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Aphrodite's Tortoise, le voile féminin en Grèce
Je me réjouis de voir ce blog continuer à attirer des lecteurs alors même que nous sommes censés nous trouver en période estivale.
Je lisais hier Aphrodite's Tortoise : The Veiled Woman Of Ancient Greece de Lloyd Llewellyn-Jones. Décidément d'excellents livres anglosaxon gagneraient à être traduits en Français. Il s'agit d'un ouvrage universitaire magnifique qui analyse sous toutes les coutures les usages que les femmes grecques faisaient de leur voile ans l'Antiquité et les significations sociales que cela revêtait.
On y apprend notamment que le voile dans la période archaïque est un attribut de la noblesse qui va ensuite se démocratiser pour toucher les classes inférieures. Il est même possible qu’il ait concerné les esclaves (sur les représentations, les différences vestimentaires entre esclaves et femmes libres ne sont jamais visibles, seules les occupations les distinguent). Le tegidion, voile du visage, apparaît au IVème siècle en même temps que les statues d’Aphrodite nue et au moment où la présence de la femme dans l’espace public (mais toujours dans une logique patriarcale comme représentante de la famille de l’homme) est de plus en plus attestée. Dans un monde où, comme dans la culture musulmane (à laquelle le livre fait beaucoup référence), les univers entre hommes et femmes sont strictement séparés (ce qui ne veut pas dire que les femmes sont recluses puisqu’elles font beaucoup de choses entre elles), le voile devient un moyen pour les femmes d’être présentes dans l’univers extérieur des hommes tout en en étant symboliquement absente. A noter que l’aidos (équivalent de la qaida arabe) impose des normes de regard et de comportement aussi très sévères aux hommes.
Après cette lecture, je voudrais trouver des ouvrages sur la place des femmes dans les cultures celtiques et germaniques, car il est certain que celle-ci a influencé beaucoup la culture occidentale. J'ai donc commandé "Sans peur et sans vergogne : De l'honneur et des femmes aux premiers temps mérovingiens" de Nira Pancer. Je vous en reparlerai si le livre mérite le détour.
Anarchisme et division sexuelle des rôles
Bon, l'ambiance estivale ne se prête guère à l'écriture de longs billets. Mais puisqu'une blogueuse a bien voulu recommander le présent blog sur le sien, et commenter deux ou trois de mes billets, je dois lui rendre la politesse ici, en signalant son blog que vous retrouverez en cliquant là.
Cette dame est un peu plus anarchiste que moi (question d'âge peut-être), mais son article sur le "salut des femmes : peut-on refuser" dit à peu près ce que j'ai moi-même soutenu dans mes propres billets, sur la burqa par exemple.
Je n'émettrai des réserves que sur des formulations comme celle-ci :
"Une femme peut vivre seule. Peut élever ses enfants seule sans que ce soit un drame de la vie. Peut assumer sa sexualité sans être ni une frigide ni une chaudasse. Peut choisir d'être religieuse ou de ne pas l'être. Peut n'avoir aucun instinct maternel. Peut être aussi infecte qu'un gars aux mêmes fonctions de responsabilités. Peut être aussi compréhensive qu'un gars aux mêmes fonctions de responsabilités"
Ce qui me gêne dans ce genre de formulation, c'est qu'on ne sait jamais quel est le statut de ce "peut". Est-ce une liberté, un droit, inscrits dans un dispositif juridique précis ? ou bien est-on dans l'ordre de recensements : "dans le monde, il y a, il y a, il y a" ? Parle-t-on de normes ou parle-t-on de faits ?
Si l'on parle du droit, alors oui, je suis d'accord, les types de comportements décrits ci-dessus ne sauraient être déclarés illégaux.
Mais si l'on est dans l'ordre des descriptions, alors ça me fait penser à ce chapitre des Essais de Montaigne où il décrit toutes les coutumes que les Européens ont découvertes en Amérique. Ce genre d'inventaire à la Prévert provoque une sorte de vertige : il y a des gens qui tuent, il y a des gens qui rendent service, il y a des gens qui grimpent aux arbres etc. On en ressort toujours avec une sorte de vertige relativiste, et l'on finit par se demander : mais pourquoi n'y a-t-il pas plus de gens qui tuent, ou pourquoi la moitié des mères n'abandonnent-elles pas leurs enfants dans la rue (puisque la dame évoque les femmes sans instinct maternel) ? Et l'on en vient à se dire que c'est parce qu'un ordre social bien ficelé (et uniquement ça) fait pencher la balance dans l'autre sens, mais qu'après tout, tout pourrait être autrement (de là d'ailleurs à nourrir une vision complotiste dudit ordre social il n'y a qu'un pas).
