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On strike
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Les lecteurs de ce blog qui savent quelle a été ma position pendant la crise des gilets jaunes et celle du Covid, peuvent deviner aisément la mienne aujourd'hui à l'égard de la situation actuelle et du peuple français qui subit une nouvelle persécution dramatique. Mes comptes Facebook, Twitter et You Tube ont fait l'objet d'une attaque en règle et ont été bloqués. Je n'ai pas cherché à les réactiver, préférant m'imposer un certain sevrage en la matière (je ne les utilisais déjà guère, et ne naviguais sur Twitter que pour nourrir certains billets du présent blog). Quant à ce blog, qui a maintenant très peu de lecteurs, je ne crois plus très utile de lui consacrer du temps. La cure de silence a parfois des vertus. En tout cas, vous qui aimez votre pays et voulez contribuer positivement à l'avenir de l'humanité, pensez à abonder les cagnottes de grévistes qui auront du mal à ancrer leur mouvement dans le temps. Il y en a une ici.
Début mars...
Je déjeunais mardi avec un militant engagé dans la défense d'Assange, un homme de mon âge qui s'est toutefois impliqué dans le combat politique plus tardivement et donc garde sur certains points des espoirs que je n'ai plus (quoique bien sûr je n'aie point renoncé à agir, en témoigne la publication de mon livre sur le stoïcisme). Peut-être cette année vais-je reprendre un peu pied dans l'univers parisien à travers l'angle abkhaze. Nous verrons bien.
J'ai en tout cas conseillé à ce garçon la lecture de mon compte-rendu d'activisme des années 2000-2010 ici puisqu'il se trouve confronté à des gens que j'ai plusieurs fois croisés. J'avoue que, depuis mon repli en province à partir de 2015, je ne suis plus enclin à céder à la tentation autobiographique comme je l'étais encore il y a dix ans.
Je pense qu'il y a trop de paramètres que nous ne maîtrisons pas pour pouvoir faire une récit juste de ce que l'on fait ou de ce que les gens nous apportent. Des choses se passent, voilà tout. De toute façon toute la définition de mon action en société a changé depuis ma conversion. Ce n'est plus un combat d'intello engagé contre le "néo-libéralisme" ou l' "impérialisme", c'est une action que j'espère inspirée, contre un totalitarisme mondial, lequel prend sens dans une visée éthique et eschatologique. Je n'y suis pas en tant que "sachant" mais en tant qu'individu qui essaie d'utiliser certains dons innés et certaines expériences acquises au service de ce que le Créateur peut vouloir pour ce monde.
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Comme vous avez pu le voir ces derniers jours, j'ai mené quelques recherches qui complètent les précédentes (sur l'Ukraine, sur le World Economic Forum, les Smart cities, le Proche-Orient, l'Afrique). Il y a quelques points que j'ai gardés dans ma documentation que je n'ai pas le temps ou l'envie d'exploiter dans des billets comme les paroles de Medvedev sur la modification des frontières en Europe, le chantage des USA sur la Serbie pour obtenir des munitions d'elle contre les Russes (vive les guerres fratricides !), les fausses rumeurs sur la présence de Wagner au Kosovo, les démarches de l'Union européenne pour intervenir au Haut Karabakh, le dumping du grain ukrainien, la crise des terres agricoles en France, la lecture au Sénat du projet de loi sur les retraites, la politique de vaccination contre le papillomavirus etc. On verra cela ultérieurement.
Je prépare un voyage à La Havane prochainement. Si vous avez un message à délivrer à quelqu'un là-bas faites moi signe.
La Vie Scolaire
Mon fils, qui a beaucoup de jeunes des cités dans sa classe, m'a conseillé de jeter un coup d'oeil au film de Grand Corps Malade et Mehdi Idir "La Vie Scolaire" qui se passe à Saint-Denis.
Evidemment ce film m'a rappelé le temps où je travaillais à la mairie de Brosseville, et recevais de temps à autre des jeunes de ce profil ou leurs parents. Je ne suis pas sûr d'avoir grand chose à dire de cet univers avec lequel je continue de garder des liens (et parfois même beaucoup de liens inconscients) : n'ai-je pas cet été aidé une ancienne conseillère municipale de Brosseville à écrire ses mémoires ? et n'ai-je pas avant hier contribué de façon décisive à la fin de la rétention administrative d'un ressortissant tchétchène d'Ivry ?
J'ai un pied dans la banlieue parisienne, un pied en Lettonie à travers la préparation d'un voyage là-bas (et de mon prochain livre). Pour autant, je ne suis pas sûr d'être très légitime à parler de ces univers, qui parlent très bien d'eux-mêmes pour eux-mêmes, et qui n'ont pas forcément besoin qu'on parle d'eux. Parfois je lâche un mot à leur sujet, pour faire contrepoids à ce qu'en dit BFM TV, ou simplement juste pour lâcher un mot, parce que, comme dirait l'autre, l'humain ne peut s'empêcher de communiquer comme l'araignée de peut s'empêcher de tisser sa toile, et parce que, n'étant pas un saint, je ne sais pas suffisamment me taire...
Mais il manque peut-être à la banlieue - comme il manque à la Lettonie ou à l'Abkhazie - son Gide ou son Balzac. Quelqu'un qui saurait en parler, écrire sur elle. Pas seulement la filmer. On filme trop. Les films restent à la surface des choses.
