Islam et philosophie
Je lisais tantôt sur http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2009-06-22/vous-l-avez-dit-port-de-la-burqa-entre-emotions-et-convictions/920/0/354706
"caroline_chaïma demande la parole : "Laissez parler les premières concernées ! Je suis Française née en France, en pleine campagne picarde, de parents, grands-parents, arrière-grands-parents français et je suis musulmane, je porte le voile intégral et j'ai envie de dire : et alors ? Ce que j'aimerais dire, c'est que je suis heureuse derrière mon voile, j'ai juste décidé de me préserver des regards pervers. Ce n'est ni mon père, ni mon frère, ni mon mari qui m'ont forcée à porter le voile intégral, c'est un choix personnel.""
Voilà encore un exemple en Occident de ce qu'un ami, après avoir reçu le texte sur Foucault et l'Iran dont je parlais dans un commentaire, appelle un "mouvement plus général d'intérêt pour l'islam comme alternative au rationalisme". Je tiens à préciser que cet ami est heideggerien et que certains théologiens musulmans utilisent Heidegger.
Je dois dire ici que si sur le plan politique, je suis pour un dialogue ouvert avec la culture musulmane, sur le plan de l'interrogation ontologique (je n'ose pas dire de la philosophie), je ne vois pas du tout ce que l'islam peut apporter (ni d'ailleurs l'heideggerianisme). A mon sens, une seule question est légitime : pourquoi l'être ? (c'est à dire pourquoi la matière, je précise cela pour éviter les dérives spiritualistes qui étranglent la philosophie occidentale quand elle se confronte à cette question). Or cette question ne peut recevoir la moindre réponsedu point de vue de la rationalité humaine, laquelle pour répondre devrait avoir la faculté d'englober la possibilité du non-être autrement que comme limitation de l'étant, ce dont elle est incapable. Toutes les autres questions posées par la philosophie (qu'est ce que le beau, le bien, pourquoi l'art, pourquoi le politique etc) pouvant être par ailleurs "désamorcées" et renvoyées à leur illégitimité profonde par une approche adéquate sur le mode du "comment" (par exemple "qu'est ce que le beau" est une question qui se désamorce avec "comment le beau", "comment la naissance de l'art", "comment l'aspiration esthétique chez le primate humain", "comment le désir des formes dans le fonctionnement biologique des animaux soumis au mouvement et à la reproduction sexuée) .
Pour moi le rapprochement avec l'Islam en vue de "respiritualiser l'Occident " est un thème hors ontologie, ce n'est que de la construction doctrinale littéraire comme le sont les trois quarts de la philosophie depuis Platon et ce pourquoi je ne me reconnais plus dans la philosophie, sauf à la nommer littérature (et un genre mineur de la littérature, un genre saturé d'idéologie).
On me trouvera bien sévère avec la philosophie, et justement ce petit billet est l'occasion de faire le bilan. Que doit-on à la philosophie ? Son seul mérite à mes yeux aura été d'essayer de construire comme des problèmes universels (donc faiblement engagé dans des croyances, des pratiques, ou des conflits locaux) des dilemmes qui se présentaient en situation de façon "aigüe" : par exemple, qu'est ce que le bon gouvernement des hommes (Platon), quand Athènes se déchirait sur la question de la démocratie, ou qu'est ce que l'homme peut savoir et doit croire (Kant) quand l'Europe était secouée par la crise de l'Auflärung. Ces questions n'ont d'intérêt que comme effort de situer un propos sur un plan universel, sachant que les philosophes européens se sont toujours hâtés d'y trouver des réponses qui n'avaient rien d'universel (un peu comme Descartes qui dans les Médiations métaphysiques révoque en doute toutes les croyances locales qui l'habitaient pour finalement, à l'appui de démonstration sur le cogito, réintroduire une croyance aussi locale que le "malin génie", et finalement la preuve ontologique de Dieu de Saint Anselme).