Ce que j'ai beaucoup apprécié dans la psychologie évolutionniste anglo-saxonne (Helen Fisher, Steven Pinker etc), c'est qu'elle commençait toujours par recenser les comportements de la majorité des sociétés de tous les temps, pour dégager des invariants anthropologiques cohérents avec l'évolution darwinienne de notre espèce. Cette démarche est beaucoup plus rationnelle. Parce qu'elle permet d'expliquer 1) qu'effectivement dans la plupart des sociétés le meurtre et l'abandon d'enfants (par exemple) est vraiment très minoritaire et stigmatisé 2) que ce n'est pas seulement le conservatisme, le machisme, la prédominance d'une bourgeoisie ou que sais-je qui ont entraîné ce fait, mais seulement que, si l'humanité ne s'était pas elle-même sélectionnée pour que l'instinct de meurtre ou d'abandon des enfants n'y soient point minoritaires, l'humanité se serait tout simplement autodétruite, comme ces espèces animales qui avaient, qui des cornes trop lourdes, ou qui des ailes trop longues.
Ce retour au constat statistique et rationnel est très important pour avoir une vision "apaisée" tout autant que véridique de la condition humaine, une vision réaliste. Le constructivisme en sciences sociales au 20ème siècle l'a trop souvent ignoré, comme le stalinisme voulait ignorer les montagnes et les cours d'eau difficilement franchissables.
Et, sur la base de ce constat, il faut bien dire qu'il y a une division sexuelle des rôles qui fait que certaines femmes ont certaines choses que les hommes n'ont pas, et vice versa. Ce qui ne signifie nullement que la femme doit rester au fourneau à torcher les gosses tandis que l'homme va à la guerre, mais que, si on veut construire une société d'amazones (par exemple), ce qui peut-être un but tout à fait légitime sur quatre ou cinq générations par exemple, il ne faudra pas considérer comme une trop grosse anomalie le fait qu'une bonne partie de ces amazones voudront avoir un enfant passé un certain âge. Ce n'est pas faire preuve d'un' "essentialisme" conservateur que de dire cela, c'est juste envisager l'évolution des espèces sous un angle pragmatique et réaliste : on peut espérer faire vivre des bovins aux cornes trop lourdes, mais il faudra veiller à le faire en symbiose avec une évolution de leur environnement qui ne rende pas cette particularité trop douloureuse.
Un bon anarchiste me dira qu'il ne s'agit pas de produire une société d'amazone ni de bovins à six cornes, car la plupart des anarchistes sont trop paresseux pour réfléchir à ce que devrait être l'humain, et se satisfont donc du bonheur narcissique de se battre pour que chacun puisse être à peu près comme il veut - comme si ce "vouloir" là, si superficiel, si influencé par tant d'éléments était fort clair, fort sacré et fort immuable, ce qui est souvent loin d'être le cas) Je suis assez d'accord - je l'ai déjà dit plus haut - pour que chacun puisse faire ce qu'il veut dans la génération d'aujourd'hui. Mais la question est celle du long terme (que les anarchistes en général n'aiment pas aborder ou alors évoquent comme une sorte d'Eden abstrait). Nos enfants ont besoin qu'on leur présente certaines orientations comme bonnes, d'autres comme mauvaises (quitte à se rebeller ensuite contre ces qualificatifs). Contrairement au fantasme rousseauisto-lacaniens, ils ne viennent pas au monde tout armés d'une préscience qui rend leur éducation superflue. Quelle valeur insufflerons-nous à nos petites filles ? d'être de sanguinaires amazones ou des masseuses chinoises soumises et de dociles mères de famille ? Même s'il faut le maximum de nuances, et le maximum de prises en compte non seulement des dispositions individuelles innées, mais aussi des dispositions issues de l'évolution génétique de notre espèce, la question de la valeur ne peut pas être complètement occultée par un simple inventaire : "il y a, il y a, il y a".
Condition féminine et toilettes publiques
Les mots clés "massages chinois", "'viols de femmes allemandes par les Russes à Berlin", "homme blanc qui aime des femmes noires" etc continuent à attirer pas mal de lecteurs vers ce blog, sans doute parce que ces sujets sont peu traités sur le Net français.
Continuons dans nos remarques sur la condition féminine avec ce petit billet, en abordant encore un sujet peu traité : les toilettes publiques.
