Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Frédéric Delorca

Savoir raccrocher

24 Janvier 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Dans un entretien que publiera la revue de langue allemande Cicero le mois prochain, Peter Handke explique avoir dit tout ce qu’il avait à dire, ce qui rendrait inutile la poursuite de ses écritures, après quarante ans d’activités littéraires : ”Il est temps d’arrêter désormais” (http://passouline.blog.lemonde.fr/). 

A méditer...
Lire la suite

Bertrand Russell à propos des nationalités

19 Janvier 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

russell2.jpg
Il est difficile d'exposer exactement le principe des nationalités. En gros, il proclame que n'importe quel groupement géographique qui désire constituer une unité gouvernementale a le droit d'être un Etat unique indépendant. Mais dans la pratique, il comporte des restrictions. Quand en 1917 une seule maison de Pétrograd, s'appuyant sur ce principe, se déclara nation luttant pour son droit à la liberté, on trouve qu'elle allait trop loin, et même le Président Wilson ne l'encouragea pas. L'Irlande avait le droit d'invoquer le principe contre l'Angleterre, mais les comtés de Fermanagh et de Tyrone ne pouvaient l'invoquer contre le reste de l'Ulster du nord-est. Ainsi, une des restrictions de ce principe consistait en ce qu'il ne devait pas intéresser un territoire trop petit. Une autre restriction était que le territoire ne devait pas se trouver en Asie ou en Afrique ; cela parut évident à tous les gens bien-pensants, jusqu'à ce que les Russes eussent été battus par les Japonais. Et enfin, il fallait que le territoire en question n'ait pas d'importance internationale exceptionnelle, comme Suez ou Panama.

Pour les libéraux, jusqu'en 1871, ces restrictions ne furent pas évidentes, car à leur sens, une nation était une entité mystique, possédant une âme presque aussi définie que celle d'un être humain. C'est ce sentiment qui assura un contenu valable au principe de nationalité.


Bertand Russell, Histoire des idées au XIX ème siècle, un livre publié dans l'entre-deux-guerre. Gallimard, Paris, 6 ème édition 1951, p. 303
Lire la suite

Victimologie

19 Janvier 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Finkielkraut ce matin sur France culture, furieux contre le culte des victimes. Il n'a pas tort. Mais n'a-t-il pas lui-même appelé à la guerre contre la Serbie au nom de la victimolâtrie des gentils Kosovars en 1998-1999 ?

Finkielkraut agacé parce qu'on négocie avec les FARCs, qui s'énerve parce que celles-ci continuent d'enlever des gens... et qui préfèrerait sans doute que nous soyons plus aimables avec l'autre camp, celui des paramilitaires - le nombre de victimes des exactions de ce camp-là par contre ne l'intéresse pas, ni la question de la réforme agraire en Colombie, bien sûr...
Lire la suite

Militaires

16 Janvier 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Une remarque de Bricmont hier à la conférence de l'Institut culturel syrien : Pendant la guerre du Vietnam, l'armée américaine qui avait gagné la seconde guerre mondiale voulait raser le Vietnam comme elle avait rasé le Japon. Le gouvernement civil des Etats-Unis était plus modéré. Maintenant c'est l'inverse. L'armée américaine qui a été vaincue au Vietnam ne veut pas faire la guerre contre l'Iran. Le Pentagone et la CIA sont les meilleurs alliés des pacifistes (à preuve le dernier rapport des services secrets publié dans la presse). Au contraire les politiciens civils, au nom de la croisade humanitaire ou de la guerre contre le terrorisme, aussi bien les néoconservateurs qu'Hilary Clinton, sont pour la guerre.  

Voir ci-dessous vidéo de Bricmont chez Taddei (la suite reste est sur Dailymotion). 

 

Lire la suite

Des marchandises quand même...

