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Lourdes
J'étais à Lourdes aujourd'hui. Vous savez, tout comme je suis indulgent avec le Parti communiste d'Union soviétique auquel je reconnais le mérite d'avoir fait survivre une révolution dans des conditions très difficiles (je suis plus indulgent envers lui qu'envers les jacobins français de 1793), autant je suis aussi indulgent envers l'Eglise catholique sur de nombreux points. Quand je suis devant la grotte de Lourdes je ne m'exclame pas comme le font certains partisans américains du New Age : "voilà une institution fasciste qui a confisqué le vrai message du Christ et de la Vierge Marie". Je me dis plutôt : "L'Eglise a eu le mérite de construire ce sanctuaire et de l'entretenir autour des apparitions de la petite Bernadette - en plein coeur de la modernité positiviste ce n'était pas facile". Et je trouve que par exemple la RATP ferait bien d'avoir la même tolérance humaine à l'égard de l'Eglise romaine plutôut que d'oser, comme elle l'a fait récemment, interdire une affiche en faveur d'un concert de solidarité avec les chrétiens d'Orient.
Ma compréhension à l'égard du catholicisme ne signifie pas que j'adhère à son bureaucratisme qui rend souvent sa foi superficielle, et elle ne m'empêche pas de garder par ailleurs une grande sympathie à l'égard du New Age. Si les médiums que j'ai rencontrés voient des apparitions qui sont compatibles avec l'imaginaire du New Age (notamment avec la pluralité des "Guides"), c'est sans doute parce que cette forme religieuse est la plus adaptée à l'expression de la transcendance en ce moment, qui en épouse spontanément la forme, du moins dans les pays riches. J'encourage seulement l'imaginaire New Age à s'ouvrir davantage à des univers qu'il exclut, tels que le pré-socratisme et l'Islam.
Pourquoi faudrait-il dénigrer le New Age, ou son ancêtre la théosophie ? Parce qu'ils sont synchrétiques ? Mais l'isiacisme issu de la réforme de Manéthon aussi était syncrétique à l'époque hellénistique, ce qui ne l'a pas empêchée de devenir un des sédiments les plus pertinents de la spiritualité païenne de l'empire romain. Parce qu'il a un côté kistch et populaire ? Mais quelle grande religion ne l'a pas ? La simplicité est un vecteur de force dans le domaine religieux.
Je n'ai aucun doute sur le fait que la Vierge Marie est apparue à Bernadette à Lourdes, comme à Thérèse à Lisieux et aux enfants de Fatima. Je ne sais pas évidemment qui est la Vierge Marie, et je pense que toute divinité de toute religion recèle nécessairement un côté inaccessible et incompréhensible. La Vierge est-elle un écho des énergies isiaques ou d'autres énergies féminines de systèmes religieux éloignés du christianisme ou n'est-elle à appréhender que sous l'angle chrétien rigoureux ? Je préfère ne pas me poser cette question. Je n'aime pas faire de la théologie. Ce n'est pas ma vocation. Je respecte ce qui est inconnaissable.
Au dessus de la statue de la Vierge, dans la grotte sacrée, l'inscription "Je suis l'immaculée conception" figure en gascon de Bigorre, avec ses vieux articles pyrénéens pré-romans. Je ne l'avais point remarqué auparavant. La Vierge a parlé en gascon.
Déesse de l'érection
Difficile de s'enthousiasmer pour la politique en ce moment, n'est-ce pas ? Le spectacle écoeurant de la lâcheté du centre-gauche transformé, comme sous la IIIe République (ou comme toujours), en fondé de pouvoir des banques. Nos sociétés sont vieilles. Les jeunes sont voués au béni-oui-ouisme, ils ne comptent pour rien. La précarité est leur avenir pour que les babyboomers retraités puissent continuer à jouir de leurs placements bancaires. Babyboomers, grandes fortunes, banquiers et Medef même combat, sous le parapluie de l'Union européenne.