Entre octobre 2003 et janvier 2004, dans le cadre de l'élaboration du schéma départemental des collèges, le Conseil général de la Seine Saint denis a largement consulté les collégiens eux-mêmes. Une des conclusions de l'étude concernait les toilettes :
"Un bon nombre d'élèves n'osent pas utiliser les toilettes de leur collège faute d'intimité et de confort" (p. 8).
Cet élément a surpris paraît-il. Les planificateurs n'auraient pas spontanément pensé à travailler sur cet aspect des choses.
J'ai repensé à ce détail quand j'ai vu la semaine dernière ce reportage à la BBC à propos du Kenya intitulé "Fears of rape in Kenya's slums 'trap women'"
"Fear of sexual violence is keeping poor Kenyan women away from communal toilets, and increasing the risk of disease, Amnesty International says." 'La peur des violences sexuelle maintient les femmes kenyanes pauvres à l'écart des toilettes communales, ce qui augmente les risques de maladie" disait le reportage dont on peut retrouver le texte sur le Net. Les dames de Nairobi qui vivent dans les bidonvilles (plus de la moitié de la population de Nairobi) disait l'article, n'osant pas aller jusqu'aux toilettes la nuit, font leurs besoins dans des sacs plastiques qu'elles balancent ensuite aux ordures.
J'ai repensé aussi à un propos de Patricia Latour, auteure d'un bouquin sur les femmes en 1936. Un ami m'a rapporté ses propos selon lesquels à l'époque du Front populaire une des revendications majeures des ouvrières était de disposer de toilettes qui ferment à clés pour que les contremaîtres n'aillent pas se rincer l'oeil.
Si la condition maternelle entretient souvent les femmes dans pipi-caca, il faut songer qu'à cela s'ajoute pour beaucoup d'entre elles, filles, mères, et grand-mères que les toilettes sont lieu d'un risque de violence spécifique, de violence "de genre" comme disent les Anglo-saxons, dont un homme bourgeois ne peut même pas soupçonner l'existence. La Grande-Bretagne s'oriente vers une solution originale : la vidéo-surveillance. En Grande-Bretagne 10 % des lycées vidéo-surveillent leurs toilettes, apprenait-on en avril dernier. Une violence institutionnelle qui n'est pas du goût de tout le monde et qui en tout cas ne renforcera pas, le sentiment d'intimité.
Choix esthétiques des femmes
"Now researchers believe that improvements in health care in wealthy western countries mean women do not have to worry about so much about the quality of their offspring – and so are picking more feminine looking men.
The researchers at the University of Aberdeen came to the conclusion after studying the preferences of 4500 women from 30 different countries.
They found a direct correlation between the quality of health care and the choice of male.
In countries with better health care, the more likely women would pick a feminine looking man and visa versa. "
Encore un mot sur l'Assemblée des femmes
On ne devrait jamais dévoiler les ficelles de son art, mais je dois quand même dire comment j'ai découvert cette pièce d'Aristophane : tout bêtement en parcourant le premier tome d'une encyclopédie Larousse de 1960 en décembre dernier. Elle y était présentée comme une satyre du communisme des philosophes athéniens. Je ne sais même plus si elle portait le mot "sexuel" dans sa présentation. A l'époque les écrits qu'on disait "licencieux" des cultures ou des auteurs qui ne plaçaient pas les tabous aux mêmes endroits que nous étaient le pré-carré d'érudits à la Etiemble qui cultivaient le privilège de l'accès à ces livres rares avec beaucoup de snobbisme. Il n'était pas question d'en faire des sujets du bac. Puis des philosophes s'en sont saisis pour en faire des sujets de réflexion sur le désir ou la consommation : je songe à Deleuze exhumant la Vénus à fourrure de Masoch, ou aux travaux d'Horkheimer sur Sade. A mon avis nous sommes encore très loin de pouvoir arborder Aristophane sans le passif d'une culture qui "ne s'en sort pas bien" avec ses corps, qui ne sait pas s'en dépatouiller. Je ne veux pas dire que les Grecs faisaient nécessairement "mieux que nous", ça on n'en sait rien, mais ce qui certain c'est que les projections des problèmes de notre culture avec les corps, sur Aristophane (ou sur les grands maîtres du taoïsme) sont inévitables, quand bien même nous ferions répéter "bites, couilles, fellation" à nos chers lycéens à longueurs de dissertation.
J'écoutais hier une émission de radio du très controversé Eric Zemmour (un homme intelligent, quoique, comme beaucoup de réactionnaires, il fétichise à l'excès certaines de ses intuitions les plus partielles pour en faire des boucliers contre le monde tel qu'il va). Il disait des choses censées sur les jeunes gens précarisés qui ne bandent pas très bien pour leur jeune compagne, ce qui pousse ces dernières à rechercher des sexes de quadragénaires. Les lycéens ou les étudiants en lettres qui tapent "le corps dans l'assemblée des femmes d'Aristophane" pour parvenir jusqu'à ce blog entrent-ils dans cette catégorie ? Si tel était le cas, on toucherait précisément là au paradoxe le plus profond de notre époque.