Le meilleur de la philosophie est le geste vers l'universalité, et c'est la seule partie que, pour ma part, j'en sauverais. Mais en rien l'ouverture à l'Islam, ni à aucune autre croyance ne peut la rendre plus universelle ni plus légitime. L'universalité véritable la philosophie ne la trouve in fine que dans la reconnaissance de sa propre impossibilité comme discours sur l'être et dans son humble effacement devant l'étude attentive du "comment" selon le règles universelles de la logique, c'est-à-dire selon une méthode scientifique.
Robert Fisk à propos de l'Iran

La journée de la burqa
Je regrette, infiniment (euphémisme) que la gauche de la gauche en la personne de M. Gérin, main dans la main avec la sarkozyste Mme Amara, se mettent en tête maintenant d'interdire le port de la burqa et du voile intégral dans notre pays. Quand le sociétal remplace le social, quand la Journée de la jupe devient un film culte, le néocolonialisme et le choc des civilisations ont de beaux jours devant eux.
Ce sinistre projet est clairement islamophobe, c'est le projet des petits bourgeois donneurs de leçons occupés par leur "mission civilisatrice". C'est dramatique.
Je n'ignore pas que beaucoup de femmes sont victimes du machisme dans les pays musulmans, et que la burqa fonctionne comme une prison pour beaucoup d'entre elles.
Cependant je reste libéral en matière vestimentaire. Tout ce qui ne conduit pas à l'incitation au viol et à la corruption des mineurs doit être autorisé. La burqa ne relève pas de ce registre.
En outre je ne peux pas ignorer que 1) le port de la burqa ou du voile intégral est très minoritaire en France, même parmi les musulmanes ; 2) certaines femmes musulmanes souhaitent sincèrement porter ce vêtement qu'elles rattachent à leur tradition.
Si l'on veut libérer les femmes musulmanes, attachons nous à les instruire, elles et leurs frères, leurs maris, et à leur faire une place dans notre société, plutôt que de leur imposer la violence de la loi. Et avant même que de les libérer, commençons par les entendre. Le "projet civilisateur" n'est pas à sens unique, et nous avons aussi à nous laisser "civiliser". Entendons notamment ce qu'ont à nous dire les peuples musulmans. Quand certaines de leurs autorités cultuelles expliquent que les femmes occidentales ploient sous la dictature de la séduction, de l'apparence, du corps mince, du maquillage, du narcissisme et de la volonté de plaire, n'ont-elles pas raison ? Si une loi veut règlementer la "dictature" de la burqa, ne doit-elle pas aussi alors règlementer celle de l'industrie de l'habillement, et celle de l'industrie de la nudité, qui créent tant de frustrations et tant d'inégalités entre femmes jeunes et vieilles, belles et laides ? N'y a-t-il point là un enfer pour les femmes qui n'a peut-être rien à envier à l'enfer de la burqa ? Si le voile, intégral ou non, est pour certains un moyen de soustraire les femmes à la loi de leur marchandisation, c'est un argument que l'on doit entendre, autant que celui des féministes occidentales qui y voient un instrument d'aliénation sans trouver pourtant à redire à la dictature du string. Et faisons preuve de la plus grande circonspection devant ces projets législatifs remplis de bonnes intentions, dont le fondement réel est le refus de comprendre l'autre, la volonté aveugle de lui imposer notre morale, nos valeurs, notre propre aliénation. Il est vrai qu'on oublie si bien ses propres chaines en prétendant libérer autrui...
Un ami me disait que nous devrions créer un mouvement "Pas en notre nom" comme le mouvement anti-guerre de 2002 qui s'exprimerait à chaque aberration de nos gouvernants en matière de politique étrangère ou de relation avec le cultures que leurs erreurs n'engagent pas les citoyens qu'ils entendent représenter. Le thème de la loi sur la burqa serait un bon sujet pour ce genre d'action. Et si demain la burqa venait à être interdite, nous devrions tous, hommes et femmes, sortir dans cette tenue en signe de refus de ce totalitarisme de la political correctness.
Nouveau tracker

Bilan mitigé pour l'heure. C'était un mauvais jour pour mon blog parce que je n'ai posté aucun article d'intérêt général depuis 48 heures. Le compteur affiche un piètre chiffre de 10 visites pour la journée de vendredi alors que d'ordinaire nos chiffres tournent autour de 30-40 selon les statistiques d'overblog. Près de la moitié de ces lecteurs sont des belges (Diest, Bruxelles, Namur), le reste des français (Boulogne-Billancourt, Lyon, Hyères, La Rochelle), je ne sais qu'en conclure.