La Grèce ploie, se plaint d'avoir été trahie par l'Espagne. Pas sûr qu'une Espagne dominée par Podemos la soutiendrait plus efficacement dans le bras de fer avec Merkel. Ni notre Front de Gauche non plus. Voyez les se liguer contre Mélenchon dès que celui-ci a une parole un peu conciliante pour le gouvernement russe - et pas seulement conciliante, mais juste, car il est très vrai que cet opposant assassiné n'était qu'une sbire du néo-libéralisme sous Eltsine, qu'il ne représentait presque rien, et qu'on ne voit pas bien quel intérêt Poutine aurait eu à l'éliminer. On parle peu dans nos médias des tentatives de coup d'Etat au Venezuela, comme des tensions américano-israéliennes autour d'un possible accord entre Washington et Téhéran (nous avons tant besoin de l'Iran pour combattre l'Etat islamique). Nos médias se passionneraient plus pour la politique étrangère si nous pouvions à nouveau filmer nos bombardier partant à l'assaut de quelque régime "ennemi des droits de l'hommes". Mais la situation géopolitique ne nous permet plus de "rêver" de cela... au moins jusqu'à la prochaine élection présidentielle américaine.
Loin de cette navrante médiocrité politique, je relisais cet après-midi un passage de D'Isis au Christ aux Sources Hellenistiques du Christianisme de Jean-Pierre Chevillot (ed L'Harmatten). Il y souligne opportunément le lien que les Egyptiens faisaient entre Isis et l'érection masculine. Puisque quand son défunt frère et époux Osiris fut démembré, la belle déesse ailée réunit le cadavre, mais le pénis manquait. Isis en façonna un nouveau qu'elle colla sur le cadavre qui ressuscita en bandant, et elle en "profita" pour s'accoupler avec lui et donner naissance à Harpocrate/Horus. Il paraît que la Gnose imagina quelque chose de semblable autour de la résurrection du Christ avec Marie-Madeleine ("imagina" ou "rapporta" car tout un courant du New Age tient la chose pour véritable).
Cette histoire d'Isis colorait sans doute d'une teinte divine l'érection chez les Egyptiens, et non seulement chez les Egyptiens mais encore chez les Grecs et les Romains jusqu'à notre Gaule profonde (il y avait un temple d'Isis à Angers) et dans tout l'Empire, qui s'éprirent de la Reine des Cieux. Il peut sans doute paraître ridicule aux yeux de beaucoup de nos contemporains de rapporter l'érection ou tout autre phénomène physique, tout sentiment, toute plante, tout animal, à quelque chose de divin comme pouvaient le faire les Egyptiens. Nous préférons tant railler, dénigrer, objectiver, réduire à de la positivité scientifique, pour tout mieux adapter à notre ennui existentiel et au vide du quotidien... Moi je trouve quand même que ce regard égyptien sur la virilité ne manque ni de profondeur ni de charme. Mais bon, cette tournure d'esprit reviendra peut-être sous nos latitudes, et ce sans forcément faire des détours par les tibétaineries ou par les massages "ayurvédiques", encore que ceux-ci contribuent à "réancrer" nos sensations dans des émerveillements concrets, ce qui n'a rien de superflu...
Actualisation 2019 : Toutes ces pratiques de Yoga, médecines douces etc sont porteuses de démons et son liées à la spiritualité luciférienne New Age qui ne peut vous attirer que des ennuis. Evitez les.
Ghostbusters
En 1990 ou 91 (il faudrait que je vérifie dans mon journal), comme je trainais à la bibliothèque de Sciences Po, rue Saint Guillaume à Paris, j'ouvris au hasard le tome de la Pleïade consacré à Spinoza, et tombai sur cette lettre de Spinoza à Boxel de 1674. J'avais fait tourner des tables en 1989 à Montreuil mais cela ne m'avait guère marqué. Et je fus juste surpris de voir que Spinoza prenait le temps de débattre de l'existence des fantômes avec cet érudit protestant. Aujourd'hui encore j'aime la façon dont il récuse les arguments d'autorité en disant dans une autre lettre (pardon de l'écrire en anglais, c'est la seule version disponible en ligne) : "The authority of Plato, Aristotle, and Socrates, does not carry much weight with me. I should have been astonished, if you had brought forward Epicurus, Democritus, Lucretius, or any of the atomists, or upholders of the atomic theory. It is no wonder that persons, who have invented occult qualities, intentional species, substantial forms, and a thousand other trifles, should have also devised spectres and ghosts, and given credence to old wives' tales, in order to take away the reputation of Democritus, whom they were so jealous of, that they burnt all the books which he-had published amid so much eulogy. If you are inclined to believe such witnesses, what reason have you for denying the miracles of the Blessed Virgin, and all the Saints? " On voit bien la filiation matérialiste assumée par Spinoza.
