du Brésil dans le giron de la droite.

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La libération de Bashiqa en Irak

11 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Proche-Orient, #Aide aux femmes yezidies

La ville de Bashiqa, au nord-est de Mossoul, a été libérée par les peshmergas du général Bahram Arif Yassin le 7 novembre (dimanche), alors qu'Erdogan persécute le parti pro-kurde en Turquie. Bashiqa était autrefois une ville touristique, nous dit Wikipedia, peuplée majoritairement de yazidis et de shabaks, deux groupes ethno-religieux syncrétiques, d'ailleurs les Shabaks fréquentaient les sanctuaires yazidis (aujourd'hui détruits) même s'ils se sentent dit-on  plus chiites (les yazidis, eux, mélangent une sorte de zoroastrisme hérétique avec du soufisme - on ne développera pas ici les enjeux idéologiques des débats autour de la religion yazidie et du culte de Tawsi Melek). Une messe a eu lieu à l'église chrétienne le 9, et une cérémonie au temple yazidi le 10. Les yézidis se promettent d'y reconstruire leurs lieux saints. Espérons qu'ils parviendront plus facilement à y retourner et reconstruire leurs maisons qu'à Sinjar où ils n'ont pas remis les pieds, bien que la ville soit libérée depuis un an.

Alors que la guerre fait rage à Mossoul, une partie des esclaves sexuelles yazidies de Daech ont été transférées à Raqqah, où elles sont livrées dans des bordels encadrés par des Anglaises musulmanes qui ont rejoint Daech dans le cadre de la brigade al-Khanssaa. Daech justifie cela par le texte du Coran, et il est vrai que le Coran prône la réduction en esclavage des ennemies captives (voir le commentaire du chapitre 4 24 ici et ici). Les enfants ont eu le cerveau lavé dans des camps militaires, beaucoup peuvent servir de kamikazes.

En octobre la chancelière allemande Mme Merkela a défendu l'idée de créer une zone sous protection internationale pour la défense des minorités dans les provinces de Sinjar, Tal Afar (dont la capitale peuplée de Turkmènes sunnites sera dure à libérer surtout par des milices chiites) et la plaine de Ninive. Un projets aux relents un peu interventionnistes mais bon...

Dans un des camps de réfugiés en Irak où l'on voit arriver avec crainte la froidure et la pluie et où le chauffage de fortune provoque des incendies, mardi dernier le 8, un enfant yazidi est ... Sa mère l'a appelé Trump... La nouvelle est publiée aujourd'hui sur Twitter par Adlay Kejjan qui fait du lobbying républicain aux USA (Kejjan est une entrepreneur dans le secteur paramédical, trois de ses soeurs sont mortes à Sinjar à l'époque de Saddam parce que le régime barrait l'accès aux médicaments pour les yézidis à l'époque de l'embargo). Espérons que la maman ne regrettera pas ce choix à l'heure où l'on commence à annoncer que le nouveau président des Etats-Unis pourrait  prendre le néoconservateur John Bolton comme ministre des affaires étrangères...

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Paul Morand, la littérature

10 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi, #1950-75 : Auteurs et personnalités, #Lectures, #Grundlegung zur Metaphysik

Il y avait ce soir à la TV sur une chaine de la TNT une longue interview de Paul Morand. Je l'ai écoutée jusqu'au bout.

Je sais que des jeunes gens comme Romain ou Etienne qui m'ont fait l'amabilité de réagir à ce blog naguère ont apprécié que j'y parle d'auteurs du XXe siècle comme Gary ou Werth. J'ai peut-être mieux fait de faire cela que d'y parler de politique. Je ne sais pas...

Ce soir j'écoutais Morand comme on dialoguerait avec un extra-terrestre. J'ai tellement peu de points communs avec cet homme... et pourtant son monde m'a effleuré plusieurs fois dans ma vie. Le monde des peintres surréalistes, de Malraux, de Gide, de Proust. Je l'ai croisé au sortir de l'enfance, au début de ma vie d'adulte, au milieu. On ne sait pas pourquoi ce genre de chose vous atteint, s'éloigne de vous, puis revient à divers moments. On plaint ceux qui n'ont pas la chance de croiser cela sur leur route.

Le monde des surréalistes était encore présent en moi en 2012, je crois, à moins que ce ne fût 2013, à travers Soupault. Et puis l'oeuvre de Morand s'est invitée dans ma vie en 2014 à travers Hécate et ses chiens et à travers son journal de 1968-1970. C'est lui qui m'a donné envie de lire le journal de Simone de Beauvoir de la même époque. Je me demande si je n'ai pas connu Hécate et ses chiens après avoir lu un article du journaliste Labévière. 2014 était une année vraiment épouvantable pour moi et en même temps mêlée de révélations compliquées. Il était étrange que le roman de Morand soit arrivé là, car Hécate et ses chiens est un livre un peu diabolique. Juste un peu. Et cependant moi qui, après toutes mes découvertes, suis devenu allergique aux démons, je ne perçois pas de danger dans le monde de Morand. Peut-être suis je en cela trop naïf. Peut-être à cause de cette espèce d'humilité très sobre du personnage qu'on retrouvait dans son interview ce soir.

