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Najran
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Pris un verre avec une élue du peuple souverainiste aujourd'hui. Elle m'a parlé d'une conférence qui aura lieu le 26 septembre prochain toute la journée à Paris à laquelle seront conviés des dirigeants du Front de gauche, de Debout la France etc. "Nous prévoirons aussi la présence d'intellectuels, vous pourrez être convié à ce titre" a-t-elle ajouté. Je n'ai pas répondu avec empressement "oh oui, avec plaisir !" J'ai plutôt manifesté de la surprise, ce qui a dû convaincre l'élue qu'elle avait poussé la courtoisie trop loin, et la conversation a glissé sur d'autres sujets.
De toute façon j'estime ne point avoir à insister trop ni pour être invité dans ce genre de forum, ni pour ne point l'être. Les sollicitations doivent venir de l'extérieur et je n'ai point à les influencer, ni pour les encourager ni pour les refuser. J'ai passé à l'élue mon dernier livre, elle appréciera si cela lui donne envie de me donner la parole ou pas.
Tour d'horizon de l'actualité ce soir, pour tenter de terminer ce billet sur une note moins personnelle. Mais les nouvelles sont sans originalité : l'explosion en Chine, la demande des FARC de rencontrer le pape lors de sa prochaine visite à la Havane pour relancer le processus de paix avec le gouvernement de Bogota, l'attentat en Thaïlande, l'assassinat d'un archéologue à Palmyre, le vandalisme de l'extrême droite dans les musées russes, la fronde des conservateurs allemands contre Mme Merkel sur le nouveau plan "d'aide" à la Grèce, le gouvernement serbe qui se refuse à élever des murs ou construire des camps pour endiguer le flot des migrants vers l'Union européenne, rien de tout à fait surprenant. Juste une petite info dans la presse iranienne attire une peu mon attention : "L’armée et les forces populaires d’Ansarullah ont hissé le drapeau yéménite à Najran à l’intérieur de l’Arabie saoudite"... J'ai trouvé l'image amusante. Cela ressemble à de la propagande de guerre de bas étage, comme quand les sites serbes en 1999 annonçaient avoir abattu des centaines d'avions de l'OTAN. Je veux bien croire que l'Arabie Saoudite soit un pays bien plus malade que François Hollande ne le croit (et les attentats d'EI sur son sol le prouvent) mais pas au point de ne pouvoir empêcher des incursions des houthistes sur son territoire.
Najran, 240 000 habitants, fut yéménite jadis. Les ismaéliens du cru ont eu des problèmes avec le pouvoir saoudien il y a quelques années, et un homme (un certain Murīʻ bin ʻAlī bin ʻIsá al-ʻAsīrī) y a été décapité en 2012 pour sorcellerie et adultère, nous apprend Wikipedia... Si vous connaissez des gens à Najran écrivez nous, soit pour nous dire si Najran est bien tombée, soit pour nous faire savoir si Murīʻ bin ʻAlī bin ʻIsá al-ʻAsīrī pratiquait vraiment la sorcellerie dans cette sympathique oasis du désert.
Débats sur une initiative de BDS en Espagne
Le chanteur juif américain Matisyahu a été interdit de concert à Benicassim (province de Castellon) pour avoir refusé de faire une déclaration politique pour reconnaître aux Palestiniens le droit à avoir un Etat. Le Rototom Sunsplash, festival dans le cadre duquel il devait se produire est consacré au dialogue entre les peuples. La campagne pour l'interdiction du concert a été lancée par BDS-Pays valencien en raison de ses prises de position pro-israéliennes. Les partis de droite (PP, Ciudadanos et UPyD) ainsi que le parti socialiste ont condamné cette interdiction. Un porte-parole du PP a crié à l'antisémitisme et a souligné que les sympathisants de BDS stigmatisent la démocratie israélienne et soutiennent une dictature comme Cuba, celui de Ciudadanos a parlé de "judéophobie". Gauche unie (IU) et Podemos ont approuvé cette décision. L'eurodéputée de Gauche Unie Marina Albiol avait fait partie de la campagne de BDS pour l'interdiction. Elle fait partie de la liste noire établie par diverses associations pro-israéliennes sous le titre "Les noms des Eurodéputés qui ne veulent plus de coopération avec Israël."