Gen Paul, Montmartre et Marguerite
Puisque beaucoup d'abonnés de ce blog annulent leur inscription ces derniers temps (sans que je sois en mesure deviner pourquoi), je puis, en un sens, maintenant, me sentir plus libre d'y écrire un peu ce qui me passe par la tête sans me demander ce qu'on attend de moi. C'est un peu d'ailleurs ce que j'y faisais il y a dix ou quinze ans, à une époque où je n'avais pas moins de lecteurs - même si c'étaient des lecteurs au profil sans doute différent.
Tenez, savez-vous qu'en ce mois de mai, un de mes billets les plus lus est celui que je consacrai à la tombe de Marguerite d'Angoulême en 2012 (en un temps où j'utilisais un langage dans lequel je ne me reconnais plus) ? Je suppose que c'est là le fruit des hasards des référencements sur Google et des recherches des collégiens pour quelque rédaction que leur commande un prof de français. Mine de rien la Marguerite des Marguerites aura rapporté plus de lecteurs à ce blog que tout mon militantisme dans les milieux anti-guerre, car elle m'a aussi fait écrire sur le quintinisme, au moment où j'étais sur la pente escarpée de l'athéisme, et comme j'étais un des rares internautes français à écrire sur Quintin, divers esprits curieux de la Renaissance sont venus à mon blog par ce biais, y compris d'ailleurs un historien distingué. Je ne regrette pas tous ces charmants billets, dont un m'avais aussi conduit vers les oeuvres de Brantôme... L'univers de la Renaissance est étrange et pose diverses questions sur les avantages ou les dangers de l'ésotérisme chrétien. C'est un sujet des plus complexes. La dette que l'on doit avoir ou pas à l'égard du néo-platonisme et de ses vapeurs souvent malsaines (je ne sais pas pourquoi mais cela me renvoie à E Michael Jones, le seul auteur à ma connaissance qui pointe ce qui cloche le plus dans le règne de Julien l'Apostat : ses liens avec l'occultisme, qu'il relie à bon droit avec la problématique du néo-platonisme en général).
Mais laissons là la Renaissance. Hier je me penchais plutôt sur Montmartre et sur le peintre Gen Paul. Là encore l'occultisme n'est pas loin. Pensez au cabaret le Chat Noir qui en était le siège, à l'inventeur Charles Cros. Gen Paul faisait sans doute partie de ces âmes perdues. Son interview chez Chancel l'année de ma naissance, respire l'impasse existentielle de tous ces créateurs sans dieu qui se consolent dans un amour illusoire de la nature. Mais, que voulez-vous, j'ai toujours une grande tendresse pour la mémoire du Paris populaire. Vous savez que j'ai aidé une vieille dame parisienne à publier ses souvenirs quelques années avant son trépas (une école fut inaugurée à son nom il y a 7 ans, dans la ville où je l'avais interviewée, Sevran, je n'en ai même pas été informé - les gens ne sont vraiment pas corrects). Elle n'avait pas vraiment des origines populaires, mais elle avait la gouaille et l'argot de ce milieu-là. Son militantisme communiste en banlieue (alors qu'elle était parisienne), l'avait conduite à cultiver cela.
Tout béarnais que je suis, j'ai été très entouré par l'argot parisien dans mon enfance. Je ne sais pas trop par quels canaux cela passait : peut-être par les chansons à la radio (la "TSF"), le cinéma, ou peut-être par l'influence très indirecte d'oncles engagés dans l'armée. Qui sait ? Je ne vais pas tenter de remonter le fil sociologique de ce genre de transmission de cultures très localisées à des centaines de kilomètres de leur "terroir" (ou de leur macadam...).
On sait les lettres de noblesse académique que Céline donna à cette langue, et quelles lettres d'abjection il donna à l'anarchisme qu'elle véhiculait. Gen Paul était de cet anarchisme-là. D'ailleurs il aurait déclaré que ces Céline qui lui a appris l'argot (voir ici)... Bizarre... Ce n'était donc pas naturel sur la butte ?
En parcourant quelques textes sur Internet pour boucler cette petite promenade vispérale à travers le Montmartre d'il y a cent ans (rien à voir avec l'artefact actuel pour touristes piégés par Amélie Poulain), je tombe sur cet article de Richard Khaitzine intitulé "Les Mystères de Montmartre" du numéro de la revue "Le Vieux Montmartre" du 1er janvier 2002 (il y a 20 ans).
L'auteur y écrit ceci (p. 32) à propos du roman "Le Roi Mystère" de Gaston Leroux (habitué du Chat Noir, son arrière petite-fille tient encore un bistrot à son nom à Montmartre) : "Le Roi Mystère recèle d'autres énigmes qui, toutes, confirment nos hypothèses de travail. Ainsi, que penser de ces concierges de Montmartre veillant sur la sécurité du Roi Mystère et de ses amis ? Que penser, en particulier, de cette concierge qui possède un perroquet souffrant d'une curieuse monomanie lui faisant débiter toujours la même phrase : " Tu es la Marguerite des marguerites, la perle des Valois... ". Si Gaston Leroux semble avoir voulu évoquer l'érudite sœur de François 1er, pour des raisons qu'il serait trop long d'exposer ici, nous pouvons être certains qu'il souhaitait aussi orienter son lecteur en direction de Maxime Lisbonne. Cet ancien Communard, déporté au bagne de Toulon, lors de son retour, fonda différents établissements qui, tous, eurent le même insuccès : La Taverne du Bagne (Gaston Leroux, dans les Aventures de Chéri-Bibi, ex-bagnard poursuivi par la Fatalité, évoqua fréquemment les cabarets montmartrois)".