Une des difficultés du décompte sur le blog de Delorca est que ce chiffre de 10 visiteurs est très inférieur à celui que fournit pour la même journée le compteur d'overblog qui, lui, compte 28 visites, dont seulement 29 % viendraient en accès direct. On a le sentiment que le décompte du tracker exclut tout ce qui arrive au blog via des mots clés.
Un hiatus existe aussi pour le blog de l'Atlas alternatif, mais dans l'autre sens puisqu'overblog recense 37 visiteurs alors que le tracker en compte 43 en 24 h. Ces deux chiffres rejoignent les statistiques habitiuelles, le blog étant encore boosté notamment par mon article sur l'Iran qui avait déjà attiré 120 visiteurs la première journée, et qui représente encore la moitié des motifs de visite aujourd'hui (bien que cet article ne soit repris par aucun blog, les gens le font circuler par email). Par nationalité, les visiteurs sont aux 2/3 français, avec cependant 5 belges, 3 suisses, 2 canadiens et 2 lecteurs du Maghreb (Tunisie et Maroc) ainsi qu'un ouzbek (qui a lu l'article Ouzbékistan). Côté français on relève une assez grande dispersion sur le territoire (dont j'ignore si elle reflète la diffusion de l'Atlas alternatif). 4 connexions dans le nord-ouest (Bretagne-Normandie) 2 dans le grand sud-ouest (1 dans le Limousin, 1 en Roussillon), 2 dans l'Est (Dijon, Strasbourg), 2 à Bourges (on ne sait pas pourquoi), 3 dans le Rhône-Alpes, 6 en Ile de France (dont 2 à Paris), 1 à Toulon, 1 dans le Nord-PDC. Ce qui est très satisfaisant, c'est de toucher des petites villes comme Noisiel (15 000 habitants Ile de France), Viry (3 000 Rhone Alpes), Bihorel (9 000 Normandie),Voiron (19 000 Rhone Alpes), Hennebont (13 000 Bretagne), Tremblay (1 400 Bretagne), Collioure (2 700 Roussillon), Ste Foy lès Lyon (21 000 Rhone Alpes), Montigny-en-Gohelle (10 000, Pas de Calais, où l'on s'intéresse visiblement au Myanmar). Compter presqu'un quart de ses lecteurs dans des communes de moins de 30 000 habitants, cela signifie que l'on compense via Internet les concentrations de bibliothèques et de points de presse dans les grandes villes.
Bon pour le moment je m'en tiendrai là, et réessaierai un décompte un jour où j'aurai un peu plus de lecteurs. Je sais ce que vous allez dire : que 40 lecteurs ce n'est pas terrible. Mais notez que mes blogs de présetent ni filles nues, ni recettes de cuisine, ni propos bateaux sur l'avenir du PS ou de Barroso comme tant d'autres, vu la spécificité de mes problématiques, je ne peux pas prétendre attirer les foules.
L'Islam au resto pakistanais

Le chef a repéré ce livre dans mes mains. Le dialogue s'est engagé :
"C'est quoi que vous lisez ? le bouddhisme ?
- Oui.
- Vous êtes bouddhiste ?
- Non, je le lis par curiosité.
- C'est de quelle époque le bouddhisme ?
- Il y a 2 500 ans.
- Ah oui ?"
A ce moment là j'avais oublié que le patron était pakistanais, je pensais qu'il allait comparer le bouddhisme à l'hindouïsme. Mais il est juste resté là pensif; puis il a enchaîné :
"Et Adam, quand il a quitté le Paradis terrestre, c'était quand ?"
J'ai songé qu'il était peut-être un chrétien d'Inde. J'ai juste dit
"Oh ça, Adam c'est la religion chrétienne"
Il s'est exclamé "Oh oui, oui, mais pour moi toutes les religions me conviennent !".