"post-" female
Dans ma petite ville de la banlieue nord ce matin, je jouais les commissaires politiques, chargé d'évaluer le programme du service culturel pour la Journée de la femme (cette vieille invention bolchévique à laquelle la France n'a adhéré que tardivement, bien arès l'ONU). Comme on pouvait s'y attendre ce programme comportait beaucoup de films et livres subventionnés par la culture dominante sur le thème "les africaines voilées, excisées, violées, mariées de force et bafouées... mais heureusement libérées par l'homme blanc !" ("le schéma colonial classique, c'est un homme blanc qui enlève des femmes de couleur des griffes d'hommes de couleur" comme disent les sympathisants des post-colonial studies) .
J'ai voulu tirer le programme vers quelques auteurs classiques anarchistes et marxistes, d'Emma Goldman (chère au défunt Zinn) à Alexandra Kollontai, mais ce sont des sources souvent épuisées sur Amazon. Et puis vers la queer theory. Judith Butler (qui a eu les honneurs d'Actuel Marx il y a peu, signe que cette revue est à l'affût des modes), Marie-Hélène Bourcier, Beatriz Preciado, toutes ces philosophies "post" (post féministes, post gender), très chic, à la fois subversives et derridiennes, comme les postcolonial studies, qui occupent des départements universitaires entiers aux USA - à mon avis ce sont des impasses théoriques mais je pense que les administrés de notre ville ont aussi le droit de savoir que cela existe,car ce sera peut-être à l'arriere plan de leur paysage culturel vulgarisé dans 10 ans. A vrai dire leurs expérimentations ne sont pas complètement dénuées d'intérêt. J'éprouve notamment une certaine sympathie pour Beatriz Preciado qui se gave de testostérone pour réaliser du "méta-générique" en acte, sur sa propre chair, là où Butler se borne à faire de la critique des structures mentales. En voilà au moins une qui ne se paie pas de mots.
Sur Facebook, on trouve de tout. En ce moment, dans l'univers lesbien, je croise des femmes qui sont aux antipodes de Preciado. Pas du tout des filles qui veulent dépasser les genres. Des filles bi- et fières de l'être, qui vivent en couple avec d'autres femmes, mais qui mobilisent tous les clichés (réputés machistes) afférents à la féminité de notre époque, notamment une esthétique porno chic (gros seins, lèvres pulpeuses, taille fine) pour draguer aussi bien les hommes que les femmes. Elles vivent surtout aux Etats-Unis. Pour en faire une sociologie à la hache on a le sentiment d'un capital scolaire faible (aucun livre n'est cité), et d'une localisation plus californienne que côte Est. Elles ont des profils de poupée Barbie, leur soin à cultiver une image de Vénus parfaites est extrêmement impressionnant et doit les occuper à temps plein. Qui sont-elles ? Sont-elles le cauchemar des queer studies ? leurs filles illégitimes, les batardes de la révolution conceptuelle, la honte de l'intelligentsia philosophique universitaire ? Allez savoir...
Bon je m'éloigne peut-être un peu de la Journée de la femme avec tout ça... Mais peut-être pas tant que cela finalement.
Une hardeuse dissidente
Elle vit dans le Sud, elle s'est fachée avec le milieu (j'ai même trouvé une émission d'elle où elle mettait en cause les "parties privées" organisées par une revue centrale dans la profession, une pratique dont j'ignorais l'existence - quand quelqu'un en vient à révéler les travers d'une institution clef de son métier professionnelle, c'est qu'il est sur la voie d'une dissidence réelle).
Les personnes qui ont une sensualité débordante et qui se sentent obligées de mettre en scène cette sensualité soit en choisissant de tourner des films X soit en s'affichant comme des libertines sur Facebook (beaucoup me contactent à cause de mes écrits sur le sujet) m'intéressent. Surtout lorsqu'il s'agit de femmes, parce qu'il leur faut tout un cheminement personnel pour en arriver là, tout un jeu avec des censures sociales de tous ordres. Ce genre de personne est assez énigmatique. On ne sait jamais si elles doivent leur intérêt pour le corps à un surplus de vie et de dispositions procréatives innées (notamment à travers un surplus d'oestrogène), à leur beauté physique (mais la beauté physique reflète souvent un excès d'oestrogènes chez les femmes) ou d'un parcours familial et social chaotique (mais cela aussi est lié à la biologie, car un corps trop attrayant soumet précocément à la fois aux tentatives de séduction des hommes, à la censure des parents, à la jalousie des femmes moins belles, et à toutes les tentations qui éloignent du succès scolaire : ce qui voue ce genre de femme à être profondément méprisée des intellectuels, et, du coup, absentes de la culture officielle et caricaturées par elle).