Je puis jurer que lorsque j'ai commencé à écrire ce billet en parlant de Marguerite de Valois, j'étais à des lieues de penser que je retomberais sur elle à propos de Montmartre ! De même que je ne pouvais supposer il y a 15 jours en jetant un oeil rapide sur un extrait de "Chéri-Bibi" sur une vidéo de YouTube que je citerais le nom de cette série de mon enfance dans ce blog aujourd'hui... Décidément la façon dont les choses se recoupent devient des plus troublantes. Si seulement ce Richard Khaitzine, écrivain alchimiste, avait bien voulu nous dire justement pourquoi Leroux citait Marguerite à propos de Montmartre plutôt que d'estimer que ce serait "trop long à exposer"... Et je ne puis le lui demander par mail : il est décédé le 9 décembre 2013...
Fin d'année
Je vais envoyer quelques voeux à minuit. Je suppose que les destinataires y répondront en des termes très formels, sans rien manifester de profond.
Je ne m'attends pas à ce que quelqu'un que j'aurai croisé sur mon chemin par le passé prenne spontanément l'initiative de me souhaiter une bonne année, ni que cette idée vienne à l'un des rares lecteurs inconnus de mes livres. Ce n'est jamais arrivé les 1er janviers depuis dix ans, il n'y a pas de raison que cela advienne cette fois-ci. Je crois que je n'ai marqué l'itinéraire de personne. Mon nom, mes écrits, mon visage sont enveloppés d'un oubli complet aux yeux des gens qui les ont rencontrés. Prenons les militants anti-OTAN par exemple. En 2000 un informaticien belgo-serbe dont je tairai le nom ici disait que j'avais fait plus pour l'information alternative sur Internet concernant les Balkans en 1999 que tous ses compatriotes réunis. Hé bien je sais qu'aucun des nombreux ex-Yougoslaves que j'ai connus il y a vingt ans ne se manifestera spontanément ce 1er janvier, et la publication il y a quelques mois en russe de mon livre sur mon engagement yougoslave ne changera rien à leur silence. Il en va de même des contributeurs de l'Atlas alternatif auxquels j'ai donné la parole il y a quinze ans dans cet ouvrage collectif que l'éditeur a vite enterré, des patrons de samizdats auxquels j'ai contribué il y a dix ans, des dizaines d'Internautes avec qui j'ai eu des échanges divers et variés sur toutes sortes de sujets en 2012, en 2015, en 2018...
Je ne sais pas à quoi cela est dû, si c'est au fait que les gens n'ont plus de mémoire du passé, ou si quelque "éther" surnaturel spécifique entoure mon nom d'oubli, d'indifférence, de sentiments hostiles. Je ne m'en plains pas du reste. Beaucoup d'écrivains solitaires beaucoup plus talentueux et pertinents que moi, du temps où Internet n'existait pas, ont connu ce sentiment d'indifférence généralisée à leur égard. Certains ont bénéficié ensuite d'un succès posthume, d'autres sont restés ignorés. Les choses sont ainsi. C'est de l'ordre de l'inexplicable. Cela ne m'empêchera pas de continuer de lire, écrire (je travaille sur un projet de bouquin en ce moment). Il n'est pas besoin d'avoir un public pour jeter des petites bouteilles à la mer. Nietzsche parlait de flèches qu'on lance dans le vide, au cas où quelqu'un un jour les attraperait... Il faut bien que j'essaie de me rende utile de cette manière, puisque c'est à peu près tout ce que je sais faire. Et si cela ne sert pas, qu'y puis-je ? On continue d'écrire parce que c'est "the thing to do", voilà tout.
Tous mes voeux, ce soir, aux solitaires qui tomberont sur ce billet, tous ceux que les gens qu'ils ont croisés ont aussi oubliés et qui n'ont pas la consolation de se dire que, malgré tout, quelques uns de leurs livres dorment dans des bibliothèques publiques, auxquels peut-être un jour quelqu'un s'intéressera. Aux navigateurs du Léthé enveloppés de brume.
Dans le train...
Dans un train, en première classe, un titre accroche mon attention sur la tablette d'un quadragénaire à côté de moi "Comment l'Europe abandonne les Yézidis". Le Journal s'appelle "Franc Tireur" numéro 6. Sur le site de ce média, on apprend qu'il a été fondé par des journalistes mainstream que je déteste. C'est un magazine très anti-chrétien, pro-ingérence. Un de ses fondateurs veut envoyer la police chez les non-vaccinés.
Il y a quelques mois, quand une faiseuse d'anges yézidie est morte avec les hommages de CNN alors qu'elle était très controversée dans sa communauté, j'ai dit à un éditorialiste chrétien américain qu'il faudrait quand même expliquer à l'opinion publique un jour que les Yézidis sont un peuple "sociétalement" très conservateur, pas du tout sur la longueur d'ondes de ceux qui, sous nos latitudes, les défendent. Mais il n'a pas publié l'article que je lui proposais sur ce thème.
Je n'ose pas trop demander à ce passager comment il a connu l'existence de ce magazine qui n'est pas beaucoup cité sur le Net... Je ne pourrai pas retirer beaucoup d'informations sociologiques sur ce personnage, à part le fait que, quand il a fini de lire "Franc Tireur", il ouvre "Il fait beau à Paris aujourd'hui" de Fred Uhlman...