A ma connaissance il n'y a pas d'eurodéputé français membres de BDS, mais je ne sais pas trop pourquoi.
Comment aider les résistants à Daech ?
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A défaut de pouvoir pousser nos dirigeants à mener une action militaire d'envergure contre Daech ("Etat Islamique"), les citoyens européens peuvent mener des actions de solidarité. Il y a ceux qui s'engagent dans les milices de gauche du Parti Union démocratique (PYD) syrien. Et puis il y a aussi la possibilité d'aider ceux qui prennent en charge les femmes réduites en esclavage par Daech.
Je vous ai déjà parlé de Nareen Shammo (voir le reportage de la BBC sur elle ici), basée au Kurdistan irakien, qui travaille courageusement chaque jour avec son association Al-smoqi charity assembly à la libération de femmes kurdes yézidi (yazidi) utilisées comme esclaves sexuelles par Daech. 1 500 femmes sur les 7 000 enlevées depuis août 2014 ont pu être libérées. Mais une fois libérées, beaucoup sont rejetées par leur famille, ou se retrouvent veuves ou orphelines. Il faut assurer leur logement. L'association de Nareen Shammo loue des maisons pour ces femmes. Mais cela lui coûte 450 dollars par maison chaque mois.
Avec 100 euros vous pouvez subvenir aux besoins alimentaires et sanitaires d'une de ces femmes et de ses enfants pendant dix jours. Si vous souhaitez faire un acte de solidarité en leur direction n'hésitez pas à m'écrire à mon adresse mail atlasaltern@hotmail.com, je vous communiquerai une référence pour transmettre de l'argent à l'association de Nareen Shammo via le compte bancaire de son association ou via Western Union (ça se fait très facilement par Internet, et le paiement est sécurisé). Si vous vous méfiez des intermédiaires (comme c'est mon cas), vous pourrez directement cibler une ou plusieurs femmes que vous choisirez d'aider, et recevoir périodiquement de ces nouvelles. Ce n'est qu'une action modeste contre la barbarie fasciste de Daech, et cette entreprise massive d'asservissement de la féminité lancée par ces fanatiques en Irak et en Syrie. Mais si beaucoup de gens se lancent dans cette entraide, cela soulagera des associations comme celles de Nareen Shammo qui ont des moyens très limités et sont dépassées par l'ampleur de la tâche.
Pour mieux vous convaincre de faire un geste, et pour que cela soit plus concret pour vous, j'ai demandé à Nareen de me transmettre les photos de cinq femmes que j'ai un peu aidées, afin qu'elles soient en quelque sorte les visages de cette cause des femmes persécutées par Daech en Irak et en Syrie.
Diffusion de mon livre, voyage du député JF Poisson à Tripoli
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Les bibliothèques commencent à commander mon livre "Au cœur des mouvements anti-guerre".
Je continue de suivre l'actualité évidemment, même si je ne prends plus trop la peine de la commenter (le public du réseau Atlas alternatif était trop restreint), et je profite de la pause estivale pour suivre l'évolution des petits partis eurocritiques français (Parti de l'Emancipation Populaire, Mouvement républicain et citoyen, Debout la France, Union populaire républicaine, Parti ouvrier indépendant etc).
Je sais bien que, vu l'esprit de chapelle qui règne dans ce pays, aucun ne me sollicitera, et ce, quels que soient mes diplômes, mes compétences, l'ampleur des textes que j'aurai produits sur le Net pendant 15 ans etc, mon avis compte pour du beurre à leurs yeux, mais je ne m'intéresse pas à l'actualité politique pour "donner des avis", juste pour comprendre, pour moi-même, ce qu'il se passe, et de quel côté se trouve la vérité et la justice. Ensuite je laisserai ça rapidement dans des livres pour les chercheurs des générations à venir (si toutefois les bibliothèques ne se sont point défait de mes livres d'ici là : je sais qu'elles ont tendance à revendre des parties de leurs fonds...
Je verrai prochainement une députée avec qui je devise environ une fois par an... Je pense que j'écouterai plus ce qu'elle me dit que de tenter d'influencer son point de vue. Je ne crois pas du tout que quelques membres isolés de la représentation nationale puissent agir efficacement, ni même qu'ils aient du temps pour réfléchir en dehors des cadres établis. Tout serait différent bien sûr si une coalition anti-européiste parvenait à constituer un groupe parlementaire à part entière.