Peut-être à cause de son absence. Cet homme fut très présent à son époque, et en même temps tellement décalé, évanescent. Pas le genre de type qui vous embrigadera dans une légion criminelle. Il se sera beaucoup trompé, autant je pense quand il aimait Picasso, que quand il se résignait au pétainisme, ou quand il détesta De Gaulle. Mais il s'est trompé de façon intéressante, toujours, d'une façon bizarre, instructive. Peut-être à cause de son espèce d'absence de tout justement D'où ses phrases courtes dans l'interview, et le fait qu'il avoue ne pas aimer parler. Un point commun avec Deleuze.

J'ai la chance de ne pas être un écrivain, de n'avoir pas derrière moi une oeuvre, même si j'ai pondu un roman et quelques témoignages autobiographiques. Je peux donc aborder n'importe quel livre de façon parfaitement désintéressée, candide, désinvolte. Je n'ai même pas, à la différence des profs, à me poser dans le rôle du type "qui s'y connaît", qui doit transmettre, je ne suis même pas dans ce sérieux là. Je suis dans un sérieux, certes, mais un sérieux à moi, un sérieux lié à ma recherche incommunicable, incompréhensible par autrui, donc je tire des livres ce que je veux, j'en dis ce que bon me semble sur ces pages numériques ou ailleurs. Ca a de l'importance, et ça n'en a pas. Dans quelques semaines je serai pour quelques jours à Venise. Je ne l'ai pas choisi. Ca arrive comme ça, alors que Venise évoquait toujours pour moi Sollers et toute une imposture littéraire que je déteste. Une boursoufflure devrais je dire. La ville n'a-t-elle point elle même vécu du vol et de l'imposture depuis le Moyen-Age ? Pour m'y sentir moins seul, j'emmènerai le livre de Morand avec moi, "Venises". Dans l'interview de ce soir, il expliquait que Montaigne, Rousseau et bien d'autres génies ont écrit sur cette ville où lui même a rencontré mille célébrités. Je pense qu'à travers ce livre je retrouverai un peu du monde littéraire, et de l'univers des esthètes, qu'accaparé par ma recherche métaphysique depuis deux ans je néglige un peu trop. J'ignore si j'en parlerai sur ce blog. On verra bien.

Ai-je déjà parlé dans ce blog de Morand ? Je pense que oui. Qu'en ai-je dit ? Je ne sais plus. Est-ce que la littérature cela compte vraiment ou n'est-ce qu'un de ces pièges hédonistes de plus qui nous éloignent de la vérité ? Grave question. Platon voulait chasser les poètes de la Cité. A ma connaissance l'Israël biblique n'a pas eu d'écrivains, même à l'époque hellénistique des Macchabées. Il en a eu un avec Flavius Josèphe, mais ce n'était plus l'époque biblique, en tout cas plus celle de l'Ancien Testament. Il faudrait que je vous parle de Josèphe d'ailleurs car j'ai lu trois chapitres de son récit des guerres juives il y a peu. Passons. Oui, les peuples qui se confrontent sérieusement à la vérité ne pratiquent pas la littérature. Cependant l'auteur de l'Ecclésiaste ou celui du Cantique des cantiques ne sont-ils pas des écrivains ? Le style nous éloigne de la vérité, mais comment peut-il y avoir une vérité sans style ? Surtout une vérité pratique, au quotidien. Comment puis-je manger une pomme avec une certaine vérité dans ma façon d'être si je n'ai pas un regard littéraire sur elle, et sur ma façon de la prendre en main ? Je ne sais pas trop comment vous expliquer cela, mais je crois qu'il y a là un "vrai sujet" comme eût dit un de mes collègues.

Donc il se peut que vous tombiez encore sur des lignes sur Morand, en parcourant ce blog, dans les mois à venir, et sur des lignes sur Venise. Sauf si je me persuade de ce que je perds mon temps à aborder ces sujets là...

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Encore un mot sur la victoire de Trump

10 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Proche-Orient, #Les Stazinis, #Colonialisme-impérialisme, #Revue de presse, #Le monde autour de nous, #Grundlegung zur Metaphysik, #Donald Trump

En France, les grands "merdias" s'appesantissent sur l'amertume que provoque chez eux la victoire de M. Trump. Mais c'est oublier l'espoir que celle-ci provoque à travers le monde parmi les gens qui ont tant souffert des compromissions de Mme Clinton avec le Qatar.

La presse russe par exemple cite un député au parlement syrien et président de la chambre de commerce d'Alep Fares Shehabi qui explique que les habitants de sa ville sont tous heureux de l'élection de Trump car pour eux Mme Clinton (avec son projet de zone d'exclusion aérienne) c'était le soutient américain Al Nosra...