Au même moment que l'échange épistolaire entre Spinoza et Boxel, à quelques années près, à l'autre bout du monde, Arai Hakuseki (1657-1725), qui, semble-t-il, fut un grand penseur et homme politique japonais, écrivait : "Les rites alimentent les vivants, donnent congé avec honneurs aux morts et sont au service des fantômes et des esprits" et "Les fantômes sont les forces spirituelles du yin, les esprits sont les divinités du yang". Je ne suis bien sûr pas assez calé pour comprendre ce qu'Arai Hakuseki a bien voulu dire par là. Mais si un nipponiste passe par ce blog à l'occasion, je serais heureux de recevoir ses lumières...
Pure événementialité
Un lecteur de ce blog que j'ai déjà rencontré il y a quelques années m'écrit, après avoir parcouru mon post du 30 septembre, qu'il est le cousin germain d'Irène Jacob...
Quand je faisais de la philo, on parlait de la "pensée de la pure événementialité", pensée du surgissement, qui est typique du courant Héraclite-Nietzsche-Heidegger (au fait, encore des révélations terribles sur le nazisme de ce philosophe autour de la publication de ses carnets, Books ce mois-ci et Finkielkraut dans Répliques en parlent, mais bon ça cela concerne sa vie "non philosophique"). Un lecteur qui vous dit "je suis le cousin d'Irène Jacob", c'est de l'événementialité pure, comme quand un médium vous sort dans un café "ton grand père est mort quand tu avais 14 ans" parce que cela fait "voir" qu'on est dans un monde où rien n'est prévisible, où toutes sortes de réalités cachées peuvent surgir sur un mode très étrange au moment où on s'y attend le moins.
Ce matin, je regardais un docu sur les médiums ici qui disait que ce sont surtout les femmes qui vont voir les médiums, par exemple celles qui viennent de perdre un enfant, et qu'elles obtiennent des résultats (l'enfant leur parle). Le commentateur disait que c'est parce qu'elles ont un rapport plus viscéral et intime à la vie que les hommes. C'est possible. Je me demandais pourquoi les intellectuels, eux, ne prennent pas la peine d'aller comme moi prendre une bière avec un médium et laisser les révélations se révéler... Pour mille raisons bien sûr, différentes d'un individu à l'autre. Une d'entre elles est que l'intellectuel est dans la "mécanique", l'enchainement causal rationnel. Je repensais à Nietzsche qui disait quelque part que les événements d'un intellectuel, ce sont les idées (Deleuze eût dit "les concepts") qui viennent le frapper par en haut, par en bas. Ca ne peut pas être un événement extérieur, sauf quand ils en viennent à étrangler leur femme comme Althusser ou attraper le choléra comme Hegel ("le grand Hegel frappé par le choléra", grand thème kierkegaardien). Il faut juste être crétin comme moi pour aller prendre un verre avec un médium, recevoir un événement "extérieur" de lui, et vouloir en faire un livre.
Mais que l'événement soit intérieur ou extérieur, sa force vient toujours du fait qu'il vous prend du côté où vous vous y attendiez le moins. Je m'attendais plus à ce qu'un émir me propose 600 000 euros qu'à ce que ce lecteur soit le cousin d'Irène Jacob. L'événementialité du réel est source d'espoirs, ou de peurs terribles (en ce moment, c'est plus la peur qui me gouverne que l'espoir), ou encore d'un grand sentiment d'impuissance. Sur le versant "cousin de la grande actrice", c'est plus l'impuissance qui s'impose : l'événement est énorme, mais on ne peut rien en faire, il est juste là pour vous signifier que tout est possible et rien n'est possible.
La première fois que j'ai vu une médium, c'était le 25 juin 2011. Comme avec le type qui m'a parlé de mon grand père, à l'époque je ne croyais pas du tout en ces phénomènes paranormaux. J'ai eu recours aux services de cette fille en croyant qu'elle pratiquait la sophrologie. Si j'avais su qu'elle était médium, je me serais enfui en courant... Et j'ai finalement eu recours à nouveau à ses services (avec succès) pour renaître de mes cendres cet hiver 2013-2014... comme quoi...
