Boboïsme et berlusconisme

Il est donc utile de savoir ce qu'il s'y passe.
Je vous ai déjà parlé de mon amie anthropologue à Rome. Appelons-la Francesca... Une fille qui connaît beaucoup de choses sur l'immigration en Italie, la vie des Capverdiens, des Guinéens, des Somaliens. Elle m'en apprend tous les jours sur la "droitisation" des mentalités en Italie, la fermeture à l'égard des cultures du Sud.
Ce matin elle m'explique (en anglais car c'est ainsi que deux peuples latins dialoguent entre eux désormais)
"The real problem now is that with this government (which reflects also on a local level, as Rome has got a fascist mayor Gianni Alemanno) money for integration and intercultural projects are fewer and fewer.
While a ridiculous amount of money is spent to celebrate Italian roots, Italian traditions, Italian identity etc etc
just one example.
In the last ten years the City Council of Rome, traditionally on the left, funded a big initiative, a festival of one week dedicated to schools who elaborated projects about integration and interculture
It was called "Intermundia", and became one of the main features of the intercultural calendar in the capital
last year the council changed its colour and a bloody fascist gained the chair.
And from this year the same festival, in the same days, will be called "Festival of the Schools "Fratelli d'Italia" (Scuole dei Fratelli d'Italia - Scuole di solidarietà) "Fratelli d'Italia" is the title of our national anthem.
The festival will be aimed at valuing the schools which have made projects about national identiy
and traditions.
My friend is Pierluigi Taffon wrote his PhD dissertation on Intermundia.
That festival was inserted in the wider strategy of the left wing Council to create an image of the capital that was inclusive and positive with migrants and other cultures. The new mayor Gianni Alemanno has a long story of participation to far right activities in the capital especially when he was young and Rome was the centre of daily fights between red and black extremists back in the 70ies and in the first half of the 80ies.
Since he is in charge he was protagonist of some discussed initiatives, first of all the campaing of criminalization of people from Romania, portraited as a people of rapers and criminals after two dreadful episodes of rape in Rome "
Nous avons eu en France des débats dans le sillage de Lasch, Michea et d'autres sur la société de spectacle, les festivités inutiles, l'idéologie bobo Delanoë interculturelle qui dissimulait en réalité une politique de répression à l'égard des immigrés et de mépris pour les intérêts du Tiers-Monde. Mais l'exemple italien montre que, quand cette devanture s'effondre, quand cette fausse gauche bobo perd toutes les élections, quelque chose de très inquiétant peut s'y substituer... Ne le perdons pas de vue...
La caravane gaulliste

Sauf que Caton avait un talent, un charisme, que n'a pas Dupont-Aignan. Mais le profil de jeunesse dans la maison de retraite des vieux gaullistes que présente ce dernier fait un peu cet effet-là. Je doute donc qu'il puisse contrecarrer la sarkozysation de la droite. Car que représente le gaullisme pour les jeunes générations ? Certains en défendent tel ou tel aspect (même Bayrou a tenté de capter une part de l'héritage récemment). Mais pour ce qui est du message dans son ensemble, personne n'en peut rien faire. Le gaullisme sans de Gaulle était déjà bien peu de chose (comme le bonapartisme sans Napoléon), le gaullisme sans les barons du gaullisme n'est plus rien du tout.
Il y a peu j'ai eu une conversation avec Edgar du blog la Lettre volée, qui, en ces temps d'intégration du commandement de l'OTAN, en serait presque à troquer son mendésisme pour le gaullisme. Lui aussi présente peut-être un aspect "catonien". J'ai remarqué notamment combien il voulait croire en un gaullisme émancipateur des peuples, ce que la doctrine du général n'a jamais été. Elle était encore impériale et coloniale à l'époque de la guerre du Biafra, et, à l'intérieur des frontières, le mythe du héros salvateur n'a jamais émancipé personne.
Voilà donc où en sont mes considérations devant l'initiative de M. Aignan. Mais peut-être les militants de DLR démentiront-ils mon sombre pronostic sur l'avenir de leurs croyances.
Voix émiettées

Parallèlement les partis de gauche susceptibles de pencher occasionnellement ou structurellement pour la cause des peuples victimes de l'impérialisme sont crédités dans les sondages de scores honorables - 7 % pour les Verts (à supposer qu'on puisse encore situer les Verts, partisans de l'ingérence humanitaire, dans la mouvance anti-impérialiste), 9 % pour le NPA qui a mené une campagne courageuse pour Gaza, et un petit 4 % pour le Front de Gauche qui pourrait toutefois améliorer son score au terme de la campagne (il faut 5 % pour avoir un élu).