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Transnistrie, Biélorussie : échange avec un reporter
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Je déjeunais tout-à-l'heure avec un jeune reporter free lance, collaborateur occasionnel du Monde Diplomatique, qui a emprunté à son tour, 14 ans après moi, le chemin de la Transnistrie - Novosti PMR, le journal local transnistrien lui avait consacré un article élogieux le 21 mai, il y a un moi, voyez ici, ça peut très bien se lire avec le traducteur automatique de Google. Il a mené une enquête auprès de la jeunesse transnistrienne sur leur conception de l'identité de leur pays. A priori tous sont loyaux à l'Etat transnistrien, mais trouveraient plus confortable que leur pays devienne une région autonome de la Moldavie, comme la Gagaouzie... Rien de très nouveau de ce point de vue par rapport à 2007.
Ce journaliste me disait qu'il avait l'impression d'un niveau de vie similaire dans les villages transnistriens et dans les villages moldaves. Il m'a expliqué que le gouvernement moldave devait accorder des subventions spéciales aux habitants des bourgs frontaliers pour que leurs habitants ne s'installent pas de l'autre côté du Dniestr où par exemple le prix de l'électricité est sensiblement plus cher. D'après lui la gauche serait en passe de remporter les élections en Moldavie, confirmant le mouvement de balancier dans ce pays entre pro-européens et pro-russes. Le journaliste m'a dit avoir été étonné de constater que la Moldavie ne donnait pas une impression d'échec économique comparable à l'Albanie.
Nous avons aussi échangé sur la Biélorussie qu'il connaît bien, et l'affaire du détournement de l'avion de Ryan Air qu'on évoquait récemment sur ce blog. Il attirait mon attention sur le fait qu'il y avait eu en fait deux mails du Hamas, dont un adressé aux Lituaniens avant que l'avion ne soit contraint de se poser à Minsk. Donc que les mails soient faux ou pas, le timing n'est pas exactement celui décrit par les journalistes du Spiegel, et l'hypothèse d'un coup monté contre Loukachenko tient la route, d'autant que lorsque le journaliste Protassevitch, il était perdu dans la foule, des photos le montrent, et les autorités biélorusses ne savaient même pas qu'il était à bord. Je lui ai signalé que le président russe Vladimir Poutine dans une interview à NBC la semaine dernière avait lourdement incité les journalistes occidentaux à questionner le pilote plutôt que de répéter bêtement la propagande du Département d'Etat américain. C'est effectivement du bon sens.
Sur les relations biélousso-ukrainiennes, Loukachenko, m'apprenait mon interlocuteur, a pris langue avec la République de Lougansk (ce qui pourrait valoir début de reconnaissance) et l'a autorisée à enquêter à Minsk sur les activités de Protassevitch dans le cadre du bataillon néo-nazi Azov dans le Donbass... Une affaire qui n'arrangera pas forcément ses parrains occidentaux...
A propos de la gestion de la crise du Covid par Loukachenko, le reporter me faisait savoir que grâce au bon système de santé biélorusse, les patients bénéficiaient d'une bonne prise en charge dans les hôpitaux, avec même des ambulances qui venaient les chercher chez eux, et que la politique des masques avait été comparable à celle en vigueur à Berlin (masques en intérieur mais jamais à l'extérieur), d'autant que la Biélorussie dès le début de l'année s'étaient mis à en fabriquer (là bas on n'hésitait pas à réquisitionner les usines, ce que la France n'avait pas osé faire) de sorte qu'il y avait eu assez peu de morts, et sans confinement...
In memoriam : Alsou Goubaïdoullina (1952-2020)
Nous déplorons aujourd'hui la disparition d'Alsou Goubaïdoullina, décédée cette nuit du coronavirus Covid-19 dans un hôpital d'Oufa en Bachkirie (Russie), à l'âge de 68 ans. Elle venait d'achever la traduction en russe de mon livre "L'ingérence de l'OTAN en Serbie" paru en France en 2014. Elle avait aussi traduit en russe entre autres le poète romancier irlandais Patrick Kavanagh.
Après avoir élevé seule ses deux fils, elle menait une retraite paisible dans son petit appartement dans la capitale bachkire où elle vivait entourée de ses chats et de ses plantes.
"J'ai encore du mal à croire que cette personne si douce et si généreuse ne soit plus de notre monde", m'écrit son amie la journaliste Nur Dolay qui m'a annoncé sa mort ce matin et qui insiste sur la très grande ouverture d'esprit et curiosité intellectuelle de cette personne qui prenait la plupart du temps l'initiative de choisir elle-même les auteurs qu'elle traduisait pour faire connaître dans son pays la littérature étrangère.
Son décès intervient un an après celui d'une des personnalités citées dans l'ouvrage qu'elle venait de traduire, Maja Nikolic ("Marina" dans le livre) à l'âge de 55 ans.
Requiescat in pace.
Verrazane et Marguerite de Navarre

Il y a si peu de liberté ! Dans les trains des gens vous interpellent dès que vous descendez votre masque sous le nez ! C'était donc une joie pour moi de voir dimanche dernier du haut du pont d'Espagne à Pau un pêcheur exhiber une truite au bout de sa ligne et la montrer à sa petite fille émerveillée. Voilà un plaisir simple et sain que les technofascistes n'ont pu lui voler. C'est devenu si rare.