A l'époque donc, en 2011, si je n'ai pas donné suite à ses pseudo-séances de sophrologie c'est parce que j'étais aspiré par toutes sortes de projets que j'avais avec la chanteuse Nathalie Cardone (elle aussi une fille "inspirée" dans tous les sens du terme). Comme le fait de connaître le cousin d'Irène Jacob, le fait de prendre un pot de temps en temps avec Nathalie Cardone relevait pourtant de la même événementialité qu'on pourrait qualifier d' "anti-pragmatique". Une événementialité qui n'est là au fond que pour vous montrer qu'il n'y a rien à faire, qu'il ne faut rien essayer de faire, sauf ressentir le côté étonnant, improbable et imprévisible de se trouver à prendre une bière avec quelqu'un ou d'avoir une possibilité d'avoir un autographe de quelqu'un qu'on n'aurait statistiquement jamais dû croiser, le ressentir et s'en réjouir. Pour ma part je suis d'autant plus content de connaître le cousin d'Irène Jacob (et d'apprendre aujourd'hui qu'il l'est) que le souvenir de cette actrice dans mon esprit est associé à deux films très liés au monde des médiums... Cela tisse une trame imaginaire où tout renvoie à tout. C'est agréable...
Les saints patrons des pharmaciens belges...
Je fêtais mon anniversaire la semaine dernière. Et c'est aujourd'hui en parcourant une (très mauvaise) BD sur les Borgia que j'apprends que les deux saints de ce jour-là (cela m'a toujours surpris qu'ils soient deux), étaient des guérisseurs "anargyres" (qui refusaient le paiement) ... et des jumeaux...
Il y a 50 ans, Carlos Castaneda...
La plupart des médiums en France (quelle que soit leur place dans la hiérarchie de l'inspiration) sont "secs" : ils obtiennent leurs révélations sans stupéfiant, sans substance. Tel n'était pas le cas dans le vieux monde chamanique amérindien. Jeune anthropologue d'origine latino, Castaneda explorait leur univers il y a 50 ans jour pour jour.
Dans "L'herbe du diable et la petite fumée", je lis en ce qui concerne 1964 : "Le samedi 5 septembre vers le soir, le vieillard a chanté la chanson du peyotl pour recommencer la cérémonie. Cette fois-là, je n'ai mâché qu'un seul bouton, et je n'ai pas écouté les chants (....) Pendant que les hommes chantaient, j'ai demandé au Mescalito, à voix haute, de m'apprendre une chanson. Ma demande se mêlait aux chants des autres. Immédiatement, j'ai entendu un chant à mes oreilles. Je me suis retourné e je me suis assis le dos tourné aux autres. J'ai écouté. J'ai entendu.(...) Le matin venu, j'avais chanté ces deux chansons un nombre énorme de fois. Je me sentais rajeuni et plus fort".
Cet épisode que je cite juste parce que nous en célébrons le cinquantenaire aujourd'hui (ce que je viens de découvrir) n'est pas le plus marquant du livre, qui décrit des découvertes absolument sidérantes sous l'empire des herbes des sorciers (sidérantes, mais aussi, souvent, horriblement pénibles). Il y a 25 ans (à mi-chemin entre 1964 et aujourd'hui), il y avait des livres de poche de Castaneda dans les supermarchés (ce qui n'est plus le cas - notez qu'il y avait aussi des que-sais-je dans les magasins Galeries Lafayette de province), et je m'en détournais avec mépris (signe que j'étais moins libre et ouvert d'esprit qu'aujourd'hui). Aujourd'hui, je trouve très forte et courageuse l'aventure de ce chercheur. Et en même temps la petite familiarité que j'ai acquise avec la pensée inspirée au printemps dernier me fait trouver assez logique ce qu'il a découvert. Au fond il a été récompensé à proportion de ses efforts (mais s'il a fait l'effort d'aller avaler des substances au milieu des Amérindiens c'est parce que quelque chose de profond en lui l'y poussait, il n'est donc pas absurde que ce "quelque chose" ait trouvé ce qu'il y avait à trouver). Il est sans doute cependant un peu dommage qu'il ait cherché ensuite à faire une analyse "structurale" de tout cela. Ce dont le milieu universitaire ne l'a d'ailleurs pas su gré, et qui l'a empêché d'aller au bout de son initiation. Mais il est probable aussi qu'une limite "en lui" devait nécessairement le conduire à ce repli vers les platitudes du structuralisme, qui, in fine, l'ont maintenu du côté de la raison didactique, qui demeurait sa vocation première.