Et il a poursuivi : "J'ai un livre à la maison : toute l'histoire depuis Adam au dernier président Musharaf. Mais j'ai toujours du mal à dater les choses.A chaque fois je me dis ' c'était quand ?' "
Je n'ai pas voulu heurter sa foi. J'ai seulement répondu "Adam on ne peut pas savoir quand il existé"
Ma réponse a eu l'air de le satisfaire. La réflexion de ce type "toutes les religions me conviennent" m'a rappelé M. Rachid. Toujour scet Islam englobant qui peut s'accomoder de tout puisqu'il est censé avoir le dernier mot sur tout, être le dernier mot de tout. N'empêche que les petits commerçants orientaux m'étonnent toujours : l'endroit où ils placent leur curiosité, la façon dont ils l'expriment.
A propos de l'Islam, le Dissident internationaliste hier m'a sorti toute une théorie politique : "La notion de pouvoir de droit divin, m'a-t-il dit, est une notion chrétienne, pas musulmane . Les musulmans ne peuvent pas considérer qu'un pouvoir vient de Dieu, c'est de la mécréance à leurs yeux. Ils pensent que les hommes doivent construire un pouvoir s'appuyant sur les règles divines, ce qui est autre chose, puisque les règles divines sont établies en principe à partir d'une libre discussion des textes divins et les non musulmans sont censés pouvoir se gouverner selon leurs propres lois au sein d'une société musulmane. (cette liberté est dans les faits entravée très souvent certes, et pour les musulmans et pour les non musulmans !!!)
On peut évidemment discuter ces principes aussi, mais ce n'est quand même pas la même chose que le pouvoir de droit divin, puisque le droit à la révolte contre un souverain injuste est censée être la base de l'islam (certains disent que c'est la raison des dictatures, car aucun musulman ne peut accepter longtemps de se soumettre à un pouvoir, alors il doit être doublement autoritaire pour imposer la peur puisqu'il ne peut pas imposer la servitude volontaire).
Il y a un hadith qui dit :
' Quand tu te trouves devant un souverain injuste, lève ta main contre lui, et Dieu sera de ton côté
Si tu ne peux pas le faire, alors lève la parole contre lui, et Dieu sera de ton côté
Si tu ne peux pas le faire, alors pense contre lui, et Dieu sera de ton côté (mais cela sera compté comme le plus petit degré de la foi).'
La différence fondamentale avec le christianisme, un peu comme dans les pays de l'Est avant 1989, est qu'on apprenait aux gens qu'ils sont libres et ne doivent aucune soumission au pouvoir humain ...après quoi on verrouille. Mais le point de départ reste quelque part le droit à la révolte.
Chez les chrétiens traditionnels (pauliniens disons) on verrouille au niveau du surmoi (et ensuite de la police), chez les autres on verrouille au niveau de la police.
C'est même une des thèses des évolutions dictatoriales de ces sociétés musulmanes (ou bolchéviques ?). Puisqu'au départ on annonce aux gens leur droit à une liberté totale, de peur qu'ils en profitent, on verrouille totalement le pouvoir, encore plus durement.
C'est un argument qu'on retrouve par exemple presque clairement chez Saddam Hussein qui parlait de ce peuple libre d'Irak qu'il es difficile de canaliser sans réprimer ...Et Rafsjandjani il y a quelques années dans une interview assez franche portant sur l'Irak en guerre civile avait dit quelque chose du genre : avec un peuple libre comme les Irakiens, pour qu'il marche à peu près droit, il n'y a que des dirigeants comme Saddam Hussein qui en sont capables..."
J'ai fait remarquer que la question restait de savoir si cette "philosophie" de Saddam hussein ou de Rafsandjani puise vraiment ses racines dans la conception musulmane de l'homme, ou s'il ne s'agit pas d'une croyance de café du commerce comme quand Pétain disait qu'avec un peuple querelleur (et donc libre) comme les gaulois/français il fallait une main de fer pour les encadrer (et j'ai entendu ça aussi chez les Serbes).