Une histoire de sioux
Leonard Peltier est un militant amérindien Anishinaabe/Lakota, né le 12 septembre 1944, incarcéré depuis 1976 et condamné à deux peines à perpétuité. Il est membre de l'American Indian Movement. L'organisation Amnesty international le considère comme un prisonnier politique, qui "devrait être libéré immédiatement et sans condition" nous dit Wikipedia. Un certain Jean Marc Bertet a écrit sur sa situation dans Le Monde Diplo de décembre 2002. En surfant sur le web je tombe sur un site consacré à sa cause et abandonné en 2004 par son créateur visiblement amer (http://membres.lycos.fr/freepeltier/). On y apprend que le Comité Francophone pour la Libération de Leonard Peltier a été dissout en 2003. Il y a un autre comité de soutien en France sur http://freepeltier.free.fr/. Une pétition circule en sa faveur. Renaud a chanté pour lui. Le comité de soutien états-unien est sur http://www.whoisleonardpeltier.info/.
Pourquoi vous parlé-je de cette affaire aujourd'hui ? Parce que l'indépendantisme des Lakota m'intéresse. A toute personne qui défend l'indépendance du Tibet, il faudrait proposer de défendre d'abord celle des Lakota, car si la culture tibétaine en Chine décline pour cause d'industialisation, celle des Lakota a été parquée, après une spoliation massive des terres. L'injustice dont les Sioux lakota furent victimes est donc de plus grande ampleur. En outre, si l'espérance de vie au Tibet est de 67 ans, elle est de seulement 44 ans chez les Sioux lakota aux Etats-unis.
Si l'on en croit certaines précisions sur Daily Kos, Russell Means qui a proclamé la sécession, ne représenterait qu'une faction des Sioux. Sa tribu située dans la réserve de Pine Ridge à Porcupine n'est qu'une branche de la tribu Oglaga. L'AFP dans sa dépêche du 23 décembre 2007 reprise par le site de l'Atlas alternatif aurait un peu trop vite présenté Russell Means comme le représentant légitime des Lakota. Mais Russell considère les représentants élus des Lakota comme des vendus.
En surfant sur le Net, je trouve encore un reportage sur les propos de Russell Means à propos de Gaza, et un site de soutien. Je ne suis pas certain que tout le programme politique de Russell Means soit crédible. Mais je crois que le mouvement qu'il essaie de lancer est intéressant.
"La journée de la jupe"
Vu hier La Journée de la jupe sur Arte (record d'audience 2,2 millions de téléspectateurs), il me semble que ce film illustre ce qu'écrivait Houria Bouteldja sur l'instrumentalisation néo-coloniale de la lutte des femmes... J'ai été très mal à l'aise et très en colère en le regardant. C'est un mélange d'esthétique américaine (la fascination du flingue, celle qui a conduit à l'élection de Bush et au discours du "choc des civilisations") et d'esprit de croisade laïcard qui non seulement produit des caricatures, mais joue sur l'intime, la sexualité (les questions de viols collectifs, l'effet de séduction aussi que produit Isabelle Adjani, qui a quand même été une icône pour toute une génération). On a l'impression d'un film qui cherche à provoquer une guerre civile parmi les gens issus des anciennes colonies, entre les filles et les garçons, entre ceux qui soutiennent les valeurs occidentales et les autres. C'est incroyable que l'on puisse encore jouer avec le feu ainsi, faire une telle apologie de la violence, trancher dans le vif, dans la chair, de problèmes si complexes. Que les pouvoirs culturels et économiques de ce pays subventionnent ce genre de film, après les catastrophes qu'ils ont déjà provoquées ou cautionnées partout dans le monde.
Le plus triste c'est que beaucoup de profs ont aimé ce film. Sans doute y ont-ils vu l'expression d'un violence qu'ils éprouvent, dont ils se sentent victimes, et qu'ils auraient envie de rendre. Nous voilà devant des écoles détruites par 15 ans de néo-libéralisme, avec des profs devenus les équivalents des petits-blancs à l'époque coloniale, et un système qui, tout en les affaiblissant de plus en plus, flatte leur envie de revanche contre leurs propres élèves.
Voilà qui est on ne peut plus malsain.
Il me semble qu'on ne peut rétablir le dialogue que sur fond d'une rupture politique globale avec la dérive des sociétés européennes que l'on constate depuis 20 ans. Mais comment ?
NB : on peut cliquer ici pour la bande annonce et des extraits, et là pour une interview du réalisateur dans Le Point.
A l'approche du 10 ème anniversaire...