Le Tibet d'A. David-Néel
Il y a quelques jours, je regardais en DVD un de ces mauvais fims biographiques ("biopics") sur une célébrité de notre temps : Diana, avec Naomi Watts dans le rôle de la princesse de Galles. Comme son équivalent sur Margaret Thatcher sorti un peu plus tôt, et comme la plupart des productions actuelles, le film est techniquement bien fait, mais totalement dépourvu d'inspiration - notamment les scènes paroxystiques tombent parfaitement à plat.
Dans le supplément le réalisateur explique que Diana Spencer était probablement une médium-guérisseuse, même si elle n'a jamais développé ce don, que cela se sentait dans ses gestes et dans son regard, et que c'était sans doute aussi le cas de son amat le chirurgien dont j'ai oublié le nom.
L'intuition se veut chic, mais elle est simplement "trendy" comme lorsque TF1 avance le slogan "recevez des énergies positives" ou quelque chose dans ce goût-là.
La globalisation véhiculée par Internet nous offre en ce momet du "ready-made" chamanique,mystique, bouddhiste etc digne des pires super-productions de Walt Disney et cela entre progressivement dans la vulgate de tous les domaines, même cinématographique (songez par exemple à Marion Cotillard qui dit être allée voir un exorciste. Tout ce mauvais goût chargé d'images à 5 centimes (les "maîtres ascensionnés"), de fausses fêtes (la fausse fête de la pleine lune de Wesak par exemple dont beaucoup de gens croient dur comme fer qu'elle est tibétaine), n'est pas pire, me direz-vous, que les vagues d'irrationnalité orientalisante qui se sont abattues sur l'Europe dans les années 1960 ou 70 par exemple ne valurent pas mieux. Mais l'important est de s'affranchir des clichés de masse.
Je ne sais pas ce que vaut le bouddhisme d'A. David-Néel, et je m'en fiche un peu. Ce qui compte en premier lieu à mes yeux, c'est qu'il nous plonge dans une autre époque : celle où Georges Clemenceau collectionnait des statues de l'Illuminé. Une époque libère d'une autre par le simple mouvement de détachement que sa découverte provoque. En second lieu, ce que j'aime chez cette voyageuse c'est le témoignage qu'elle porte sur la ferveur paysanne de tous ces Tibétains ordinaires jetés sur les routes des pèlerinages : elle fait entendre leur langue, leurs rires, leurs prières, voir leurs visages, leurs lieux saints. On se doute bien que ni le Tibet actuel gagné par la modernité sous l'emprise de la République populaire de Chine, ni le Tibet lamaïste en exil de l'autre côté de la frontière indienne n'ont plus grand chose à voir avec ce bouddhisme-là, tout comme, si l'on veut, mon village natal aujourd'hui n'a qu'un rapport éloigné et extrêmement formel (peut-être même purement nominal) à ce qu'il était dans les années 1930.
Les lieux de ferveur mystique sont intrigants. On sait quelle fascination l'Egypte par exemple exerça sur tous imaginaires, même ceux des conquérants arabes malgré la passion iconoclaste et anti-païenne qui les animait. Le Tibet est de la même sorte. Ces lieux de foi véhiculent maintes impostures, mais aussi des éléments d'élévation authentique de l'humanité au dessus de l'esclavage de sa routine. Ce qui est intéressant dans la façon dont A. David Néel (ADN) restitue ces vecteurs de dépassement dans le contexte historique où elle les découvre, c'est qu'elle le fait à partir d'un cheminement personnel authentique. Elle n'est pas au Tibet pour réaliser une thèse universitaire, mais poussée par un élan intime qui est à la fois politique et métaphysique (peu de gens - à part quelques grands auteurs que je mets en valeur dans ce blog, et bien sûr tous les grands philosophes - ont une intuition profonde du lien qu'il y a entre le politique et le divin) : elle part d'un geste libertaire, anti-colonialiste - la volonté de braver l'arbitraire colonial anglais qui interdit l'accès au Tibet aux Occidentaux -, geste dont l'essence est l'auto-affirmation de sa puissance d'être humain ; le geste cheminement ; les dieux appuient le cheminement, de l'intérieur et de l'extérieur (comme lorsqu'ils lui "envoient" comme elle dit p. 91 un bonnet en peau d'agneau du pays de Kham au bord de son sentier), et du coup le cheminement croise, sur un mode plus authentique que s'il s'était agi d'une collecte d'informations scientifique ou administrative, le cheminement propre des populations locales.