Mon pote que nous appellerons dorénavant "le Sandiniste" est revenu de Savoie où il a passé le weekend avec l'Octogénaire révolutionnaire (un type qui a combattu aux côtés de Castro et du Che et qui bosse encore pour la société venezuélienne Petrocaribe). Il m'a passé un coup de fil. L'Octogénaire lui a donné plein d'idées sur ce que nous pouvons faire pour notre mouvement anti-impérialiste, et le Sandiniste en est revenu requinqué.
Le débat sur Téhéran
Hé voilà, ça n'a pas raté : la gauche antiimpérialiste s'offre une nouvelle fois un débat bien pourri sur ce qu'il faut penser de la "révolution colorée" de Téhéran. Tous les ingrédients sont là, y compris l'accusation - formulée à demi mots, avec un petit sourire entendu en coin de lèvre, comme d'hab - de "rouge-brunisme" pour quiconque ne saute pas au plafond de joie devant le spectacle des jeunes femmes des quartiers riches de Téhéran qui descendent dans la rue maquillées comme des carrés d'as avec un foulard vert sur le visage.
Certains comme le Scientifique belge, allergique à la religion, veulent croire que Moussavi n'est pas le valet d'une nouvelle Fondation Soros, et qu'il incarne une troisième voie entre les partisans de la capitulation devant l'Oncle Sam et les partisans d'Ahmadinejad, comme naguère en Serbie Kostunica entre Milosevic et Djindjic. Who would believe it ?
Des questions intéressantes surnagent au milieu de tout ça comme celle de savoir si une femme est plus libre en string, exposée au regard concupiscent ou dépréciatif des hommes, ou en tchador soustraite au jeu de la séduction. Un ami a rappelé que les Iraniennes ont imposé le tchador en 1979 alors qu'il était interdit sous le shah. Pour elles c'était à l'époque une libération d'une mode que la plupart ne pouvaient pas atteindre quand bien même elles l'auraient voulu. La police du shah tirait sur les millions de manifestantes portant le tchador interdit ...
Mais une fois de plus le débat en France est plombé par les procès d'intentions, les donneurs de leçons de pureté "démocratique" à gauche sont à la fête, et tout le monde est sommé de prendre le parti de Moussavi (soutenu par les grands médias de nos contrées) sans chercher à problématiser quoi que ce soit.
Chavez, la critique et le commandement
Chávez responde a intelectuales de izquierda que critican su
Elections iraniennes

Le contraste entre ces deux positions montre la difficulté pour la gauche anti-impérialiste de définir une pensée cohérente à propos de la République islamique d'Iran. Ce régime ne peut pas plaire à la gauche depuis le début (depuis 30 ans) puisqu'il s'est construit sur la liquidation des forces révolutionnaires socialistes et laïques iraniennes au profit de la petite bourgeoisie de ce pays.
Ahmadinejad lui-même inspire de la méfiance pour des raisons spécifiques. Une partie de ces raisons relèvent de la désinformation pure et simple, par exemple ses déclarations sur la nécessité de rayer Israël de la carte sont une déformation grossière de son propos initial. Certaines autres de ses initiatives sont pour le moins maladroites voire stupides comme son coup de pouce aux négationnistes en organisant une conférence à leur profit à Téhéran "au nom de la liberté d'expression", d'autant qu'il semble que lui-même en réalité ne remet pas en cause l'existence de la shoah. Cette provocation à l'égard de l'Occident n'avait pas beaucoup de sens. Il est difficile de voir clair dans la position de l'Iran en ce moment sur la judéophobie. On sent que se mêle dans leur vision le paternalisme protecteur habituel de l'Islam, l'antisionisme (justifié selon moi), et une importation de certaines visions complotistes nauséabondes, venues de l'extrême-droite occidentale du 20ème siècle, et qui est ce qu'il peut y avoir de plus détestable en fait dans l'idéologie iranienne en ce moment.
A cela s'ajoute évidemment un mépris pour les libertés formelles (notamment les droits des minorités) qui n'a rien à envier à ce qu'on trouve en Arabie Saoudite, en Egypte, en Syrie.