La fonction de député aujourd'hui ne peut servir qu'à poser des questions, ou à mener quelques enquêtes avec les moyens de la République. C'est d'ailleurs un avantage dont ils ne tirent pas suffisamment profit. J'ai salué le 27 juillet le déplacement des députés "républicains" (ex-UMP) en Crimée. J'apprends aujourd'hui que le député des Yvelines "les Républicains-parti chrétien démocrate" Jean-Frédéric Poisson s'est rendu en Syrie et en Libye (cf ci-dessous).
Les partisans de feu le colonel Kadhafi lui reprochent de prendre pour un gouvernement ce qui n'est qu'un conglomérat de milices soutenu par le Qatar qui ne bénéficie, alors que seul celui de Tobrouk bénéficie d'une reconnaissance internationale, et estiment que M. Poisson "roule" pour le gouvernement français et ses alliés du Golfe arabo-persique qui veulent valoriser davantage le gouvernement de fait de Tripoli. Cela sent le procès d'intention car JF Poisson tient par ailleurs un discours sur la Syrie qui est favorable au régime de Bachar el-Assad comme protecteur des chrétiens d'Orient, et hostile aux pays du Golfe.
Il faut encourager nos députés à visiter davantage les pays en guerre et tenter de peser sur la politique étrangère. On sait quelles accusations cela leur vaut dans les états-majors des grands partis.
Soutien à Wikileaks sur le TTIP
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Je soutiens Wikileaks et Julian Assange dans leur effort en vue de rendre public le traité transatlantique TTIP.
Par ailleurs bravo à Chris Black qui dans son dernier article rappelle que l'accord imposé à l'Iran sur le nucléaire est une atteinte honteuse à la souveraineté de ce pays.
Turquie, ex-Yougoslavie, CPI, Corée, Yémen, Mme Hidalgo
Je n'ai point trop de temps en ce moment pour lire les actualités internationales.
Quand je lis sur un blog que la France perd un contrat d'armement avec l'Inde à cause de l'attitude des médias, je n'ai pas la possibilité de le vérifier.
Il est des sujets sur lesquels je garde une certaine réserve comme par exemple l'appréciation de la sincérité des Turcs dans leur engagement contre Etat Islamique. Bien sûr comme tout le monde je constate qu'il y a du cynisme chez Erdogan qui veut surtout casser l'alliance PKK-gauche turque, et dont les frappes empêchent en ce moment l'unification du Kurdistan en Syrie. Mais n'y a t il QUE des objectifs anti-kurdes dans cette affaire, ce n'est pas certain. En tout cas ayons une pensée pour les gens qui ont souffert dans leur chair à cause des bombardements turcs et ont eu leur maison détruite à Zargel, village kurde d'Irak.
En ex-Yougoslavie, la Russie a opposé un veto justifié à une résolution très partiale sur Srebrenica (rappelons que Nasser Oric, le guérillero islamiste qui avait semé la terreur dans la région de Srebrenica avant que les Serbes ne commettent leur massacre, est toujours en liberté et pas inquiété par le tribunal pénal international, à l'heure où l'Etat islamique a des bases en Bosnie on ferait bien de s'en souvenir). La Croatie se permet de commémorer ce mois ci l'opération "Tempête" par laquelle en août 1995 elle a expulsé tous les Serbes de Krajina sur son territoire - un nettoyage ethnique en bonne et due forme qui n'a ému personne en Occident. Les chefs d'Etat occidentaux ont eu le bon goût de ne pas assister aux cérémonies, mais cette fête en dit long sur l'esprit de réconciliation des Croates ! Mercredi la République de Serbie a organisé une journée de deuil national en hommage aux victimes de l'opération Tempête. Les ambassades occidentales n'ont pas baissé leur drapeau. On aimerait que les Occidentaux arrêtent de faire des bras d'honneur au peuple serbe. 25 ans de bras d'honneur ça fait long.
Et l'on aimerait que la CPI songe enfin a poursuivre les partisans du président Ouattara responsables selon Human Rights Watch d'un tiers des victimes civiles de la guerre de 2011. Saviez-vous que Robert Mugabe, président du Zimbabwe et de l'Union africaine, a proposé la création d’une Cour africaine de justice pour juger les affaires criminelles actuellement soumises à la Cour de La Haye ?