En longeant le château de Marguerite de Navarre (Marguerite d'Angoulême), la soeur de François Ie, je songeais que c'est à cause d'elle que le pauvre navigateur, toscan de Lyon, Jean de Verrazane, Giovanni da Verrazzano, qui périt tristement dévoré par les cannibales, nomma le site de New-York "Angoulême" ou "Nouvelle Angoulême" en 1524 et la baie de l'Hudson "Baie Ste Marguerite".
S'il a nommé cette baie en l'honneur de la "Marguerite des Marguerites" et non de son frère le roi, c'est qu'elle a dû l'impressionner. Comme je l'ai déjà dit, les dames de la cour à l'époque se devaient d'incarner le sommet du bon goût et tout ce que le royaume très chrétien de France, fille ainée de l'Eglise, avait de plus splendide, et c'est ce que faisait la reine de Navarre en sa propre cour comme à la cour de son frère, si bien qu'il est un peu vain de la décrire seulement comme une "grande intellectuelle" à la Marguerite Yourcenar comme le font nos contemporains. J'ai voulu avoir des renseignements sur la rencontre entre Verrazane et Marguerite.
En attendant j'ai jeté un oeil à son Heptaméron pour voir si elle y parlait des expéditions en Amérique. Il évoque celle de Robertval, "chef par le commandement du Roy son maistre, en l'isles de Canadas" (en 1542) dans sa 67ème nouvelle. C'est une belle histoire qui me rappelle la série de mon enfance "Les robins suisses". Robertval abandonne un homme qui l'avait trahi, ainsi que sa femme sur un littoral inhospitalier. La femme est pieuse et lit beaucoup le Nouveau Testament (notez la petite connotation protestante : on ne dit pas qu'elle récite des Ave Maria et des Pater Noster). Elle assiste loyalement son mari. Ils résistent au milieu hostile. Le mari meurt. La femme survit, défend la dépouille mortelle de son homme qu'elle a enterré profondément, fac aux bêtes et sera finalement ramenée affaiblie mais vivante à la Rochelle par un navire de passage. L'histoire rappelle la question de l'amour au de la mort que j'avais évoqué dans ce billet à propos de Marguerite de Navarre et de Bourdeille. La reine de Navarre l'agrémente in fine de citations des épîtres de Paul en l'honneur des femmes qui comblerait d'aise les chrétiennes de notre époque attachées à la défense à la fois de leur foi et de leur sexe (mais Marguerite de Valois a la prudence de tout rattacher à la bonté de Dieu sans mérite pour l'humain). Une chronique précise que cette femme nommée Marguerite comme la reine était nièce de Robertval et qu'elle avait été déposée sur l'île dite "île à la demoiselle" sur le Saint Laurent (52e degré nord) avec son amant qui s'était montré trop assidu à son égard aux yeux du capitaine. Ce que la reine de Navarre emportée dans la mode italienne du thème galant "amour toujours" (comme dans l'affaire de Bourdeille d'ailleurs), c'est qu'il s'agissait d'une idylle adultérine...
Pour ce qui concerne plus précisément la rencontre de Marguerite avec Verrazane, j'ai pensé aller lire quelques livres à la médiathèque de Dieppe, ville où le marin a un portrait gravé dans le marbre, et où se trouvent quelques livres sur lui. Mais le temps et le courage de reprendre un train avec un masque sur le nez me font un peu défaut pour l'instant...
En y songeant je me dis que peut-être suis-je trop indulgent envers Marguerite de Navarre, dont j'ai montré aussi les faiblesses pour le spiritisme mêlé à la passion charnelle - cf ici - et le libertinage des quintinistes sous couvert de protestantisme. Le marquis de la Franquerie dans son "La vierge Marie dans l'Histoire de France" (1939) fut très sévère pour Marguerite."Malheureusement, écrit-il p. 123, le roi (François Ier) ne resta pas longtemps sous la pieuse influence de la reine Claude de France, il tomba sous celle des libertins et surtout de sa soeur, Marguerite, qui déjà protégeait les hérétiques et, après son mariage avec Henri d'Albret, en 1527, allait faire de sa cour de Nérac le refuge de Calvin. Au lieu de se conduire en Roi très chrétien, François Ier favorisa la Renaissance, qui 'étalera la pourriture païenne' et 'prêchera l'erreur et le vice' ". Il attribue au déclin spirituel du roi sous l'influence de sa soeur sa captivité à Pavie (dont il ne réchappa que grâce à un voeu à la Sainte Vierge), puis la mort de six de ses sept fils
Après tout, qui sait si les accointances de Verrazane pour Marguerite de Valois, ne participent pas de sa dépravation qui le conduisit à finir sous la dents des cannibales dans les Caraïbes ?
En tout cas ces escapades historiques restent un petit plaisir gratuit et innocent que l'on peut encore s'accorder pour fuir une époque pesante. Celle qui précédait les guerres de religion ne valait peut-être pas mieux, mais au moins elle est très lointaine. Se déplacer vers elle par l'esprit suffit à relâcher un peu la pression du présent.
In memoriam : Maja Nikolic (1964-2019)

La graphiste belgradoise Maja Nikolic, webmestre du premier site d'information alternative que j'ai dirigé en 2000 - je l'avais mentionnée dans divers de mes ouvrages et plusieurs billets de ce blog (dont la dernière fois il y a une dizaine de jours ici) - est décédée la nuit dernière du cancer qu'elle combattait depuis six ans. Elle n'avait pas 55 ans (elle allait faire 56 ans en décembre).