Peu importent la religiosité ou l'athéisme affichés. Ce qui fait la force d'un voyage comme d'une action politique, ou d'une histoire d'amour etc, c'est la force intéreure qui l'habite. La part d'imposture et de faux semblants se révèle toujours. Dans le cas d'ADN l'authenticité de la force motrice ne fait aucun doute, et, du coup, elle fait ressortir des pans du réel (par exemple l'atroce saleté du peuple tibétain - rappelez vous mes remarques sur le fait que le grotesque cotoie toujours le sacré, la saleté la pureté etc) qu'une démarche plus artificielle n'aurait jamais pu saisir...
Mon Golgotha
Actualisation 2019 : Texte écrit à l'époque de mes échanges avec les médiums, largement renié depuis que je sais quelles forces sont à l'oeuvre dans tout cela.
A midi aujourd'hui, je montais une côte pareille à un Golgotha, avec cinq exemplaires de mon dernier manuscrit, contre le ventre comme une femme enceinte, et non comme Jésus sur l'épaule (des manuscrits dont j'ignore à quel éditeur les envoyer). Les cloches des églises qui sonnaient les douze coups ajoutaient à la solennité de l'instant. Instant triste sous un ciel gris car tous les bureaux de postes fermés le lundi matin avaient opposé une grille austère à mon besoin d'avoir des timbres pour envoyer cette paperasse.
Il n'y avait rien d'encourageant dans cette ascension, sauf Pénélope Cruz qui me regardait fixement en haut de la côte, en me demandant "Tu t'attendais à quoi?". Ce n'était pas Marie-Madeleine, mais quand même la femme d'Ulysse, et son nom évoquait ma croix... Elle avait sur l'épaule le perroquet des portraits de Marguerite de Navarre dans sa jeunesse. Un perroquet aux ailes de papillon, comme une hipparchia. Pénélope ne m'a jamais déçu, de "Jambon Jambon" à "Volver"... J'ai donc marché bravement en la regardant droit dans les yeux !
Un jour sans fin
Il paraît qu'il y a une super Lune ce soir. Le ciel est nuageux. Je ne la verrai donc pas. Tant mieux.
Arte ce soir diffusait "Le jour sans fin" ("Le jour de la marmotte"). Une comédie à coloration métaphysique : un type est coincé dans un coin perdu de Pennsylvanie, et condamné à revivre sans cesse le même jour.
Moi aussi je suis entré dans un jour de la marmotte depuis 8 mois (bientôt le temps d'une gestation) en ce sens que je n'ai plus aucun contrôle sur ce qui m'arrive. Toutes les pédales ont lâché, je ne peux plus rien anticiper des réactions des gens à mon égard, je ne décide pas vraiment ce que je fais, ce que je dis, et je vois bien que les propos que m'adressent les gens, en bien comme en mal, ne me sont pas vraiment destinés et ne dépendent pas vraiment de ce que moi-même je leur dis.
Une médium (et maître de reiki) vendeuse de fromage dans un supermarché (ça n'empêche pas, et ça va même plutôt ensemble sembe-t-il) du côté d'Aubagne me disait, lors de la dernière soirée de lune noire : "Il te suffit de te laisser porter". Bigre ! Mais ça n'a jamais été ma philosophie ça, ma bonne dame ! Moi je m'suis fait tout seul. Fils d'ouvrier, grandes écoles, blabla... Tsst tsst ! cause toujours mon bon ami ! la Lune a changé de place. Maintenant tu n'as plus ton mot à dire. Supporte ta migraine et laisse le volant aux autres... ou aux Autres...
