"Pattes blanches" de Grémillon
17 Juillet 2015 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Cinéma
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Vu « Pattes blanches » de Grémillon, un cinéma toujours aussi surprenant sur le plan technique : des images très rapides, une narrativité nerveuse, avec des plans arrêtés qui ponctuent le récit de moments expressifs. L’histoire est belle. Dans la Bretagne profonde des années 30 ou 40, le prolétariat (une servante de bar) ramène la vieille noblesse à la vertu, au bord du précipice de la modernité bourgeoise. Le capitalisme bourgeois ce n’est pas le riche banquier. C’est le petit tenancier de l’auberge du village, et sa poule de Saint-Brieuc, celle qui passe de main en main depuis l’enfance (« j’en ai marre que les hommes me touchent et me sentent » dit-elle peu avant de mourir), de braves gens qui n’ont guère qu’un défaut : celui d’avoir placé l’envie au dessus de l’honneur (« Plutôt mourir que faillir », dit la devise de l’aristocrate). L’attachante servante moche et bossue, elle, n’a que des envies pures, parce qu’elle n’a rien à perdre, même pas l’honneur, comme elle l’explique au noble dont elle est tombée amoureuse.
Bien avant la publication en France des livres de Marcuse, Grémillon et Anouilh (le scénariste) avaient compris que l’embourgeoisement (et l’avilissement moral qui va avec) passait par la femme et l’amour. Il fait système au détriment des personnages et les broie. L’humour n’est pas absent, notamment sous la forme d’un clin d’oeil rapide quand, au moment du mariage de l’aubergiste, quelqu’un propose de chanter le Temps des Cerises mais personne ne le connaît (l’espoir du dépassement par le socialisme est résolument absent). Le chamanisme non plus en la personne de la vieille sorcière qui cueille des « simples ». Sa disparition comme par enchantement investit le récit d’une connotation surnaturelle. On peut croire qu’elle et son fils, le « corniaud » demi-frère du comte, orchestrent la malédiction, dans la pure veine de la vengeance privée, façon Antigone (une justice dont le comte était adepte depuis le Moyen-Age). L’ange rédempteur est la petite boniche, celle qui ne « faillit » pas.
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