Inutile d'en dire davantage.
Remise de prix à l'UNESCO
J'étais invité hier (parmi beaucoup de personnes) à une remise annuelle à l'UNESCO (à Paris) du Prix UNESCO-Roi Hamed Ben Isa Al-Khalifa pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’éducation, prix qui récompense des associations méritantes (voir vidéo ci-dessous). Je m'y suis donc rendu.
Je sais que la situation des droits de l'homme au Bahrein est plus que délicate, à l'encontre des militants chiites, et cela est dû à un contexte géopolitique très difficile depuis longtemps : Albert Londres déjà dans les années 1930 (dans Pêcheurs de perles), soulignait qu'une bonne partie de la population se considérait comme persane. Et je ne suis pas enthousiaste pour le pro-américanisme de ce royaume (qui héberge la Ve flotte étatsunienne), mais je ne suis pas sectaire, et donc je suis prêt à reconnaître les efforts constants de modernisation de la dynastie des Al Khalifa, qui d'ailleurs fête le centenaire de la première école pour garçons Al-Hidaya Al-Khalifia en 1919, comme l'expliquait l'exposition à l'entrée de l'auditorium de remise des prix.
Il est frappant de lire justement dans Pêcheurs de perles dans quel état de misère se trouvait toute la péninsule arabique, jouet des impérialismes turc et anglais, avant le pétrole. Le Bahrein et ses pêcheurs de perles ne faisaient pas exception.
Evidemment il est facile de se développer quand on exporte des hydrocarbures, mais il est légitime qu'un pays mette en valeur ce qu'il a fait, et de toute façon, même si beaucoup de Chiites souhaiteraient être dans l'orbite iranienne, les Sunnites fidèles au souverain sont aussi nombreux. Peut-être même beaucoup de Chiites soutiennent-ils les Al-Khalifa aussi (mes recherches sur les dernières élections législatives m'avaient montré que beaucoup de Chiites étaient en fait empêchés de voter par des extrémistes violents). Rien n'indique donc que le gouvernement du Bahrein serait en soi illégitime, et, pour ma part, je n'ai rien vu à l'UNESCO qui mérite une désapprobation, même si la directrice générale Mme Azoulay, l'amie de François Hollande, ne m'est pas nécessairement sympathique.
Ce petit tour à l'UNESCO m'a rappelé mon passage à l'ambassade d'Ouzbékistan il y a onze ans. Il faut bien sortir un peu de ses livres de temps en temps...
Une nouvelle guerre par procuration au Liban ?
Chers lecteurs, croyez bien que je me passerais volontiers d'écrire sur ce blog si l'actualité ne m'y poussait point. Je ne dirai rien d'un bref échange de mails que j'ai eu hier avec une spécialiste du développement personnel hier, ni même d'un courriel que j'ai dû adresser à un inspecteur de l'éducation nationale parce que dans une école primaire en veille de 11 novembre on enseignait à des enfants à confectionner des coquelicots rouges britanniques sans jamais leur parler du bleuet de France.
Je vous parlerai du Liban. J'aurais voulu ne pas avoir à signaler la situation de ce pays aujourd'hui comme celle du Yémen hier, mais le bras de fer irano-saoudien qui se joue dans les deux cas m'y oblige. Et encore, parler de bras de fer est une expression abusive qui dissimule sous une neutralité mensongère le fait que c'est Riyad qui déclenche, à Beyrouth comme à Sanaa, les hostilités, Riyad qui provoque la guerre, la destruction, le malheur des peuples, comme il l'avait fait en soutenant (à l'époque aux côtés du Qatar) les Printemps arabes et Daech.
Ce n'est pas moi qui le dis : c'est le quotidien israélien Haaretz qu'on ne peut soupçonner de sympathie pour Téhéran qui fait savoir dans un éditorial aujourd'hui que Riyad déclenche un nouveau front au Liban et veut pousser Israël à attaquer pour "faire le sale boulot à sa place". C'est peut-être Nasrallah, le chef du Hezbollah, qui accuse l'Arabie saoudite de retenir l'ex-premier ministre Hariri en otage, mais c'est quand même Macron qui est obligé de demander, selon L'Orient le Jour que la Saoudiens lui rendent sa liberté de mouvement(*), et Tillerson, le secrétaire d'Etat de Trump qui, malgré les millions de contrats d'armements conclus, demande à la monarchie wahhabite de ne pas provoquer une nouvelle guerre par procuration.
Le monde a besoin de tellement d'autre chose que de ces folies guerrières d'émirs décadents (qui achètent des enfants orphelins pour égayer leurs orgies) et surarmés.
(*) Dans le même journal un peu plus tard "Ce qu'ont fait les Saoudiens relève de la violation de souveraineté caractérisée. À laquelle s'ajoute une dose d'infantilisation méprisante envers le leadership de la communauté sunnite." - voir aussi les purges financières de Ben Salmane
Purimfesten
Du temps où un type (un médium), à ma table, devina l'année de la mort de mon grand grand père et toutes sortes de détails sur mon enfance "au nom des esprits", c'est-à-dire au printemps 2014, je m'étais livré à des petits jeux de pistes sur ce blog, autour de la "statue de sel" qui avaient conduit certains de mes lecteurs à faire des commentaires spontanés qui avaient eu un impact très étrange sur mes relations avec mon entourage. Peu de temps après, le 30 septembre 2014, j'avais posté un billet sur l'actrice Irène Jacob et la "Double vie de Véronique". Six jours plus tard un fidèle lecteur de ce blog m'avouait qu'il était... le cousin germain d'Irène Jacob...