Jupiter
Souvenir des écrits de Nietzsche sur la solitude. Souvenir de la fascination de Deleuze pour l'art japonais de l'épure. Contrairement à ce que soutiennent les "coach" et thérapeutes en tout genre, la vie n'a pas pour but de "devenir ce qu'on est". La vie n'a tout simplement aucun but, et c'est cette absence de but qui devrait nous la rendre très légère à vivre.
Journée de samedi dans une solitude complète à terminer l'écriture d'un livre (j'en suis à 94 pages A4) dont je n'attends strictement rien (je pense le faire paraître chez Edilivres, complètement incognito). Puis pour faire plaisir à Pierre Piccinin qui partira pour Donetsk lundi, je vais tenter d'écrire les premiers chapitres de ses chroniques de terrain sur l'Ukraine qui paraîtront sans doute chez l'Harmattan. Ces écrits politiques me paraissent moins fondamentaux que tout ce que je fais d'inutile loin des regards.
Je songe beaucoup à cette image de Caton d'Utique dans Lucain renonçant à visiter le sanctuaire d'Amon en Egypte (où Alexandre le Grand avait consulté l'oracle, marrant comme les philosophes se définissent souvent par opposition à Alexandre, pensez à Diogène) parce que, disait-il, "Jupiter est en moi", de sorte qu'il n'y avait pas besoin d'aller le consulter en plein désert. Cela rappelle bien sûr ce passage de l'Evangile où Jésus fait scandale en disant que le temple de Salomon n'a aucune valeur car Dieu peut le détruire d'une pichenette, aucune valeur à côté de la présence de Dieu en nous. Si l'on agit en politique, si l'on tente de faire connaître la vérité, si l'on fait de l'art, si l'on écrit, si l'on aide son prochain, c'est pour manifester le Jupiter qui est en nous. Mais cette théophanie ne doit être qu'un élément accessoire d'une présence en soi d'une force qui doit être à elle-même son propre but.
Si cette présence n'est pas suffisamment tangible il existe des techniques pour mieux l'éprouver en soi. Mais l'action (l'écriture, le combat etc) ne doit être qu'un attribut secondaire de la présence, pas un succédané.
Le syndrome de Viridiana
Mon amie provençale me dit que, si le medium qu'elle m'a fait connaître en février est devenu un voyou (car il a été fort arrogant et malautrus avec elle et avec ses amies), c'est à cause de moi, car je lui aurais donné confiance en lui même en le valorisant et, de la sorte, il aurait perdu toute humilité. Il faut donc que je cesse de m'intéresser aux gens si cela les rend cyniques et égoïstes. Appelons cela le syndrome de Viridiana. Invitez les affamés à votre table et ils saccageront votre maison... Une autre version de "cria cuervos y te sacaran los ojos"...
Les alcaloïdes de la mandevilla
On progresse : la mandevilla (autrefois appelée dipladenia) fait partie de la famille des apocynacées (comme le laurier rose et la pervenche), plantes produisant un latex riche en alcaloïdes. Dans les pharmacopées traditionnelles, certaines espèces sont réputées pour leur propriétés anti-inflammatoire, analgésique et prescrite pour traiter les morsures de serpent (peut-être un lien avec le serpent d'Apollon, et ceux du désert des Syrtes dans la "Retirada" de Caton, nous sommes d'ailleurs avec une lune dans l'angle de Jupiter, grande référence de Caton).
Mais peut-être la synchronicité entre cette plante et mon dimanche 25 mars tient-elle plus à cela " Apocynum, lui-même issu du grec apo, loin de, et kunos, chien, employé ici dans le sens 'qui les tue', en référence à l'usage d'Apocynum androsaemifolium comme poison. "... le lien avec le saint cynocéphale et le sacrifice des chiens à la lune noire d'avant hier est peut-être davantage à retenir.
Mandevilla
Méchant coup derrière la tête hier. Sans doute à cause de la Lune noire qui ne me réussit pas depuis le 22 décembre. Mon saint patron cynocéphale est toujours sacrifié à Hécate...
Je cherche partout la signification de la mandevilla sanderi pour les Latino-Américains. C'est la fleur qui est venue à moi dimanche dernier.
Personne n'éclaire ma chandelle...