J'ai trouvé cette jeune hardeuse assez attendrissante. Originaire d'Ile de France, elle s'est montrée terriblement sévère à l'encontre du Sud-Ouest, mettant en cause en particulier le racisme qui y est répandu (elle m'a dit notamment qu'on la prenait pour une Arabe ce qui lui valait des malheurs). Vous reconnaîtrez là sans doute le propos d'une de mes lectrices d'orgine berbère, reproduit dans un article de novembre dernier. A l'époque un apparatchik de l'occitanisme (je puis maintenant le critiquer vu qu'il n'a pas tenu sa promesse à mon égard de commenter mon roman ! - je plaisante, bien sûr) avait été choqué par la virulence du propos. Mais force est ici de constater que les témoignages à charge sur le racisme du Sud-Ouest se multiplient (j'en ai reçu d'autres par ailleurs).
Cette dame était un peu excessive dans ses jugements ce matin au téléphone, proclamant même que son département votait beaucoup pour le Front national (ce qui est faux quand on regarde les résultats électoraux). Son décalage avec la région dont elle respire le bon air faisait presque mal. Elle la voyait encore engluée dans un catholicisme qu'elle déteste. Elle disait souffrir du vide culturel de cet endroit, et retourner à Paris "pour y chercher des livres".
Car à l'origine elle est une enfant du Sud de Paris (je voudrais un jour écrire sur ce Paris "ordinaire" et sa banlieue, nord ou sud, "ordinaire", la mémoire qu'ils portent et que la culture officielle néglige au profit du Paris des boutiques de luxe et des grandes écoles).
C'était très beau ce besoin de cette fille qui fait carrière avec son corps de se présenter comme "en manque de lire" (peut-être parce que je lui ai parlé "en tant que sociologue", mais pas seulement je crois, à mon avis le manque en elle est sincère). Belle est sa dissidence entre un héritage religieux qu'elle exècre et un business pornographique où elle s'est sentie mal à l'aise. Elle mène son combat presque adossée à son mari qu'elle cite très souvent (source de réflexion pour les gender studies : ce besoin d'être soutenue par un homme dans la bataille). Je l'ai trouvée un peu moins caricaturale que certaines filles investies dans le porno "alternatif", underground, anarchiste, qui sont souvent liées à des milieux un peu intellos (je pense à une sociologue espagnole lesbienne née dans la vieille Castille conservatrice qui cite Foucault à tout bout de champ, défend une sorte de porno punk, et a fait parler d'elle par son apologie de la libre consommation de testotérone - son nom m'échappe ce soir). Moins caricaturale que ces filles là, elle m'a semblée aussi plus seule. Je trouve significatif que le petit blog qu'elle a créé sur l'athéisme ne cite aucune autre association de cette mouvance. Je lui ai parlé du livre de Dawkins 'Pour en finir avec Dieu" qu'elle ne connaissait pas. Par rapport à l'athéisme aussi, au milieu des militants anti-Dieu, c'est une outsideuse.
Tous ces traits d'appartenance à une périphérie, à une zone non identifiable du point de vue de la culture officielle m'intéressent. Cela donne envie de les explorer. Les lecteurs de mon roman auront trouvé dans la description que je fais de cette personne des traits de l'héroïne de mon roman "La révolution des montagnes", mais c'est purement fortuit. J'espère pouvoir poursuivre mes échanges de vue avec elle indépendamment de cette coïncidence.
D.H. Lawrence
Aussi lorsque je lis, sous la plume de DH Lawrence, dans sa préface de 1929 à L'Amant de lady Chatterley, "je veux qu'hommes et femmes puissent penser les choses sexuelles pleinement, complètement, honnêtement et proprement. Même si nous ne pouvons pas agir sexuellement à notre pleine satisfaction, sachons au moins penser sexuellement avec plénitude et clarté", je suis plus enclin à croire en sa profondeur qu'à celle des mouvements psychanalytiques qui lui sont contemporains. Voyez le choix des termes, si lumineux, si apollinien, si confiants dans la force de la pensée, et en même temps modestes, réalistes. N'est-ce point autrement plus doux et fécond qu'un Wo Es war soll Ich werden ?