En ce moment je travaille sur le messianisme juif en lisant entre autres le livre (pas très bon ni très rigoureux, mais instructif pour un Béotien comme moi, car il a des sources intéressantes) d'un certain Youssef Hindi. Et cette semaine... je découvre qu'une jeune dame, cantatrice, qui est donc le double de la Véronique incarnée par Irène Jacob (qui était une histoire de double) s'est abonnée à mon blog (euh, quelle était la probabilité pour qu'une artiste en chant lyrique s'abonne à ce blog bassement politique)... et chante dans un opéra très lié à la thématique de mes lectures. Le nom de famille de la dame est celui d'un saint avec lequel un de mes aïeux espagnols, tertiaire franciscain, avait fait des rituels magiques comme il y en avait hélas trop dans l'Espagne catholique d'autrefois (j'ai découvert cela en septembre dernier)... Et le diminutif de son prénom est celui d'une journaliste qui anime une webTV... sur les médiums...
Et bien sûr, le rationalisme de bon aloi dans la société lettrée me commande de ne voir dans tout cela qu'une série de "coïncidences" amusantes... Mais comme je suis bête et indiscipliné, de mon côté je vais quand même garder mon petit fil conducteur à ce sujet dans un coin de ma tête...
Nareen Shammo (suite)
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Je vous ai parlé en juin, en août, en novembre du combat courageux de la journaliste kurde yezidi irakienne Nareen Shammo pour sauver les femmes de son peuple esclaves de Daesh et les héberger après leur libération. Vous devez le soutenir car ces femmes à peine libérées des barbares sont rejetées par leurs familles, leur propre peuple (qui lui même a subi le génocide et ne peut pratiquement plus vivre en Irak) et leur survie dépend donc de vous. Aujourd'hui elle me signale que la revue américaine Salt la cite parmi les cent femmes de la Journée de la femme du 8 mars dernier, c'est plus mérité que pour Angela Merkel je crois...
A part cela je me réjouis bien sûr des mobilisations contre le recul social de notre gouvernement, et de la progression de l'idée d'une sortie française de l'Union européenne (quoique je regrette que le débat avance sans idée de rechange pour recréer des coopérations bilatérales ou multilatérales qui empêcheront le retour des tensions entre pays d'Europe en cas d'éclatement de l'UE). Je jette aussi un peu un œil aux citations de mes livres dans la presse (y compris celle des pays étrangers), surtout quand elles sont à contre-emploi, et lis et écris beaucoup dans des domaines que je connaissais peu, sous l'angle d'une résurrection d'une culture de la foi. Mais j'accorde surtout une priorité à ma réforme morale intérieure, depuis mon changement de perspective cognitive et éthique de 2014-2015. Le lien avec la transcendance doit primer sur ses effets dans l'immanence autour de soi, car les seconds résultent du premier, et l'inversion de cet ordre de causalité conduit immanquablement à l'échec et aux destructions.
Les médias alternatifs, la Syrie, les Kurdes, la Crimée
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Ce blog conserve un nombre assez stable de visiteurs. Du fait que le nouveau dispositif d'Overblog ne fournit plus d'analyse statistique des provenances et a bousillé le lien Google analytics qui me permettait d'en avoir, je n'ai plus aucune idée du profil des gens qui me lisent. Je continue malgré tout à écrire pour eux par fidélité à mon parcours depuis 20 ans, aux livres publiés etc. Je sais bien que Frédéric Delorca n'existe pas dans l'espace du débat public. Il existe encore moins qu'il y a 12 ans du temps où un éditeur était prêt à lui confier la rédaction de l'Atlas alternatif. La diversité de mes centres d'intérêt, l'indépendance de mes prises de position (qui souvent n'hésitent pas à questionner les certitudes des gens qui me sont intellectuellement proches) ont eu raison sans doute de la patience de beaucoup de gens qui aiment à lire les blogs pour y trouver des confirmations de ce qu'ils pensent et de ce qu'ils aiment. Je ne suis cité nulle part, ce qui m'évite d'être mal compris ou critiqué par des gens de mauvaise foi. Et de toute façon, je me console aisément de cet état de fait, en me disant que, même si j'avais ma "petite boutique" avec sa clientèle "fidèle", cela ne servirait pas à grand chose. Supposons que le Monde Diplomatique par exemple ait tenu sa parole de 2012 de publier un de mes articles, à quoi cela m'eût il servi ? J'aurais eu plus de "visibilité" à Paris, on m'aurait peut-être proposé de faire paraître un livre (dans le meilleur des cas), mais j'aurais aussi perdu de ma liberté d'esprit en étant de plus en plus enclin à écrire dans le sens de mon milieu de sociabilité, ce qui aurait borné mes horizons, et je n'aurais pas eu plus de poids pour autant dans le débat public.
Dans Le Monde aujourd'hui, Emmanuel Todd publie un énième article narcissique commençant par "moi le type incomparable qui a le premier annoncé la chute de l'URSS" ou quelque chose dans ce goût là. Voilà à quoi conduit le statut de l'intellectuel "engagé" qui a pignon sur rue. Ca n'a vraiment pas beaucoup de sens.