Au Yémen, il semble que l'ONU (qui n'a jamais condamné l'agression de Ryad) ait manœuvré pour permettre aux Saoudiens de reprendre Aden.
On nous annonce que la Corée du Nord change d'heure. Est-ce une fois de plus de la désinformation sur ce pays ? Nos médias sont moins bavards sur la politique de répression des opposants en Corée du sud (voir ici).
Mme Hidalgo maire de Paris émeut les amis de la Palestine en invitant des représentants de Tel Aviv à Paris-Plage. Je n'avais déjà pas aimé ses propos affectueux pour la monarchie espagnole, elle qui se dit républicaine de cœur...
Voilà quelques vérités qu'il fallait énoncer au cœur de la torpeur estivale.
Bizarreries historiques
Il y a des bizarreries historiques. Par exemple j'apprenais cet après midi que les Fleurs du Mal, déjà soutenues par Louis Barthou à la fin du XIXe siècle, finirent par bénéficier d'une sorte de loi d'amnistie votée à l'initiative ... du groupe communiste à l'assemblée nationale en 1946 dont l'exposé des motifs défendait le patriotisme littéraire et s'en prenait à la morale réactionnaire !
C'était du temps ou l'on pouvait ne pas désespérer du PCF...
Et ci dessous un film qui agaça Pékin en 1973 et qui ferait rire la Chine aujourd'hui...
Les médias alternatifs, la Syrie, les Kurdes, la Crimée
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Ce blog conserve un nombre assez stable de visiteurs. Du fait que le nouveau dispositif d'Overblog ne fournit plus d'analyse statistique des provenances et a bousillé le lien Google analytics qui me permettait d'en avoir, je n'ai plus aucune idée du profil des gens qui me lisent. Je continue malgré tout à écrire pour eux par fidélité à mon parcours depuis 20 ans, aux livres publiés etc. Je sais bien que Frédéric Delorca n'existe pas dans l'espace du débat public. Il existe encore moins qu'il y a 12 ans du temps où un éditeur était prêt à lui confier la rédaction de l'Atlas alternatif. La diversité de mes centres d'intérêt, l'indépendance de mes prises de position (qui souvent n'hésitent pas à questionner les certitudes des gens qui me sont intellectuellement proches) ont eu raison sans doute de la patience de beaucoup de gens qui aiment à lire les blogs pour y trouver des confirmations de ce qu'ils pensent et de ce qu'ils aiment. Je ne suis cité nulle part, ce qui m'évite d'être mal compris ou critiqué par des gens de mauvaise foi. Et de toute façon, je me console aisément de cet état de fait, en me disant que, même si j'avais ma "petite boutique" avec sa clientèle "fidèle", cela ne servirait pas à grand chose. Supposons que le Monde Diplomatique par exemple ait tenu sa parole de 2012 de publier un de mes articles, à quoi cela m'eût il servi ? J'aurais eu plus de "visibilité" à Paris, on m'aurait peut-être proposé de faire paraître un livre (dans le meilleur des cas), mais j'aurais aussi perdu de ma liberté d'esprit en étant de plus en plus enclin à écrire dans le sens de mon milieu de sociabilité, ce qui aurait borné mes horizons, et je n'aurais pas eu plus de poids pour autant dans le débat public.
Dans Le Monde aujourd'hui, Emmanuel Todd publie un énième article narcissique commençant par "moi le type incomparable qui a le premier annoncé la chute de l'URSS" ou quelque chose dans ce goût là. Voilà à quoi conduit le statut de l'intellectuel "engagé" qui a pignon sur rue. Ca n'a vraiment pas beaucoup de sens.
Quant au grand projet de "médias citoyens" auxquels les gens croyaient il y a 15 ans, et dans lequel j'avais ma place avec mes blogs, tout le monde en est revenu. "Don't hate the medias be the medias" disaient-ils. Oui, mais ceux qui écrivaient cela nous ont gavés de foutaises dans les années 2000-2010 en nous annonçant par exemple tous les jours en 2012 que les kadhafistes reprendraient prochainement le pouvoir en Libye. Ce matin, je lis qu'un colonel du Fatah a été tué au Liban. La source qui a révélé l'information sur place a téléphoné à l'AFP... pas à Michel Collon ! Malgré tous les biais d'approche de nos grands médias menteurs, ceux-ci restent une source incontournable, et les gens qui veulent se faire entendre savent qu'il ne sert à rien de s'adresser à des petites boutiques périphériques.