15 Janvier 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Billets divers de Delorca

Lire la suite

Un mot sur la philosophie

13 Janvier 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Il est assez évident à mes yeux que la philosophie a pris fin au XIX ème siècle, en même temps, dans un sens, que la religion, lorsque l'une et l'autre se sont révélées pour ce qu'elles étaient, c'est à dire des exercices littéraires de constitution d'une ontologie (l'une et l'autre étant d'ailleurs à maints égards complémentaires). plato-copie-1.jpg

Aujourd'hui, il n'est plus utile de chercher à être philosophe dans le sens où Deleuze ou Badiou ont cherché à l'être, c'est-à-dire dans une tentative de produire, en quelque manière que ce soit, une ontologie sérieuse - sans quoi on se voue à ne produire que du charabia. La référence à ces philosophes m'intéresse par conséquent non pour le contenu ontologique de leur discours, mais pour le geste qu'ils incarnent, un geste soustractif, le retranchement du réel et de tout ce qui peut relever de l'apparence commune. Cet exercice-limite  qui porte soi-même aux limites de sa propre rationalité m'intéresse de par le mouvement de translation qu'il implique, et me paraît plus achevé chez Deleuze que chez Badiou, parce qu'il se doublait chez le premier d'une véritable esthétique monacale, esthétique indissociable de l'exigence éthique qu'il s'imposait à lui-même.

Voilà donc ce qui m'intéresse chez les philosophes de la fin du XX ème siècle. Mais, je le répète, à mon sens il ne faut plus chercher à philosopher, mais seulement à penser, et à prolonger la philosophie ancienne sur des terrains autres, par exemple le terrain de l'action politique, mais aussi peut-être la littérature (assumée comme telle). Je n'en dirai pas plus pour l'heure, tout cela sera peut-être explicité dans le courant de cette année.
Lire la suite

Deleuze

13 Janvier 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

Je regardais ce matin à nouveau des passages de l'abécédaire de Gilles Deleuze (qu'Arte diffusait autrefois, quand j'étais jeune). J'ai regardé la lettre "C"  "Culture". Je ne saurais dire combien je dois aux écrits et à la personnalité de Gilles Deleuze qui était un auteur central de mes 20 ans (autour de 1990). C'est lui qui, à mes yeux, a toujours le mieux défini la visée du travail d'écriture. Même si j'ai effectué mille détours depuis lors par des auteurs et des activités qui peuvent paraître à l'opposé même de ce que défendait Deleuze, mon orientation profonde est toujours restée celle-là.

Cette année je m'apprête à publier deux ouvrages, deux ouvrages dont j'ai fait des sortes d'instruments de "clôture", clôture de phases de ma vie, clôture de manières de pensée. J'ai toujours aimé l'idée nietzschéenne selon laquelle il faut écrire pour se débarrasser de ses idées. En les faisant basculer dans le "domaine public", dans l'objectivation et l'exposition aux regards, on s'allège d'un fardeau. Un jour Cioran disait dans une interview que l'homme qui écrit est quelqu'un qui se vide en permanence et qui, pour cette raison, n'a jamais grand chose à dire.

Il m'a donc fallu me vider de certaines choses par ces deux livres dont j'espère qu'ils trouveront un éditeur prochainement.

Lorsque cela sera fait, il faudra ressaisir le projet proprement spirituel (d'une spiritualité sans spiritualisme, une spiritualité matérialiste) qui selon moi doit puiser aux sources de Deleuze, à l'humour, et à la légèreté de Deleuze, à son sens du mouvement. Je ne vous ai pas parlé du livre de Badiou sur Deleuze. C'est un tort. Je devrai le faire un jour. 


Lire la suite

Louis Pinto à propos des philosophes

11 Janvier 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Toujours dans la série de mes recensions pour Parutions.com, on trouvera à cette adresse http://parutions.com/index.php?pid=1&rid=76&srid=0&ida=8894 celle que je viens de consacrer au dernier livre de Louis Pinto, La Vocation et le métier de philosophe - Pour une sociologie de la philosophie dans la France contemporaine, une application des clefs d'analyse bourdieusiennes au "champ" de la philosophie française. petit-pinto.jpg
 

Du bourdieusisme appliqué à la philosophie

 

Louis Pinto, Le métier et la vocation de philosophe Pour une sociologie de la philosophie dans la France contemporaine

 

Dans l’univers de la sociologie bourdieusienne, la division des tâches est de rigueur. Depuis deux décennies déjà Louis Pinto y occupe un créneau bien précis : celui du « sociologue des philosophes ». Dans ce rôle original autant qu’ingrat (encore que plus facile, et payant en termes de notoriété, que la sociologie des classes populaires ou des professions dotées d’une quelconque expertise), l’auteur creuse impertubablement son sillon au fil d’une recherche qui fut notamment marquée par la publication des Neveux de Zarathoustra en 1995 (sur les philosophes nietzschéens). Aux éditions du Seuil, il publie maintenant un ouvrage de synthèse dont le titre pastiche celui de Bourdieu et Passeron Le métier de sociologue (sans doute pour tracer un parallèle entre les deux professions), avec cependant l’ajout significatif de la notion de vocation (dont on ne sait s’il faut la prendre dans son sens sarkozyen ou weberien…)

 

Les habitués de la prose bourdieusienne reconnaîtront d’emblée dans ce livre les forces et faiblesses habituelles de son école de pensée.