Quant au grand projet de "médias citoyens" auxquels les gens croyaient il y a 15 ans, et dans lequel j'avais ma place avec mes blogs, tout le monde en est revenu. "Don't hate the medias be the medias" disaient-ils. Oui, mais ceux qui écrivaient cela nous ont gavés de foutaises dans les années 2000-2010 en nous annonçant par exemple tous les jours en 2012 que les kadhafistes reprendraient prochainement le pouvoir en Libye. Ce matin, je lis qu'un colonel du Fatah a été tué au Liban. La source qui a révélé l'information sur place a téléphoné à l'AFP... pas à Michel Collon ! Malgré tous les biais d'approche de nos grands médias menteurs, ceux-ci restent une source incontournable, et les gens qui veulent se faire entendre savent qu'il ne sert à rien de s'adresser à des petites boutiques périphériques.
On continue d'écrire pour se faire plaisir sur de petits blogs à faible lectorat pour se donner l'impression de ne pas être complètement réduit au silence ou au désespoir par le système politico-économique mondial, mais on sait bien (quand je dis "on" je pense à pas mal de journalistes dissidents que je connais, y compris parmi mes amis) que nous avons échoué à inverser les rapports de force dans le champ médiatique, et à faire d'Internet l'arme de cette inversion.
A part cela, le tour d'horizon de l'actualité estivale n'est pas enthousiasmant. Les tentatives de déstabilisation du monde musulman par Daech sont une espèce de spectre qui plane sur les relations internationales, et qui légitiment beaucoup de folies. Par exemple, je lisais il y a peu que les Etats-Unis se vantaient d'avoir infiltré en Syrie par la frontière turque une armé d'islamistes "modérés" équipée par leurs soins pour aller combattre Daech. Ce genre d'initiative n'est pas acceptable. Bien sûr nul ne sait ce que ces mercenaires sont réellement censés faire en Syrie, ni contre qui ils se retourneront. Les opérations militaires contre Daech doivent être menées en collaboration et en concertation avec le gouvernement légal de la Syrie, quoi que l'on pense par ailleurs de ce gouvernement. Il en va de même des frappes d'Erdogan. On voit bien que celui-ci a obtenu un blanc-seing de Washington pour bombarder le PKK kurde en échange de sa participation à l'écrasement de Daech. A la différence de beaucoup d'anti-impérialistes radicaux, je ne veux pas minimiser l'importance de son engagement d'Ankara contre Daech, ni le coût que cela implique pour elle, en termes de représailles terroristes notamment. Mais il est inadmissible que cela se fasse au détriment de la souveraineté syrienne et de la résistance kurde, fort malmenée en l'occurrence alors même qu'elle s'était engagée dans une trêve et que son versant politique s'insérait remarquablement bien dans le nouveau jeu parlementaire turc.
Je vous ai dit il y a peu mon intérêt pour les Kurdes (notamment pour les Yézidi) et je vous en reparlerai prochainement. Mais il ne faut point que cet intérêt se paie de lourdes injustices. Je vois en ce moment le PCF dans les villes de province organiser des manifs de solidarité avec les Kurdes turcs attaqués par Daech. Ce genre de mobilisation est très contestable. Car elle confère aux Kurdes le statut de "victimes à part". On comprend que la Front de Gauche aime la résistance kurde qui est plutôt plus laïque et démocratique que les autres (même si la société kurde, elle, ne l'est pas autant qu'on le croit). Mais on ne peut pas s'émouvoir d'un massacre de Kurdes plus que d'un massacre de Chrétiens ou d'Alaouites. Or je n'ai jamais vu le PCF pondre le moindre communiqué quand des villages de ces communautés en Syrie ont été attaqués par Daech ou Al Qaida au cours des dernières années. Est-ce à dire que les êtres humains de ces groupes n'ont pas droit tout autant que les Kurdes à la paix et à leur intégrité ?
Pour finir un mot sur la Crimée : je trouve très bien qu'un groupe de parlementaires de l'ex-UMP (les Républicains) s'y soient rendus. A mon sens le Front de Gauche aurait dû aussi y envoyer une délégation. Je sais bien que dans genre de visite on vous présente souvent des villages Potemkine, et que le référendum criméen de 2014, survenu sous le contrôle de militaires russes, avec des listes électorales et des moyens de propagande électorale prêtant à caution, s'apparentait plus à un plébiscite qu'à une opération réellement démocratique. Néanmoins on ne peut nier que les Criméens, rattachés injustement à l'Ukraine dans les années 50, se sont toujours majoritairement sentis russes et avaient un intérêt à rejoindre la Fédération de Russie, comme les habitants du Donbass à s'affranchir de la tutelle du gouvernement putschiste pro-occidental russophobe de Kiev. Ce genre d'opération n'est pas plus illégal que les sécessions du Kosovo ou du Sud-Soudan applaudies par nos grands médias, et suit une logique de recomposition de frontières mal dessinées à l'époque soviétique. L'ex-ministre Mme Morano a dit il y a peu que les difficultés de nos éleveurs étaient dues au moins en partie à la rupture des relations commerciales avec la Russie. J'ignore si c'est vrai, mais en tout cas il est urgent de mettre fin à la logique de guerre froide dans laquelle le coup d'Etat ukrainien nous a plongés.