On continue d'écrire pour se faire plaisir sur de petits blogs à faible lectorat pour se donner l'impression de ne pas être complètement réduit au silence ou au désespoir par le système politico-économique mondial, mais on sait bien (quand je dis "on" je pense à pas mal de journalistes dissidents que je connais, y compris parmi mes amis) que nous avons échoué à inverser les rapports de force dans le champ médiatique, et à faire d'Internet l'arme de cette inversion.
A part cela, le tour d'horizon de l'actualité estivale n'est pas enthousiasmant. Les tentatives de déstabilisation du monde musulman par Daech sont une espèce de spectre qui plane sur les relations internationales, et qui légitiment beaucoup de folies. Par exemple, je lisais il y a peu que les Etats-Unis se vantaient d'avoir infiltré en Syrie par la frontière turque une armé d'islamistes "modérés" équipée par leurs soins pour aller combattre Daech. Ce genre d'initiative n'est pas acceptable. Bien sûr nul ne sait ce que ces mercenaires sont réellement censés faire en Syrie, ni contre qui ils se retourneront. Les opérations militaires contre Daech doivent être menées en collaboration et en concertation avec le gouvernement légal de la Syrie, quoi que l'on pense par ailleurs de ce gouvernement. Il en va de même des frappes d'Erdogan. On voit bien que celui-ci a obtenu un blanc-seing de Washington pour bombarder le PKK kurde en échange de sa participation à l'écrasement de Daech. A la différence de beaucoup d'anti-impérialistes radicaux, je ne veux pas minimiser l'importance de son engagement d'Ankara contre Daech, ni le coût que cela implique pour elle, en termes de représailles terroristes notamment. Mais il est inadmissible que cela se fasse au détriment de la souveraineté syrienne et de la résistance kurde, fort malmenée en l'occurrence alors même qu'elle s'était engagée dans une trêve et que son versant politique s'insérait remarquablement bien dans le nouveau jeu parlementaire turc.
Je vous ai dit il y a peu mon intérêt pour les Kurdes (notamment pour les Yézidi) et je vous en reparlerai prochainement. Mais il ne faut point que cet intérêt se paie de lourdes injustices. Je vois en ce moment le PCF dans les villes de province organiser des manifs de solidarité avec les Kurdes turcs attaqués par Daech. Ce genre de mobilisation est très contestable. Car elle confère aux Kurdes le statut de "victimes à part". On comprend que la Front de Gauche aime la résistance kurde qui est plutôt plus laïque et démocratique que les autres (même si la société kurde, elle, ne l'est pas autant qu'on le croit). Mais on ne peut pas s'émouvoir d'un massacre de Kurdes plus que d'un massacre de Chrétiens ou d'Alaouites. Or je n'ai jamais vu le PCF pondre le moindre communiqué quand des villages de ces communautés en Syrie ont été attaqués par Daech ou Al Qaida au cours des dernières années. Est-ce à dire que les êtres humains de ces groupes n'ont pas droit tout autant que les Kurdes à la paix et à leur intégrité ?
Pour finir un mot sur la Crimée : je trouve très bien qu'un groupe de parlementaires de l'ex-UMP (les Républicains) s'y soient rendus. A mon sens le Front de Gauche aurait dû aussi y envoyer une délégation. Je sais bien que dans genre de visite on vous présente souvent des villages Potemkine, et que le référendum criméen de 2014, survenu sous le contrôle de militaires russes, avec des listes électorales et des moyens de propagande électorale prêtant à caution, s'apparentait plus à un plébiscite qu'à une opération réellement démocratique. Néanmoins on ne peut nier que les Criméens, rattachés injustement à l'Ukraine dans les années 50, se sont toujours majoritairement sentis russes et avaient un intérêt à rejoindre la Fédération de Russie, comme les habitants du Donbass à s'affranchir de la tutelle du gouvernement putschiste pro-occidental russophobe de Kiev. Ce genre d'opération n'est pas plus illégal que les sécessions du Kosovo ou du Sud-Soudan applaudies par nos grands médias, et suit une logique de recomposition de frontières mal dessinées à l'époque soviétique. L'ex-ministre Mme Morano a dit il y a peu que les difficultés de nos éleveurs étaient dues au moins en partie à la rupture des relations commerciales avec la Russie. J'ignore si c'est vrai, mais en tout cas il est urgent de mettre fin à la logique de guerre froide dans laquelle le coup d'Etat ukrainien nous a plongés.