Sur Twitter la directrice de l'Organisation des femmes américaines yézidies écrit sur Twitter "Ma tante chante des prières pour Trump depuis 2 heures dans l'espoir qu'il nous débarrasse de Daech et que les yazidis puissent vivre en paix à nouveau".

Encore un mot sur la victoire de Trump

En Serbie bien sûr on se réjouit, parce que Trump pendant la campagne avait dit que les bombardements de 1999 avaient été une erreur, et parce que sa femme slovène a des amis serbes. Le système clinton (Bill-Hillary) dans les Balkans reste synonyme d'ingérence barbare et de soutien aux mafieux, ce que Nuland l'adjointe de Clinton a renouvelé en Ukraine en 2014.

Diana Johnstone dans Counterpunch intitule son article "Ding Dong la Sorcière est morte", qualifiant Trump de "magicien d'Oz".

Encore un mot sur la victoire de Trump

La manière dont Clinton en fin de campagne s'affichait avec Beyoncé et Jay Z, après avoir eu le soutien de Lady Gaga et Madonna lui donnerait raison...

Et qu'on ne vienne pas nous dire que Trump a eu moins de voix que Clinton. C'était arrivé aussi à GW Bush en 2000. Et surtout, n'oublions pas que les libertariens plus à droite que lui lui ont piqué des voix tout en étant d'accord avec une partie de son programme. Et sans les campagnes de diffamation menées par tous les grands médias (il n'avait que Fox News avec lui) Trump aurait fait beaucoup mieux. Donc sa victoire n'est pas volée.

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La belle victoire de M. Trump

9 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Les Stazinis, #Colonialisme-impérialisme, #Peuples d'Europe et UE, #Le monde autour de nous, #Donald Trump

Bien que je ne partage pas un certain nombre de ses idées (sur la légalisation du port d'armes, sur l'assurance médicale etc), je salue la victoire électorale claire, nette et précise de M. Trump (dont j'ai déjà dit du bien ici et ici notamment), laquelle va apporter un ballon d'oxygène à la démocratie américaine et constitue un meilleur gage de pacification des relations internationales que les projets de la diabolique Mme Clinton. J'espère que cette dernière fera l'objet des poursuites pénales annoncées par son adversaire républicain pendant la campagne du fait des nombreuses forfaitures dont elle s'est rendue coupable. Sa défaite, comme celle des adversaires du Brexit il y a quelques mois, est celle du système médiatique et financier international tout entier qui musèle les peuples depuis trop longtemps, mais je doute que ce système délirant, drogué au mensonge et à l'imposture, se remette en cause... Il est à craindre au contraire qu'il mette beaucoup de bâtons dans les roues de M. Trump, lequel va sans doute peiner à former une équipe performante après avoir été lâché par une bonne part de l'Establishment républicain. Pourvu que les néo-conservateurs n'en profitent pas pour lui remettre le grappin dessus !

Formons des voeux néanmoins pour que la défaite de Mme Clinton augure d'un rapprochement américano-russe, d'une diminution des tensions au Proche-Orient et autour de la Chine, peut-être aussi de la fin du traité de libre-échange transatlantique et du réveil des peuples d'Europe, à l'exemple des peuples américain et britannique, contre la pensée unique dominante.

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Nareen Shammo à Rome

5 Novembre 2016 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Aide aux femmes yezidies, #Proche-Orient, #Les rapports hommes-femmes

La journaliste yézidie Nareen Shammo était invitée le 30 octobre denier par le parti radical non violent transnational et transparti à Rome à parler du génocide des yézidis. Je ne sais pas ce qu'est cette organisation. Selon son post sur Facebook, elle a souligné que les femmes dans les camps ont toujours besoin d'un soutien psychologique urgent, elle a aussi plaidé pour les yézidis réfugiés en Turquie et en Grèce et pour les chrétiens victimes de Daech (Etat islamique).

Ce parti est l'ancien Parti radical du "cicciolino Panella" comme l'appelait la star du X italo-hongroise des années 1980... de vieux souvenirs... Il faudrait que des organisations plus importantes en France accueillent aussi Nareen pour des conférences.

Les djihadistes en ce moment retiennent 400 femmes yazidies comme boucliers humains à Tal Afar (Talafer) à l'ouest de Mossoul. L'hiver approche pour les réfugiés dans les camps, et le retour dans les villages où ils ont vécu même s'ils ont été libérés par Daech n'est pas à l'ordre du jour (dans une ville comme la bourgade kurde Sinjar-Shingal, 20 000 habitants en 2008, qui avait été le lieu de tournage du film "L'exorciste" de William Friedkin, en 1973, des musulmans sunnites ont en 2014 aidé Daech à liquider les hommes yézidis et à déporter leurs femmes).

Si vous voulez aider les femmes yézidies ex esclaves de Daech, n'hésitez pas à me contacter.

 

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