Ceci étant posé, deux éléments doivent être pris en compte avant d'entrer dans l'engrenage de la diabolisation d'Ahmadinejad. Dans les relations internationales aujourd'hui, on ne peut pas prendre position comme si l'on vivait dans la République de Platon ou tout autre monde idéal. Nous sommes dans un monde de rapport de forces. Ahmadinejad est une pièce importante dans le jeu de ceux qui refusent de réduire la Palestine au statut de bantoustan (ce qu'elle deviendra nécessairement si le point de vue de Mahmoud Abbas s'y impose). Ahmadinejad est un des rares leaders musulmans à mener une politique active de soutien à la résistance armée palestinienne. C'est aussi un des rares leaders du Proche-Orient à jouer avec conviction la carte du non-alignement aux côtés de Chavez, de Morales et de Mugabe. Enfin, son aspiration - qui est aussi celle de l'ensemble de la population iranienne - à pouvoir se défendre au moyen de l'arme nucléaire alors que le pays est encerclé par les bases militaires étatsuniennes et menacé par les missiles nucléaires israéliens et américains - me paraît on ne peut plus légitime.
On peut regretter d'avoir à créditer M. Ahmadinejad de ce genre de choses, mais voilà à quoi la folie impérialiste occidentale - avec la complicité des opinions publiques - nous conduit, et il faut faire avec.
Personnellement je ne partage pas les inquiétudes de certains sur la prétendue folie du dirigeant iranien. C'est un homme qui n'a pas un pouvoir infini puisqu'il est pris dans un jeu d'équilibre de pouvoirs subtil, notamment avec le pouvoir théocratique qui le surplombe. A titre personnel il a l'air d'être un homme de bonne volonté, intègre, issu des classes populaires (ce qui est rare dans ces régions). C'est à l'origine un ingénieur compétent, et courageux - car il s'est battu dans les rangs des gardiens de la révolution pendant la guerre Iran-Irak, porté aussi sur la poésie si l'on en croit son blog (mais c'est un trait répandu en Iran). On peut ne pas aimer ses idées qui sont très largement celles du régime de Khomeyni depuis son origine : un univers moralisateur qui se teinte d'une mystique du sacrifice un peu trop sanguinolante (ici le chiisme rejoint le catholicisme). Mais il faut reconnaître qu'il l'oriente dans un sens souvent pragmatique, et, en tout cas, encore une fois dans le sens du non alignement du Tiers-Monde, ce qui est en soi une bonne chose.
D'un point de vue de gauche, je ne peux pas être enthousiaste pour Mahmoud Ahmadinejad, mais il me faut, comme Chavez, prendre acte de ce qui dans sa politique va plutôt dans le sens de la libération des peuples, tout en sachant que, s'il est renversé, ce n'est pas le régime socialiste rêvé par les trotskistes et le PCF qui s'imposerait en Iran, mais, vraisemblablement, une sorte de régime parlementaire néo-libéral subventionné par les Etats-Unis qui signerait un traité de paix avec Israël et abandonnerait aussi bien la cause des pays déshérités que celle de la Palestine.
Vendredi dernier dans une dépêche de Reuters, le chef des gardiens de la révolution islamique Yadollah Javani dénonçait une "révolution de velours" (par analogie avec la Tchécoslovaquie de 1989) et une "révolution de couleur" (par référence à l'Ukraine notamment). Les médias occidentaux ont parlé de "révoution verte" (cf ci dessous une vidéo occidentale en faveur de l'adversaire d'Ahmadinejad qui devrait faire fuir tous les citoyens conscients des manipulations impérialistes dans le monde, une vidéo qui, comme il convient de nos jours, cherche surtout à brouiller les cartes, situant Moussavi à la fois du côté des aspirations pro-occidentales d'une certaine jeunesse bourgeoise, et du souvenir de la résistance au Shah - avec en prime une défense de "l'intifada électronique" - aider la Palestine sur Facebook, c'est mieux que dans la réalité). La gauche anti-impérialiste même si elle n'aime pas le régime iranien ne peut entrer dans cet engrenage là. La position qui me paraît la plus opportune à l'égard d'Ahmadinejad, même si elle est difficile à tenir, est du côté de la neutralité à l'égard de l'Iran.