 

Au chapitre des forces tout d’abord, il faut signaler une certaine indépendance d’esprit, qui pousse à approcher les problèmes dans leur ensemble, sans reculer devant un certain iconoclasme. Ainsi la profession de philosophe est-elle ici abordée à partir de sa composante numérique la plus forte : celle des professeurs de lycée, qui en est la cheville ouvrière mais aussi, Pinto le démontre d’une façon convaincante, la fonction la plus structurante – tous les philosophes passent par là, et la classe de terminale, avec ses croyances et ses leurres, marque très fortement la tournure d’esprit de l’ensemble de la profession, jusqu’aux titulaires des chaires de la Sorbonne. C’est ce qui fait notamment que les historiens de la discipline restent plus « philosophes » qu’historiens.

 

Cette force de l’approche bourdieusienne se retrouve aussi dans l’intérêt que Pinto attache à l’étude des copies des élèves, aussi bien les mauvaises que les bonnes, qu’il utilise pour montrer l’idéologie sous-jacente aux principes du classement des valeurs dans l’univers académique. Le regroupement de sujets du bac, décortiqués à grand renfort de statistiques, s’avère aussi très suggestif pour saisir la manière dont la philosophie définit son propre rôle, ses thèmes de réflexion, en reléguant très largement dans l’impensé la légitimité de ce conditionnement scolaire.

 

L’art sociologique de Pinto culmine et donne toute sa dimension dans la description, à partir d’une analyse factorielle de correspondances multiples, d’un « espace des positions universitaires » (p. 186 et suiv.), dans la plus pure tradition de son école, qui partage le « champ » entre « pôle savant » et « pôle mondain », « reproduction orthodoxe » et « production hétérodoxe » ; une très belle construction à la lumière de  laquelle l’auteur peut ensuite classer les universités et les revues,  examiner les croyances au fondement de grands « événements » de la pensée des vingt dernières années comme la polémique autour du passé de Heidegger ou l’affaire Sokal, et s’offrir le luxe d’une lecture « sociologique » de douze leçons de philosophes (parmi lesquels Alquié, de Fontenay, Descombes, Serres, Desanti, Derrida) publiées en 1982, dont il fait, à tort ou à raison, le test de la capacité de sa propre discipline à éclairer les textes philosophiques (« Si le pari est réussi, il aura montré que les sociologues sont aussi en mesure de s’occuper des "textes" »).

 

Autre atout de la démarche de Pinto : l’historicisation de l’objet de l’étude. Comme l’imposait ce que Bourdieu appelait le « structuralisme génétique » (une expression en voie de disparition dans le milieu, semble-t-il), la philosophie scolaire est replacée dans le cadre de ses conditions d’émergence politique : la Troisième république, et sa volonté de tenir à distance aussi bien la religion chrétienne que le positivisme scientifique athée – de ce fait la philosophie scolaire française est née néo-kantienne, spiritualiste, individualiste et « morale », ce qui a marqué profondément son devenir dans les générations suivantes. Un regret cependant : tant qu’à historiciser cet objet, ne fallait-il pas insister davantage, dans le premier tiers du livre, sur ce qui malgré tout change dans les lycées, au cours des années 1960, puis des années 2000. A trop décrire l’héritage du début du XX ème siècle, sa prégnance dans les hiérarchies symboliques, n’y a-t-il pas un déni partiel d’histoire, que le conservatisme inhérent à la profession étudiée (sa foi en la philosophia perennis) ne peut à lui seul justifier ?

 

Il résulte de ces deux points forts du bourdieusisme une manière originale de poser les problèmes que les philosophes n’aiment pas affronter en ce qui les concerne, et des intuitions tout à fait dignes d’intérêt, notamment sur la concurrence entre philosophes et journalistes.