Fête des bergers à Aramits
J'étais hier à Billère, en Béarn, où des commerçants ont lancé il y a peu une monnaie alternative, la "tinda" (prononcer tinde), non spéculative, dont l'AFP a parlé récemment. Le design des billets ne me plait guère, mais c'est une initiative qui mobilise des "énergies positives" comme on dit.
Aujourd'hui, plongée dans l'ambiance de mon roman "La révolution des montagnes" (Editions du Cygne) : j'étais à la fête des bergers d'Aramits (la capitale de la vallée du Barétous, qui a donné son nom au mousquetaire Aramis des Trois mousquetaires.Poutou des bois au menu.
La musique que l'on entend dans la vidéo ci-dessous est une chanson que j'avais apprise à l'école primaire.
"Pattes blanches" de Grémillon
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Vu « Pattes blanches » de Grémillon, un cinéma toujours aussi surprenant sur le plan technique : des images très rapides, une narrativité nerveuse, avec des plans arrêtés qui ponctuent le récit de moments expressifs. L’histoire est belle. Dans la Bretagne profonde des années 30 ou 40, le prolétariat (une servante de bar) ramène la vieille noblesse à la vertu, au bord du précipice de la modernité bourgeoise. Le capitalisme bourgeois ce n’est pas le riche banquier. C’est le petit tenancier de l’auberge du village, et sa poule de Saint-Brieuc, celle qui passe de main en main depuis l’enfance (« j’en ai marre que les hommes me touchent et me sentent » dit-elle peu avant de mourir), de braves gens qui n’ont guère qu’un défaut : celui d’avoir placé l’envie au dessus de l’honneur (« Plutôt mourir que faillir », dit la devise de l’aristocrate). L’attachante servante moche et bossue, elle, n’a que des envies pures, parce qu’elle n’a rien à perdre, même pas l’honneur, comme elle l’explique au noble dont elle est tombée amoureuse.
Bien avant la publication en France des livres de Marcuse, Grémillon et Anouilh (le scénariste) avaient compris que l’embourgeoisement (et l’avilissement moral qui va avec) passait par la femme et l’amour. Il fait système au détriment des personnages et les broie. L’humour n’est pas absent, notamment sous la forme d’un clin d’oeil rapide quand, au moment du mariage de l’aubergiste, quelqu’un propose de chanter le Temps des Cerises mais personne ne le connaît (l’espoir du dépassement par le socialisme est résolument absent). Le chamanisme non plus en la personne de la vieille sorcière qui cueille des « simples ». Sa disparition comme par enchantement investit le récit d’une connotation surnaturelle. On peut croire qu’elle et son fils, le « corniaud » demi-frère du comte, orchestrent la malédiction, dans la pure veine de la vengeance privée, façon Antigone (une justice dont le comte était adepte depuis le Moyen-Age). L’ange rédempteur est la petite boniche, celle qui ne « faillit » pas.
Arguments libéraux au soutien de Merkel
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Le point de vue d'un libéral, Marc Crapez, dans Le Figaro :
"Angela Merkel estime que l'absence de crédibilité des règles établies se trouve à l'origine des difficultés de l'Union: «La plus importante des valeurs a été perdue, il s'agit de la confiance et de la fiabilité». Ce que le mark incarnait. L'éditorialiste David Brooks [ndlr: du New York Times] soulignait, il y a quelques années, que les Allemands «défendent les valeurs, le mode de vie et le contrat social qui forme le socle de la prospérité occidentale». Ils se sont montrés disciplinés, industrieux, prévoyants et raisonnables pendant que d'autres faisaient prospérer le vice de la dette et couraient après la poule aux œufs d'or. Mais les élites européistes et médiatiques ne l'entendent pas de cette oreille. Furieuses de l'indiscipline de Tsipras, elles veulent faire croire qu'il a finalement dû se résigner à signer un diktat allemand aux conditions léonines. Cette auto-suggestion collective dresse les peuples contre l'égoïsme et l'autisme teutons. Les keynésiens de tout poil se précipitent pour déplorer une absence de perspectives de croissance. Et leur voix est assourdissante puisqu'ils sont devenus majoritaires au sein du FMI, comme dans la catégorie informelle des prix Nobel d'économie."