Collon sur son site donne la parole à l'ex ministre des affaires étrangères de la RFY : cf
Commentaires de mon roman (suite)
Hier le commentaire d'un autre ami :
"Le critique de Parutions me paraît un peu sévère, ton roman se lit très bien, c'est écrit avec du style, c'est clair pour la langue et la construction et l'intrigue se suit bien, il y a du suspens, des personnages vivants crédibles , des passages amusants alternent avec des moments élégiaques sur la nature, des notations psycho-sociales intéressantes sur les gens et les situations en Béarn, à Pau, Orthez, dans la montagne et à la campagne, tu amènes bien tes thèmes de prédilection sur la socio et la philo en France aujourd'hui, l'université, le désir d'engagement et la politique avec ses pesanteurs et ses pièges, la possibilité problématique de résistance et les filets de la récupération omniprésente, la génétique aussi ... J'aurais attendu peut-être des développements sur la question écolo, par exemple à propos de la vallée d'Aspe ( souvenir de prof de géo, c'est un cas emblématique des usages de ce milieu, avec le
débat sur le tunnel du Somport), et tu aurais pu mêler ça à ta socio du militantisme local enraciné, mais c'est secondaire. Je n'ai pas été choqué de ton exploitation, habile, du voyeurisme érotique du thème porno ... outre que ça correspond à ta vision éthico-politique de l'importance d'une plus grande franchise, marxo-freudienne? - sur la place du sexe dans l'imaginaire humain, ça fait partie des possibles après tout et la séduction est une stratégie marketing en politique (voir le cas Hamon!); que ton héros se fasse tailler une pipe devant le lecteur ne choquera personne aujourd'hui et ne me gêne pas, après tout nous avons une vie sexuelle et depuis D.H. Lawrence elle s'étale crûment dans les livres sérieux ... la question est celle du sens dramaturgique de l'événement ou du thème et ça entre bien, si je puis dire, dans ton récit. Entre nous, j'ai même trouvé ça bandant: je crois que le sexe hétéro m'excite plus en
image (mentale ou cinéma) qu'en réel ... mais je n'ai pas essayé (une limite peut-être, mais ça ne se fait pas comme ça, quand on manque de spontanéité et qu'on a une éducation classique, il faudrait que je boive, je crois ... ). J'ai trouvé que les thèmes de société étaient tissés entre eux de façon intéressante et que le roman jouait bien son rôle de médiateur de la pensée, sans tomber dans un collage de types abstraits et de digressions.
- J'avoue me demander qui est le narrateur. Entre les premières lignes et les dernières, il y a un décalage: ça me rappelle la remarque (un peu excessive) de Sartre sur Mauriac "Dieu n'écrit pas de roman, M. Mauriac non plus". D'où parle-t-il? Où est l'oeil? Mais ça ne gêne nullement la lecture. Je me demande aussi ce que signifie finalement "la révolution DES MONTAGNES" ... "
Quelqu'un a commenté le livre sur Amazon.fr aujourd'hui.
Einsamkeit
J'ai écrit à 25 ans un texte qui s'appelait Les Fondateurs. Il s'inspirait de l'Odyssée et de l'Enéide. C'était un texte très gratuit, et, en un sens, bien plus libre que ce que je pourrais écrire aujourd'hui, car en ce temps je n'avais pas peur du ridicule. Est-ce un texte ridicule ? Je ne saurais trop dire. Je n'ai guère le loisir de m'y replonger. Je me souviens juste du plaisir que j'avais eu à l'écrire. Plus que du plaisir. C'avait été une étape importante de mon existence à l'époque, quelque chose qui m'aidait à vivre. Aujourd'hui je serais bien tenté de le ressortir de mes cartons. En même temps je redoute tout ce qu'il peut y avoir d'académique et d'au fond très potache dans ce genre de texte, un peu comme une blague des Monthy Python. Je crois quand même que c'était plus que cela.
Le plus tentant dans la reprise de ce livre, c'est qu'elle serait absurde, et donc presqu'aussi libre et gratuite que sa première écriture. Ma problématique personnelle va au delà de cette question éditoriale. Il s'agit simplement d'évaluer si le choix de la solitude dans l'acte d'écriture peut être assumé, répété, contre vents et marées, à 25, 40, 70 ans.
C'est une question aussi pour ce blog : dois-je continuer à le tenir ? si oui, est-ce pour y délivrer des infos d'actualité (comme tant le font), pour faire signe vers des bouquins qui sortent (plus structurés que mes billets rapides), ou pour tout autre chose, quelque chose de personnel ? Je me rappelle cette réflexion de Derrida à propos de l'idiome pur (idios = particulier en grec). Ce serait une langue dont seul le locuteur aurait la clé, une langue inintelligible par autrui. Le sens de l'écriture ne résiderait-il pas par excellence dans cette absurdité finale, pie que le carré blanc sur fond blanc dans l'ordre des arts visuels ? Faut-il rechercher cela : le sollipsisme de la métaphysique ?