 

Toutefois, on retrouve également, hélas, sous la plume de Pinto un trait caractéristique de la faiblesse du bourdieusisme : une tendance à dissimuler sous l’élégance de la rhétorique (mais une rhétorique hélas de plus en plus stéréotypée, à l’imitation du discours du maître) les limites argumentatives de la démonstration.

 

Ainsi, est-il légitime, comme le fait l’auteur, de définir la doxa d’une profession en citant seulement quatre ou cinq déclarations de professeurs de lycée dont les caractéristiques sociologiques ne sont elles-mêmes même pas explicitées ? Peut-on décrire la structure du champ observé à partir de statistiques qui datent du début des années 1970 (p. 37 et suiv.) ?

 

Prenons par exemple une affirmation du livre concernant les philosophes médiatiques : « On pourrait distinguer, au sein de cette population, des fractions de style et d'intérêts différents. Alors que le pôle moraliste, d'origine plutôt petite bourgeoise, se consacre soit à la quête d'une sagesse pour aujourd'hui (André Comte-Sponville, Michel Onfray) soit à une critique moralisante du présent aux prises avec la démagogie, la lâcheté et le mensonge (Alain Finkielkraut, André Glucksmann), le pôle des théoriciens issus de la grande bourgeoisie (Elisabeth Badinter, François Ewald, Alain Etchegoyen, Bernard-Henry Lévy, Catherine Clément, Régis Debray, Luc Ferry) fait valoir les qualités éminentes de penseurs ou d'experts accoutumés aux vues synthétiques et parfois même soucieux d'efficacité » (p. 139). L’énoncé est intéressant. Il place le sociologue au dessus de la mêlée intellectuelle, avec un beau principe de classement qui renvoie les recherches de chacun à leurs conditions sociales de production… Sauf que cette construction s’avère finalement assez artificielle et mal étayée. Michel Onfray n’a pas d’origines petites bourgeoises mais ouvrières (son père était ouvrier agricole) ce qui, si l’on en croyait les analyses de La Distinction dans les années 1970, était censé créer un fossé en terme de dispositions académiques par rapport à la petite bourgeoisie. André Comte-Sponville a écrit un ouvrage avec Luc Ferry, ce qui ne dénote pas une grande différence dans les centres d’intérêt, et relativise leur opposition. On a là typiquement une proposition sociologique, à la fois audacieuse et prometteuse, qui dessine deux pôles, moralisateur et a-moral, articulés en fonction de l’hérédité sociale, mais qui, ne reposant que sur onze noms propres, et sans objectivation quantitative des productions citées, est abandonnée au bout de quelques lignes, à l’état de simple intuition personnelle – sans doute parce que l’auteur sait qu’il n’a aucun moyen scientifique d’étayer plus avant les causalités que son classement est censé mettre à jour ; mais alors pourquoi blâmer autant la philosophie d’ignorer les sciences sociales, si celles-ci ne sont même pas capables de mieux justifier leur propre démarche ?

 

En outre, signe des temps, la culture universitaire de la note de bas de page – qui était aussi une manière de payer sa dette aux prédécesseurs célèbres ou méconnus -, déjà mise à mal dans de nombreuses publications de Pierre Bourdieu, semble se perdre totalement chez ses héritiers. Pinto, qui ne glisse aucune bibliographie dans son ouvrage, s’abstient de citer Homo Academicus, un travail pourtant fondateur dans l’analyse des professions universitaires. De même, il omet de préciser que son travail sur les copies du bac trouve un analogue dans le décorticage de celles du concours général, vingt ans plus tôt, par Bourdieu, dans une perspective assez similaire.

 

Néanmoins, on peut lui en donner acte, l’auteur reconnaît lui-même dans son introduction les limites de son exercice : « L’approche sociologique est provisoire, inachevée, interminable, plongeant le chercheur dans la perplexité lorsqu’il découvre, par exemple, que, faute de données de qualité/et ou de volume satisfaisants sur tel ou tel point, il doit se contenter de discerner des régularités globales », écrit-il. Aussi malgré les frustrations et les regrets que suscitent certains chapitres, le lecteur nostalgique de la classe de philosophie de terminale, ou intrigué par la place des « intellectuels » dans le débat politique, se consolera-t-il en trouvant dans cet ouvrage matière à réfléchir sur ces curiosités françaises dont la pérennité est loin d’être gravée dans le marbre.

 

Frédéric Delorca

 

 

 

 

Lire la suite
<< < 1 2 3 > >>