En ce qui me concerne, je n'ai jamais compris pourquoi l'austérité libérale a marché pour redresser la Lettonie il y a quatre ans et a échoué en Grèce. Pourquoi elle a réussi au Chili dans les années 70 et échoué en Argentine dans les années 90. Il y a des paramètres anthropologiques qui interfèrent avec l'économie et qu'on maîtrise mal.
Pour ma part j'ignore tout de l'économie qui n'est pas une science exacte et me contente de voir le versant politique : je n'aime pas qu'on fasse passer l'intérêt des banques au dessus de la volonté des peuples ; on a confisqué la volonté populaire grecque au nom de la loi des marchés financiers, comme on menait au 19ème siècle des expéditions militaires contre le Venezuela pour le forcer à payer ses dettes. Sans le travail et la croissance (valeurs cardinales des Allemands) il y a la guerre, mais en sacrifiant la souveraineté populaire au travail et à la croissance il y a aussi la guerre, car on pousse un peuple au désespoir et à la violence. Tout le problème est là.
"Tout compte fait"
Le côté bon élève de Simone de Beauvoir dans "Tout compte fait" quand elle raconte les églises romanes charentaises (il est vrai qu'elles sont belles) ou le procès des crimes américains au Vietnam jugés au Danemark (il est vrai qu'ils furent atroces). Son regard plein de bon sens sur les fautes des régimes socialistes : la dérive de Cuba vers la dictature, la répression du "printemps croate" en Yougoslavie, les échecs du gouvernement algérien. Son indulgence compréhensible pour Israël. Ses choix contestables pour les irrédentismes contre des fédérations : pour les Biafrais contre le Nigéria (alors que le PCF et l'URSS comme Nasser et les USA soutenaient la fédération). Elle l'érige en principe, ce qui ne laisse pas de doute sur le fait qu'elle eût soutenu les Tibétains et les Kosovars dans les années 90 si elle avait survécu et persisté dans cette ligne.
Le style qu'elle incarne - l'intellectuel "propre", qui dit tout ce qu'il sait et voit, qui pose tout, et qui donne aussi beaucoup de leçons - dévoyé comme on le sait par des chefs de gang façon BHL -n'est plus trop d'actualité même si des gens comme Chomsky tentent de le poursuivre (avec moins de sens des impasses humaines qu'elle, moins de sens tragique, inhérent à la culture littéraire dont Beauvoir était l'héritière).
Bon, à part cela, l'avis de tempête sur l'Europe ne faiblit pas. Arte se fait peur avec un docu-fiction sur la fin de l'Europe. Chauvinisme grec anti-allemand contre chauvinisme allemand anti-grec, les pires souvenirs de notre continent remontent à la surface. Le capitalisme bancaire aux commandes se réjouit : l'Union européenne qui lui a offert 550 milliards d'euros pour le renflouement du système financier en 2008 lui convient, et son éclatement, avec la guerre de tous contre tous lui conviendrait aussi. En France, des pieds nickelés se font arrêter sur les Champs Elysées pour tentative de coup d'Etat, le Figaro fait sien à leur sujet le point de vue d'une gauchiste docteur ès délation (la nouvelle génération de ce style éculé après Daeninckx et Fourest). On aimerait pouvoir en rire. Comme disait mon grand-père béarnais "nem's hasquès pas arridé qu'ey lous pots bizats" ("ne me faites pas rire, j'ai les lèvres gercées").
La Grèce humiliée
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Athènes, après 15 jours d'asphyxie de ses banques, obligée d'abroger toutes ses lois adoptées depuis février, d'accepter le retour de la troïka. Tsipras contraint de s'allier à la droite et au PASOK pour se soumettre au joug allemand. Voilà qui repose la question de la résistance militaire et économique à l'impérialisme que j'avais posée dans "Programme pour une gauche française décomplexée". Les Grecs n'étaient pas prêts à une mobilisation forte. Personne n'est idéologiquement prêt à vraiment résister à la brutalité du capitalisme européen. Voilà le fond du problème.